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La pandémie de covid-19 a plongé le monde dans la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale. De plus, le ralentissement économique n’a jamais été aussi important depuis les années 1930. La faillite matérielle du capitalisme se fait sentir dans la vie quotidienne de quiconque se retrouve au chômage ou fait faillite et se trouve ainsi confronté à une réduction drastique ou à une perte totale de revenus. Il en va de même pour les personnes qui ont dû engager des frais médicaux excessifs pour se soigner du coronavirus, pour celles obligées de gagner leur vie sur un lieu de travail insuffisamment protégé contre le virus ou celles qui ont pris en charge les soins et l’assistance aux malades au risque de leur propre vie.
Aux Pays-Bas aussi, les signes d’alarme ont commencé à retentir. Non seulement le gouvernement néerlandais a été terriblement négligent dans la lutte contre la propagation du virus, mais il a également complètement perdu le contrôle dès les premiers signes de l’épidémie.[1] Aujourd’hui encore, il n’a pas lancé le programme de tests de dépistage et de recherche de contacts (« tracking and tracing »), qui joue un rôle clé dans le contrôle et la réduction de l'épidémie. Les GGD (services de santé municipaux ou communaux) n'ont pas assez de chercheurs en poste pour exécuter ces tests face au nombre croissant de personnes infectées. C’est pourquoi moins de la moitié des personnes infectées sont identifiées comme source de l’infection.[2]
De plus, au cours du deuxième trimestre de 2020, l'économie néerlandaise a traversé une profonde récession comme cela ne s'est pas produit depuis les années 1930:
- en avril, mai et juin, l'économie s'est contractée de 8,5%;
- au cours du même trimestre, le nombre de chômeurs a augmenté de 150.000;
- sur la même période, le nombre de ménages avec des dettes problématiques est passé à 1 million;
- dans la même période, la confiance des consommateurs est passée de -2 en janvier 2020 à -26 en juillet.
Si la situation ne change pas radicalement - ce qui ne semble pas être le cas– on s’attend à ce que:
- le nombre de faillites augmentera de 35 % en 2020 par rapport à 2019;
- le nombre de chômeurs officiellement enregistrés cette année va doubler pour atteindre 7 % de la population active;
- le nombre de ménages ayant des dettes problématiques passera à 2 millions en 2020;
- l'activité économique (PIB) diminuera de plus de 5 % sur l'ensemble de l'année 2020.
L'opposition extra-parlementaire renforce la mystification.
La classe ouvrière se pose de sérieuses questions quant à la capacité du système existant à fournir une réponse au chaos causé par la pandémie, quant à son aptitude à offrir une perspective d'existence saine et digne. Dans ce contexte, cet été, la coalition d'organisations (de base) #BeterUitDeCrisis, qui «a vu comment les problèmes s'accumulaient et en a eu assez des querelles parlementaires et de l'incompétence politique», a présenté un Manifeste de revendications consistant en «cinq changements de cap cohérents, soutenus par une sélection de mesures, pour parvenir à une société plus juste, plus saine et plus sûre».[3] L'initiative de cette action a été prise par le groupe « DeGoedeZaak » (« LaBonneCause ») et est aujourd’hui soutenue par une cinquantaine d'organisations et de groupes, dont les organisations trotskistes « Socialisme.nu (GIS) » et « Grenzeloos » (SAP).
Ces deux organisations trotskistes ont rejoint l'initiative parce qu'elles sont conscientes du fait que des brèches se creusent dans le système capitaliste. D’autant plus que les discours traditionnels de la droite et de la gauche, qui se ressemblent de plus en plus, commence à perdre de sa crédibilité auprès de plus en plus de travailleurs. C’est pourquoi ils approuvent le projet de reprendre un nouveau départ: «Cette crise nous offre ce moment. Saisissons-le à deux mains!». (Le Manifeste de #BeterUitDeCrisis). Mais quel genre de départ veulent-ils faire et sur quoi celui-ci est-il basé? Dans quelle mesure les plans présentés par les signataires du Manifeste suivent-ils «une autre voie»?
Le Manifeste nous présente une autre société qui «est au service de toutes les couches de la société, pas seulement des 1%», dans laquelle les gens «se concentrent sur la vie plutôt que sur la prospérité» et où il ne s'agit pas «d'accumuler la richesse, mais de la redistribuer» (Idem). Cela paraît un objectif louable auquel personne ne s'opposera, mais n'exige-t-il pas une société différente, non capitaliste? Cela ne nécessite-t-il pas un changement fondamental dans l'équilibre des pouvoirs existants? Cela ne devrait-il pas être le résultat d’un bouleversement révolutionnaire? Autant de questions auxquelles le Manifeste ne répond pas.
