Le gouvernement nous dit qu’il n’a pas de solution miracle à la crise - Refusons les sacrifices pour sauver ce système pourri

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Les prix du gaz et de l'électricité sont multipliés par 3 ou 4, l'inflation dépasse les 11 % (et plus de 15 % aux Pays-Bas) et les prix des denrées alimentaires montent en flèche. De tels chiffres n’avaient plus été atteints depuis les années 1970 du siècle dernier. Aux familles ouvrières confrontées à la hausse vertigineuse de leurs factures d'énergie et des prix dans les supermarchés, ce qui ne leur laisse souvent le choix qu’entre baisser le chauffage ou réduire les achats de nourriture, le gouvernement De Croo, a annoncé des mesures pour tenter d'apaiser l’inquiétude et la colère croissantes. Après la réunion du Comité consultatif fédéral (regroupant le gouvernement fédéral et les trois gouvernements régionaux) fin août, et un conclave budgétaire du gouvernement fédéral en septembre, il a appelé à faire confiance à la préoccupation sociale du gouvernement : "Il n'y a pas de solution miracle, mais nous sommes très clairs : nous allons tout mettre en œuvre pour nous en sortir". Assez d’hypocrisie !

La vérité de « Il n’y a pas de solutions miracles ».

Un rapide survol de la situation financière de l’État révèle effectivement qu’il ne faut rien attendre de la bourgeoisie belge et de son gouvernement. Les finances de l'État belge sont dans un état déplorable, comme le souligne le dernier rapport du comité de suivi - composé de fonctionnaires de différents ministères - qui indique que le budget fédéral pour l'année prochaine se dirige vers un déficit de 23 milliards d'euros, soit 3 milliards de plus que la précédente estimation de juillet de cette année. Ce rapport tablait alors encore sur un déficit budgétaire de 3,5 %, mais il est maintenant déjà estimé à 4 %. Selon la Banque Nationale, à politique inchangée, les déficits atteindront même 4,5% cette année et en 2023 et 5% en 2024. En 2019 déjà, les finances de l’État étaient problématiques et la dette dépassait les 100% du PIB. Depuis, la crise au Covid-19 a creusé en 2020 un déficit budgétaire d’environ 10% du produit intérieur brut (PIB) et les inondations dramatiques de l’été 2021, causées par la crise climatique, a demandé une intervention publique de 4 milliards d'euros. Bref, aujourd’hui, les caisses sont vides, « La dette nationale globale semble hors de contrôle » (De Standaard, 12/10/2022), tandis qu’une récession économique pointe le nez.

L’illusion de « nous allons tout mettre en œuvre pour nous en sortir"

Les négociations autour du budget 2023-2024 et les « oppositions » entre les différents partis au gouvernement, entre socialistes et libéraux, entre écologistes et chrétiens-démocrates, ont constitué un grand show politique et médiatique qui, au-delà du besoin pour chaque « famille politique » de se profiler, visait essentiellement deux objectifs :

- convaincre la population et la classe ouvrière que le gouvernement faisait effectivement de son mieux pour adoucir le choc et donc que la colère face à la situation ne devait pas se retourner contre lui ;

- préparer la population et surtout à nouveau la classe ouvrière au caractère irrémédiable des vagues d’austérité : « nous avons tout mis en œuvre mais hélas, il n’y a pas de miracle » !

En réalité, que représentent les mesures prises par le gouvernement ? « Le coût de toutes les mesures visant à réduire la facture énergétique s'élève déjà à 10 milliards d'euros. Une taxe sur les bénéfices excédentaires devrait contribuer à payer le prix de revient des nouvelles mesures » (La secrétaire d’État au budget, dans DS, 12-10-2022). Un simple calcul démontre toutefois que cette taxe sur les surprofits des entreprises énergétiques, estimée à 3 milliards d’euros, reste tout d’abord hypothétique et sera de toute façon largement insuffisante pour couvrir le coût de la facture énergétique de l’État Belge. De plus, les mesures prises pour soutenir les travailleurs et leurs familles, ne sont guère plus que du bricolage à la marge et atténueront à peine l'impact de la hausse des prix de l'énergie et de l’inflation.

