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Le GARAS (Groupement d’Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste) est né des convulsions qui secouent la CNT-AIT et publie depuis 2002 une Lettre de liaison (LL) (voir notre article dans RI n°345). Il se propose de promouvoir l’auto-organisation des luttes et d’impulser un syndicalisme efficace "en rupture avec le capitalisme" en cherchant à "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires." (LL n°4, p. 7) Dans ses publications, le GARAS fait le bilan de la défaite du mouvement du printemps 2003 contre la réforme des retraites. Il souligne le rôle diviseur des syndicats dans le mouvement pour isoler le secteur de l’Education nationale du reste de la classe ouvrière où ils "vont tout faire pour empêcher l’extension réelle du mouvement (…) Leur tactique est d’attendre l’essoufflement dans l’Education nationale, (…) sans appeler tous les secteurs où elles [les bureaucraties syndicales] sont implantées à entrer en grève en même temps", concluant qu’"il apparaît (…) que les syndicats ont une énorme responsabilité dans l’échec final. Il apparaît même qu’ils ont provoqué cet échec dès le début du mouvement." (LL n°7, p.6)
Pour l’essentiel, nous partageons les constats auxquels parvient le GARAS. Au printemps 2003 pour faire passer l’attaque générale sur les retraites, le gouvernement portait simultanément une attaque plus spécifique contre le secteur de l’Education nationale (la délocalisation des personnels ATOSS) dans le but d’empêcher le développement d’une lutte massive de tous les secteurs contre la réforme. Comme nous l’écrivions dans RI n°348 : "Rapidement les luttes des personnels de l’Education sont apparues comme le fer de lance de la mobilisation ouvrière. Mais, en leur sein, les syndicats n’ont cessé de mettre en avant les revendications spécifiques contre la délocalisation, dans lesquelles le reste de la classe ouvrière ne pouvait se reconnaître, qui ont pris le pas sur la question des retraites et fait passer celle-ci au second plan. Cette entreprise a non seulement permis au gouvernement de faire passer l’attaque sur les retraites mais d’entraîner le secteur enseignant, isolé et divisé, poussé par une partie de ces mêmes syndicats vers des actions radicales et impopulaires de boycott d’examens de fin d’année, dans une défaite la plus amère et cuisante possible." (voir aussi RI n° 337)
Le GARAS à l’encontre des besoins de la classe ouvrière
Tout en étant très critique vis-à-vis des syndicats, le GARAS lance son cri du coeur : "Comment ne pas se poser de questions quand on regarde le taux actuel de syndicalisation en France : 10 à 12% de travailleurs syndiqués dans le public et 2 à 3% dans le privé (…) Comment ne pas réagir, quand suite à de telles expériences [désignées dans le langage châtié du GARAS comme "des dérives du syndicalisme d’accompagnement des réforme"], des personnes en arrivent à trouver le syndicalisme, dans son ensemble, néfaste à l’organisation des travailleurs ? " (LL n°5, p.19)
Le travail de division de la classe ouvrière et d’enfermement du secteur de l’Education par les syndicats lors de la lutte du printemps 2003, n’a pas manqué, ici et là, de faire naître un doute sur les syndicats, de faire émerger un questionnement parmi les ouvriers sur leur nature et le rôle qu’ils jouent dans la lutte des classes.
Cette défiance et la désaffection des syndicats que le GARAS veut faire passer pour une preuve d’inconscience chez les ouvriers, manifestent au contraire une compréhension instinctive que les syndicats défendent la classe ennemie. Ce premier pas forme l’une des conditions pour que la classe ouvrière développe la lutte de façon autonome, en refusant d’en abandonner la direction à ces saboteurs professionnels.
C’est le rôle des groupes, des courants qui, comme le GARAS, s’alarment de la méfiance développée par les ouvriers à l’égard du syndicalisme lui-même de stériliser et dévoyer cette réflexion en y apportant de fausses réponses. L’une de celles-ci consiste à prôner un syndicalisme "différent" comme véritable et seule alternative à la lutte lorsque les tromperies des centrales syndicales deviennent par trop voyantes. Ce syndicalisme de "combat", "autonome", "d’assemblée", de "base", etc., n’est rien d’autre que ce syndicalisme de base qui a pour fonction de briser les reins de la classe ouvrière dans le développement de ses luttes. Celui-ci n’a rien de nouveau mais est une entrave constante que les forces de gauche et d’extrême gauche de la bourgeoisie n’ont eu de cesse de lui mettre dans les jambes depuis plus de trente ans. Extérieur aux centrales ou aux directions, ce syndicalisme de base est en réalité le complément indispensable au sabotage syndical des luttes. Il a pour fonction de rehausser la crédibilité du syndicalisme en proposant un syndicalisme régénéré. Telle est la tâche à laquelle s’emploie le GARAS en affirmant qu’"il est clair que les centrales ne font pas leur travail de syndicats". Pour lui, "les bureaucraties syndicales qui ne remettent pas en cause le capitalisme sont contre nous dans cette lutte, ou ne se donnent pas les moyens de tenir le rapport de forces." Il revendique, qu’avec la crise économique "le syndicalisme réformiste, de concertation sociale, de cogestion avec l’Etat et le patronat n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant" (LL n°6, p.4) et que ce type de syndicalisme est révolu : il faut maintenant un syndicalisme plus efficace.
