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L’ampleur du désastre écologique préoccupe une part croissante de la population mondiale, en particulier les jeunes. Face au désastre, toutes sortes d’actions citoyennes émergent.
Au quotidien, chacun est appelé à faire un effort : trier ses déchets, réduire sa consommation de viande, favoriser l’usage du vélo… Ces petits gestes individuels sont censés s’additionner comme les petits ruisseaux font les grandes rivières. Tous les pays du monde encouragent ce « civisme» : publicité, logos, incitations pour les voitures électriques, réductions d’impôts pour l’isolation… Le geste écocitoyen comme remède à la pollution ! Les mêmes gouvernements qui larguent des bombes et rasent les forêts veulent nous faire croire que la solution pour la planète réside dans des actions individuelles qualifiées de « raisonnables et durables ».
Ne soyons pas dupes : leur véritable objectif est de diviser et de fragmenter. Ces injonctions à « faire ce qu’il faut pour la planète » sont même destinées à culpabiliser ceux qui sont victimes de ce système d’exploitation. Dans le même temps, elles tentent de nous faire croire que le capitalisme peut être « vert », écoresponsable, durable… si chacun y met du sien. Ces mensonges nous détournent des vraies racines, des vraies causes de la crise environnementale : le capitalisme lui-même.
Il en va de même des « marches pour le climat ». Ces manifestations géantes rassemblent régulièrement des centaines de milliers de personnes à travers le monde préoccupées par l’avenir qui s’offre à eux. Leurs slogans reflètent parfois le sentiment qu’un changement profond est nécessaire : « un changement de système, pas un changement de climat .» Mais tout effort pour s’attaquer aux vraies racines du problème est sapé par d’autres slogans, comme « arrêtez de parler, commencez à agir », et surtout par leur pratique générale. La figure de proue de ce mouvement, la jeune Greta Thunberg, dit souvent : « Nous voulons que les politiciens parlent aux scientifiques, qu’ils les écoutent enfin ». En d’autres termes, ces manifestants espèrent « faire pression » sur les dirigeants, pour les inciter à mener des politiques plus respectueuses de la nature. Une autre mystification découle de cette logique, celle de classer les anciennes générations dans la catégorie des « inconscients » ou des « égoïstes », par opposition aux « jeunes » qui se battent pour la planète : « Vous dites que vous aimez vos enfants, mais vous leur volez leur avenir », a ainsi déclaré Greta Thunberg. Il y a donc toute une théorisation d’une opposition supposée entre la « génération climat » et les « boomers » !
L’écologie radicale prétend aller plus loin : il ne s’agit plus de crier « Regardez ! » ou « Réveillez-vous ! » aux puissants de ce monde, mais de les forcer à adopter une autre politique. Extinction Rebellion (XR), et maintenant Just Stop Oil, avec leurs journées de « rébellion internationale », sont les principaux représentants de ce mouvement qui dénonce avec véhémence « l’écocide en cours ». Manifestations, occupations de carrefours routiers, montées sur des trains, mises en scène pour faire connaître l’état désastreux de l’environnement… les moyens les plus spectaculaires sont utilisés pour « mettre la pression ». Mais derrière ce « radicalisme » se cache exactement la même démarche : faire croire que l’État peut (s’il y est « contraint ») mener une politique écologique, que le capitalisme peut être « vert ».
Au sein de ce mouvement en faveur de l’action directe, l’un des courants les plus actifs est le mouvement « zadiste » en France. Il s’agit d’occuper des « Zones à défendre » (ZAD) menacées par les appétits du capital et de la finance, comme une zone destinée à accueillir un nouvel aéroport ou une méga-bassine. Rassemblements de « rebelles » les ZAD luttent contre le « grand capital » pour promouvoir la petite agriculture, la « production et la consommation locales » la communauté »… autrement dit : le petit capital ! Le système reste donc fondamentalement le même, avec tout ce que cela implique en termes d’échanges marchands et de relations sociales.
Enfin, un mouvement plus théorique prétend vouloir remplacer le capitalisme par un autre système, notamment le mouvement de la décroissance. Ce courant pointe l’impossibilité d’un capitalisme « vert » et invoque la nécessité d’un « post-capitalisme » (Jason Hickel), d’un « éco-socialisme » (John Bellamy Foster), voire d’un « communisme de la décroissance » (Kohei Saito). Ce courant affirme que le capitalisme est mû par un besoin constant d’expansion, d’accumulation de valeur, et qu’il ne peut traiter la nature que comme un « don gratuit » à exploiter au maximum tout en cherchant à soumettre chaque région de la planète aux lois du marché. Mais comment parvenir à une autre société ? Par quelles luttes ? Les décroissants de répondre : un mouvement social « par le bas », la mise en place d’« espaces communs », d’« assemblées citoyennes »… Mais qui sont les « citoyens » en question ? Quelle force sociale spécifique peut mener la lutte pour le renversement du capitalisme et se placer à la tête d’un tel mouvement ? Telle est la question centrale à laquelle les adeptes de la décroissance ne répondent pas pour mieux exclure la classe ouvrière de l’équation, la diluer dans « le peuple », « les citoyens »…
En résumé, toutes ces formes de mouvement écologiste, de l’action individuelle à la contestation « radicale », ont en commun de vouer la classe ouvrière à l’impuissance :
- soit parce qu’elles ne s’attaquent pas aux causes de la crise écologique mais seulement à ses conséquences :
- soit parce qu’elles imaginent que les États existants peuvent prendre en charge le seul changement susceptible de mettre fin à la catastrophe écologique : le renversement du système capitaliste, que ces mêmes États sont entièrement voués à défendre ;
- ou, lorsqu’elles prétendent vouloir renverser le capitalisme, parce qu’elles écartent la seule force de la société qui peut mettre fin à ce système, la principale classe exploitée de cette société, le prolétariat.
Ces mouvements se veulent « radicaux », mais être « radical », c’est attaquer les problèmes à la racine. Et la racine de la crise environnementale, c’est le capitalisme !