Le Manifeste ne critique pas fondamentalement les contradictions existantes, qui font que des changements essentiels ne peuvent être apportés que par une lutte de classe sans concessions. Le Manifeste semble sous-entendre qu’ils peuvent être atteints dans le cadre des relations de production existantes du travail salarié et du capital. Le gouvernement bourgeois n'est pas présenté comme l'ennemi de classe, mais comme « notre gouvernement » qui est « obligé » de « changer de cap ». L'appel du Manifeste s'adresse donc à la «société » y compris à « notre gouvernement ».
Dénonçant les contradictions, le Manifeste s'appuie sur le slogan bien connu du mouvement Occupy selon lequel 99% des gens «paient le plus lourd tribut» tandis que le 1% de riches « ne font qu’améliorer leur sort ». C'était déjà un grand leurre lors du mouvement Occupy, qui assimilait le système bancaire au capitalisme et appelait «notre gouvernement» à protéger les 99% de la population de l'extorsion financière des banquiers: « les personnes de couleur, les personnes à faibles revenus et à revenus précaires, les personnes handicapées, les personnes sans permis de séjour » .[4]
À l’appui de ses « revendications », #BeterUitDe Crisis mène des actions comme la mise en place d'une piste d’atterrissage de 40 mètres de long vers la Chambre des représentants dans le but de dénoncer le soutien financier de 3,4 milliards d'euros à la KLM, qui est une gifle pour les personnes qui en ont beaucoup plus besoin. Selon l'organisation, il est absolument nécessaire de se concentrer sur la vie des gens plutôt que sur le marché. Après les vacances d’été, #BeterUitDeCrisis entend poursuivre les actions sans relâche jusqu’à ce que le Parlement agisse vraiment comme une représentation du peuple plutôt que des multinationales et des 1% des plus riches.
Contrairement à ce que suggère le Manifeste, la principale contradiction n’est pas entre riches et pauvres. « Le conflit fondamental dans la société capitaliste est entre la bourgeoisie dirigeante et la classe ouvrière qui produit toute la valeur dans la société. La lutte des travailleurs ne consiste pas à attaquer les riches en tant qu'individus, mais d'attaquer, de démanteler et de remplacer les relations sociales fondamentales du capital (travail salarié et production pour le profit) et l'État qui tente de les maintenir en vie malgré le fait qu'ils sont la raison fondamentale de l'appauvrissement de la grande majorité de la population »[5].
Le rôle perfide des trotskistes et de l’extrême gauche de la bourgeoisie
Au sein du capitalisme, il n'y a qu'une seule classe révolutionnaire, qui n'a rien à perdre sauf ses chaînes, et c'est la classe ouvrière, une chose que «Socialisme.nu» (GIS) et «Grenzeloos» (SAP) doivent parfaitement savoir, à en croire du moins des publications très récentes:
- « Après tout, nous avons les moyens de créer un monde sans faim, sans exploitation, sans avoir à mettre en balance des vies humaines et des intérêts économiques. Pour rendre cela possible, nous devons nous organiser en tant que classe ouvrière pour vaincre le système capitaliste une fois pour toutes»;[6]
- et encore: «Maintenant, la classe ouvrière doit combattre la classe qui est à l'origine de la crise. Au centre de notre lutte socialiste, nous devons mener une lutte de classe contre la crise capitaliste et contre la classe qui l’engendre» . [7]
Ces citations donnent-elles une indication concernant la politique de ces organisations? Oui et non. D’une part, les trotskistes veulent attirer les travailleurs qui se posent de plus en plus de questions sur l’échec du mode de production actuel sur un terrain totalement inoffensif pour le capitalisme et sa classe dirigeante. Car adhérer et faire campagne au sein de #BeterUitDeCrisis, noient les travailleurs dans une opposition civique composée des nuances les plus exotiques de la société: les femmes FNV (syndicat de gauche), les futurs agriculteurs, la Green Cross Netherlands, la Fondation Anima Mundi, et ainsi de suite qui ne vise rien d’autre que donner un visage plus « démocratique » à l’exploitation.
D'autre part, pour que cette politique mystificatrice réussisse, ils doivent bien sûr se faire passer pour des défenseurs «sincères» et «radicaux» des intérêts des travailleurs, la seule classe capable de renverser ce système. Dans leurs déclarations générales et leurs textes, ils s’élèvent souvent contre «le système capitaliste», contre «le système d'esclavage salarial» et contre «le système d'exploitation», afin de récupérer le mécontentement des travailleurs pour le ramener au niveau des objectifs concrets vers une lutte stérile contre ...... les riches: « prenons l'argent là où il est » et « que les riches paient pour la crise » ou encore « une taxe corona pour les très riches », etc.
