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Pas une seule semaine ne se
passe sans l’annonce d’un nouveau mauvais coup porté à la classe ouvrière.
Ainsi, depuis la "rentrée" de septembre, les prolétaires ont appris
qu’ils allaient subir notamment :
- l’augmentation sensible dès le 1er janvier 2005 de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) qui vient s’ajouter à la série de mesures votées cet été pour combler "le trou" de la Sécurité Sociale ;
- le vote en août d’un décret d’application de la "réforme" des retraites passée l’an dernier. Il concerne l'intégration, à partir de début 2006, des assurances complémentaires du défunt dans le calcul du plafond des ressources donnant accès à la pension du conjoint survivant ; il va avoir pour effet de priver des centaines de milliers de veuves et de veufs de cette pension ;
- les coupes budgétaires prévues pour 2005 qui sont une poursuite de
l’amputation de tous les budgets sociaux des ministères avec, en particulier la
suppression record de près de 7200 postes de fonctionnaires, dont 3800 pour le
seul secteur de l’Education nationale...
Ces attaques viennent se cumuler aux divers et nombreux plans de licenciements, aux délocalisations, à l’allongement du temps de travail, à la remise en cause de la protection sociale (retraites, santé), aux attaques sur les salaires, à la précarisation accélérée de l’emploi, à la détérioration des conditions de vie et de travail des prolétaires. Tous les ouvriers, qu’ils soient au travail ou réduits au chômage, qu’ils soient actifs ou retraités, qu’ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public, y sont désormais en permanence confrontés.
La classe ouvrière subit partout les mêmes attaques
Ce n’est pas seulement en France qu’une telle accélération d’attaques de la
même envergure se produit. Chaque bourgeoisie nationale adopte les mêmes
mesures dans tous les pays.
En Italie, après des mesures similaires à la France contre les retraites et une
vague de licenciements dans les usines Fiat, ce sont 3700 suppressions
d’emplois (plus d’un sixième des effectifs) qui viennent d’être décidées au
sein de la compagnie aérienne Alitalia, tandis qu’un vaste plan de
restructuration des chantiers navals va supprimer des milliers d’emplois en
Espagne.
En Allemagne, le gouvernement socialiste et vert de Schröder dans un programme
d’austérité baptisé "Agenda 2010" a commencé à mettre en application
à la fois une baisse du remboursement des soins, le flicage des arrêts de
travail, une hausse des cotisations maladie pour tous les salariés. Il projette
d’augmenter les cotisations pour la retraite comme de relever le seuil du
départ à la retraite qui est déjà de 65 ans. Siemens, avec l’accord du syndicat
IG-Metall sous menace de délocalisation en Hongrie, fait travailler les
ouvriers de 40 à 48 heures au lieu de 35 auparavant sans compensation
salariale. D’autres grandes entreprises viennent de négocier des accords
similaires : la Deutsche Bahn (chemins de fer allemands), Bosch,
Thyssen-Krupp, Continental ainsi que toute l’industrie automobile (BMW, Opel,
Volkswagen, Mercedes-Daimler-Chrysler). On retrouve cette même politique aux
Pays-Bas, Etat pourtant réputé pour avoir développé depuis longtemps le travail
à temps partiel. Le ministre hollandais de l’économie a annoncé que le retour
aux 40 heures (sans paiement compensatoire) était un bon moyen pour relancer
l’économie nationale.
Le "plan Hartz IV" dont la mise en application est prévue début 2005
en Allemagne montre le chemin dans lequel toutes les bourgeoisies, à commencer
par celles en Europe, se sont engagées : il s’agit de réduire la durée et
le montant des indemnités des chômeurs et aussi d’en durcir les conditions
d’attribution, avec notamment l’obligation d’accepter une offre d’emploi
nettement moins rémunérée que l’emploi perdu.
Ces attaques ne sont pas limitées au continent européen mais s’exercent
simultanément au niveau mondial. Ainsi aux Etats-Unis, où le chômage regagne
des taux records (on évoque comme en Europe une "croissance sans
emplois"), près de 36 millions de personnes (12,5 % de la population)
vivent sous le seuil de pauvreté dont 1,3 million ont plongé dans la précarité
au cours de l’année 2003, alors que 45 millions de personnes sont privés de
toute couverture sociale. En Israël, les municipalités sont en situation de
faillite et les employés municipaux ne touchent plus leur salaire depuis
plusieurs mois. Sans parler des conditions d’exploitation épouvantables
auxquelles sont réduits les ouvriers du tiers-monde, au sein de la concurrence
effrénée sur le marché mondial pour faire baisser le coût de la force de
travail.
Les mensonges et les fausses réponses de la bourgeoisie
à la crise économique mondiale
Quels sont les discours que nous tient la bourgeoisie face à cette
situation ? La gauche et les syndicats, tout comme les altermondialistes,
sont les premiers à nous livrer une série de fausses réponses.
