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L’EQUILIBRE ECONOMIQUE
Le fragile équilibre économique du capital mondial a été irrémédiablement brisé l’année passée. Le Tiers-monde a sombré encore plus dans l'appauvrissement et le déclin tandis que les prix des matières premières dont dépendent ces économies se sont effondrés. Pour prendre un exemple, l’indice des prix mondiaux des métaux recueilli par l’"Economist" a chuté de 245,8 en mai 1974 à 111,8 en septembre 1975 -une chute qui a pratiquement ramené l'indice au niveau prévalant en 1970. Même les apparents eldorados de ces dernières années, les Etats producteurs de pétrole comme 1!Iran et Arabie Saoudite ont dû rogner vigoureusement dans 1eurs à ambitieux projets de développement.
Dans les métropoles capitalistes, la crise a rapidement dépassé ses premières manifestations comme crise monétaire même si les répercutions de la dislocation du système monétaire international et l’inflation galopante gagnent en intensité.
Maintenant, la crise se manifeste dans le procès de production des valeurs matérielles lui-même. Le jugement selon lequel nous sommes pleinement et clairement dans une crise générale de surproduction est aujourd'hui incontestable.
Aux U.S.A, 31?S des capacités de production restent inactives aujourd' hui 5 au Japon, plus d'un cinquième de la capacité industrielle reste inemployé. Avec une capacité de production annuelle de douze millions de voitures, l'industrie automobile européenne ne va pas produire plus de huit millions de véhicules en 1975.
Le tableau qui suit montre l'ampleur de l'affaissement de la production industrielle, qui a été sans précédent depuis la crise des années 1930.
Production - variation en pourcentage du second quart de 1974 au second quart de 1975.
Le déclin de la production est maintenant ressenti dons le bloc de l’Est également, où les planificateurs russes ont dû admettre en décembre que la production a seulement augmenté de 4$ au lieu des 6,5$ prévus. Ce dernier chiffre étant lui même un objectif qui avait été, deux ans auparavant, sérieusement révisé en baisse quand les bureaucrates ont découvert qu’ils devaient "planifier" les effets destructeurs d'une crise qui rend risible toute tentative de planification capitaliste.
Le fléchissement de la croissance du commerce mondial, qui a suivi le "boom" inflationniste de 72-73, a produit eh 75 la première diminution en volume du commerce mondial depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les profits, qui sont 1'indice le plus précis de la santé de l'économie capitaliste, ont chuté de manière encore plus catastrophique eue la production et le commerce mondial, An Japon, lès bénéfices des sociétés ont chuté de 47 $ durant les six premiers mois de 1975. Les sommes substantielles mises en épargne, pendant les années du "boom" sont maintenant incorporées dans les bilans, les profits ont en fait diminué de 70 $ environ. Un quart des compagnies répertoriées à la bourse de Tokyo ont fonctionné à perte cette année. En Allemagne, les grands trusts chimiques qui avaient lancé le "miracle économique" ont vu leurs énormes bénéfices se dissoudre: Bayer a vu ses bénéfices pour 6 mois diminuer des 2/3, BASF de moitié. En Grande-Bretagne, beaucoup parmi les plus importantes entreprises ont dû se mettre sous l'aile protectrice de 1' Etat pour éviter la fermeture ou la faillite : Burmah Oil, Ferranti, Alfred Herbert, British Leyland, Chrysler U.K., et toute l'industrie de construction navale.
Le Trésor estime que le taux de profit du capital placé dans l'industrie britanniques est tombé de 11,5 $ à 4,5 en 1974. En Italie, pratiquement tous les grands groupes industriels (étatisés ou "privés") perdent de l'argent et sont étouffés par le paiement des énormes intérêts des dettes contractées les années passées pour rester à flot. Le gouverneur de la Banque Centrale a recommandé que la part de dette de l'industrie envers les banques soit convertie en actions, ce qui constituerait de fait une nationalisation car les grandes banques sont propriété de l'Etat. De son côté> la Fédération des patrons, la Confindustria, a demandé d'urgence un moratoire d’un ou deux ans sur le paiement des intérêts comme étant le seul moyen de sauver 1’économie italienne.
Aux Etats-Unis, qui furent les architectes de l'équilibre économique provisoire établi après la IIème Guerre Mondiale aussi bien que les principaux bénéficiaires du repartage du marché mondial affecté par le carnage impérialiste, les profits dans toutes les industries de base se sont écroulés comme un château de cartes sous l'impact de la crise.
LE STATU-QUO ENTRE LES CLASSES.
L'effondrement de l'équilibre économique, si soigneusement reconstruit à la suite de la boucherie inter-impérialiste de 1939-45, a déjà sévèrement perturbé le fragile statuquo social qui reposait sur lui et qui ne pourra lui survivre. Avec le profond déclin de la production, du commerce mondial et du profit, le capital se débarrasse lui-même de cette partie de la force de travail qui devient superflue. A travers le monde, une immense armée de chômeurs, à la croissance rapide, atteste le seul futur que le capitalisme décadent peut la misère de plus offrir au prolétariat en plus profonde.
La croissance massive du chômage les années passées a déjà sonné comme un avertissement aux oreilles de la bourgeoisie dont les représentants les plus intelligents voient dans cette masse de prolétaires amers un des éléments qui menace de s'unir dans l'armée de la révolution mondiale.
Les statistiques officielles ne donnent en fait qu'une pâle indication de 1' extension du chômage dans les nations capitalistes dominantes. Aux USA, comme 1'attestent même des politiciens et économistes bourgeois, un calcul plus précis du nombre de chômeurs montrerait que ce sont plus de 10 millions de travailleurs qui sont privés par la crise de leur moyen d'existence. Une étude de la Banque d'Angleterre qui essaie d'unifier les calculs en ajustant les différences dans les méthodes de calcul utilisées par différents gouvernements, montre qu'en France il y avait déjà 1.150.000 chômeurs en avril (Financial Times, 20 juin 1975), un nombre qui a certainement dû s'accroître depuis. En Allemagne, le chiffre officiel ne tient pas compte des 300.000 travailleurs immigrés expulsés depuis mars 74 et du million de travailleurs inemployés à temps partiel. Les statistiques japonaises sur le chômage ignorent les travailleurs saisonniers qui ont été licenciés, ne tiennent pas compte-du chômage partiel ces travailleurs qui ont été contraints de quitter "volontairement" leur travail ou de "prendre des vacances" imposées qui cachent les fermetures temporaires. Une estimation plus réaliste du nombre de chômeurs véritable au Japon devrait au moins se situer vers 2 millions. Sur la base d'estimations raisonnables et précises des gens sans travail en Europe de l'Ouest, Amérique du Nord, Australie et Japon, il y a aujourd'hui au moins une masse grandissante de 21 millions de chômeurs.
