Les atrocités de la guerre utilisées pour justifier… de nouvelles atrocités

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  • "La guerre est un meurtre méthodique, organisé, gigantesque. En vue d'un meurtre systématique, chez des hommes normalement constitués, il faut cependant d'abord produire une ivresse appropriée. C'est depuis toujours la méthode habituelle des belligérants. La bestialité des pensées et des sentiments doit correspondre à la bestialité de la pratique, elle doit la préparer et l'accompagner." (Rosa Luxemburg, "La crise de la Social-démocratie", 1915)

Les affrontements terribles qui ensanglantent encore une fois le Proche-Orient viennent confirmer à nouveau ce qu'écrivait la grande révolutionnaire Rosa Luxemburg dans sa prison, en 1915.

Les miliciens du Hamas qui ont commis, le 7 octobre 2023, des crimes atroces contre des populations civiles israéliennes, femmes, enfants, vieillards, n'ont pu se conduire avec une telle barbarie qu'à la suite d'un conditionnement, d'un lavage de cerveau systématique de la part de l'organisation islamiste qui dirige la bande de Gaza.

De même si, aujourd'hui, la grande majorité de la population israélienne approuve les bombardements criminels et l'offensive terrestre dont sont victimes les habitants de Gaza, et qui ont fait déjà des milliers de morts civils, c'est parce qu'elle a subi un terrible traumatisme avec le massacre du 7 octobre mais aussi parce qu'elle aussi a été victime d'un conditionnement pendant des décennies de la part des autorités israéliennes et des différents partis de la bourgeoisie.

Aujourd'hui, avec la guerre entre l'État d'Israël et le Hamas, nous sommes une nouvelle fois témoins de l'utilisation par les différentes forces politiques qui défendent la perpétuation de l'ordre capitaliste d'une méthode que la classe exploiteuse a utilisée à grande échelle depuis le début du 20e siècle pour justifier la barbarie guerrière : la mise en évidence des atrocités commises par "l'ennemi" pour justifier ses propres atrocités. Et les exemples ne manquent pas tout au long du 20e siècle, le siècle où le système capitaliste est entré dans sa période de décadence.

Certes, la guerre a existé bien avant cette période et ses justifications par ceux qui les dirigeaient l'ont toujours accompagnée mais les guerres du passé n'avaient jamais pris la forme d'une guerre totale, mobilisant toutes les ressources de la société et impliquant toute la population comme c'est devenu le cas à partir de 1914. Et c'est au cours de la Première Guerre mondiale que la propagande permettant de mobiliser les plus larges secteurs de la population d'un pays a été prise en charge de façon organisée et systématique par les gouvernements des pays belligérants.

Les aveux des défenseurs de l'ordre capitaliste

Nous avons déjà consacré dans notre presse un article très fouillé sur la propagande destinée, "en vue d'un meurtre systématique", à "produire une ivresse appropriée chez des hommes normalement constitués", comme l'écrivait Rosa Luxembourg. Nous engageons nos lecteurs à prendre connaissance de la totalité de cet article, "Naissance de la démocratie totalitaire"[1], publié en 2015, dont nous ne citerons ici que quelques courts extraits.

En particulier, cet article cite abondamment un ouvrage d'Harold Lasswell publié en 1927 et intitulé "Propaganda technique in the World War".

En voici quelques passages :

