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Depuis un an, avec l’effondrement du bloc de l’Est, le capitalisme s’est enfoncé dans la phase ultime de sa décadence, phase marquée par une décomposition irréversible qui, telle une gangrène, se généralise et soumet progressivement toute l’humanité à une barbarie sans limite. Le capitalisme ne peut aujourd’hui qu’offrir une misère de plus en plus noire à la classe ouvrière des pays centraux et la mort à des masses humaines de plus en plus larges de par le monde, soit par la généralisation de la famine, soit par celle des tensions guerrières (comme en témoignent actuellement la multiplication des massacres en Afrique par exemple, et encore plus le nouvel embrasement qui couve dans le Golfe), soit le plus souvent par les deux à la fois.
La classe ouvrière, seule classe capable d’apporter une solution à ce système en crise et à sa barbarie, un temps déboussolée et même marquée négativement par la tournure qu’a prise la situation mondiale depuis un an et les campagnes intenses que lui a assenées la bourgeoisie, a commencé dès le printemps dernier à reprendre le dessus. C’est ainsi qu’elle donnait un nouvel élan au développement de ses luttes sur son terrain de classe et pour défendre ses intérêts de classe-, élan qui, malgré l’arrêt momentané que lui impriment aujourd’hui les campagnes guerrières, ouvre au niveau de la période une dynamique de développement des combats de classe. Cette dynamique ne pourra que se trouver renforcée par les effets de la récession dans laquelle s’installe aujourd’hui le capitalisme.
Le développement de la récession ouverte
Le mythe de la "sortie de la crise" par le "libéralisme" et les "reaganomics”, et qui a connu son heure de gloire au milieu des années 80, est aujourd’hui en train de crever comme une bulle de savon. Les prétendus "succès" des économies occidentales étaient en réalité basés sur une fuite en avant à corps perdu constituée principalement par un endettement gigantesque, notamment de la part de la première puissance mondiale, les Etats-Unis. Par d’énormes déficits de sa balance commerciale et de son budget, par une course effrénée aux dépenses d’armements, ce pays a permis de repousser pendant des années l’échéance d’une nouvelle récession ouverte, laquelle constitue, pour la bourgeoisie, la hantise majeure dans la mesure où c’est la manifestation de la crise qui met le mieux en évidence la faillite complète du mode de production capitaliste. Mais une telle politique, forme "occidentale" de la tricherie avec la loi de la valeur, ne pouvait qu’exacerber encore plus les contradictions de fond de l’économie mondiale. Aujourd’hui, l’entrée des Etats- Unis, de même que de la Grande-Bretagne, dans une nouvelle récession ouverte constitue une illustration de cette réalité. Cette nouvelle récession de la première économie mondiale, au même titre que les précédentes, ne peut, à terme, qu’entraîner celle des autres économies occidentales.
En effet, la fermeture du marché américain, qui se profile, va se répercuter (et a déjà commencé à se répercuter pour un pays comme le Japon) sur l’ensemble du marché mondial, faisant notamment plonger la production des pays d’Europe de l’Ouest (même si, dans l’immédiat, cette production se trouve soutenue en RFA par l’unification des deux Allemagnes). De plus, le facteur d’atténuation des effets et du rythme de la crise que pouvait constituer la politique de capitalisme d’Etat à l’échelle du bloc occidental pourra de moins en moins jouer son rôle avec la désagrégation de ce dernier, désagrégation qu’entraîne nécessairement la disparition du bloc adverse. Ainsi la perspective de l’économie mondiale
est, plus que jamais, celle de la poursuite et de l’aggravation de son effondrement. Pendant toute une période, les pays du centre du capitalisme ont pu repousser les manifestations les plus brutales de la crise, dont l’origine se situe pourtant en ce même centre, vers la périphérie. De plus en plus, comme un choc en retour, ces formes les plus extrêmes de la crise vont revenir frapper de plein fouet ces pays centraux. Ainsi, après le "tiers-monde", après les pays du bloc de l’Est, et même si elles disposent de plus d’atouts pour en atténuer quelque peu les dégâts, les métropoles capitalistes d’Occident sont inscrites sur la liste noire de la catastrophe économique.
Par ailleurs, la réintroduction en catastrophe des mécanismes du marché dans les pays de l’Est, n’ouvre aucune perspective réelle de relance de l’économie mondiale dont le maintien à flot depuis deux décennies repose également sur une tricherie avec cette même loi de la valeur. En effet, à part quelques exceptions et situations spécifiques (comme l’Allemagne de l’Est), l’ensemble des pays de l’Est, et particulièrement l’URSS, ne saurait constituer un nouveau marché pour la production des pays industrialisés. Les besoins y sont immenses, mais les moyens de paiement totalement absents et les conditions historiques actuelles interdisent toute mise en place d’un quelconque nouveau "plan Marshall". Comme ce fut déjà le cas durant les années 70 dans les pays du "tiers monde", les crédits occidentaux destinés à financer un tel développement dans les pays de l’Est ne pourraient aboutir à d’autre résultat que d’accroître encore leur endettement déjà considérable et alourdir, de ce fait, le fardeau de la dette qui pèse sur l’ensemble de l’économie mondiale.