Et le pire est encore devant nous. Dans les prochains mois, une « récession mondiale » est annoncée qui entraînerait déjà une baisse de 0,2% du PIB d’octobre à décembre, même si la Belgique, très dépendante des marchés mondiaux pour son importation d’énergie et ses exportations, espère encore que l’UE pourra partiellement réduire l’impact de la récession sur son économie. Déjà, le coût croissant de l’énergie met près de 30% des entreprises en difficulté et certaines sont obligées de réduire, voire d’arrêter leur production (industrie métallurgique, industrie chimique, horticulture sous serre, etc.) : 200 entreprises belges ont demandé le chômage temporaire pour 10 684 travailleurs (données de l’agence pour l’emploi, DS 14/10/2022)). En outre, sous la pression internationale, la Belgique participe pleinement à l’effort militaire accru demandé aux pays de l’OTAN suite à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Fin février 2022, le gouvernement Vivaldi a adopté un plan d'investissement, le Plan Star, qui prévoit une augmentation de 10 milliards d'euros des dépenses militaires d'ici 2030. En mars 2022 (après le déclenchement de la guerre), une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros a été ajoutée pour la législature actuelle (jusqu'en 2024), afin d'améliorer « la capacité de déploiement de l’armée » dans des opérations militaires.

Bref, les promesses de la bourgeoisie belge sont illusoires et trompeuses : face à la récession, aux catastrophes climatiques, à la guerre, à l’afflux de réfugiés, au déficit budgétaire et à la dette, "les possibilités ne sont pas infinies", comme le reconnaît le ministre-président de la Flandre J. Jambon. En réalité, la bourgeoisie belge, comme ses consœurs, n’a qu’une alternative : imposer de nouveaux sacrifices aux travailleurs. La compensation limitée des hausses de l’énergie et de l’inflation est déjà une attaque contre les conditions de vie des travailleurs, tout comme des mesures budgétaires telle la limitation du crédits-temps pour motif de "soins aux enfants" ou la norme de croissance des soins de santé réduite à 2% à partir de 2024. Mais le gouvernement laisse entendre que le budget 2023 - 2024 est temporaire et diverses pistes de rationalisation sont déjà mises en œuvre ou envisagées : les hausses de salaires accordées aux fonctionnaires fédéraux et aux policiers ont été réduites et reportées à plus tard, l'indexation, automatique des salaires est dans le viseur et l’idée d’un « saut d’index » a été avancée ainsi que la révision du mode de liaison des pensions des fonctionnaires au bien-être, des administrations communales suppriment des postes de personnel statutaire et enfin, certaines entreprises appliquent déjà des baisses de salaire.

Refuser de faire des sacrifices est déjà une victoire

Le développement des restrictions et des attaques visant la classe ouvrière, comme conséquence d’un système économique dans l’impasse sur tous les plans, impose une transformation de l’indignation et de la colère qui montent dans les rangs ouvriers en une résistance active pour la défense de leurs intérêts de classe. À cet égard, les travailleurs belges doivent prendre exemple sur la résistance combattive de leurs frères de classe au Royaume-Uni et en France aujourd'hui (lire les tracts « L'été de la colère au Royaume-Uni. La bourgeoisie exige de nouveaux sacrifices, la classe ouvrière répond par la lutte » et « Grèves dans les raffineries françaises et ailleurs... La solidarité dans la lutte, c’est la force de notre classe ! » ainsi que l’article « Le retour de la combativité du Prolétariat mondial »). Ils doivent s’en inspirer pour surmonter leur désarroi et renforcer leur détermination à ne plus avaler les sacrifices et les rationalisations économiques. La tension sociale qui s’accroît avec des grèves spontanées dans plusieurs succursales des supermarchés Delhaize, des mouvements sociaux à l'aéroport de Charleroi, au service clientèle d'ENGIE Electrabel à Gand, chez les cheminots de la SNCB ou dans les transports communs en Wallonie, dans le secteur de la culture en Flandre contre la détérioration des conditions de travail ou pour des revendications salariales, indiquent que, malgré les campagnes de la bourgeoisie pour mettre en valeur sa préoccupation sociale, la classe ouvrière n’est plus disposée à accepter les sacrifices en Belgique aussi.