  • "Les résistances psychologiques à la guerre dans les nations modernes sont si grandes que chaque guerre doit apparaître comme une guerre de défense contre un agresseur menaçant et meurtrier. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté sur ceux que le public doit haïr. Il ne faut pas que la guerre ait pour cause un système mondial de conduite des affaires internationales, ni la stupidité ou la malveillance de toutes les classes gouvernantes, mais la rapacité de l'ennemi. Culpabilité et innocence doivent être géographiquement établies et toute la culpabilité doit se trouver de l'autre côté de la frontière. Si la propagande veut mobiliser toute la haine des populations, elle doit veiller à ce que toutes les idées qui circulent fassent porter l'unique responsabilité sur l'ennemi. Des variations de ce thème peuvent être permises dans certaines circonstances que nous chercherons à spécifier, mais ce thème doit toujours être le schéma dominant. Les gouvernements d'Europe occidentale ne peuvent jamais être tout-à-fait certains que le prolétariat existant dans leurs frontières et sous leur autorité qui a une conscience de classe se ralliera à leur clairon guerrier."
  • La propagande "est une concession à la rationalité du monde moderne. Un monde instruit, un monde éduqué préfère se développer sur la base d'arguments et d'informations (…) Tout un appareil d'érudition diffusée popularise les symboles et les formes d'appel pseudo-rationnel : le loup de la propagande n'hésite pas à s'habiller en peau de mouton. Tous les hommes éloquents de l'époque – es écrivains, les reporters, les éditeurs, les prêcheurs, les conférenciers, les professeurs, les politiciens– sont mis au service de la propagande et amplifient la voix du maître. Tout est conduit avec le décorum et l'habillage de l'intelligence car c'est une époque rationnelle qui demande que la viande crue soit cuite et garnie par des chefs cuisiniers adroits et compétents. Une flamme nouvelle doit étouffer le chancre du désaccord et renforcer l'acier de l'enthousiasme belliqueux." (Lasswell, op. cit. p. 221)
  • "Pour mobiliser la haine de la population contre l'ennemi, il faut représenter la nation adverse comme un agresseur menaçant et meurtrier (…). C'est à travers l'élaboration des buts de guerre que le rôle d'obstruction de l'ennemi devient particulièrement évident. Représenter la nation adverse comme satanique : elle viole tous les standards moraux (les mœurs) du groupe et est une insulte à son estime de soi. Le maintien de la haine dépend du fait de compléter les représentations de l'ennemi menaçant, obstructeur, satanique, par l'assurance de la victoire finale." (Lasswell, op.cit., p. 195)

La lecture de ces passages, qui illustrent et complètent de façon remarquable les lignes de Rosa Luxemburg, pourrait laisser penser que Lasswell était un militant combattant le capitalisme. Il n'en est rien, c'était un universitaire américain éminent qui a publié de nombreux ouvrages de sciences politiques et a enseigné cette discipline de 1946 à 1958 à la prestigieuse université de Yale. Dans son ouvrage de 1927, en conclusion de ses travaux, il préconise un contrôle gouvernemental des techniques de communication (télégraphe, téléphone, cinéma et radio) et il a mis ses compétences au service de la bourgeoisie américaine tout au long de sa vie, notamment au cours de la Seconde Guerre mondiale où il était directeur de recherche sur la communication et la guerre au sein de la Library of Congress (la principale et prestigieuse bibliothèque des États-Unis) en même temps qu'il travaillait dans les services de propagande de l'armée.

La guerre du Camp du BIEN contre le Camp du MAL

Comme l'expriment de façon lumineuse les écrits de Lasswell, il s'agit pour chaque État menant la guerre de présenter l'ennemi combattu comme l'incarnation du MAL de façon à se présenter lui-même comme le représentant éminent du BIEN. Les exemples sont nombreux dans l'histoire à partir de 1914 et nous ne pouvons en citer que quelques uns.

Comme le dit notre article de 2015, "la Grande-Bretagne utilisa à fond l'occupation de la Belgique par l'Allemagne, non sans une bonne dose de cynisme puisque en fait l'invasion allemande contrecarrait tout simplement les plans de guerre britanniques. Elle propagea des histoires d'atrocités les plus macabres : les troupes allemandes tuaient les bébés à coups de baïonnette, faisaient de la soupe avec les cadavres, attachaient les prêtres la tête en bas au battant de la cloche de leur propre église, etc.".

La bourgeoisie française ne fut pas en reste : dans une carte postale de propagande, on trouve un poème où un soldat explique à sa jeune sœur ce qu'est un "boche" (terme utilisé en France pour désigner l'Allemand et qui signifie "boucher").

  • "Tu veux savoir, enfant, ce qu’est ce monstre, un boche ?
    Un boche, mon chéri, c’est l’être sans honneur,
    C’est un bandit sournois, lourdaud, haineux, et moche,
    C’est un croquemitaine, un ogre empoisonneur.
    C’est un diable en soldat qui brûle les villages,
    Fusille les vieillards, les femmes, sans remords,
    Achève les blessés, commet tous les pillages,
    Enterre les vivants et dépouille les morts
    C’est un lâche égorgeur des enfants, des fillettes,
    Embrochant les bébés avec des baïonnettes,
    Massacrant par plaisir, sans raisons… sans quartier
    C’est l’homme, mon enfant, qui veut tuer ton père,
    Détruire ta Patrie et torturer ta mère,
    C’est le teuton maudit par l’univers entier.

