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Notre précédent numéro de la Revue internationale était entièrement dédié à la signification et aux implications de l'irruption du Corona Virus. Nous y mettions en évidence l'importance historique de cet évènement, le plus important depuis l'effondrement du bloc de l'Est en 1989 de même que sa signification, une nouvelle étape de l'enfoncement du capitalisme dans sa phase de sa décadence, celle de sa décomposition. Nous nous étions également penchés sur les implications de la pandémie sur la crise économique -une accélération considérable de celle-ci devant déboucher sur une récession plus importante encore que celle des années 1930– et sur la lutte de classe, avec des difficultés renforcées pour la classe ouvrière du fait des conséquences aggravées de la décompositions sur la vie de la société. Cet évènement venait confirmer le risque que le rythme du développement de la lutte de classe, en regard de celui de la décomposition, ne soit pas suffisant pour permettre une révolution victorieuse du prolétariat et ensuite l'édification d'une nouvelle société sur les ruines de la société actuelle ravagée par plus d'un siècle de décadence du capitalisme.
Avec le présent numéro de la Revue, nous poursuivons notre intervention sur la pandémie, sous différents angles, et publions également d'autres articles.
Un premier article, "L'épidémie du COVID révèle le délabrement du capitalisme mondial", met en évidence les très grandes difficultés rencontrées par la bourgeoisie face à la première vague de contagion par le virus, alors que de nouvelles vagues ont laissé la bourgeoisie désemparée, incapable de contenir la pandémie et ses conséquences sociales. Et pour causes, tous les ingrédients à l'origine de la pandémie ne peuvent être éliminées au sein même du capitalisme, a fortiori dans la phase ultime de sa décadence : Il n'y avait eu aucune anticipation face à la menace notoire de pandémies, avant que l'une d'entre elles –celle du Covid- ne fasse irruption ; le délabrement du système de soin car non rentable du point de vue capitaliste ; chacun pour soi exacerbé entre les fractions nationales de la bourgeoisie mondiale, et même au sein des frontières nationales, toutes en prise avec la guerre commerciale que la crise ne fait qu'exacerber … Le bilan social, imputable au capitalisme et non à la pandémie, ce sont des millions d'ouvriers jetés au chômage dans le monde, la pauvreté qui s'est étendue et approfondie de façon considérable. Cernées par les dangers de la contagion, la réalité du chômage et la plongée dans la pauvreté, des parties importantes de la population mondiale, de grandes masses précarisées, sombrent dans le désespoir.
À ce propos, nous publions à la suite de cet article un témoignage historique, "La Conservation de la Santé en Russie Soviétiste" concernant la manière dont le prolétariat de la Russie des soviets avait été capable de prendre en charge le problème de la santé dans les années 1918 et 19, et en particulier celui des pandémies qui sévissaient déjà, dans conditions extrêmement difficiles alors que le pays était en butte sur son propre territoire à la coalition de la bourgeoisie internationale à travers l'action des armées blanches visant à affaiblir, pour le détruire, le pouvoir du prolétariat.
Comme cela ressort de cette présentation, le CCI a fourni un effort théorique important en vue de comprendre la signification historique de cette pandémie qui ne peut être réduite à la seule répétition atemporelle des lois du capitalisme, mais est la fois expression et facteur d'aggravation de la phase actuelle de décomposition du capitalisme. La situation aux États-Unis est venue confirmer de manière éclatante le poids de la décomposition dans la vie du capitalisme et notamment l'épisode du capitole aux lorsque "les hordes trumpistes ont violemment tenté d’empêcher la succession démocrate, encouragée par le président en exercice lui-même, comme dans une “république bananière”, ainsi que l’a reconnu George W. Bush." Notre article "Les États-Unis et le capitalisme mondial engagés sur une voie sans issue", montre en quoi la crise politique actuelle de la démocratie américaine, symbolisée par l’attaque du Capitole, s’ajoute aux conséquences chaotiques et autodestructrices de la politique impérialiste américaine, et montre plus clairement que les États-Unis, qui demeurent encore la plus grande puissance mondiale, sont aujourd’hui le principal acteur de la décomposition du capitalisme.
Nous tenons également à signaler dans cette présentation de la Revue qu'en vue d'accroître et renforcer l'audience de notre intervention nous avons réalisé un tract, "Pandémie du COVID: Barbarie capitaliste généralisée ou Révolution prolétarienne mondiale", diffusé dans les quelques occasions qui se sont présentées à nous et que nous avons essayé de faire circuler le plus possible sur Internet.
Il est établi que le COVID a pu se transmettre de l'animal à l'homme du fait justement de certaines caractéristiques de la décomposition du capitalisme : déforestation à outrance, urbanisation sauvages, proximité entre l'homme et les animaux capables de lui transmettre des virus, hygiène limite … Face à toutes les aberrations du capitalisme dans sa phase finale actuelle, nous avons jugé opportun de publier un article intitulé mettant en évidence quelle devra être l'œuvre de la dictature du prolétariat : "Le programme communiste dans la phase de décomposition du capitalisme : Bordiga et la grande ville", article bâti sur la base de nos propres réflexions et celles suscitées par un article de Bordiga intitulé "Le programme immédiat de la révolution", écrit en 1953. Pour notre article, le texte de Bordiga "conserve un intérêt considérable en essayant de comprendre quels seraient les principaux problèmes et priorités d'une révolution communiste qui aurait lieu, non pas à l'aube de la décadence du capitalisme, comme en 1917-23, mais après un siècle entier au cours duquel le glissement vers la barbarie n'a cessé de s'accélérer, et où la menace pour la survie même de l'humanité est bien plus grande qu'il y a cent ans." Par rapport à la pandémie actuelle, l'article met évidence les limites de tous les services de santé existants, même dans les pays capitalistes les plus puissants, notamment parce qu'ils n’échappent pas à la logique de concurrence entre les unités capitalistes nationales. Face à une telle situation, il faut une médecine, des soins de santé et une recherche qui ne soient pas gérés par l'État, mais véritablement socialisés, et qui ne soient pas nationaux mais "sans frontières" : en bref, un service de santé planétaire.