Selon la gauche, les syndicats et les organisations gauchistes, la
responsabilité des attaques reposerait sur la "politique de droite"
d’un gouvernement entièrement assujetti aux intérêts du grand patronat, adepte
d’un "libéralisme économique" débridé qui favoriserait les riches et
pressurerait les pauvres, qui chercherait à lever les barrières étatiques à la
déréglementation sociale. En France comme ailleurs, tous les gouvernements
mènent depuis les années 1970 la même politique, et notamment en taillant
massivement dans les prestations sociales. On voudrait nous faire oublier que
les partis de gauche quand ils étaient au pouvoir soit ont pris des mesures du
même ordre (du forfait hospitalier institué par le ministre communiste Ralite
aux réductions des indemnisations du chômage), soit ont préparé le terrain aux
attaques actuelles. Qu’on se souvienne du livre blanc de Rocard sur les
retraites, du déremboursement des médicaments et des suppressions de lits
d’hôpitaux sous Jospin sans oublier les lois Aubry sur les 35 heures qui ont
permis aux entreprises d’annualiser le temps de travail, d’introduire la
flexibilité, d’augmenter leur productivité et de baisser les salaires par la suppression
des heures supplémentaires[1].
On nous dit aussi que c’est la faute à l’Europe qui ne garantirait pas assez de
droits sociaux. On agite la relance du débat qui divise la bourgeoisie
elle-même sur le nouveau traité européen et le projet de Constitution
européenne. On utilise le battage autour des délocalisations notamment en
Europe de l’Est de certaines entreprises pour tenter d’inoculer le poison
nationaliste dans les rangs ouvriers, rappelant le "vivre, produire et
travailler au pays" de la CGT dans les années 1970/80. La bourgeoisie
cherche ainsi à opposer les ouvriers des pays européens les plus développés aux
ouvriers de la périphérie du capitalisme.
On nous raconte aussi que ces attaques sont la faute à la mondialisation. La
nébuleuse de l’altermondialisme, mise en avant et subventionnée par la
bourgeoisie, où chacun peut fourguer n’importe quelle camelote idéologique sert
surtout à relancer les mêmes illusions sur la possibilité de réformer le
capitalisme et faire croire qu’une autre gestion du système serait possible
(taxer les capitaux, promouvoir une économie solidaire, etc.). Tout ce barouf
ne vise qu’à camoufler l’impasse que représente le capitalisme pour l’humanité.
Les ouvriers ne doivent pas se laisser piéger ni berner par ces discours
mensongers. Car le seul objectif de ce battage est d’agiter un rideau de fumée,
de répandre des campagnes d’intoxication idéologique pour tenter d’empêcher la
classe ouvrière de prendre conscience d’une part de l’existence réelle et de
l’impasse actuelle d’une crise économique mondiale, d’autre part, de la
faillite globale et ouverte du système capitaliste que révèle cette
accélération de la crise et ses manifestations.
Le capitalisme révèle sa faillite
Si la classe ouvrière se paupérise de plus en plus, si une partie de plus en
plus large du prolétariat s’enfonce dans la misère, si la bourgeoisie est de
plus en plus incapable d’intégrer les nouvelles générations ouvrières dans une
activité salariée (selon le BIT un chômeur sur 2 a moins de 24 ans dans le
monde), si prolifèrent les bidonvilles où s’entassent des masses toujours plus
nombreuses de miséreux en quête de travail aux portes de toutes les mégapoles
de la planète, si la classe ouvrière subit une accélération sans précédent
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de la dégradation de ses conditions
d’existence, ce sont les symptômes les plus révélateurs de l’incapacité de ce
système à prendre en charge et à assurer un avenir pour l’humanité.
Dans sa logique d’exploitation capitaliste, la bourgeoisie voit sa marge de
manoeuvre réduite au point qu’elle n’a d’autre choix que d’attaquer toujours
plus violemment et frontalement le niveau de vie de la classe ouvrière dans son
ensemble. La plupart de ces attaques sont présentées comme des "réformes"
indispensables dans le seul but de faire accepter aux prolétaires les
"sacrifices". Contrairement au 19e siècle où, dans le contexte
historique d’un capitalisme encore en pleine expansion, les réformes
entreprises par la bourgeoisie allaient dans le sens d’une amélioration des
conditions de vie de la classe ouvrière, le capitalisme aujourd’hui ne peut
plus être réformé. Il ne peut plus rien offrir aux ouvriers qu’une misère et
une paupérisation croissantes. Toutes ces pseudo-réformes ne sont plus le signe
d’un capitalisme encore en pleine prospérité, mais au contraire de sa faillite
irrémédiable.
L’Etat capitaliste et chaque bourgeoisie nationale prétendent qu’ils oeuvrent,
à travers ces prétendues "réformes", d’abord au nom de la défense de
l’intérêt général, pour le bien de la collectivité ; ensuite qu’ils
agissent ainsi pour préserver l’avenir de nos enfants et des générations
futures. La bourgeoisie veut faire croire qu’elle cherche à sauver l’emploi,
les caisses d’assurance chômage et d’assurance-maladie, les retraites, alors
qu’elle est en train de démanteler significativement toute protection sociale
de la classe ouvrière. Pour inviter les ouvriers à accepter les sacrifices,
elle prétend que ces "réformes" sont indispensables au nom de la "solidarité
citoyenne", pour instaurer plus de justice et d’égalité sociales, contre
la défense de mesquins intérêts corporatistes, contre les égoïsmes et les
privilèges. Quand la classe dominante parle d’égalité plus grande, c’est en
réalité le nivellement par le bas des conditions de vie de la classe ouvrière
qu’elle cherche à nous imposer.
