Euro de football: Terrain de la fièvre patriotique et nationaliste!

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

En 1958, le président de la Fédération italienne de football s’opposait à la création du championnat d’Europe des nations de crainte qu’il « n’excite les passions nationalistes » treize ans seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ses confrères, beaucoup moins candides, lui objectèrent que c’était là tout l’intérêt de la compétition ! (1) La première édition eut donc lieu en France en 1960 et suscita très tôt des tensions politiques entre nations comme les compétitions sportives internationales en ont souvent fait l’objet à des fins impérialistes.

L’Euro se déroulant, en ce moment même, dans plusieurs villes d’Europe, ne fait pas exception et illustre même le regain des tensions entre États et le repli nationaliste caractéristique de la décomposition du capitalisme. Lors du match opposant l’Autriche à la Macédoine du Nord, l’attaquant autrichien, d’origine serbe, « célébra » son but en insultant deux de ses adversaires d’origine albanaise : « Je b**** ta mère albanaise » !

Au début de la compétition, la présentation du nouveau maillot ukrainien, floqué d’une carte de l’Ukraine (Crimée comprise), assorti des slogans « Gloire à l’Ukraine ! » et « Gloire aux héros ! », suscita « l’indignation » de la Russie criant à la « provocation politique ».

Mais la palme du patriotisme exacerbé revient très probablement au journal sportif français L’Équipe titrant, en Une de son numéro, au lendemain de la victoire de la France sur l’Allemagne, « COMME EN 18 », allusion à peine voilée à l’hystérie chauvine et la « victoire » revancharde de la France sur l’Allemagne lors de la boucherie que fut la Première Guerre mondiale.

Si le journal s’est défendu hypocritement en objectant qu’il s’agissait d’une référence à la victoire de la France lors de la Coupe du monde 2018, cette métaphore guerrière odieuse démontre une fois de plus à quel point le sport forme un vecteur du nationalisme et un bouillon de culture des rivalités impérialistes. Au fond, pour caricaturer une formule célèbre, on pourrait dire que le sport n’est rien d’autre que la continuation de la guerre par un autre moyen !

La dimension fortement spectaculaire des compétitions sportives ne manque d’ailleurs pas d’emprisonner (comme d’empoisonner) les esprits dans les codes et les symboles nationaux. Ces moments « d’unions sacrées » sont une véritable gangrène pour la classe ouvrière puisque l’antagonisme de classe est nié au profit de la communion du peuple. En particulier quand vient le moment des hymnes nationaux entonnés par les spectateurs, les yeux rivés sur le drapeau national ou l’équipe qui le représente.

Les mises en scène de la victoire, à l’image de la Une de L’Équipe, avec ses manifestations d’hystérie collective, infestées de symboles nationaux, ne font qu’entretenir des sentiments aussi nauséabonds que le chauvinisme, la xénophobie, les haines ethniques ou nationalistes, tout comme durant les conflits militaires. Comme l’exprimait déjà Rosa Luxemburg il y a un peu plus d’un siècle : « Les intérêts nationaux ne sont qu’une mystification qui a pour but de mettre les masses populaires laborieuses au service de leur ennemi mortel : l’impérialisme ».

Les pratiques physiques ont toujours reflété l’éthique et l’idéologie de la société les ayant engendrées. Le sport moderne ne fait absolument pas exception. Il est une expression parmi d’autres de la concurrence et des rivalités entre États-nations caractéristiques de la société capitaliste. Ce faisant, il forme un puissant vecteur de division et de mystification au sein de la classe ouvrière qui n’a pas d’autre patrie que celle de l’internationalisme !

Vincent, 28 juin 2021

 

1) « L’Euro 2021, arène d’un continent hanté par “les tensions secrètes et nauséabondes”», Courrier international (26 juin 2021).

 

Récent et en cours: 

Rubrique: 

Nation ou classe?