Ce type de propagande s'est particulièrement développé à la suite des fraternisations qui avaient eu lieu sur le front au moment de Noël 1914 entre des unités allemandes, françaises et écossaises. Ce poème le dit clairement : on ne peut, en aucune façon, fraterniser avec des "monstres".

Par la suite, l'accumulation des cadavres des deux côtés a servi pour chaque État belligérant à justifier la diabolisation de l'ennemi. Dans chaque camp on louait l'héroïsme et le sacrifice de ses soldats dans la "nécessaire" mission de faire barrage aux "crimes" des soldats de l'autre camp. Tuer des êtres humains n'était plus un crime s'ils portaient un autre uniforme mais au contraire un "devoir sacré en défense de l'humanité et de la morale".

Cette diabolisation des peuples "ennemis" en vue de justifier la barbarie guerrière s'est maintenue tout au long du 20e siècle et au début du 21e siècle où la guerre est devenue une manifestation permanente de la plongée du capitalisme dans sa phase de décadence. La Seconde Guerre mondiale nous en offre un exemple à la fois éclairant et atroce. Pour la propagande bourgeoise d'aujourd'hui, il y avait un seul "Camp du MAL" : l'Allemagne nazie et ses alliés.

Le régime nazi était l'incarnation de la contre-révolution qui s'était abattue sur le prolétariat d'Allemagne après ses tentatives révolutionnaires de 1918-23. Une contre-révolution à laquelle les "démocraties" du "Camp du BIEN" avaient apporté toute leur contribution et qui a été parachevée par le nazisme. D'ailleurs, ces "démocraties" avaient longtemps estimé qu'elles pourraient s'entendre avec le régime hitlérien comme l'attestent les accords de Munich de 1938. Les atrocités commises par le régime nazi ont servi à la propagande des alliés pour justifier leurs propres atrocités. En particulier, l'extermination des juifs d'Europe par ce régime, expression la plus concentrée de la barbarie dans laquelle la décadence du système capitaliste a plongé la société humaine, a constitué un argument massif et présenté comme "irréfutable" de la nécessité pour les Alliés de détruire l'Allemagne, ce qui passait notamment par l'assassinat de dizaines de milliers de civils sous les bombes du Camp du BIEN. Après la guerre, lorsque les populations des pays "vainqueurs" ont eu connaissance des crimes commis par leurs dirigeants, on leur a expliqué que les effroyables massacres de populations civiles (notamment les bombardements de Hambourg entre le 25 juillet et le 3 août 1943 et ceux de Dresde du 13 au 15 février 1945 qui, utilisant massivement des bombes incendiaires, visaient essentiellement les civils faisant au total plus de 100 000 morts) se justifiaient par la barbarie du régime nazi. Ces mêmes dirigeants ont organisé une propagande massive sur les atrocités –réelles- commises par ce régime, et particulièrement l'extermination des populations juives.[2] Ils se gardaient bien, en revanche, de préciser que les Alliés n'ont strictement rien fait pour venir en aide à ces populations à qui la plupart des pays du Camp du BIEN ont refusé des visas d'entrée et qui ont même rejeté les propositions des dirigeants nazis de leur remettre des centaines de milliers de juifs.