La croissance énorme du nombre de chômeurs est seulement l'un des signes de la détérioration du niveau de vie de la classe ouvrière. D'un côté une part croissante du prolétariat doit faire face à la perspective d'être jetée sur le pavé par la bourgeoisie qui cherche à licencier les ouvriers en rapport avec la contraction des marchés avec l'espoir de rétablir un taux de profit plus élevé en extorquant encore plus de plus-value d'un plus petit nombre d'ouvriers. De l'autre côté, ces travailleurs qui n'ont pas été expulsés du procès dé production et que la crise condamne à une intensification incessante de l'exploitation dans les usines, ont vu leur salaire réel sévèrement amputé par la prodigieuse augmentation des prix des biens de consommation. Dans beaucoup de pays, en dépit de la croissance du chômage, les prix de consommation (alimentation, loyer, vêtement) augmentent encore plus vite qu'en 1974 :
A travers l'Europe Occidentale, 1'Amérique du Nord, l'Australie et le Japon, les prix de consommation ont augmenté à la moyenne de 11% entre août 74 et août 75.
Le prolétariat dans les pays de l'Est a aussi commencé à ressentir tout l'impact de la crise mondiale. En Yougoslavie, il y a plus d'un demi-million de chômeurs, tandis que l'augmentation du coût de la vie a été de 30fi l'année passée. En Russie et dans les autres pays de l'Est, même si le chômage peut être caché, rien ne peut dissimuler aux travailleurs l'augmentation palpable du taux d'exploitation qu'imposent 1eurs patrons capitalistes. De plus, le prolétariat est soumis à une augmentation dévastatrice et continuelle des prix des produits de consommation alors qu'au même moment il y a une pénurie massive et grandissante des produits de première nécessité. En décembre, les travailleurs polonais se sont vu annoncer "qu’une politique flexible des prix" remplacera le blocage des prix sur les produits d'alimentation de base. Quelques prix d'alimentation sont gelés depuis l'insurrection ouvrière de 1970 - 71, mais le seul résultat de ce blocage des prix est depuis longtemps de produire une pénurie accrue pour ces produits. L'effet de la planification capitaliste en Pologne, qui a permis l'exportation de quelques rares produits d'alimentation à l'étranger, peut se voir aussi dans le problème du logement où il y a maintenant une liste d'attente pour les appartements de plus d'un million et demi de familles. En décembre aussi, la Hongrie a annoncé la troisième augmentation importante des prix cette année sur un grand nombre de produits d'alimentation et de consommation.
Sous la poussée de la crise mondiale qui s'approfondie, avec la paupérisation grandissante du prolétariat qui en découle, le statuquo entre les classes qui a déjà commencé à se fissurer avec la venue de la crise à la fin des années 60, est brisé. L'année passée, la lutte de classe s'est intensifiée et généralisée, confirmant l'analyse de notre courant selon laquelle la perspective qui s'ouvre avec la crise est celle de la guerre de cl asse, de la révolution prolétarienne.
Au Pérou, en février 1975 les émeutes et les batailles de rue de Lima contre lesquelles la junte militaire de "gauche" a répondu par une répression sauvage causant la mort de centaines de personnes, l'arrestation de milliers de manifestants, et par la déclaration de l'état d'urgence furent» le sommet d'une importante vague de grèves : en août 1974, 15 000 mineurs du Centromin-Pérou, propriété de l'état se mettent en grève; en décembre 25 000 mineurs de cuivre se mettent en grève. Au Venezuela, durant l'hiver 1975, les mineurs, dans les mines de fer récemment nationalisées, lancent une grève dure. En Argentine, des dizaines de milliers de travailleurs sont en grève de Villa construction à Cordoba, de Rosario à Buenos Air es f du printemps à l'été. La vague d'occupation d'usines et la défense armée des quartiers ouvriers face à la répression brutale de l'armée et de la police, marquent la combativité grandissante du prolétariat en réponse à la crise.
En Chine, l'année 1975 a vu une vague de luttes ouvrières en réponse aux mesures d'austérité; l'Etat a réagi en envoyant des troupes dans les régions concernées pour briser les grèves et restaurer la production. En Septembre on a annoncé que 10 000 soldats ont été envoyés à Hengchow pour restaurer la production dans treize usinés. La très large utilisation de l'armée dans les mines de charbon, les centres sidérurgiques et de nombreuses autres industries donne une indication de l'étendue de la réponse du prolétariat chinois contre, à la fois, la détérioration de son niveau de vie et celle des conditions de travail que l'Etat veut lui imposer.
En Europe de l'Est, 1975 a aussi apporté de nouvelles évidences de la résistance prolétarienne aux attaques de la crise du capital mondial. Les grèves le ralentissement du travail, les actions de protestation et les sabotages ont augmenté partout. En Pologne, l'Etat a réagi en novembre, de lourdes amendes contre l'absentéisme ont été introduites et toute une série d'autres mesures disciplinaires sont annoncées comme prochaines. Avec en mémoire l'insurrection de1970 encore présente dans leurs pensées, les leaders politiques et les syndicats officiels ont fait une tournée des usines pour convaincre les travailleurs que les "conquêtes" des années passées peuvent être misés en danger par une "agitation stérile".
En Europe de l'Ouest, 1975 a amené une dramatique poussée de l'importance et de 1'intensité des grèves, terminant ainsi l'accalmie relative dé 1973-74 qui avait succédé à la vague de grèves débutant en 68. L'hiver dernier, des centaines de milliers d'ouvriers espagnols ont entrepris des grèves massives En janvier et février, la vague de grèves s'étend de Pampelune à Barcelone dans le nord, à travers la région de Madrid, vers 1'Andalousie au sud. En mars, les faubourgs industriels, de Bilbao sont le théâtre de grèves très dures, tandis qu'en avril, la vague culmine un moment avec la grève des 3000 ouvriers de la Casa Renault à Valladolid
En Italie, la fin du mois d'avril voit une grève sauvage des conducteurs du réseau de transports de Milan (ATM) qui était dirigée aussi bien contre les syndicats que contre les employeurs. En France, pendant le: printemps, la classe ouvrière a répondu aux licenciements et à la fermeture des usines dans l'industrie automobile, la sidérurgie, métallurgie, les journaux, les transports et les services publics par une vague de grèves que les syndicats ont provisoirement réussi à contenir mais avec de plus en de difficultés. En avril, plus de 50 usines étaient occupées tandis que le nombre de grévistes s'élevait à 100 000 par jour.