Nous poursuivons, dans ce numéro de la Revue, la publication de notre série initiée lors du "Centenaire de la fondation de l'Internationale communiste en 1919". Le Congrès de fondation avait été un véritable pas en avant pour l’unité du prolétariat mondial, néanmoins la méthode alors adoptée, privilégiant le plus grand nombre plutôt que la clarté des positions et des principes politiques, n’avait pas armé le nouveau parti mondial. Pire, elle le rendait vulnérable face à l’opportunisme rampant au sein du mouvement révolutionnaire. Contrairement à ce que prévoyaient Lénine et les bolcheviks, l'opportunisme au sein du parti s'est approfondi et a fini par prendre, avec la dégénérescence de la révolution, une place prépondérante, précipitant la fin de l’IC en tant que parti de classe. C'est ce qu'illustre cette troisième partie de notre série.
Le dernier article publié dans ce numéro de la Revue, "La difficile évolution du milieu politique prolétarien depuis mai 1968" est la suite d'une série de deux, dont le premier fut publié dans la Revue 163. Celui-ci couvrait la période 1968-1980, qui avait connu les développements les plus importants au sein du milieu prolétarien international, suite aux évènements de 1968 en France. Si la résurgence de la lutte de classe avait donné un élan significatif à la relance du mouvement politique prolétarien, et donc au regroupement de ses forces, cette dynamique avait commencé à se heurter à des difficultés dès le début des années 1980. Déjà à cette époque, le milieu politique prolétarien traversait une crise majeure, marquée par l'échec des conférences internationales de la Gauche Communiste, les scissions au sein du CCI et l'implosion du Parti Communiste International bordiguiste (Programme Communiste). L'échec général de la classe à politiser ses luttes a aussi signifié que la croissance très sensible du milieu politique prolétarien de la fin des années 60 et des années 70 avait commencé à ralentir ou à stagner. Dans cette deuxième partie, nous mettons en évidence l'impact négatif sur l'évolution du MPP d'un certain nombre de facteurs, en particulier la décomposition de la société et le développement du parasitisme politique.
La minorité révolutionnaire, en tant que partie de la classe, n'est pas épargnée par les pressions d'un système social en désintégration qui n'a manifestement aucun avenir, se traduisant par la fuite vers des solutions individuelles, vers une perte de confiance dans l'activité collective, la méfiance envers les organisations révolutionnaires et le désespoir face à l'avenir.
Par ailleurs, au début des années 2000, le CCI avait été confronté à une grave crise interne avec en son cœur un clan regroupant des militants diffamant des camarades, diffusant des rumeurs selon lesquelles l'un d'entre eux était un agent de l'État manipulant les autres. Ce clan allait donner naissance à une organisation parasitaire à part entière, la FICCI dont les membres ont été exclus du CCI pour des agissements indignes de militants communistes, notamment le vol des fonds de l'organisation et la publication d'informations internes sensibles qui auraient pu mettre nos militants en danger vis-à-vis de la police. Depuis lors, ce groupe, qui a ensuite changé de nom pour devenir le Groupe International de la Gauche Communiste, a donné de nouvelles preuves qu'il incarne une forme de parasitisme si abject qu'il est impossible de le distinguer des activités de la police politique. Cette situation n'a malheureusement pas provoqué au sein du camp prolétarien la réponse adéquate, en exprimant une solidarité capable d'exclure du camp prolétarien des pratiques (et ceux qui s'y livrent) étrangères au mouvement ouvrier.
La période 2004-2011 a donné lieu à l'émergence de nouvelles forces à la recherche de réponses révolutionnaires à l'impasse de l'ordre social. Le CCI a réagi le plus largement possible à ces développements, ce qui était absolument nécessaire : sans transmission de l'héritage de la Gauche Communiste à une nouvelle génération, il ne peut y avoir aucun espoir d'un mouvement vers le parti du futur. Mais il y avait d'importantes faiblesses dans notre intervention, opportunistes en particulier, illustrée en particulier par l'intégration précipitée des camarades qui allaient former la section turque du CCI en 2009, laquelle quittera le CCI en 2015. Cet exemple est significatif du fait que les futures intégrations dans les organisations du camp de la gauche communiste devraient pouvoir bénéficier des leçons de ses expériences depuis la reprise historique de Mai 1968 et sur lesquelles nous revenons largement au sein de l'article en deux parties dédié à l'évolution du MPP depuis 1968.
Malgré les dangers très tangibles de cette dernière phase de décadence capitaliste, nous ne pensons pas que la classe ouvrière ait dit son dernier mot. Un certain nombre d'éléments témoigne d'un processus de politisation communiste au sein d'une minorité, petite mais significative, qui s'oriente vers les positions de la Gauche Communiste.
Le 14 02 2021