Révoltes aux Antilles: Les syndicats entraînent les ouvriers dans une impasse dangereuse!

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Barrages, blocages, incendies, pillages, émeutes, destructions de magasins, de supermarché et de bâtiments, coups de feu, affrontements multiples… Malgré l’instauration rapide du couvre-feu, les révoltes aux Antilles ont abouti à ce que Macron a aussitôt qualifié de « situation très explosive ». L’explosivité de ces révoltes s’inscrit dans un contexte de mécontentement chronique et de méfiance de la population envers la métropole et ses institutions, témoignant d’une colère déjà fortement installée. (1) Comme ailleurs dans le monde, en Guadeloupe, les salariés de la grande distribution (à Baie Mahault, par exemple) ou ceux de la centrale Énergie Antilles rongeaient leur frein depuis plusieurs mois face aux menaces de licenciements. Une bonne partie de la population aux Antilles vit au dessous du seuil de pauvreté (34 % en 2017). Selon l’INSEE, un jeune sur trois est au chômage. Les prix ont fortement augmenté pour l’alimentation comme pour l’usage des transports. Les conditions sanitaires sont fortement dégradées. L’accès à l’eau est très problématique depuis des décennies : il faut supporter la rotation de « tours d’eau » car le réseau d’adduction est hors service. Dans un tel contexte, le durcissement des mesures sanitaires pour le personnel de santé non vacciné, ajouté aux problèmes non réglés depuis trop longtemps, a mis le feu aux poudres.

La réalité d’un piège syndical

Profitant de cette forte colère et d’une situation chaotique à Pointe-à-Pitre comme à Fort-de-France, d’une situation marquée par l’accélération de la décomposition du capitalisme comme le CCI le met régulièrement en évidence dans notre presse, par l’exaspération d’une jeunesse désœuvrée et d’une classe ouvrière combative mais peu expérimentée, les syndicats et autres collectifs citoyens ont poussé et encouragé un mouvement entraînant une bonne partie de la population, servant à la fois d’exutoire et d’impasse très dangereuse pour la lutte de classe.

En premier lieu, les syndicats ont instrumentalisé les particularismes et les préjugés ultramarins, comme cela avait déjà été le cas lors des émeutes de 2009. Il s’agit d’endiguer toute colère dans le périmètre étroit de mouvements insulaires et d’accentuer fortement les divisions au sein de la classe ouvrière, (2) notamment au sein du personnel de santé, opposant ainsi les anti-pass/anti-vaccin aux pro-vaccin. Alors qu’elle n’a jamais dénoncé l’incurie sanitaire et les attaques de la bourgeoisie sur le système de santé, l’intersyndicale n’a fait qu’appuyer et soutenir ceux qui s’opposaient de manière irrationnelle à la vaccination, sans leur offrir la possibilité ni les moyens d’organiser une lutte commune avec tout le personnel et les ouvriers des autres secteurs. En provoquant des blocages à l’entrée des CHU et en utilisant des pneus usagés pour faire barrage, les syndicats ont accentué les tensions au sein même du personnel de santé en les enfermant sur leur lieu de travail. En divisant ainsi les prolétaires, sans donner de perspective pour une lutte unie, les privant d’un véritable terrain de classe, les syndicats ont cultivé à dessein le chacun pour soi, encouragé la défense des prétendues « libertés individuelles » et le sentiment d’impuissance qui poussent une grande partie de la jeunesse désorientée à s’exprimer par le déchaînement d’une violence aveugle. De même, la politique des syndicats a favorisé et encouragé les idéologies putrides de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie qui prospèrent derrière des revendications réactionnaires insulaires ou indépendantistes, c’est-à-dire nationalistes.

En fin de compte, les organes d’État que sont les syndicats se sont partagés le travail avec le gouvernement afin de pourrir toute possibilité de riposte ouvrière et mettre en œuvre le souhait de Macron : « Il faut que l’ordre public soit maintenu » ! En réduisant ainsi la classe ouvrière à l’impuissance et en abandonnant la riposte aux seules violences aveugles, les syndicats ont offert au gouvernement une justification en or pour déchaîner la répression, permettant l’envoi de gendarmes en renfort et du GIGN : une manière habile pour faire accepter la répression à la population. Mais aussi de redorer l’image ternie d’un État en « perte d’autorité » capable d’assurer le maintien de « l’ordre public ».