Aux Etats-Unis, l'été dernier, une grève sauvage des mineurs de charbon de la Virginie de l'Ouest, dirigée contre la collusion des syndicats et des propriétaires, s'est étendue en quelques jours, jusqu'à englober 80 000 des 125 000 mineurs de charbon du pays. Les efforts combinés des syndicats, des patrons, des cours de justice et de la police ont été nécessaire pour mettre fin à la grève qui a duré un mois et qui a complètement paralysé l’industrie du charbon.
Les années écoulées, la lutte de classe a continué à se développer, se répandant de pays en pays, touchant de plus en plus de secteurs industriels et incluant un nombre grandissant de travailleurs. Cependant, en dépit de leur extension et de leur intensité, qui témoigne de la combativité d'une génération de travailleurs qui n'a pas connue la défaite, ces luttes ont seulement ouvert une brèche mais n'ont pas encore brise les remparts corporatistes nationaux, et syndicaux, qui constituent les derniers bastions du capital contre la tempête prolétarienne menaçante. Une accalmie s'est momentanément installée sur le champ de bataille de classe pendant laquelle le prolétariat assimile les leçons de sa lutte récente et la bourgeoisie se prépare à affronter la classe ouvrière. Le calme avant le nouveau soulèvement qui germe déjà profondément dans le tréfonds de la société bourgeoise en déclin coïncide avec les bavardages concernant une reprise économique.
LA REPRISE : REALITE OU MYTHE?
Le prestigieux Economist de Londres a signalé une augmentation de la production commençant le printemps dernier au Japon, et cet été aux Etats-Unis et en Allemagne de l'Ouest, comme le signe annonciateur d’une reprise, ceci après la pire dépression depuis celle des années 30 :
"Les six plus importantes nations industrielles : USA, France, Japon, RFA, Grande-Bretagne et Italie, représentant environ à elles toutes 80% de la production industrielle. Après qu'elles se soient rencontrées au sommet de Rambouillet, chacune voit des hirondelles dans son ciel, et espère qu'elles sont le signal du printemps qui s'annonce. (15 nov. 75, p.
Ainsi l’Economist prévoit d'une manière très optimiste une élévation de leur PNB à toutes les six pour 1976, dans le cas des Etats-Unis et du Japon, une croissance solide de 6 $. Les cercles dirigeants aux USA parlent d'une manière encore plus confiante ; plus de doutes à ce sujet : la reprise des 11 affaires est vigoureuse, plus vigoureuse même que les optimistes ne l'attendaient" (borness Week, 3 nov.1975, p. 19).
Une partie non négligeable de la bourgeoisie partage le point de vue du premier ministre français Chirac, disant "on commence à voir le bout du tunnel".
Les marxistes n'ont jamais affirmé que dans une crise généralisée de surproduction, qui avec les périodes de guerre impérialiste et de reconstruction nationale constitue le cycle barbare du capitalisme décadent, la production baisse constamment, suivant une ligne droite descendante. Une crise sera toujours ponctuée par de faibles et courts sursauts de la production ou même par une augmentation conjoncturelle pour un capital particulier (national). Cependant, seule la bourgeoisie peut confondre une telle pause dans le déclin de la production avec les signes d'une reprise. Le prolétariat a appris une cruelle leçon selon laquelle à une époque de capitalisme décadent, la seule "reprise" qu'après une crise générale de surproduction la société bourgeoise peut avoir se situe après le carnage d'une nouvelle guerre mondiale.
Tandis que l'Etat capitaliste a assumé de manière croissante l'ensemble de chaque économie nationale depuis la crise mondiale des années 30 sans éliminer l'anarchie de la production qui est le stigmate du système capitaliste, la tendance générale vers le capitalisme d'Etat a rendu possible le tassement de la crise. Mène si l'appareil du capitalisme d'Etat a permis d'éviter un effondrement total de la production par le recours au programme inflationniste, le produit inéducable de l'inflation avec ses déficits budgétaires massifs, représente par la suite un affaiblissement de la compétitivité du capital national sur le marché mondial et une tendance prononcée vers une hyperinflation. Une telle situation nécessitera alors une déflation énergique pour éviter un effondrement de l'économie, qui produirait rapidement une crise de liquidités, une avalanche de banqueroutes et une nouvelle chute de la production. De plus, de là manière que la déflation, d'une part produit un effondrement industriel, d'autre part ne fait que ralentir, sans l'arrêter l'inflation galopante, les programmes inflationnistes ne font que ralentir le déclin de la production sans pouvoir renverser la tendance, et de plus produit un boom de l'inflation. Bieri avant que la déflation puisse arrêter l'inflation galopante, elle produirait un effondrement général du système à travers l'asphyxie. Bien avant que la relance puisse éliminer la sous-utilisassions, des capacités industrielles, elle produirait l'hyperinflation et donc l’écroulement de la production. L'économie mondiale est aujourd'hui condamnée à osciller entre des poussées d'inflation et de dépression de plus' en plus dures quelque soit le plan que l'Etat capitaliste adopte.
La reprise, dont la bourgeoisie elle-même essaie de se convaincre de la réalité est condamnée à être morte née. Les signes d'une reprise apparente sont dus à deux facteurs :
- D’abord, une halte temporaire d'une sévère politique de déstockage que l'industrie a entreprise depuis plus d'une année pour, faire face aux marchés sur saturés; et l'élan qui en découle dans la production quand l'industrie recomposées stocks dégarnis.
- Ensuite, la diminution des taxes et 1' accroissement, des dépenses publiques que les différents Etats leadeurs du capitalisme ont entrepris dans un effort désespéré pour soutenir la production et éviter un chômage encore plus important (avec le soulèvement social qui en serait le résultat inévitable).
Aucun de ces facteurs ne fournit les bases pour une reprise réelle. La reconstitution des stocks sera rapidement achevée dès que ceux-ci se heurteront aux réalités du marché mondial rétréci, et sans un nouvel élan, une nouvelle période de liquidation des stocks devra commencer. Le déficit budgétaire sans précédent qui a été nécessaire pour financer les différents programmes de relance, a déjà atteint le point où il provoque une forte-inflation sans pour autant, diminuer rapidement.
