Courrier des lecteurs: Le Nouveau Front populaire, nouvel instrument contre le prolétariat

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Nous publions, ci-dessous, un extrait de la contribution d’une camarade qui a participé à la réunion publique internationale organisée par le CCI en juillet. Nous tenons tout d’abord à saluer la démarche très sérieuse et l’état d’esprit combatif de la camarade C. qui cherche à tirer un premier bilan des débats en exprimant quels arguments ont su renforcer et faire évoluer son point de vue, tout en enrichissant encore la réflexion qu’a suscitée la discussion. En cela, la camarade s’inscrit pleinement, et avec responsabilité, dans le cadre d’un débat prolétarien qui a pour objectif la clarté des buts historiques et des moyens de la lutte du prolétariat.

Dans la partie de sa contribution que nous publions, la camarade manifeste son souci de la clarté politique en s’appuyant sur la méthode historique du marxisme pour expliquer la différence entre le Front populaire de 1936 et le Nouveau Front populaire de 2024. Elle montre ainsi, non seulement la nature bourgeoise de ces deux coalitions de gauche dans un contexte différent, mais aussi toute la mystification démocratiste qui se cache derrière l’évocation de Léon Blum par la gauche aujourd’hui.

CCI, 5 septembre 2024

J’aimerais réagir à la réunion publique de cet après-midi sur les élections. Déjà j’aimerais vous remercier pour la tenue de cette discussion. Je me doutais bien que nous n’aurions pas le temps d’aborder tous les sujets proposés, ce qui est dommage, mais la discussion fut tout de même très intéressante. Le caractère international de la réunion, avec des camarades de pleins de pays différents, offrant des perspectives différentes fut très enrichissante, et j’espère que malgré les problèmes et la difficulté de tenir des réunions dans de multiples langues, que le CCI sera en mesure d’organiser d’autres réunions de ce type […].

Le deuxième point que j’aimerais aborder, et que malheureusement je n’ai pas pu aborder lors de la discussion, c’est le rôle des fronts populaires, et notamment l’analyse qu’en fait la TCI. (1) Je n’ai pas eu l’occasion d’approfondir la position de la TCI, donc je ne peux que me référer à ce que la camarade P. a dit, c’est-à-dire que la TCI effectue un parallèle entre le NFP et le Front populaire de Léon Blum en 36. La TCI affirme que le rôle des Fronts populaires est d’entraîner la classe ouvrière dans l’engrenage de la guerre impérialiste mondiale. Il s’agit d’un parallèle fallacieux et vide de substance, mais peu étonnant lorsqu’on écarte le cadre de la décomposition. Le sujet a malheureusement été assez peu développé, en relisant la discussion, je constate qu’il y a eu très peu d’interventions sur ce sujet.

Pour comprendre en quoi la situation diffère, il faut effectuer une comparaison de la situation actuelle avec celle de 36 et l’élection du Front populaire. En 1936, la classe ouvrière venait de subir une défaite très importante. Cette défaite a laissé le champ libre à la bourgeoisie de poursuivre et imposer toutes ses ambitions, ce qui à terme, a donné lieu au massacre de la Deuxième Guerre mondiale. Le Front populaire à cette époque, était la manifestation de la faiblesse et de la défaite du prolétariat qui n’avait d’autre choix que de se ranger derrière la bourgeoisie, et de se laisser embrigader par toutes les idéologies bourgeoises comme l’antifascisme.

Aujourd’hui, la situation est radicalement différente, le prolétariat ne vient pas de subir une défaite, au contraire, il commence justement à se remettre de sa précédente défaite, et de la période de contre-révolution, comme en témoignent les mouvements à l’internationale ces dernières années qui ont bien plus d’ampleur que ceux des décennies précédentes. Comme vu précédemment, si le populisme constitue une menace pour la bourgeoisie, il a tout de même cet avantage qu’il permet d’être utilisé pour mobiliser la classe ouvrière sur le champ parlementaire. En ce sens, la gauche s’est placée à l’avant-garde de la défense de la démocratie, se présentant comme seule alternative au populisme. Mais même en se présentant ainsi, après des décennies de déception, de mensonge, et d’attaques dès qu’elle arrive au pouvoir, la gauche reste relativement décrédibilisée.

C’est pour cela que pour essayer de convaincre et de mobiliser, elle présente un programme de plus en plus irréaliste. Je pense par exemple au SMIC à 1600€ présenté par le NFP en France. Un autre indice, c’est le manque d’unicité au sein du NFP, contrairement au Front Populaire des années 30, celui-ci à peine arrivé au pouvoir que le NFP est déjà en train de se dissoudre du fait de son hétérogénéité et de son incohérence politique. Ces quelques éléments/pistes montrent bien que la situation est incomparable à celle des années 30, et qu’en faisant un tel parallèle, la TCI ne peut que se tromper totalement dans son analyse.

Quant à la gauche, il est de mon avis que de faire appel à la mémoire du Front Populaire dans le contexte actuel, alors qu’elle est incapable de ne serait-ce que mobiliser et obtenir l’approbation des ouvriers est une erreur gravissime pour elle et que cela risque de lui coûter très cher sur le long terme en étant un gros facteur de décrédibilisation […].

C.

1) Tendance communiste internationaliste, organisation issue de la Gauche communiste (NdR).

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Les élections, un piège pour la classe ouvrière