Cependant, les travailleurs doivent être attentifs à un danger propre au contexte actuel. L’impact de la crise énergétique et de l’inflation ne touche pas seulement les travailleurs, mais également les indépendants, les commerçants, les petits patrons qui s’insurgent aussi contre les conditions actuelles. Dès lors, le danger de mouvements interclassistes, type « gilets jaunes » ou de révoltes populistes (« je refuse de payer mes factures ») est intense et est d’ailleurs stimulé par des campagnes de partis comme le Parti du Travail de Belgique (PTB). Les travailleurs ne doivent pas se laisser submerger par de tels mouvements et se laisser isoler en tant que simples « citoyens ». La force de leur combat réside dans leur capacité à se mobiliser sur des revendications et un mode d’organisation propre à la classe ouvrière.

La bourgeoisie belge est parfaitement consciente – et les mouvements sociaux en Grande-Bretagne et en France le lui rappellent chaque jour – que la mise en œuvre d’une politique d'austérité implique nécessairement d’affronter une classe ouvrière qui semble retrouver sa combativité. Pour ce faire, elle dispose cependant d’une arme redoutable : les syndicats. Une des armes de ceux-ci pour détourner et désamorcer la combativité ouvrière est la campagne syndicale visant à "abolir la loi sur les normes salariales", afin d’obtenir des négociations "libres" dans les entreprises entre patrons et syndicats. Par ce biais, ces derniers veulent en vérité diviser les mouvements par entreprise et opposer les secteurs économiquement forts aux les secteurs économiquement faibles. Par ailleurs, depuis le printemps 2022, ils ont mis en place une série d’actions éparses visant à fragmenter et à épuiser la volonté de résistance ouvrière face aux mesures : en juin, une réunion convoquée par le front commun des syndicats à laquelle 70.000 personnes ont participé,  grève d’un jour dans les chemins de fer le 5 octobre, regroupements de militants devant les centrales nucléaires et autres centrales de production d’électricité fin octobre ou encore grève générale d’un jour le 9 novembre, espérant ainsi « lâcher de la pression ». Toutes ces actions, s'inscrivent dans la stratégie des syndicats qui consiste à laisser les travailleurs se défouler pour éviter les explosions de colère spontanées et « sauvages ». Comme leurs collègues en Grande-Bretagne ou en France, les syndicats belges visent par tous les moyens à occuper le terrain et à étouffer dans l'œuf toute réaction décidée des travailleurs.

La bourgeoisie ne peut d’aucune façon « résoudre » la crise qui est fondamentalement une crise historique de son système. Elle ne peut qu’en détourner les conséquences sur la classe ouvrière qui subit les attaques et est censée accepter les sacrifices pour soutenir l'économie nationale dans sa compétition avec d'autres nations capitalistes. Ces sacrifices ne servent que les intérêts de la bourgeoisie, et d'un système en perdition. Cependant, « l’atmosphère sociale » est en train de changer, comme l’illustre les luttes de résistance en Grande-Bretagne et en France et aussi la circonspection actuelle du gouvernement De Croo envers l’imposition de mesures contre les travailleurs en Belgique. Dans ce sens, entrer en lutte pour refuser des sacrifices est déjà une victoire qui ne pourra que renforcer parmi les travailleurs le développement de la solidarité et de la prise de conscience de leur force, ainsi, qu’à terme, de leur capacité à proposer une alternative pour ce système totalement en faillite.

Hugo S./22.10.2022

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