Le développement des tensions impérialistes
L’aggravation de la crise mondiale de l’économie capitaliste va nécessairement provoquer une nouvelle exacerbation des tensions impérialistes.
En ce sens, les illusions pacifistes qui pourraient se développer à la suite du "réchauffement" des relations entre l’URSS et les Etats-Unis doivent être résolument combattues : les affrontements militaires entre Etats, même s’ils ne sont plus manipulés et utilisés par les grandes puissances, ne sont pas prêts de disparaître. Bien au contraire, comme on l’a vu dans le passé, le militarisme et la guerre constituent le mode même de vie du capitalisme décadent que l’approfondissement de la crise ne peut que confirmer. Cependant, ce qui change avec la période passée, c’est que ces antagonismes militaires ne prennent plus à l’heure actuelle la forme d’une confrontation entre deux grands blocs impérialistes. D’une part, parce que le bloc de l’Est a cessé d’exister, comme l’illustre le fait que, dès maintenant, sa puissance dominante en soit réduite à lutter pour sa simple survie comme Etat. Et d’autre part, parce qu’avec la disparition de sa principale raison d’existence, c’est-à-dire la menace militaire du bloc russe, le bloc occidental lui-même est entré dans un processus de désagrégation qui ne peut aller qu’en s’amplifiant.
La disparition des deux constellations impérialistes qui se sont partagées le monde depuis plus de quarante ans porte avec elle la tendance à la reconstitution de deux nouveaux blocs : un bloc dominé par les Etats-Unis et l’autre dominé par un nouveau leader, rôle pour lequel l’Allemagne (du fait de sa puissance économique et de sa place géographique) serait la mieux placée. Mais une telle perspective n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour du fait essentiellement du frein majeur que constitue le phénomène de décomposition qui affecte l’ensemble de la société et dont le chaos croissant qu’il provoque au sein de la classe dominante limite les capacités de celle-ci à se donner la discipline nécessaire à l’organisation de nouveaux blocs impérialistes.
Le développement du chaos et de la décomposition de la société
Le fait même qu’un pays comme l’Allemagne, qui constituait un "modèle" de stabilité tant économique que politique, soit aujourd’hui durement secoué par le cyclone venu de l’Est en dit long sur la menace générale de déstabilisation qui pèse sur l’ensemble de la bourgeoisie européenne et mondiale. Ainsi, le futur que nous offre le capitalisme n’est pas seulement celui d’une crise insoluble aux effets économiques de plus en plus dévastateurs (famines dans les pays arriérés, paupérisation absolue dans les pays avancés, misère généralisée pour l’ensemble de la classe ouvrière). Il est aussi celui d’affrontements militaires de plus en plus brutaux là où le prolétariat n’aura pas la force de les empêcher. Il est enfin celui d’un chaos grandissant, d’une perte de contrôle croissante par la classe dominante de l’ensemble de la société, d’une barbarie de plus en plus extrême et déchaînée qui, au même titre que la guerre mondiale, ne peut avoir d’autre aboutissement que la destruction de l’humanité.
Le chaos grandissant au sein de la classe bourgeoise, l’affaiblissement qu’il représente pour elle, ne constituent pas en soi, à l’heure actuelle, une condition favorisant la lutte et la prise de conscience du prolétariat. En effet, en de nombreuses reprises, l’histoire a démontré que, face à une menace de la classe ouvrière, la bourgeoisie est parfaitement capable de surmonter ses contradictions et antagonismes internes pour lui opposer un front uni et redoutable. Plus généralement, la classe ouvrière ne saurait compter, pour combattre et renverser la bourgeoisie, sur la faiblesse de celle-ci mais uniquement sur sa propre force. En outre, les années 80 oui marquent l’entrée de la société capitaliste décadente clans sa phase de décomposition, ont mis en relief le poids croissant de la décomposition sur la lutte de classe, accentué par la capacité de la classe dominante à retourner contre le prolétariat différentes manifestations de cette décomposition :
- ce poids négatif de la décomposition sur la classe ouvrière s’est fait notamment sentir autour de la question du chômage. Si ce dernier peut constituer un facteur de prise de conscience de l’impasse historique dans laquelle se trouve le mode de production capitaliste, il a plutôt contribué, tout au long des années 80, à rejeter dans le désespoir, le "chacun pour soi" et même la lumpenisation des secteurs non négligeables de la classe ouvrière, particulièrement parmi les jeunes générations qui n’ont jamais eu l’occasion de s’intégrer dans une collectivité de travail et de lutte. Plus concrètement, alors que dans les années 30, dans des circonstances historiques bien plus défavorables qu’aujourd’hui (puisque dominées par la contre-révolution), les chômeurs avaient pu s’organiser et mener des luttes significatives, il n’en a rien été ces dernières années. En fait, il s’avère que seuls des combats massifs des ouvriers au travail pourront entraîner dans la lutte les secteurs au chômage de la classe ouvrière.