Estimation des déficits budgétaires pour l'année fiscale en cours :
Dans les pays capitalistes dominants, 1'année qui vient va se caractériser par un effort systématique pour réduire le déficit budgétaire en rognant sur les dépenses publiques et en faisant un nouveau saut dans la déflation. Ainsi la "reprise" va-t-elle nécessairement entrer en collision avec la diminution des dépenses publiques. Quand aucun accroissement effectif de la demande globale n'est concevable, quand les industries du monde entier amputent leurs dépenses, quand les "économies planifiées" planifient toutes la baisse de leur croissance industrielle, la nature erronée de la reprise pour laquelle est fait un si grand battage, devient évidente.
LA REPONSE DE LA BOURGEOISIE A LA CRISE.
Pour être compétitive sur un marché mondial saturé, chaque fraction nationale du capital doit essayer de réduire le prix de ses marchandises afin d'affronter ses concurrents sur le marché. Cependant, face à la chute du profit, elle doit réduire ses investissements dans de nouveaux outillages ou de nouvelles machines qui permettraient d'élever la productivité du travail et de vendre moins cher que ses concurrents. De plus, les coûts de production liés au capital constant qui est utilisé, sont relativement rigides et résistants à toute diminution si le coût des matières premières (capital circulant) tend à baisser quelque peu, le fardeau de l'outillage et des machines inoccupées (capital fixe) croix à un taux de plus en plus élevé. Il n'y a qu'un seul moyen par lequel chaque capital national pout essayer de rendre sa production plus compétitive : en faisant supporter au prolétariat le poids de la crise.
L'assaut massif contre la classe ouvrière que mène actuellement la bourgeoisie prend deux formes. D'abord, celle d'une détérioration des conditions de travail du prolétariat de manière à élever le taux de profit sans faire aucun nouvel investissement dans le capital constant : réduction massive de la force de travail d'un côté, intensification du travail et allongement des horaires pour les travailleurs qui restent, de l'autre ([1]). Ensuite, une forte réduction du niveau de vie du prolétariat, une attaque directe contre les salaires des ouvriers. Les salaires qui représentent l'équivalent du coût de production et de reproduction de la force de travail (et rendent aussi possible pour un ouvrier de fonder une famille, une nouvelle génération de prolétaires) sont dans les conditions prédominantes de capitalisme d'Etat "payé" de deux façons. Une partie est directement payée au travailleur par son employeur sous la forme de sa paye ; la deuxième partie est donnée au travailleur à la fois par son employeur et par l'Etat sous forme de "services sociaux". Les mesures d'austérité draconiennes (blocage des salaires, politique des revenus, diminution des services sociaux) que la bourgeoisie essaye maintenant d'imposer partout, ont pour objet l'amputation impitoyable des salaires des ouvriers sous ces deux formes.
Toutefois, confrontée à une classe ouvrière combative qui n'a pas connu la défaite, la bourgeoisie doit procéder avec la plus grande dextérité, elle n'ose pas encore imposer sa volonté à la classe ouvrière à travers la répression violente, de peur de provoquer l'affrontement de classe pour lequel elle n'est pas encore prête. Aussi, la bourgeoisie doit d’abord essayer de dévier le prolétariat de son terrain de classe, de le mystifier, de le diviser et de le dissoudre dans le "peuple" ([2]). Ce que la bourgeoisie doit imposer à tout prix, c’est l’unité nationale. Ceci signifie que la gauche va être amenée à "gérer" la crise, à imposer des mesures d'austérité à la classe ouvrière, à convaincre les ouvriers que l'Etat est "leur" Etat et qu'ils doivent faire les sacrifices nécessaires dans son intérêt. Nous allons voir apparaître une floraison d'idéologies nationalistes antifascistes, anti-impérialistes; au niveau le plus élevé de l'appareil d'Etat capitaliste. Toute "opposition à l'Etat sera décrite comme aidant objectivement le toujours menaçant "danger fasciste" que le "peuple démocratique" doit écraser avec son "Etat populaire". La fraction consciente de .la clause, les militants ouvriers et les révolutionnaires seront dénoncés par tous les organes de propagande comme des "agents, fascistes" et des "instruments de la réaction". Avant que chaque fraction nationale de la bourgeoisie puisse espérer atténuer les effets dévastateurs de la crise mondiale et essayer de rafistoler 1'équilibre économique chancelant, elle doit d'abord restaurer 1'équilibre entre les classes. C'est cela qui constitue l'objectif politique du capitalisme d'Etat. La crise économique du capital agonisant a aujourd'hui poussé a un point crucial la profonde crise politique de la classe dirigeante.
LA LUTTE DE CLASSE
A cause de la nature convulsive de la crise qui échappe même au tentaculaire Etat capitaliste et à cause des sacrifices grandissants que l'Etat doit demander, la possibilité de restaurer, ne serait-ce que le plus ténu des statu quo social, s'évanouit, et l'éclatement d'une nouvelle et encore plus puissante vague de lutte de classe devient effectivement certaine.
A quelque moment que la prochain vague de grèves surgira, les travailleurs, s’ils veulent éviter que leur lutte soit, dirigée dans une impasse, devront immédiatement briser le contrôle que les syndicats ont de plus en plus difficilement maintenu sur les luttes des ouvriers. La rupture avec les syndicats prendra son expression concrète dans la formation d'Assemblées Générales dans les usines, qui auront le contrôle de la lutte et dans la création do Comités de Grève élus et révocables. Cependant, il est clair que même la grève la plus militante, et la plus combative, si elle veut éviter d'être isolée et finalement écrasée, doit dépasser rapidement le caractère corporatiste et local.que la structure même du système capitaliste essaie de lui imprimer dès sa naissance. Ce qui est nécessaire, c'est la GENERALISATION de la lutte : son extension aux autres usines, aux autres branches d'industrie et aux autres villes. Ce processus s'accompagnera de la constitution de Comité de Coordination, consistant en délégués des différentes usines, qui seront les embryons à partir desquels les Conseils Ouvriers prendront forme.
L'expérience des soixante années passées a amplement démontré que mené les vagues de grèves de masse les plus généralisées dans lesquelles les ouvriers ont occupé les usines dans les principales villes industrielles (Allemagne 18-19, Italie 20, Espagne 36) sont condamnées à la défaite si la POLITISATION de 1a lutte, 1'attaque de l’Etat bourgeois n’apparaît pas. Tant qu'ils n'auront pas complètement détruit l'Etat bourgeois? Les travailleurs ne pourront être vraiment les maîtres du procès de production. C'est avec, la politisation de la lutte que les Conseils Ouvriers les organes politico-militaires et non simplement économiques du prolétariat, font leur apparition.
