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Au mois de Mai s'est tenue en Angleterre une conférence regroupant un certain nombre de groupes révolutionnaires. Cette rencontre n'avait nullement des objectifs immédiatement pratiques, mais constituait bien plutôt une tentative de connaître les positions d'autres fractions d’un mouvement renaissant à 1'échelle mondiale. Malgré toutes leurs limitations, de telles réunions sont pour nous d’une importance vitale. Les révolutionnaires se situent d'emblée, même lorsqu'ils sont peu nombreux, dans une perspective internationaliste. Ils ne se considèrent nullement comme une organisation nationale mais comme une fraction d’une classe mondiale. Il n'y a pas de principes qui soient "variables" selon les pays et les latitudes. Il n'y a pas non plus de domaines réservés, d'"indépendance nationale" des groupes. Tout révolutionnaire a le droit et le devoir d'intervenir activement là où il peut et les problèmes qui affrontent les ouvriers de tel ou tel pays sont ceux des prolétaires de tous les autres. Pour nous, les positions de classe ne sont pas le fruit de "cas particuliers" mais d'une expérience historique mondiale.
Si ce n'est que par une confrontation serrée, une autocritique impitoyable que le prolétariat pourra s'émanciper, les taches commencent dès aujourd'hui et par-delà les frontières.
Les groupes qui ont participé à ces discussions sont les suivants :
WORKERS’ VOICE : Ce groupe d'ouvriers est apparu au cours de la remontée des luttes en 1971-72 en Angleterre dans les usines de la région industrielle de Liverpool-Birkenhead. Ses positions essentielles sont 1'anti-parlementarisme, l'anti-syndicalisme, opposition aux luttes de libération nationale. C'est à dire qu'ils se situent sans ambiguïté dans la tradition de la Gauche Communiste européenne des années 20 : sur le terrain du prolétariat. Violemment hostiles aux trotskystes, maoïstes et autres opportunistes, la plupart de ces camarades nous semble cependant avoir développé, par réaction au substitutionisme léniniste des tendances conseillistes.
LE GROUPE DE LONDRES : est une tendance qui vient de scissionner du groupe "Solidarity". Ce dernier groupe se réclame des idées de "Socialisme ou Barbarie". Après avoir formé une fraction marxiste, ils ont rompu essentiellement sur la défense du matérialisme dialectique contre les aberrations cardanistes de "Solidarity" (idéalisme, pas de contradictions objectives dans le capitalisme, "dirigeants-dirigés "etc... ) et leur bouillie opportuniste (soutien au MLF, aux luttes de libération nationale etc.). Les camarades de Londres se rapprochent des idées de R.I.-Internationalism mais il y a encore discussion sur deux points de taille : la révolution russe et la question de 1'organisation.
L’ex-groupe de SOLIDARITY-ABERDEEN : qui a scissionné de "Solidarity" sur la question nationale et des questions d'organisation se réclame du marxisme et semble fortement influence par les idées du GLAT particulièrement sur la question de la crise.
Outre ces trois tendances d'apparition récente, en pleine évolution et qui en sont encore à se définir, deux tendances françaises R.I. et le GLAT étaient représentées (la camarade du GLAT a spécifié qu'elle était venue à titre individuel). Le Manifest Gruppen (Suède) et le Mouvement Communiste (France) ont envoyé des textes à la conférence.
LES DISCUSSIONS
Quatre sujets de discussion ont eu lieu :
1: LA CRISE. Ce débat ne pouvait de toute évidence être approfondi oralement et s'est résumé le plus souvent à une confrontation d'affirmations. Une opposition nette est apparue entre Aberdeen et R.I. sur la question de savoir si le capitalisme avait réussi, pour un temps, à éloigner la crise. Derrière cette polémique se cache en fait une différence radicale de méthode. Aberdeen se réclame des analyses du GLAT sur la baisse du taux de profit et de la lutte de classe comme auteur de la crise. Il se fonde sur la baisse d'intensité de la lutte de classe en Angleterre et une petite reprise temporaire pour affirmer que le spectre de la crise s'est pour quelque temps éloigné. (Pour une critique des thèses d'Aberdeen, voir R.I., bulletin de discussion n° 2) Quant à Workers' Voice, il y a reconnaissance générale de la crise, mais il ne semble pas y avoir de position développée et homogène sur cette question.
Londres et R.I., d'accord sur ce point, ont insisté sur le fait qu’on ne pouvait poser cette question de façon pragmatiste, étroitement nationale et purement conjoncturelle. Une conception générale de la période historique est le fondement même de toute analyse. 2 *
2 : LES SYNDICATS. En apparence, la position de tous les groupes présents semblait homogène. Tous considèrent les syndicats comme des organes contre-révolutionnaires et affirment que le prolétariat devra les détruire. Mais en fait la discussion a mis en lumière des clivages sérieux qui révèlent que derrière l’accord sur ce point se cachent de profondes différences. Le GLAT, et si nos souvenirs sont exacts, Aberdeen, estiment que les syndicats ont dès leur naissance au XIXo siècle été des gardiens de 1'ordre capitaliste, alors que R.I. et la plupart des camarades de Londres considèrent que c'est là une position qui ne tient pas compte de la différence des périodes historiques, (voir l'article de J.A. dans ce numéro, sur le GLAT.).
Sur la question des shop stewards tous les camarades présents se sont accordés à les définir comme des institutions bourgeoises et complètement intégrées, sauf les camarades d'Aberdeen qui défendent la conception d'une double nature de ces organisations, en s'appuyant sur le fait que les shop stewards sont élus et révocables à la base. Cette conception formaliste ne tient aucunement compte du problème de la fonction que doit remplir toute organisation permanente dans la société actuelle.
Les camarades de Workers' Voice ne partageaient nullement cette conception et ont montré de façon très convaincante l'intégration totale des shop stewards. Mais ils étaient par contre extrêmement hésitants sur la question de savoir si des militants pouvaient être shop stewards. Notre position à ce sujet était que ce n'était pas une question de tabou mais de savoir que l'on ne peut pas défendre clairement une perspective de rupture avec les syndicats tout en "organisant” les ouvriers à partir d'un poste syndical. Une fois dans une telle position, toutes les "critiques" à l' égard des syndicats deviennent une caution indirecte.
3 : L'ORGANISATION. Si tous étaient d'accord sur de très vagues généralités (rejet du substitutionisme mais affirmation de la nécessité d'une organisation des révolutionnaires au sein de la classe), la discussion n'a pas permis de véritablement faire ressortir de manière claire les divergences assez sérieuses que les participants ressentaient sur cette question. Quant à nous, très schématiquement, il nous a semblé que le rejet simple du substitutionisme menait la plupart des camarades présents à une tendance à sous-estimer le rôle politique de l'organisation et la nécessite d'un processus de centralisation à l'échelle nationale et internationale. Ceci conduit certains d'entre eux, notamment certains camarades de Workers' Voice à tendre à transformer les formes démocratiques nécessaires en fétiches administratifs.
4 : LE COMMUNISME. Bien que la discussion fût assez brève et ne permît pas d'aborder tous les problèmes complexes et non résolus sur la période de transition, il a semblé se dégager un accord général sur le contenu du communisme, comme destruction du salariat et de la production marchande, contre les idées de nationalisation et d'autogestion.
Les groupes participants ont décidé de maintenir un contact étroit pour approfondir la discussion.