Elle raconte que de tels "sacrifices" sont nécessaires au nom du
"sens des responsabilités" que chaque "citoyen" devrait
manifester envers la "collectivité". Non seulement la bourgeoisie
tente de culpabiliser les prolétaires, en cherchant à désigner chaque
"citoyen" ou une catégorie sociale particulière comme ayant sa part
de responsabilité dans les difficultés économiques de l’Etat national, mais
elle utilise en même temps l’intimidation, le chantage permanent. En cherchant
à nous persuader que si on n’accepte pas aujourd’hui de ses "serrer les
coudes" autour des "réformes" du gouvernement et de se serrer la
ceinture, nous allons tout droit vers une catastrophe future et la situation
sera encore pire demain pour les prolétaires. Rien n’est plus faux !
D’abord, cette catastrophe économique n’est pas une perspective lointaine. Elle
est déjà présente, et c’est justement parce que le capitalisme est aujourd’hui
en faillite que la classe dominante ne cesse d’asséner ses attaques contre
toute la classe ouvrière dans tous les pays. C’est justement cette catastrophe
présente qui pousse la bourgeoisie à démanteler l’Etat-providence à travers ses
"réformes".
Ensuite, ce n’est certainement pas en acceptant les sacrifices d’aujourd’hui
que la classe ouvrière va pouvoir préserver l’avenir et s’éviter une
dégradation future de ses conditions de vie. Bien au contraire ! Plus les
ouvriers acceptent de courber l’échine et de se soumettre à la logique du
capitalisme en crise, plus la bourgeoisie aura les mains libres pour leur
imposer de nouvelles attaques encore plus dures.
Une seule réponse, la lutte de classe
La classe ouvrière ne doit pas se laisser intimider ni culpabiliser par les
appels de la classe dominante au "sens des responsabilités
citoyennes". La seule responsabilité qui incombe à la classe ouvrière,
c’est de refuser de resserrer les rangs derrière ses exploiteurs, de refuser
les "sacrifices" qu’ils lui demandent. Sa seule responsabilité, c’est
de se battre pour la défense de ses conditions de vie.
La seule solidarité dont elle doit faire preuve, ce n’est pas la solidarité
"citoyenne" derrière l’Etat bourgeois, mais sa propre solidarité de
classe exploitée contre les prétendues "réformes" de la classe
exploiteuse. C’est seulement dans le développement de leurs luttes de
résistance aux attaques capitalistes que les prolétaires pourront développer
cette solidarité de classe et unir leurs forces par-delà les secteurs, par-delà
les frontières.
Face à la faillite du capitalisme, la classe ouvrière n’a pas d’autre choix que
de développer ses luttes. Pour cela, elle doit surmonter le sentiment
d’impuissance que la bourgeoisie essaie d’inoculer dans ses rangs, en
exploitant au maximum ses défaites passées (comme celle du mouvement du
printemps 2003 en France) pour démoraliser les prolétaires et leur faire croire
que la lutte ne paie pas et ne sert à rien.
Et pour pouvoir se battre efficacement, développer et unifier ses luttes sur
son propre terrain, la classe ouvrière doit éviter de tomber dans les pièges
mis en avant par les partis de gauche, les syndicats et les gauchistes. Elle
doit refuser leurs mots d’ordre gestionnaires et réformistes "Sauvons
la Sécu !" (ou encore "Défendons le service public contre
les privatisations !"). Ce terrain c’est celui de la gestion du
capital, ce n’est pas celui de la lutte ouvrière. La défense de la
"Sécu" en tant qu’institution de l’Etat bourgeois (voir RI n° 348) n’est pas le problème de la
classe ouvrière pas plus qu’elle ne doit participer à trouver des
"solutions" pour "combler le trou de la Sécu". Ce qui
importe à la classe exploitée, c’est de se battre pour exiger le remboursement
des soins médicaux, c’est de lutter pour défendre ses conditions de vie. Ses intérêts
sont non seulement distincts mais totalement antagoniques à ceux de la
bourgeoisie. Elle n’a pas la moindre unité ou la moindre solidarité nationale à
partager avec ses exploiteurs ni avec tous les gestionnaires du capital.
La classe ouvrière doit comprendre que ce système pourrissant ne peut être
réformé et qu’elle est la seule force sociale capable, par le développement
international de ses luttes, de sauver l’humanité de la catastrophe en
renversant le capitalisme.
[1] Voir l’article supplément emploi dans Libération du 20 septembre "Mon boss aime les 35 heures" sous-titré "Le MEDEF fustige la RTT mais la plupart des patrons des grandes entreprises s’en sont fort bien accommodés. Et ne veulent plus y toucher.