La dénonciation de l'hypocrisie des "démocraties" par la Gauche communiste

Cette immonde hypocrisie de la bourgeoisie "démocratique" est très bien démontée, avec l'évocation de faits historiques avérés, dans un article intitulé "Auschwitz ou le grand alibi" et paru en 1960 dans le n°11 de la revue Programme Communiste (organe du Parti Communiste International, bordiguiste)[3]. Voici la conclusion de cet article que nous soutenons pleinement :

  • "Nous avons vu comment le capitalisme a condamné des millions d'hommes à mort en les rejetant de la production. Nous avons vu comment il les a massacrés tout en leur extrayant toute la plus-value possible. Il nous reste à voir comment il les exploite encore après leur mort elle-même.
  • Ce sont d'abord les impérialistes du camp allié qui s'en sont servis pour justifier leur guerre et justifier après leur victoire le traitement infâme infligé au peuple allemand. Comme on s'est précipité sur les camps et les cadavres, promenant partout d'horribles photos et clamant : voyez quels salauds sont ces Boches ! Comme nous avions raison de les combattre ! Et comme nous avons raison maintenant de leur faire passer le goût du pain ! Quand on pense aux crimes innombrables de l'impérialisme ; quand on pense par exemple qu'au moment même (1945) où nos Thorez chantaient leur victoire sur le fascisme, 45.000 Algériens (provocateurs fascistes !) tombaient sous les coups de la répression[4] ; quand on pense que c'est le capitalisme mondial qui est responsable des massacres, l'ignoble cynisme de cette satisfaction hypocrite donne vraiment la nausée.
  • En même temps tous nos bons démocrates antifascistes se sont jetés sur les cadavres des Juifs. Et depuis ils les agitent sous le nez du prolétariat. Pour lui faire sentir l'infamie du capitalisme ? Non, au contraire : pour lui faire apprécier par contraste la vraie démocratie, le vrai progrès, le bien-être dont il jouit dans la société capitaliste ! Les horreurs de la mort capitaliste doivent faire oublier au prolétariat les horreurs de la vie capitaliste et le fait que les deux sont indissolublement liées ! (…) Si on montre les abat-jour en peau d'homme, c'est pour faire oublier que le capitalisme a transformé l'homme vivant en abat-jour. Les montagnes de cheveux, les dents en or, le corps de l'homme mort devenu marchandise doivent faire oublier que le capitalisme a fait de l'homme vivant une marchandise. C'est le travail, la vie même de l'homme, que le capitalisme a transformé en marchandise. C'est cela la source de tous les maux. Utiliser les cadavres des victimes du capital pour essayer de cacher la vérité, faire servir ces cadavres à la protection du capital c'est bien la plus infâme façon de les exploiter jusqu'au bout."

En fait, cet article expose ce qui constitue une position fondamentale de la Gauche communiste : la dénonciation de l'idéologie antifasciste, dont l'évocation de la Shoah constitue un pilier, comme moyen de justifier la défense de la "démocratie" capitaliste. Ainsi, dès juin 1945, le numéro 6 de L’Étincelle, journal de la Gauche Communiste de France, l'ancêtre politique du CCI, avait publié un article intitulé "Buchenwald, Maïdaneck, démagogie macabre" qui développait le même thème et que nous reproduisons ci-dessous :

  • "Le rôle joué par les SS, les nazis et leur camp d’industrialisation de la mort, fut celui d’exterminer en général tous ceux qui s’opposèrent au régime fasciste et surtout les militants révolutionnaires qui ont toujours été à la pointe du combat contre la bourgeoisie capitaliste, quelque forme qu’elle prenne : autarchique, monarchique ou "démocratique", quel que soit leur chef : Hitler, Mussolini, Staline, Léopold III, Georges V, Victor-Emmanuel, Churchill, Roosevelt, Daladier ou de Gaulle.

La bourgeoisie internationale qui, lorsque la révolution d’Octobre éclata, en 1917, chercha tous les moyens possibles et imaginables pour l’écraser, qui brisa la révolution allemande en 1919 par une répression d’une sauvagerie inouïe, qui noya dans le sang l’insurrection chinoise prolétarienne ; la même bourgeoisie finança en Italie la propagande fasciste puis en Allemagne celle de Hitler ; la même bourgeoisie mit au pouvoir en Allemagne celui qu’elle avait désigné comme devant être pour son compte le gendarme de l’Europe ; la même bourgeoisie aujourd’hui enfin dépense des millions pour financer le montage d’une exposition "SS crimes hitlériens", les prises de vues et la présentation au public de films sur les "atrocités allemandes" (pendant que les victimes de ces atrocités continuent à mourir souvent sans soins et que les rescapés qui rentrent n’ont pas les moyens de vivre).

