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"Le gouvernement ouvre la voie à un retour aux 39 heures"
titre la presse bourgeoise après l'annonce, le 6 septembre, d'un
projet de loi du ministre Fillon qui "assouplirait les 35 heures"
en augmentant le contingent annuel d'heures supplémentaires.
En écho, la CGT, par la voix de son secrétaire général,
Bernard Thibault, dénonce "la mise à mort des 35
heures" alors que Seillère, le patron aristocrate, critique
la timidité d'un tel projet. Depuis sa mise en place, en 1997,
on nous a présenté cette loi Aubry comme un enjeu entre
droite et gauche, entre syndicats et patronat. Maintenant que la droite
est revenue au pouvoir, contrairement à ce qu'on aurait pu croire,
il n'y a aucune intention de la part du gouvernement de remettre en
cause la loi Aubry car : "Contrairement aux discours fréquemment
repris par les patrons disant que passer aux 35 heures n'est pas possible,
ils y arrivent très bien" observe une étude récente
de la BNP-Paribas. Alors finalement, cette loi de "réduction
de temps de travail", que l'on dit favorable aux travailleurs... arrange
bien les patrons, et le patron des patrons, l'Etat. Dans un article
de notre précédent numéro de RI, nous avions dénoncé
le bilan des mesures sociales de la gauche au gouvernement comme "un
bilan globalement positif... pour le capitalisme".
Une attaque mise en place par la gauche
Et, s'il y a une loi dont le gouvernement de gauche peut se féliciter, c'est bien celle de la mise en place des 35 heures censées réduire le temps de travail, avec à la clé des promesses du style lutte contre le chômage, création d'emplois et enfin plus de temps libre pour les travailleurs pour se reposer, se détendre et se cultiver. Paroles trompeuses de ces hypocrites, car ce qui les motive ce n'est pas l'intérêt des travailleurs, mais bien l'intérêt du système capitaliste. Dans RI n° 275, nous avions publié la déclaration de l'instigatrice de cette loi, la ministre Aubry, devant un parterre de chefs d'entreprises lors d'un déplacement en Alsace : "Nous n'avons jamais dit 35 heures payées 39. C'est justement ça qu'il ne faut pas faire. Il faut plus de souplesse. Cette réduction du temps de travail doit être l'occasion, comme pour la loi Robien, de réorganiser le travail, de retrouver de la souplesse, d'être plus réactif". Et elle rajoute en parlant des 35 heures : "durée légale ne veut pas dire durée réelle". A l'attention de la classe ouvrière, il s'agit de tenir un autre discours, celui du mensonge, relayé par toutes les forces de gauche et d'extrême gauche du capital. Et pour donner plus de poids à ce mensonge, à cette vaste entreprise de mystification anti ouvrière, les patrons, de leur côté, crient au scandale, décidés à se battre. Au-delà de toute cette mise en scène orchestrée par toutes les forces de la bourgeoisie, cette loi vise à donner un cadre pour appliquer la flexibilité et l'annualisation du temps de travail, déjà mises en place dans de nombreux pays. D'ailleurs certains patrons en France n'avaient pas attendu la loi , comme le témoigne la déclaration du PDG de l'entreprise Colas, leader mondial de la construction de route : "Nous n'avons pas attendu la loi Aubry pour réduire le temps de travail. Bien avant 1998, l'adoption progressive d'une organisation du travail basée sur l'annualisation nous a permis de baisser, dans bon nombre de nos entreprises, après négociations, les volumes des heures de travail. La mise en place de cette organisation annuelle du temps de travail est particulièrement adaptée aux spécificités de nos métiers de travaux publics (saisonalité de l'activité liée aux conditions climatiques et aux carnets de commandes)". Cela montre à quel point il est nécessaire d'adapter la main d'oeuvre aux nécessités économiques du capitalisme, dont la crise exacerbe la concurrence. C'est un ministre de droite, de Robien, en 1996, qui va jeter les bases d'une telle loi, et c'est un gouvernement de gauche qui va l'appliquer en utilisant des armes idéologiques puantes sous le vocable "réduction du temps de travail" ; pourquoi alors la droite irait-elle remettre en cause une telle loi ? Le discours idéologique s'accompagne d'une stratégie sur le terrain pour faire passer une des mesures les plus féroces contre la classe ouvrière. Quelle méthode la bourgeoisie va-t-elle employer ? Car il ne s'agit pas d'attaquer de front l'ensemble de la classe ouvrière, ceci risquerait d'unir les revendications derrière des intérêts généraux partagés par tous les secteurs. Tout d'abord il y a distribution des rôles pour obtenir un dispositif bien huilé afin de tromper les ouvriers : le gouvernement, auteur de la loi et arbitre dans les négociations, leurs complices syndicaux "défenseurs des ouvriers et des 35 heures", le méchant patronat qui ne veut pas entendre parler de réduction de temps de travail. Tout doit se jouer alors dans les négociations, le résultat va dépendre du rapport de force local, à savoir au niveau de la branche, du secteur, de l'entreprise. Car il s'agit d'enfermer l'attaque dans le cadre le plus restreint possible. Les ouvriers ne sont plus confrontés à la même offensive de toute la bourgeoisie, mais uniquement à la mauvaise volonté de leur patron. Les intérêts de l'entreprise A ne sont plus forcément les mêmes que ceux de l'entreprise B. La classe ouvrière est divisée et enfermée dans le corporatisme. Tous les ouvriers