Le GARAS apporte sa contribution au sabotage syndical
Toute la pratique du GARAS consiste à enfermer les ouvriers dans la logique syndicaliste. Ainsi, comme il le dit : "Mettre la pression sur les centrales par des appels répétés à l’extension de la grève par les AG peut jouer puisque de nombreux travailleurs veulent entrer en grève, mais à deux conditions qui ne sont pas toujours remplies : 1° faire un bilan des actions entreprises par les centrales, afin de les mettre dans l’embarras en montrant à leur base qu’elles sont inactives, ce qui les poussera à agir même timidement. 2° organiser par nous-mêmes l’extension de la grève en allant à la rencontre d’autres travailleurs, y compris des syndiqués de ces centrales." (LL n°4, p.5) Ne nous y trompons pas, cette proposition, sous des dehors radicaux, n’est que la version anarcho-syndicaliste du "mettre les Bernard Thibault, les François Chérèque, les Jean-Claude Mailly au pied du mur" des trotskistes de Lutte Ouvrière. C’est le moyen de subtile défense des syndicats utilisé depuis des années par les gauchistes de tout poil pour entretenir les illusions ouvrières sur leur nature véritable. Le GARAS assume le même rôle de rabatteur sur les centrales et le syndicalisme habituellement dévolu aux gauchistes dans leur tâche d’encadrement de la classe ouvrière. Pour ce faire, le GARAS n’hésite pas, dans sa critique des syndicats, à mettre de l’eau dans son vin en voyant "deux exceptions cependant, FO et SUD" [qui comprennent de nombreux éléments se revendiquant de l’anarcho-syndicalisme]. Il crédite ainsi le piège classique à double mâchoire tendu par la bourgeoisie aux ouvriers, et particulièrement les plus combatifs, insatisfaits de la modération des centrales : celui-ci consiste à leur présenter comme alternative des syndicats ou des structures analogues au langage plus radical, qui ont depuis longtemps fait la preuve de leur capacité à étouffer toute véritable lutte. Le GARAS a ainsi été le tenant jusqu’au boutiste de la grève générale défendue sur la fin du mouvement de 2003 par FO, chiffon rouge agité pour épuiser dans l’isolement les derniers carrés d’ouvriers combatifs de l’Education nationale. Adepte de "l’action directe", plongeant avec délectation dans les actions coup de poing, défouloirs sans perspective (occupations de gares, barrages routiers, etc.), il a ainsi lui-même apporté sa petite contribution à la réussite de la manoeuvre bourgeoise d’enfermement et d’épuisement des travailleurs de l’Education.
Dans sa quête d’un syndicalisme qui lave plus blanc, le GARAS nous explique que "le syndicalisme est une démarche pratique qui permet d’intervenir dans la sphère du travail : problèmes de salaire, de rapports avec la hiérarchie, de changements de contrats, de conditions de travail, de licenciements, de changement de statut…" (LL n°6, p.3) Il faudrait qu’il nous explique en quoi ce qu’il revendique se différencie de la pratique qu’il reproche aux grandes centrales "gestionnaires des structures de médiation du capitalisme dans le monde du travail (CE, commissions paritaires…)" ? Une fois débarrassés de leur emballage "radical", les actes et les prises de position du GARAS montrent qu’il se place exactement dans la même logique de défense et de gestion du capital.
Ainsi se propose-t-il de "bien étudier la situation économique des entreprises pour comprendre correctement les enjeux d’une lutte, et riposter de la façon appropriée." (Ibid.) Cette approche typiquement syndicale qui élève les limites sectorielles comme autant de divisions entre prolétaires et qui enferme chaque fraction du prolétariat dans "son" usine, "son" secteur, a, depuis des années, constamment été mise en avant pour entretenir le sentiment d’impuissance face aux attaques dans le but d'imposer les sacrifices à la classe ouvrière et la soumettre aux impératifs du capital national, ou bien pour semer des illusions sur une autre politique possible. Dans tous les cas, il s’agit de masquer aux yeux des prolétaires la faillite du capitalisme, comme système dans son ensemble, ainsi que la nécessité d’une lutte unie et globale de tout le prolétariat contre ce système.
C’est bien contre cette prise de conscience qu’est utilisé le "révolutionnarisme" à la GARAS voulant "…favoriser des projets allant à l’encontre de la logique marchande, (…) mettre en place des banques de semences non contaminées par les OGM, (…) créer des coopératives ayant entre autres buts de permettre à des travailleurs virés par leur patron de produire sans hiérarchie, sans logique de profit, en accord avec l’environnement…" (Ibid.) Cette version anarcho-syndicaliste "d’un autre monde possible" (sans détruire le capitalisme !) s’épanouit pleinement au sein du courant altermondialiste dont la bourgeoisie fait sans relâche la promotion. En répandant ses phrases creuses sur la construction d’une alternative au sein de la société capitaliste, le GARAS répand les illusions bourgeoises de la possibilité de son aménagement, alors que ce système et ses lois économiques, et l’Etat qui les incarne, doivent être détruits. Pas étonnant qu’il trouve sa place au sein de l’arsenal idéologique que déploie aujourd’hui la bourgeoisie. L’incapacité congénitale de l’anarcho-syndicalisme à s’attaquer aux racines de la domination de classe de la bourgeoisie en fait un bon moyen aux mains de celle-ci pour répandre un maximum de confusions dans les rangs du prolétariat pour le plus grand profit de la bourgeoisie et le maintien du système d’exploitation capitaliste : dans la période de décadence du capitalisme, réformer le système ne peut que signifier soumettre le prolétariat à sa barbarie.
Dans un prochain numéro, nous répondrons aux arguments du GARAS qui revendique un syndicalisme de "lutte des classes" en montrant que le syndicalisme n’est plus une arme pour la classe ouvrière.
Scott