Cette même bourgeoisie, c’est elle qui a payé d’un côté le réarmement de l’Allemagne et de l’autre a bafoué le prolétariat en l’entraînant dans la guerre avec l’idéologie antifasciste, c’est elle qui de cette façon ayant favorisé la venue de Hitler au pouvoir s’est servie jusqu’au bout de lui pour écraser le prolétariat allemand et l’entraîner dans la plus sanglante des guerres, dans la boucherie la plus immonde que l’on puisse concevoir.

C’est toujours cette même bourgeoisie qui envoie des représentants avec des gerbes de fleurs, s’incliner hypocritement sur les tombes des morts qu’elle a elle-même engendrés parce qu’elle est incapable de diriger la société et que la guerre est sa seule forme de vie.

C’EST ELLE QUE NOUS ACCUSONS !

car les millions de morts qu’elle a perpétrés dans cette guerre ne sont qu’une addition à une liste déjà bien trop longue, hélas, des martyrs de la "civilisation", de la société capitaliste en décomposition.

Les responsables des crimes hitlériens ne sont pas les Allemands qui ont les premiers, en 1934, payé par 450.000 vies humaines la répression bourgeoise hitlérienne et qui ont continué à subir cette impitoyable répression quand celle-ci se portait en même temps à l’étranger. Pas plus que les Français, les Anglais, les Américains, les Russes, les Chinois ne sont responsables des horreurs de la guerre qu’ils n’ont pas voulue mais que leur bourgeoisie leur ont imposé.

Par contre, les millions d’hommes et de femmes qui sont morts à petit feu dans les camps de concentration nazis, qui ont été sauvagement torturés et dont les corps pourrissent quelque part, qui ont été frappé pendant cette guerre en combattant ou surpris dans un bombardement "libérateur", les millions de cadavres mutilés, amputés, déchiquetés, défigurés, enfouies sous la terre ou pourrissant au soleil, les millions de corps, soldats, femmes, vieillards, enfants.

Ces millions de morts réclament vengeance...
... et ils réclament vengeance non sur le peuple allemand qui lui continue à payer ; mais sur cette infâme bourgeoisie et sans scrupules qui elle n’a pas payé, mais profité et qui continue à narguer les esclaves qui ont faim, avec leurs mines de porcs à l’engrais.

La seule position pour le prolétariat n’est pas de répondre aux appels démagogiques tendant à continuer et à accentuer le chauvinisme au travers des comités antifascistes, mais la lutte directe de classe pour la défense de leurs intérêts, leur droit à la vie, lutte de chaque jour, de chaque instant jusqu’à la destruction du régime monstrueux du capitalisme." [5]

Aujourd'hui encore, l'État d'Israël (et ceux qui le soutiennent), invoque le souvenir de la Shoah pour justifier ses crimes. Les atrocités subies dans le passé par les populations juives sont un moyen de faire croire que cet État appartient au Camp du BIEN même lorsqu'il prend exemple sur les "démocraties" lors de la Seconde Guerre mondiale pour massacrer sous les bombes, de façon délibérée, les populations civiles. Et les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre lui ont permis de ranimer la flamme de façon spectaculaire au point de faire taire en Israël même la voix de ceux qui dénonçaient auparavant la politique criminelle de cet État, voire de les faire basculer dans le camp de la guerre à outrance.

Parallèlement, les ennemis d'Israël et ceux qui les soutiennent, et qui ont fait, pendant des décennies, leur fond de commerce de l'oppression et de l'humiliation des populations palestiniennes, qu'ils se rangent derrière les drapeaux islamiques ou les drapeaux "anti-impérialistes", trouvent aujourd'hui, avec les massacres commis par l'État hébreux à Gaza, les arguments de choc pour justifier leur soutien à un État palestinien, qui, comme tous les États, sera l'instrument de la classe exploiteuse pour opprimer et réprimer les exploités.