Même dans la première petite apparition d'un mouvement ouvrier autonome, lorsque les luttes commencent a briser le cadre étroit des syndicats et à se généraliser, la gauche de 1'appareil politique du capital vient aussi au devant pour appeler à la nécessité de la "politisation" de la lutte qui germer quand 20 000 travailleurs défilent dons les rues, manifestant contre le chômage, les licenciements, les heures supplémentaires obligatoires, comme l'ont fait les ouvriers de Lisbonne en février 75; quand les travailleurs occupent leurs lieux de travail, dénoncent les syndicats et envoient les délégués dans d'autres usines pour coordonner la lutte, comme l'ont fait les travailleurs de la TAE au Portugal, il y a un peu plus d'un an, la gauche terrifiée par ce qui n'était que le début d'une lutte de classe réelle, soutient des grèves et des arrêts de travail officiels pour monter la haine du prolétariat envers le fascisme" et sa confiance dans l'Etat "démocratique". Quand la gauche préconise la transformation de la lutte économique en lutte politique, c'est pour défendre en vérité la transformation de la lutte du prolétariat en lutte pour la défense de l'Etat capitaliste et la préservation de l'ordre bourgeois! La lutte pour des salaires plus élevés, contre les licenciements, etc., est indiscutablement une lutte pour les travailleurs, la base et le sol réel sur lesquels: une lutte révolutionnaire se développe. Les grèves antifascistes et démocratiques, défendues par la gauche, ne sont sans conteste que des grèves contre la classe ouvrière des grèves dirigées à la fois contre les intérêts de classe historiques et immédiats du prolétariat. Dans leurs appels aux grèves antifascistes et démocratiques, les staliniens, maoïstes, trotskystes, anarchistes et socialistes de gauche se révèlent une fois de plus les héritiers directs et légitimes de la social-démocratie d'août 1914 : des instruments enthousiastes et les agents actifs de l'ordre bourgeois chancelant, les bourreaux du prolétariat.
Confrontée à un mouvement de classe autonome qu'elle ne peut simplement ignorer, la bourgeoisie dans un premier temps ne peut agir que d'une seule façon : essayer de détourner à tous prix le prolétariat d'une attaque directe contre l'Etat capitaliste. Toute concession économique peut être faite et sera faite, tant que l'appareil d'Etat bourgeois reste intact, que les usines continueront de tourner, même à perte, elles peuvent mène être "données" aux ouvriers un réseau de "Conseils" d'usine sera toléré ou même encouragé; les augmentations salariales seront accordées et en même temps le gouvernement évoluera de plus en plus à gauche comme le caméléon prenant la couleur rouge pour se protéger quand il est en danger.
Si face à une vague montante de grèves, la bourgeoisie semble céder dévouant toute son énergie à la défense de son appareil d’Etat, sa stratégie est d'attendre que la rage du prolétariat s'épuise d'elle-même et se consume à travers les frustrations et les responsabilités de la gestion des usines, dans la société capitaliste, et ensuite d'agir pour rétablir son autorité et son contrôle direct dans la production elle-même. Cependant, la combativité des travailleurs n'est pais le seul facteur qui affectera la réponse de la bourgeoisie à la vague de grèves de masse qui arrive. La profondeur même de la crise enlève à la bourgeoisie toute marge de manœuvre réelle : si d'un côté des concessions doivent être faites, de l'autre la nature catastrophique de la crise exige qu'elles soient vite retirées. L'Etat capitaliste devra agir promptement pour restaurer l'ordre dans les usines et gagner la "bataille de la production" de peur que les ressources du capital mondial ne soient complètement épuisées et sa compétitivité sur le marché mondial définitivement atteinte.
Dans son effort pour restaurer la production sur une base rentable et imposer sa volonté au prolétariat après qu'une vague de grèves se soit temporairement calmé, la bourgeoisie peut avoir recours soit à la mystification, soit à la répression violente. La plus extrême prudence face à-une classe ouvrière pas encore vaincue doit dicter le choix des mystifications utilisées par la bourgeoisie : organes de "démocratie populaire" autogestion, comités de base, etc.. Toutefois, la nature des sacrifices que 1'Etat capitaliste doit imposer et la forte combativité des ouvriers face à la crise sont telles que même les mystifications gauchistes que maintenant la bourgeoisie trouve plus concrètes, perdent vite leur pouvoir d'influence et de mobilisation sur la classe. Donc, si la tentative de restauration de 1'équilibre économique en mettant les fusils dans les reins des prolétaires détruirait complètement les derniers lambeaux du statu quo social et précipiterait la guerre de classe à outrance, 1’incapacité de la bourgeoisie à restaurer le statu quo social à travers la mystification détruira entièrement toute possibilité de rafistoler même temporairement l'équilibre économique. Tel est le dilemme auquel la bourgeoisie se trouve confrontée à l'aube d'une nouvelle offensive prolétarienne.
LE RAPPORT DE FORCE INTERNATIONAL.
La crise, qui a d'une manière si dévastatrice brisé le statuquo économique et social du capital mondial a aussi sévèrement disloqué l'équilibre international. Face à la faillite d'une économie, chaque fraction nationale du capital est confrontée à la nécessité de rogner dans ses importations et d'encourager les exportations. En d'autres termes "exporter ou mourir" ! Déjà, dans le cadre d’un marché mondial sursaturé, chaque capital national peut seulement améliorer sa balance commerciale aux dépens de celle de ses rivaux car il est, évident que tous les pays ne peuvent importer moins et exporter plus au même moment. La manifestation concrète de la rupture de 1’équilibre international provisoirement établi après la IIème guerre mondiale réside dans la tendance prononcée vers les guerres commerciales, l'autarcie, le nationalisme économique, le protectionnisme et le dumping qui deviennent partie intégrante de la vie quotidienne du capital depuis la. fin.des années 60. A cela on doit ajouter la tendance très significative aux affrontements inter-impérialistes localisés qui se déplacent des pays delà périphérie du monde capitaliste (Indochine, Cachemire, Bengale) vexe les centres vitaux (Moyen-Orient, bassin méditerranéen, régions d'Afrique situées sur les principaux axes de commerce liant l'Europe à l'Asie et aux Amériques).
