Confrontation américano-chinoise : La dynamique du capitalisme en décomposition mène à toujours plus de guerres

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Si la guerre en Ukraine retient l’attention des journaux du monde entier, il y a cependant toujours en arrière-fond la confrontation entre les deux puissances majeures d’aujourd’hui, les États-Unis et, face à eux, leur challenger principal, la Chine, qui s’intensifie de manière de plus en plus ouverte et violente. Au sein de la bourgeoisie américaine, il y a homogénéité entre ses factions principales sur le fait qu’il faut empêcher à tout prix la Chine de se renforcer en tant que puissance mondiale ambitionnant de détrôner les États-Unis : « La réaction des États-Unis face à leur propre déclin et à la montée en puissance de la Chine n'a pas été de se retirer des affaires mondiales, mais au contraire, ils ont lancé leur propre offensive visant à limiter les progrès de la Chine, depuis le « virage vers l'Est » d'Obama jusqu’à l'approche plus directement militaire de Biden, en passant par l’intensification de la guerre commerciale sous Trump (provocations autour de Taiwan, destruction de ballons espions chinois, formation d'AUKUS, nouvelle base américaine aux Philippines, etc.). L'objectif de cette offensive est d'ériger un mur de feu autour de la Chine, bloquant sa capacité à se développer en tant que puissance mondiale » (Résolution sur la situation internationale, pt 4. 25e Congrès du CCI, Revue internationale 170, 2023).

La bourgeoisie chinoise sous pression face à l’offensive US

Militairement, malgré un renforcement impressionnant de son armement depuis une dizaine d’années, la Chine est encore largement en infériorité par rapport à la puissance américaine et elle développe dès lors une stratégie à long terme visant à jeter les bases économiques globales de sa montée en puissance impérialiste. Bref, ce dont la Chine a besoin, c’est du temps et c’est précisément ce que l’Oncle Sam ne tient absolument pas à lui accorder.

Les États-Unis ont fortement affaibli l’« allié stratégique » de Pékin, la Russie, piégée par eux dans une guerre de plus en plus destructive en Ukraine. La Chine a fort bien compris le message d'avertissement des Américains et a réagi avec prudence, car elle ne veut pas subir des sanctions qui rendraient sa situation économique encore plus compliquée. L’extension du chaos guerrier et l’accumulation de dettes des États impliqués ont provoqué la stagnation, voire le blocage, de son projet impérialiste pharaonique, la Nouvelle Route de la Soie, ce qui est un autre facteur qui met la Chine en difficulté. D’autre part, la guerre commerciale, initiée sous l’administration Trump et accentuée par Biden, exerce une pression étouffante sur l’économie chinoise : rappelons l’interdiction imposée à Huawei d’utiliser les systèmes de Google et les droits de douane sur l'aluminium chinois, ou encore l’interdiction pour les investisseurs américains d'investir en Chine dans le développement et la production de microprocesseurs et la pression sur des états « alliés » pour ne pas exporter vers la Chine des machines pouvant servir à fabriquer des micropuces.

Sur le plan militaire, les États -Unis ont peaufiné le blocage des côtes chinoises et de ce fait accentué la pression sur la Chine. En août, un traité de défense mutuelle a été signé à Camp David entre le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis. Biden a réitéré l’engagement des États-Unis à défendre militairement Taiwan en cas d’attaque chinoise et lui fournit massivement des armes. Enfin, l’attitude agressive de la Chine en mer de Chine a permis aux Américains de resserrer leurs liens avec les Philippines ou avec le Vietnam, en particulier à travers la visite de Biden à Hanoi en septembre pour proposer une « alliance stratégique » à un pays avec lequel les entreprises américaines de l'industrie militaire, telles Lockheed Martin et Boeing, ont déjà des liens économiques importants. Si on ajoute à ce dispositif les bases US sur les îles d’Okinawa et de Guam, il est évident que le dispositif américain limite de plus en plus étroitement les ambitions chinoises en direction des routes maritimes. Enfin, le QUAD (Japon, Inde, États-Unis et Australie), un groupe de « défense mutuelle » visant à faire de l’Indo-Pacifique un lieu de « paix et de prospérité » (sic !), a déclaré lors de sa récente réunion en mai à Hiroshima : « Nous nous opposons fermement à la déstabilisation ou aux actions unilatérales visant à modifier le statu quo par la force ou la coercition. ». S’il n’y a aucune mention de la Chine et de ses menaces contre Taiwan, le message est cependant sans ambigüités.