Pour justifier la barbarie guerrière, la propagande bourgeoise a fait, particulièrement depuis 1914, un usage massif du mensonge comme on l'a vu plus haut et comme on continue à le voir. Pensons, parmi de nombreux autres exemples, au mythe des "armes de destruction massive" agité par l'État américain en 2003 pour justifier l'invasion de l'Irak. Mais cette propagande est encore bien plus efficace lorsqu'elle peut s'appuyer sur les atrocités réelles commises par ceux qui sont désignés comme ennemis. Et ces atrocités ne sont pas près de disparaître; bien au contraire. A mesure que le système capitaliste s'enfonce dans sa décadence et sa décomposition, elles seront de plus en plus fréquentes et abominables. Elles seront, comme par le passé, utilisées par chaque secteur de la bourgeoisie pour justifier ses propres atrocités et les atrocités futures.

L'indignation, la colère contre ces atrocités sont légitimes et normales chez tout être humain. Mais il importe que les exploités, les prolétaires, soient capables de résister aux sirènes de ceux qui les appellent à combattre et tuer les prolétaires des autres pays, ou à se faire tuer dans ces combats. Aucune guerre dans le capitalisme ne sera jamais celle qui mettra fin aux guerres, la "der des ders" comme le prétendait la propagande des pays de l'Entente en 1914 ou comme l'a prétendu le Président Bush junior en 2003 qui prédisait "une ère de paix et prospérité" après l'élimination de Saddam Hussein (en fait, le massacre de centaines de milliers d'irakiens). La seule façon de mettre fin aux guerres et aux atrocités qu'elles provoquent, c'est de mettre fin au système qui les engendre, le capitalisme. Toute autre perspective ne fait que préserver la survie de ce système barbare.

(Fabienne, 24-11-2023)


[1] Revue Internationale 155

[2] L'utilisation par le Camp du BIEN américain de la bombe atomique qui a rasé les villes d'Hiroshima (6 août 1945 – entre 103 000 et 220 000 morts suivant différentes estimations) et Nagasaki (9 août - de 90 000 à 140 000 morts) ne pouvait évidemment pas se justifier par l'extermination des juifs de la part des autorités japonaises mais il fallait quand même lui donner une vocation "humanitaire". En effet, d'après les autorités américaines, elle a permis de sauver un million de vies des deux camps en hâtant la fin de la guerre. C'est un des mensonges les plus odieux sur la Seconde Guerre mondiale. En réalité, dès avant ces bombardements, le gouvernement japonais était prêt à capituler à condition que l'Empereur Hirohito conserve son trône. Les autorités américaines ont alors refusé cette condition. Il fallait absolument qu'elles puissent faire usage de la bombe atomique pour mieux connaître les "performances" de cette arme nouvelle et surtout pour envoyer un message d'intimidation à l'Union Soviétique dont le gouvernement américain prévoyait qu'elle serait le prochain ennemi. Pour sa part, Hirohito est resté sur son trône jusqu'à sa mort, le 7 janvier 1989, sans jamais être inquiété par les autorités américaines alors que sa participation personnelle aux crimes des armées japonaises a été clairement établie. Une dernière précision : si la capitale du Japon, Tokyo, n'a pas reçu de bombe atomique, c'est qu'elle était déjà pratiquement rasée par de multiples bombardement "classiques" (avec l'utilisation intensive de bombes incendiaires), et notamment ceux de mars 1945 qui firent autant de morts que celui d'Hiroshima.

[3] Cet article s'appuie notamment sur le livre "L'Histoire de Joël Brand" (Éditions du Seuil, 1957, traduit de l'allemand : Die Geschichte von Joel Brand, Verlag Kiepenheuer & Witsch, Köln-Berlin, 1956) décrivant les péripéties de ce juif hongrois qui organisait la fuite des juifs persécutés par les nazis. En mai 1944, Brandt est chargé par Adolf Eichmann de transmettre aux Alliés une proposition de "livraison" de centaines de milliers de juifs, une proposition refusée par les autorités britanniques.

[4] Référence au soulèvement de la population de Sétif, le 8 mai 1945, le jour même de la signature de l'armistice, et qui a été réprimée avec une violence extrême par le gouvernement français auquel participait le Parti "communiste" dirigé par Maurice Thorez.

[5] La Tendance Communiste Internationaliste a publié sur son site Internet un article qui traite des mêmes questions abordées dans notre présent article : Hypocrisie impérialiste à l'Est et à l'Ouest, en anglais Imperialist Hypocrisy in the East and West. C'est un excellent article que nous saluons et que nous encourageons nos lecteurs à consulter.

 

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