touchés subissent la même attaque contre leurs conditions de travail et sur les salaires, mais alors que tout vient d'une seule et même loi, la bourgeoisie maquille son offensive en la saucissonnant avec des milliers de négociations, donnant l'impression que chaque entreprise met en place un dispositif différent. C'est le même scénario lorsqu'il s'agit de passer aux 35 heures dans la Fonction Publique dont l'Etat est le patron. Ce sont les ministres qui jouent le rôle du méchant patron, et Allègre, ministre de l'Education Nationale il y a deux ans, s'est particulièrement bien illustré. C'est après une campagne médiatique particulièrement répugnante, où les 5 millions de fonctionnaires étaient accusés de ne pas travailler plus de 30 heures, ce qui est une façon de dresser les ouvriers les uns contre les autres, que l'Etat patron de gauche a pu ouvrir les négociations sur les 35 heures. Et le gouvernement de gauche, comme n'importe quel patron, va utiliser les critères de rentabilité, d'efficacité, de qualité des services, ce qui est loin du langage démagogique et mensonger qu'il avait utilisé lorsque, avec son relais syndical, il déclarait que la loi est bonne, mais ce sont les patrons qui l'utilisent pour leur intérêt. Et là aussi, les négociations se feront atelier par atelier, établissement par établissement, bureau par bureau. Et là aussi les ouvriers seront confrontés au blocage des salaires, aux suppressions de postes, à des horaires de plus en plus contraignants, à une augmentation de la productivité. Et lorsque des ouvriers tenteront de riposter comme à la Poste ou à la SNCF, ils seront incapables de briser le cordon sanitaire établi par les syndicats afin d'éviter toute extension. La bourgeoisie a bien manoeuvré ! Les ouvriers dans leur ensemble n'ont pas perçu une telle attaque comme une attaque frontale, les empêchant donc d'agir de manière massive.
Une énorme mystification idéologique
Alors qu'en est-il de cette fameuse "réduction du temps
de travail" ? Ce terme est une vaste supercherie, le contingent
d'heures supplémentaires mis en place par la gauche et repris
par la droite, fait monter les heures de travail bien au-delà
des 35 heures : dans la métallurgie et dans d'autres branches,
les semaines s'étalent jusqu'à 39 heures, voire plus comme
dans l'hôtellerie où cela peut atteindre 41 heures, et
le pire c'est dans l'agro-alimentaire. Qu'on en juge : un contingent
de 220 heures supplémentaires par an dans la charcuterie, 318
dans la boucherie ou 320 dans la pâtisserie ! Mais de plus, flexibilité
oblige, certains salariés sont contraints de venir travailler
le samedi. Et la bourgeoisie peut remercier ses syndicats qui ont signé
tous ces accords de branche. Il y a bien sûr certains ouvriers
qui bénéficient de jours de repos supplémentaires,
mais il ne leur est possible de les prendre qu'en fonction des besoins
de l'entreprise ; il arrive donc que certains les perdent. Car voilà
le maître mot de la bourgeoisie de gauche et de droite, il s'agit
d'aménagement du temps de travail afin que le travailleur soit
pieds et poings liés aux besoins de l'entreprise. C'est ainsi
qu'il s'agit de faire la chasse aux temps morts sur les lieux de production,
de fliquer les horaires, d'exploiter au maximum les ouvriers. Les 35
heures étaient censées lutter contre le chômage,
la gauche se vante aujourd'hui d'avoir créé près
de 2 millions d'emplois. Quel mensonge quand on voit aujourd'hui le
chômage grimper, les départs à la retraite dans
la Fonction Publique qui ne sont pas remplacés. Ces "emplois"
créés sont surtout des emplois à temps partiel
(de 7,7% en 1997 à 14,7% fin 2000), des intérimaires (1997 : 330 169, fin 2001 : 605 238), sans compter les milliers de CDD,
CES ou autres emplois bidons. Mais ce qui est le plus frappant du décalage
entre le discours de la bourgeoisie et la réalité vécue
par les ouvriers, c'est le manque d'effectifs dans les entreprises ou
dans le secteur public.
En fait, un des objectifs de la flexibilité est de rendre la
force de travail ouvrière moins chère et plus productive
: dans de nombreuses entreprises le taux de productivité a augmenté
de 48 % en 2001 et 40 % en 2002. Ce qui génère une dégradation
très forte des conditions de travail multipliant les accidents
de travail, les dépressions, les maladies.
Quant aux salaires, ils ont carrément baissé. Ainsi en
2000 la masse salariale a diminué de 0,2 point par rapport à
1999. Sans parler du développement de la précarité
qui entraîne un développement de la pauvreté : en
2001 on recense 1,7 millions de travailleurs pauvres contre 1,3 millions
en 1996, et encore ce sont les chiffres que la bourgeoisie veut bien
nous donner. Et quand de "nombreux ouvriers voudraient faire des
heures supplémentaires pour améliorer leur salaire",
ils se font carrément escroquer : celles-ci ne sont plus majorées
que de 10% au lieu de 25% jusqu'à présent, une mesure
qui était déjà envisagée par la gauche.
La gauche a promis un débat sur les 35 heures cet automne afin
de dénoncer le gouvernement dans la remise en cause de la loi
Aubry qu'elle défendra à tout prix ! ! Elle veut continuer
à instiller son poison idéologique dans la tête
des ouvriers pendant que Raffarin et consorts, dans la continuité
de la loi Aubry, généralisent à l'ensemble du monde
ouvrier l'annualisation et la flexibilisation du temps de travail, ce
qu'aurait fait la gauche si elle était restée au pouvoir.