Quant à la bourgeoisie, bien que la première atteinte par la décomposition, elle a néanmoins été capable d’utiliser le désespoir, le nihilisme, le "chacun pour soi" découlant de la décomposition de l’idéologie bourgeoise pour attaquer la confiance en l’avenir de la classe ouvrière, saper sa solidarité et l’enfermer dans les pièges corporatistes. Elle a été capable de développer des campagnes a-classistes sur des thèmes écologiques, humanitaires ou anti-fascistes contre les menaces sur l’environnement, les famines, les massacres et les manifestations de xénophobie, pour détourner la classe ouvrière de son terrain de classe.
L’avenir dépend plus que jamais du prolétariat des pays d’Europe occidentale
Les luttes que la classe ouvrière, notamment celle des pays centraux a déjà engagées depuis quelques mois sont la preuve de sa capacité à reprendre sa marche en avant malgré le recul qu’elle a subi au niveau de sa conscience. Elles montrent à l’évidence que la classe ouvrière tend à sortir du déboussolement dans lequel l’avaient plongée l’effondrement du bloc de l’Est et les campagnes intensives que la bourgeoisie occidentale avait développé à sa suite, assimilant effondrement du stalinisme et mort du communisme, et présentant les régimes démocratiques libéraux comme les seuls viables. L’impact de cette situation fut tel qu’il a donné un coup d’arrêt à la vague de lutte de classe qui se développait depuis 1983 et entraîné un recul important de la conscience dans la classe ouvrière.
Mais le combat ouvrier va inévitablement connaître à plus ou moins brève échéance un nouvel essor. En riposte à des attaques économiques massives et frontales, la classe ouvrière ne peut à terme que se mobiliser de plus en plus massivement. Une telle dynamique va nécessairement et rapidement se trouver renforcée par l’entrée en récession du capitalisme mondial: celle-ci a déjà commencé à faire des ravages aux USA et en Grande-Bretagne, et va submerger l’ensemble des pays centraux du capitalisme et en particulier l’Europe occidentale.
L’offensive idéologique massive qu’a mené, contre elle, la bourgeoisie autour de l’effondrement des pays de l’Est, n’a pas entamé sa capacité à lutter sur son terrain, celui de la défense de ses intérêts économiques de classe. Si elle a été désorientée, elle n’a été ni défaite, ni encore moins embrigadée derrière la bourgeoisie et les campagnes démocratiques. A travers ses luttes actuelles et à venir, elle montre que la perspective historique reste à des affrontements décisifs avec son ennemi mortel, affrontements dont dépendra le sort de l’humanité. Ce chemin de la lutte ouvrière est encore long et difficile, mais c’est le seul chemin possible. C’est le chemin à travers lequel la classe ouvrière exprimera sa combativité et son refus de subir la misère et la barbarie capitalistes. C’est le chemin à travers lequel elle forgera et renforcera son unité et sa conscience. C’est le chemin au bout duquel elle pourra monter à l’assaut de l’Etat bourgeois. Dès aujourd’hui, sur ce chemin, elle va devoir confronter la bourgeoisie, ses manœuvres, ses pièges alors qu’elle se trouve encore affaiblie par les séquelles du coup porté par l’effondrement du bloc de l’Est, alors que, de plus en plus, elle va devoir se battre dans une société en décomposition accélérée. Face au développement de cette dernière, la classe ouvrière doit être consciente qu’il ne lui suffit plus, par ses luttes, de barrer la route à la guerre, pour empêcher l’anéantissement de l’humanité. En effet, un certain niveau de développement de la décomposition interdirait toute issue prolétarienne à la crise mortelle du capitalisme et se traduirait dans l’anéantissement de l’humanité, aussi sûrement que le ferait une guerre mondiale.
Cependant, ces difficultés bien réelles, loin de devoir décourager la classe ouvrière, ne font que rehausser ses responsabilités historiques pour détruire l’ordre social existant et imposer le sien. Dans les combats qu’elle va développer, la classe ouvrière des pays centraux a pour elle toute l’expérience qu’elle a forgée en plus de vingt ans de luttes depuis 1968. Elle a comme meilleure alliée la crise économique du capitalisme, dont l’entrée en récession ouverte va la contraindre à se battre en tant que classe de plus en plus unie et à abandonner toutes ses illusions sur la possibilité d’aménager ce système moribond.
R.L