A mesure que la crise s'approfondit, ces dernières années que le commerce devient plus difficile, et les conflits localisés encore plus féroces, la nécessité d’imposer une nouvelle re division du marché mondial, 1a nécessité de l'élimination violente des concurrents s'imposera avec une logique implacable à chacun des blocs impérialistes. Depuis plus de soixante ans, le marxisme insiste sur le fait qu'en dernière instance, la bourgeoisie a seulement une réponse à la crise : la guerre mondiale impérialiste. Il n’est pas question ici d'une théorie sur la conspiration de généraux bellicistes, mais de la reconnaissance de la tendance inéluctable à laquelle la société bourgeoise pourrissante dans son ensemble, pacifiste ou chauvine, devra se plier :
"Dans la phase décadente de l'impérialisme, le capitalisme peut seulement diriger les contradictions de son système dans une direction : la guerre. Quel que soit le chemin qu'il suive, quels que soient les moyens qu'il essaie d'utiliser pour surmonter la crise, le capitalisme est irrésistiblement poussé vers sa destinée de guerre. L'humanité: peut échapper à. un tel aboutissement au travers de la révolution prolétarienne" (Mitchell, "Bilan" 1934).
Cependant, relativement en dehors du fait que la crise n’a pas encore atteint une acuité qui contraindrait la bourgeoisie à entreprendre une nouvelle guerre impérialiste, il y a une raison beaucoup plus déterminante pour laquelle nous insistons aujourd'hui sur le fait que ce n'est pas la guerre impérialiste mondiale mais la guerre de classe, la révolution prolétarienne qui est à l'ordre du jour. Pour lancer une guerre mondiale, le capital, doit avoir un prolétariat suffisamment écrasé et mystifié pour que celui-ci puisse accepter les sacrifices ultimes dans l'intérêt de la "défense nationale". Aujourd'hui, c’est un prolétariat militant et combatif qui affronte la bourgeoisie et lui barre le chemin vers la guerre. Avant que le capital puisse imposer sa "solution" à la crise, il devra d'abord battre et écraser le prolétariat. Ou la présente crise se terminera par la solution bourgeoise de la guerre mondiale ou la solution prolétarienne de la révolution communiste sera décidée par l'aboutissement de la bataille de classe décisive qui sera allée de l'avant.
Bien que la guerre mondiale ne soit pas maintenant a l'ordre du jour et bien que la bourgeoisie soit occupée par la lutte de classe, avec l’approfondissement inexorable de la crise, les antagonismes inter-impérialistes se font de plus en plus aigus. Pour avoir une idée claire du moyen par lequel les tensions internationales se feront plus aiguës dans les années qui viennent, nous devons considérer à la fois l'équilibre interne dans les blocs russes et américains, et l'équilibre entre ces deux blocs impérialistes.
Certains faits semblent récemment indiquer la désintégration des deux blocs impérialistes, la destruction de leur unité et de leur cohésion. La tendance aux guerres commerciales, la montée du nationalisme économique et même la tendance générale du capital à se centraliser dans les mains de chaque Etat national, tout cela semble être annonciateur de la dissolution des grands blocs impérialistes. Bien sur, des faits tels que la décision de la province canadienne du Sashatchewan de nationaliser 1’industrie de la potasse à capitaux américains, les limitations du Canada sur l'exportation de pétrole vers les Etats-Unis, la nationalisation par le Venezuela des gisements de pétrole et de fer (là aussi, le capital était surtout américain) et le recours de la Grande-Bretagne au contrôle des importations attestent du nationalisme véritable et des tendances à l'autarcie parmi les pays qui constituent le bloc américain. Des tendances similaires sont apparentes dans les relations des Etats roumains et indochinois avec la Russie.
De telles tendances qui devraient si elles étaient dominantes, mener à l'éclatement des blocs, sont cependant contrecarrées par la tendance beaucoup plus forte et profonde vers le renforcement de chaque bloc impérialiste sur la base d'un accroissement de la domination indiscutable d'un Etat capitaliste à l’échelle d'un continent : USA et Russie. Ainsi, à l'intérieur de chaque bloc, toutes les puissances plus faibles, malgré leurs efforts pour continuer une politique nationale agressive, sont contraintes par leur faiblesse sur le marché mondial s'adapter leur politique aux besoins du pouvoir impérialiste dominant. Finalement, le nationalisme économique et les tendances autarciques des petits pays sont condamnés à n’être guère plus qu'un rideau de fumée idéologique utilisé pour obtenir le soutien populaire aux mesures d'austérité extrêmement dures que l'étau du capital russe ou américain impose aux pays dominés.
Le capital russe et le capital américain ont tous deux répondu aux premiers assauts de la crise en en exportant les pires effets sur leurs satellites plus faibles. Ainsi la fameuse "crise du pétrole" provoquée par 1'argumentation des prix qui a accompagné la guerre du Yom Kippour fut un écran de fumée cachant la réalité d'un transfert massif de richesses de l'Europe de l'Ouest et du Japon vers les Etats-Unis par le biais de l'Iran et des producteurs arabes. Dépendant militairement et financièrement des USA, incapables d'avoir une activité indépendante au Moyen-Orient, l'Europe et le Japon ont du accepter un arrangement par lequel des milliards de dollars affluèrent dans les trésoreries de l'OPEP et furent ensuite "administrés" par Wall Street ou utilisés pour acheter a l'Amérique du matériel militaire, des biens d’équipement, des produits agricoles, ceci améliorant la balance commerciale américaine, En plus de ce considérable transfert de richesses aux USA, les produits européens ou japonais sont devenus moins compétitifs sur le marché mondial car leurs prix ont au répercuter la forte augmentation du prix du pétrole vis-à-vis duquel leur économie est totalement dépendante. Le capital américain a été le bénéficiaire de ce "handicap" supplémentaire auquel ses concurrents ont été soumis.
L'étendue du bouleversement qu'a subi 1'équilibre à l'intérieur du bloc occidental, reflétant ainsi le rôle dominant dû plus en plus grand et de moins en moins contestable des USA se voit dans la comparaison des balances commerciales les pays de ce bloc. Les USA, d'un déficit commercial de 5,3 milliards de dollars en 1974 sont parvenus à un surplus commercial de 11 milliard de dollars en 75. La plus grande partie des 15 milliards d'exportation en plus en 1975 par rapport à 74, qui ont seulement pu atténuer les effets de la crise aux Etats-Unis, proviennent directement ou indirectement et à leurs dépens des pays clients des USA. L! acceptation britannique à la conférence de Rambouillet du dictât américain sur le contrôle dés importations, la soumission de la France aux USA à propos du rôle de l’or, la tolérance de l’Allemagne de l'Ouest qui a une monnaie surévaluée à une période de baisse des exportations et l'acquiescement de Tokyo aux "recommandations" américaines concernant les investissements 'étrangers au Japon, tout cela indique le caractère insoutenable de la théorie de l'effritement des blocs.