La nécessité d’une véritable riposte de classe

Face à ces manœuvres et instrumentalisations syndicales infâmes, aux attaques et à la vie chère, aux menaces en tous genres contre les conditions de vie, menées et orchestrées par le capital, les prolétaires des Antilles comme de la métropole doivent se battre ensemble ! L’incurie face à la crise sanitaire, la poursuite du démantèlement de l’hôpital public, sont des motifs non pas d’opposer les salariés entre eux, mais au contraire de favoriser leur lutte commune dans un véritable mouvement de classe. Une telle démarche ne sera possible qu’en tirant les leçons de ce qui se passe aux Antilles, notamment afin de mettre en évidence le rôle de saboteurs des syndicats. Ces derniers sont en effet des ennemis de la classe ouvrière, des organes de l’État pour contrôler et museler la classe ouvrière. Cela, depuis qu’ils sont passés dans le camp de la bourgeoisie au moment de la Première Guerre mondiale. Toute une réflexion doit être portée sur leur complicité systématique avec les gouvernements pour mener à bien non seulement les attaques, mais aussi la répression.

Contrairement aux gauchistes, notamment les trotskistes comme ceux du NPA ou de Lutte ouvrière, qui eux-mêmes participent à l’intérieur des syndicats au sabotage qu’ils soutiennent et cherchent à masquer, les révolutionnaires dénoncent ces pratiques anti-ouvrières et les poisons de tels mouvements. Aussi, face aux attaques qui vont s’amplifier, ils soulignent la nécessité non seulement d’une réflexion ouvrière commune, collective, mais également d’une pratique de lutte permettant à tous les prolétaires de se retrouver ensemble dans des grèves et des manifestations unies. Les prolétaires doivent prendre l’initiative de discuter, de se réunir en assemblée générale, de dénoncer les pièges que tentent de dresser les syndicats pour nous diviser, de s’organiser pour préparer les conditions permettant d’élargir d’emblée la lutte aux autres prolétaires, sans s’enfermer dans des revendications spécifiques, encouragées par nos ennemis pour nous diviser et nous enfermer, pour diluer nos revendications et les entraîner dans des révoltes aveugles ou des mouvements réactionnaires sans perspective ni lendemain. Il ne s’agit nullement de foncer tête baissée dans un activisme débridé, mais de poser les conditions d’une lutte consciente, sur un terrain propre aux méthodes de la lutte de classe, capable de s’adapter aux possibilités offertes comme de se replier en bon ordre, sans s’épuiser ni se décourager dans des impasses, sans tomber dans le piège des violences stériles propres à la petite bourgeoisie désespérée et radicalisée, ouvrant toujours un boulevard à la répression.

Le chemin pour mener à une véritable lutte ouvrière commune est encore long et très difficile. Pour cela, les prolétaires doivent commencer par rejeter la propagande véhiculée par les médias et l’État sur les « particularismes antillais », mais aussi et surtout les discours des gauchistes et des syndicats sur le prétendu « modèle » ou « exemple » pour la lutte que seraient les événements de Guadeloupe et de Martinique. L’émeute, le pillage et les violences aveugles, sous le masque de la « grève générale », même si les syndicats cherchent hypocritement et soigneusement à s’en démarquer, n’ont rien à voir avec les méthodes de la lutte de classe ! En réalité, ils ne font qu’exprimer l’impasse dans laquelle nos ennemis cherchent à nous enfermer pour entraver tout frémissement dans le développement du combat de classe.

WH, 26 novembre 2021

 

1) Cette méfiance s’est ancrée et amplifiée depuis l’empoisonnement des populations due au chlordécone, un pesticide très toxique qui a été utilisé dans les Antilles françaises, entre 1972 et 1993, pour lutter contre le charançon du bananier. De manière générale, la pauvreté et le « sentiment d’abandon » sont particulièrement marqués dans la région.

2) Les gauchistes, comme le NPA, soutiennent pleinement l’action syndicale et son sabotage au nom de la « solidarité avec la grève générale »…

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Situation sociale en France