La raison pour laquelle ces deux organisations trotskystes ont rejoint l'initiative #BeterUitDeCrisis a donc tout à voir avec leur fonction de factions d'extrême gauche de la bourgeoisie. Leur tâche spécifique est de leurrer les travailleurs avec des mensonges du genre: «le contrôle démocratique des moyens de production» serait suffisant pour parvenir à «une répartition équitable des richesses». Il devrait être clair pour tout le monde que ce conte de fées, que nous avons entendu à maintes reprises, ne changera fondamentalement rien à l’exploitation et à la misère croissantes.
En fin de compte, les trotskystes ne luttent pas du tout pour une société fondamentalement différente. En témoignent leur soutien «critique» aux syndicats, leur soutien «critique» aux différents mouvements nationalistes et leur soutien «critique» aux partis parlementaires de gauche, autant de formes de politique dans lesquelles le capitalisme n'est jamais remis en question. Au contraire, conformément à leur fonction dans la société bourgeoise, leur objectif politique n'est pas seulement de maintenir l'État bourgeois mais même de le renforcer face à une société de plus en plus en proie à la décomposition alors que la structure de cet État présente des lacunes toujours plus importantes.[8]
Il en va de même dans ce cas-ci : si le gouvernement et le parlement eux-mêmes ne parviennent pas à endiguer la crise, qui touche réellement tous les aspects de la vie sociale, il y a encore cette opposition extra-parlementaire trotskyste pour leur donner un coup de main. Au moment où le capitalisme montre de façon flagrante son incompétence à offrir une issue à la décadence de son système, et où tout le monde est en quelque sorte menacé dans son existence immédiate et même dans sa vie, les trotskystes «révolutionnaires» avec d'autres surgissent avec leur propagande pour «une société plus juste, plus saine et plus sûre» (Manifeste de #BeterUitDeCrisis).
Ce faisant, les trotskystes tentent d'empêcher les éléments de la classe ouvrière, qui ont perdu toute illusion dans le système capitaliste et qui ne voient plus l'intérêt de lui accorder encore plus de crédit, d'entamer une réflexion sérieuse menant à une alternative, à savoir une société qui ne soit pas basée sur l'exploitation et l'oppression, libre de toute domination de classe par le capital, et dans laquelle le but de la production est de satisfaire les besoins humains.
Le nouveau départ, c’est une société communiste
Les conséquences de la pandémie qui a atteint des proportions catastrophiques, ne peuvent pas être résolues dans le cadre du système capitaliste existant: les capitaux nationaux s'entretuent de plus en plus chaque jour dans la guerre commerciale mondiale afin de s'approprier la plus grande part possible du marché à l’échelle planétaire. Et tout est soumis à cette guerre commerciale, y compris les vies humaines, à moins qu'une pandémie ne menace de causer encore plus de pertes au niveau des forces productives et de la valeur ajoutée qu'un confinement.
Un système basé sur la propriété privée des moyens de production - que cette propriété appartienne à un entrepreneur individuel, à une entreprise ou à un État souverain, ne change pas essentiellement la forme de propriété et donc l'appropriation privée de la plus-value produite par les travailleurs salariés - est un système impitoyable qui sacrifie tout un chacun pour atteindre son but: l’accumulation insatiable de valeur ajoutée. Un tel système plonge le monde entier dans la barbarie, et la crise du coronavirus actuelle en est la preuve la plus profonde et la plus flagrante.
L’enjeu est de taille et les difficultés sans précédent. La route vers une société communiste est parsemée d’obstacles majeurs. C'est pourtant le seul moyen de sortir de cette misère barbare. Et la seule force qui peut y parvenir est la classe ouvrière qui, exclue de cette société et de la richesse qu'elle produit, expropriée et dépossédée, n'a rien d'autre que sa force de travail à vendre n
Dennis /10.032020
[1] “Hoe Nederland de controle verloor De corona-uitbraak van dag tot dag”, nrc.nl, 19 juni 2020.
[2] “De ja-knikkers van Hugo de Jonge - De GGD heeft het zwaar”, De Groene Amsterdammer, 10 juni 2020.
[5] The crisis brings ever deepening poverty (La crise entraîne toujours plus de pauvreté), CCI, 2011.
[6] Une réponse socialiste à Covid-19, Socialisme.nu, 21 juillet 2020.
[7] La crise n'est pas une opportunité, mais l'ennemi, Grenzeloos, 8 avril 2020.
[8] Pandémie du Covid-19: Le capitalisme est responsable de la catastrophe sanitaire!, CCI, 2011.