Les réactions tous azimuts de la bourgeoisie chinoise

Face à une telle situation, Pékin est obligée de réagir, mais le mélange hypocrite de provocations et de diplomatie des Américains (ils ont envoyé 13 délégations à Pékin au cours des 3 derniers mois dans le but de "négocier") amène la Chine à réagir dans différentes directions.

D’une part, ses actions militaires envers Taïwan deviennent de plus en plus menaçantes : la Chine multiplie des exercices militaires dans le détroit de Taiwan pour accréditer l’idée qu’une éventuelle invasion se prépare, et elle construit également des îles artificielles sur des récifs controversés de la mer de Chine pour y installer de nouvelles bases militaires dans le but en particulier de contrôler une zone où 60% du commerce naval mondial passe. Elle intensifie également la course aux armements pour renforcer son appareil militaire, en particulier sa flotte de guerre. Enfin, elle multiplie les déclarations martiales : ainsi, le ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, a déclaré : « Si quelqu'un ose séparer Taiwan de la Chine, nous n'hésiterons pas à nous battre. Nous nous battrons coûte que coûte et jusqu'au bout. C'est la seule option ».

Cette agressivité ne se manifeste d’ailleurs pas seulement envers les États-Unis mais également envers ses voisins : Pékin est aux prises avec l’Inde dans un conflit territorial qui mène régulièrement à des affrontements armés ; la réaction de la Chine face au déversement par le Japon d'eaux contaminées par les radiations dans l'océan Pacifique est un autre exemple de l'acrimonie dans les relations entre les deux nations, la première ayant interdit l'entrée des produits marins japonais sur son territoire, sachant que l'industrie de la pêche japonaise est très importante pour l'économie nippone. Sur le plan économique, la Chine a aussi pris des mesures de rétorsion envers les États-Unis, par exemple en décidant d'interdire, début septembre, l'usage des iPhones dans ses services publics. Si cela a fait perdre à Apple immédiatement 200 milliards de dollars en bourse, l'aspect irrationnel de la mesure apparaît toutefois à travers le fait que la Chine est le principal fabricant de ces téléphones portables et qu’il est possible à cause de la mesure qu'Apple soit amené licencier des travailleurs chinois.

D’autre part, la Chine s’est lancée dans une opération diplomatique de grande envergure visant à montrer qu’elle est une « force de paix » et que ce sont les Américains qui mènent une politique guerrière. Elle a été l’artisan de la réconciliation spectaculaire entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et a même offert ses bons offices pour des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine. Lors de la récente réunion des BRICS en Afrique du Sud, Xi Jinping a poussé à l'expansion des BRICS en proposant 6 nouveaux membres et la création d'une monnaie commune ; si la dernière proposition s’est heurtée à l’hostilité de l’Inde, l'Arabie saoudite, l'Iran, les Émirats Arabes Unis, l’Égypte, l'Éthiopie et l'Argentine ont été intégrés comme nouveaux membres. Cette politique chinoise révèle son influence croissante au Moyen-Orient. En l'absence d'une capacité militaire capable de rivaliser avec les États-Unis, la Chine utilise surtout la « diplomatie des crédits financiers » pour gagner de l'influence dans le monde. Cependant, cette arme comporte de nombreux risques. Ainsi par exemple, la faillite du Sri Lanka empêche la Chine d’annuler la dette du Pakistan pour le moment, vu le risque d’extension du problème du remboursement.

L’absence de Xi Jinping à réunion du G20 à New Delhi en septembre constitue une première pour le président chinois qui assistait toujours aux réunions de ce groupe de pays et illustre bien le dilemme dans lequel se trouve la Chine : d’un côté, Xi a voulu montrer qu’il ne tient plus à reconnaître l’ordre mondial dicté par les États-Unis et découlant de la seconde guerre mondiale ; mais fondamentalement, son absence est un aveu de faiblesse face à l’agressivité américaine dans l’Indo-Pacifique, au renforcement des relations entre les États-Unis et l’Inde de Modi et à ses propres difficultés économiques et politiques.

Face à l’offensive américaine, la Chine manœuvre pour gagner du temps, mais les Américains ne sont pas disposés à le lui accorder. Les provocations américaines et leur politique d'enfermement s’accentuent visant à étrangler le dragon chinois, ce qui ne peut qu’accentuer l’imprévisibilité de la situation et le risque de réactions irrationnelles qui multiplieront les confrontations guerrières et intensifieront le chaos.

09.10.23 / Fo & RH

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Tentions et conflits impérialistes