A l'intérieur du bloc de l’Est, l'équilibre s'est aussi modifié; reflétant la domination incontestable de la Russie sur ses "partenaires". Durant les deux années passées, 1' URSS a imposé des augmentations successives des prix du pétrole et d'autres matières premières aux Etats dépendants, demandant récemment qu'ils fournissent en plus des capitaux pour des projets éléphantesques d'investissements en Sibérie.
La totale impuissance des Etats les plus faibles à résister à la demande des capitalismes d'Etat dominant le monde est aujourd'hui manifeste. Et même si un pays, réussit vraiment à assurer son "indépendance" et à rompre avec un bloc impérialiste, il est condamné par la structure même du capitalisme décadent à tomber immédiatement sous la domination du bloc impérialiste rival. Ceci a été le destin de l’Egypte qui s’est elle-même dégagée de l’hégémonie de Moscou pour ,tomber finalement sous sa domination de Washington, Ainsi, ce qui est en cause ici, ce n'est d'aucune façon l'effritement des blocs impérialistes, mais plutôt la manifestation d'une rivalité inter-impérialiste plus dure entre les blocs.
Cependant, le fait que la Russie et les USA aient accru leur contrôle sur leurs blocs respectifs ces deux dernières années a seulement rendu momentanément possible l'atténuation des pires effets de la crise. Quelques soient les espoirs que l'URSS et les USA ont mis sur leurs blocs pour absorber une masse toujours plus grande de leurs marchandises; leur perspective de succès sur le plan de l'exportation, sont excessivement faibles. Les plus petits pays du bloc américain, déjà paralysés par la crise, ne seront pas capables de continuer à absorber les marchandises américaines au niveau actuel dans 1'année qui vient. En 1976, quand la demande effective en Europe va décliner et que la tentative d’éviter une faillite économique totale conduit à des efforts frénétiques pour limiter les importations, la balance commerciale des Etats-Unis va gravement se détériorer. De manière similaire, les planificateurs russes qui essaient désespérément d’augmenter leur commerce extérieur de 13,6% cette année la majeure partie vers leurs "alliés" européens devront aussi lutter contre la contraction de la demande, et dans ce domaine comme dans bien d'autres, ils ne parviendront sûrement pas à atteindre leur but.
De la même manière que dans les deux années passées, le statu quo à l'intérieur de chaque bloc a basculé en faveur du pouvoir impérialiste dominant, l’équilibre entre les blocs a aussi basculé en faveur des américains aux dépend du bloc russe! Ce n'est pas dans des zones d’une importance relativement faible comme le Viêt-Nam, mais dans des zones qui, par leur proximité des centres industriels du capital mondial et par leur richesse en matières premières, par leur marché et leur situation stratégique dominant les voies du commerce mondial, sont vitales pour les blocs impérialistes, que la rupture dramatique de l'équilibre des puissances peut être clairement vue.
Les gains significatifs que l’impérialisme russe a réalisés au Moyen-Orient durant les années 60 ont été réduits durant ces deux dernières années. La contre-attaque de l'impérialisme américain dans cette région cruciale a déjà ramené l'Egypte et le Soudan dans l'orbite occidentale. Pendant l'année passée, un solide axe Téhéran-Djeddah-Amman-le Caire-Washington a été bâti, ce qui avec son client israélien assure la domination américaine au Moyen-Orient. Les énormes ventes d'armes à l'Iran, la livraison d'un nouvel équipement militaire à Israël, le projet d'une industrie arabe d'armement liée au bloc américain qui a été entrepris par l'Egypte, l'Arabie Saoudite, le Qatar et les émirats arabes unis constituent des moments significatifs de la construction militaire en cours que les USA ont entrepris avec succès dans cette région. Les fruits de cette politique belliqueuse sont déjà apparents avec la fin de la rébellion du Dhofar soutenu par l'Urss contre le sultan pro-occidental d'Oman, qui a été écrasée avec l'aide des troupes iraniennes et l'armement sophistiqué Anglo-américain.
En réponse à ce basculement de l'équilibre international en faveur du bloc américain, l'impérialisme russe a lancé une offensive réfléchie pour expulser les USA d’un certain nombre de positions près des centres nerveux du capital mondial. En Yougoslavie, les "kominformistes" pro-russes et anti-titistes et les groupes nationalistes croates ont considérablement accru leurs activités ces derniers mois. Une initiative russe en Yougoslavie, avec ses facilités navales dans la mer Adriatique et sa proximité de l'Italie, prend forme. Le bloc américain a pris des mesures pour contrecarrer la poussée russe dans les Balkans avec le projet du régime grec d'un pacte des Balkans qui serait basé sur les régimes albanais, yougoslaves, grecs et turcs, tous antirusses, et qui cherchera à miner l'influence russe en Roumanie.
L'impérialisme russe essaie aussi de récupérer le terrain perdu au Moyen-Orient par son intervention au Liban. L'aide militaire est acheminée pari l'Irak- une des places forte qui reste à Moscou dans la péninsule arabique, pour les FORCES UNIES d’Ibrahim Koleilat qui sont engagées dans une lutte sanglante pour le contrôle de cette région importante du littoral méditerranéen. Les Etats-Unis en même temps qu'ils soutiennent les forces phalangistes, essaient au travers de la Ligue Arabe, de l'Egypte, de la Syrie, et de l'OLP de restaurer le statu quo au Liban. Si cela échoue, et dans l'éventualité d'un effondrement complet de l'Etat libanais pro-occidental, les Etats-Unis pourraient intervenir pour conserver les positions stratégiques, ou bien au travers d’une invasion israélienne, ou bien par la partition du Liban d'où un Etat chrétien totalement dépendant du bloc américain pourrait émerger.
Les impérialismes russe et américain s’affrontent autour de la corne de 'Afrique et du détroit vital de Bab-el-Mahdeb qui contrôle l'accès à la mer Rouge et par lequel le commerce entre l'Europe et l'Asie passera avec la réouverture du canal de Suez. Tandis que les russes essaient désespérément de briser la domination américaine sur cette région au travers de leur soutien au front de libération de l'Erythrée et par l'importante implantation militaire en Somalie, quand la lutte dans cette région dû monde va s'intensifier, les américains peuvent réagir de trois façons:
1- Soutenir le régime militaire en Ethiopie s'il apparaît capable de contrôler la situation et d'être un chien de gardé loya1 de l'impérialisme américain.
2- Créer un état Afar dépendant à partir de la province éthiopienne de Wollo et du territoire français des Afar et des Issas pour surveiller l'importante route du commerce.
3- En trouvant un terrain d'entente avec l'aile "modérée" du FLE et avec les arrières arabes "amis" l'Egypte et le Soudan, pour soutenir la création d'un Etat érythréen qui garantirait la domination américaine sur la région.
De l'autre côté de l'Afrique, le Maroc et l'Algérie sont au bord de la guerre pour le phosphate de l'ancienne et riche colonie espagnole du Sahara. Tandis que les troupes marocaines assurent leur contrôle sur la région, le Front Polisario soutenu par l'Algérie a lancé une guerre de guérilla contre l'armée du roi Hassan, au même moment l’Algérie a massé le gros de ses troupes à la frontière saharienne, et l'Algérie et la Lybie ont de manière répétée averti que l'annexion du Sahara Occidental par le Maroc serait inacceptable pour eux. Derrière le Maroc et l'Algérie, se cachent les des grands blocs impérialistes, dont les aides et les armements seuls peuvent rendre une guerre possible. Derrière la question des matières premières, c'est la situation stratégique de l'ancienne colonie espagnole qui est du plus grand intérêt pour les USA et la Russie. Les Etats-Unis espèrent faire échec aux ambitions navales de la Russie dans l'Atlantique grâce à l’incorporation du Sahara au Maroc, son "ami" de l'autre côté, un Sahara Indépendant" qui "dépendrait du soutien de l'Algérie et de la Russie, fournirait à la Russie sa première bise sur l'Océan Atlantique.
Les besoins de la Russie pour une telle base deviennent visibles quand sa flotte de guerre traverse l'Atlantique vers l'Angola où une puissante force d'intervention américaine est concentrée. C'est en Angola que la boucherie inter-impérialiste atteint, actuellement son sommet : les "fronts de libération" rivaux, largement équipés avec les plus modernes instruments de mort par leurs maîtres américains et russes ont transformé le pays en véritable boucherie. En Angola, 1' URSS, au travers du MPLA et d’un corps expéditionnaire cubain, les USA avec le FNLA, 1'UNITA et des contingents de troupes sud africaines, se battent pour l'Angola riche en matières premières (pétrole, fer, diamants, etc..) pour le contrôle du transport du cuivre et de l'uranium provenant du Zaïre et de la Zambie qui passe par les ports angolais et pour la domination des joutes commerciales qui lien l'Europe à l'Afrique du Sud et traversent l'Atlantique sud entre l'Europe et l’Amérique du Sud.
La Chine, une puissance impérialiste mineure essayant vainement de construire seule un bloc, est condamnée par sa faiblesse à chercher le soutien de l'un des deux blocs impérialistes. Si pour l'instant la Chine est l'alliée des USA contre la Russie et essaie énergiquement de contrecarrer la poussée expansionniste de Moscou en Asie du Sud et en Extrême-Orient, un renversement d'alliance dicté par les circonstances n'est pas à exclure.
LA GUERRE DE CLASSES
L’effondrement de l'économie du statu quo social et de l'équilibre international du capital mondial face à la crise générale de surproduction a amené l'ordre bourgeois déclinant au bord d'une guerre de classe généralisée. Aujourd'hui, le Portugal et 1’Espagne sont devenues les arènes décisives où le prolétariat et la bourgeoisie mesurent leurs forces et se préparent pour les luttes gigantesques qui vont venir ; c'est sur la base des leçons tirées des événements qui se déroulent maintenant dans la péninsule ibérique que la classe ouvrière et son avant-garde communiste s'armera pour la lutte violente qui s'annonce pour la destruction de l'Etat capitaliste et l'établissement de la dictature des Conseils Ouvriers.
Au Portugal, face à une vague de grèves de masse, la bourgeoisie a réussi à détourner la classe ouvrière d'un assaut direct contre l'Etat capitaliste grâce aux mystifications nationalistes, démocratiques et antifascistes qui ont accompagné le mouvement de gouvernements successifs vers la gauche entre 1974 et 75. Cependant, le cinquième gouvernement, dans lequel les staliniens et le COPCON ont joué le rôle principal, a complètement échoué dans "la bataille de la production", pour restaurer l'ordre et la discipline dans les usines et pour imposer les sacrifices nécessaires au prolétariat. Toutefois, la fragmentation et la dramatisation momentanée que les mystifications de la démocratie, de l'unité nationale et de l'antifascisme ont amené dans la classe, ont suffi pour produire un creux momentané dans la lutte de classe et c'est a ce creux que le sixième gouvernement correspondait. La combinaison de l'effondrement économique qui menace et d'une classe ouvrière pas encore défaite, va toutefois- bientôt relancer une nouvelle vague de grèves. Face à une bourgeoisie qui évolue toujours plus à gauche, en réponse à un nouveau surgissement de la classe, il est impératif que les révolutionnaires dénoncent sans merci les programmes de démocratie populaire, d'autogestion, de comités de base, et de quartiers par lesquels la bourgeoisie essaiera de contenir la poussée violente du prolétariat et de créer ainsi les bases de sa contre-attaque à venir.
Maintenant, encore plus que le Portugal, c'est l’Espagne qui est devenue le banc d'essai des oppositions de classe. Pays industriel avancé qui par son histoire de militantisme prolétarien et sa proximité de la France et de l'Italie, peut allumer la flamme révolutionnaire en Europe, l'Espagne est devenue l'objet de préoccupation de la bourgeoisie qui tente désespérément de mettre en place son arsenal de mystifications avant 1'explosion de la poudrière. La vague de grèves qui vient quasiment de paralyser Madrid indique l'ampleur de l'explosion à laquelle le capital aura bientôt à faire face.
La préparation des révolutionnaires pour l'intervention dans la lutte de leur classe dans cette bataille cruciale demande une compréhension complète de là marche vers la gauche que la bourgeoisie espagnole, sous les exhortations de ses maîtres européens et américains, entreprend maintenant. C'est sur les champs de bataille de la classe que les analyses, les perspectives et l'orientation pratique pour la lutte qui émergeront à ce Congrès du Courant Communiste International seront vérifiées dans l'année qui vient.
Mc Intosh, décembre 1975- janvier 1976
[1] Au milieu d'une crise, le capitalisme décadent a recours aux méthodes barbares d'extraction de la plus-value qui caractérise son enfance : la plus-value absolue. C'est la seule caractéristique de sa jeunesse que le capital, dans les affres de l'agonie, peut reprendre.
[2] Le mot le plus odieux du vocabulaire bourgeois!