La deuxième vague de COVID-19 en Belgique et aux Pays-Bas: L'impuissance des états et gouvernements à contrôler la pandémie

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Il est étonnant de voir à quel point des pays disposant des technologies les plus avancées sont incapables de contrôler et de contenir la propagation du virus Covid-19. Selon les partisans de la théorie du complot, tout cela cache quelque chose. Il y a bien quelque chose derrière tout cela, mais pas une conspiration. En vérité, la crise du covid-19 révèle un mode de production capitaliste en déclin qui non seulement entrave de plus en plus le développement des forces productives de la société, mais menace également la survie même de l’humanité.

Les gouvernements n’ont pas été une fois de plus surpris mais ont une fois de plus failli!

Pour le moment, la deuxième vague frappe aussi fort que la première. C’est à nouveau une catastrophe en ce qui concerne la santé et certains secteurs de l’économie, victimes d’un large confinement. Comment est-ce possible? Les autorités n’ont-elles rien appris de la première vague? Apparemment très peu, car, dans les mois qui ont précédé la deuxième vague, les gouvernements se sont satisfaits de quelques mesures superficielles pour la galerie.

Après la première vague, la bourgeoisie aux Pays-Bas et en Belgique a eu amplement le temps de tirer les leçons et de prendre les mesures nécessaires pour limiter pour le moins l’impact d’une deuxième vague et pour garantir des soins adéquats aux patients atteints du corona, par exemple en développant une bonne stratégie de tests de dépistage, en mettant au point la recherche et l’identification des contacts («tracking and tracing ») en formant davantage de personnel médical et infirmier, en créant davantage de lits de soins intensifs, ….

En tout état de cause, les gouvernements des deux pays avaient déclaré qu'en cas de deuxième vague, ils ne se résigneraient pas à l'inévitabilité d'un nouveau confinement général qui fermerait tous les secteurs non essentiels de l'économie. Ils avaient l'intention de limiter les mesures dans un premier temps à quelques secteurs particuliers et locaux de la société, puis d'attendre de voir comment la deuxième vague allait se développer. Cette approche à court terme s'est avérée désastreuse.

Et puis subitement, la deuxième vague annoncée était là et les gouvernements ont déclaré être soi-disant surpris par son ampleur. Cet argument n'était déjà pas valable pour la première vague puisque des études internationales sur les virus de maladies transmissibles avaient déjà régulièrement mis en garde contre le danger de pandémies avant 2020. La dernière mise en garde date de septembre 2019, c'est-à-dire juste la veille de la pandémie actuelle, et est exprimée dans le rapport de l'OMS «The World at Risk. Annual Report on Global Preparedness for Health Emergencies »[1] Et pour la deuxième vague, l’argument de la surprise est encore moins valable. Tous les experts de tous les pays dans le domaine de la virologie et de l’épidémiologie avaient clairement et plus d’une fois averti que le virus était toujours présent et qu’une deuxième vague serait inévitable. Mais le choix de la rentabilité du système d’exploitation - la production de plus-value- a bien sûr été le facteur décisif. Et une fois de plus, les conséquences sont catastrophiques: des hôpitaux inondés, un personnel infirmier débordé et des milliers de morts supplémentaires.

La négligence cynique et l’impuissance dans la gestion des gouvernements

Les nombreux décès inutiles des première et deuxième vagues sont le résultat de la négligence coupable et de l'incompétence des autorités occidentales. C'est aussi le verdict accablant d'un livre publié cet été par Richard Horton, le rédacteur en chef de The Lancet. Il considère les nombreux décès inutiles comme «la preuve d'une inconduite systématique des autorités, de négligences irresponsables qui constituent un manquement aux devoirs des responsables publics»[2]. La situation politique aux Pays-Bas et en Belgique ne constitue nullement une exception à cette tendance générale. Au contraire, les deux gouvernements ont commis tant d'erreurs au printemps et à l'automne que le contrôle de l'épidémie leur a complètement échappé des mains aux moments les plus forts.

Le comportement irresponsable des politiciens était dans de nombreux cas non seulement constitué de décisions erronées, mais était principalement motivé par une politique cynique qui accordait la priorité aux intérêts économiques du capital national et en acceptait les risques sanitaires «collatéraux» pour la population:

Alors que des millions de personnes devaient, chaque jour, prendre les transports publics pour se rendre au travail, le gouvernement a échoué à mettre en place des transports publics suffisants, où chacun avait suffisamment d'espace et où personne n'avait à craindre d'être infecté ;

Bien que diverses données montrent que les entreprises et les écoles sont les principales sources de contamination, il a été décidé de les garder ouvertes à tout prix;[3]

Alors qu’un pays comme le Sénégal a réussi à mettre en place une politique de test efficace et à grande échelle, les Pays-Bas et la Belgique ont complètement échoué dans ce domaine. Le fait que les Pays-Bas et la Belgique n'aient pas réussi à le faire est pour le moins le signe d'une mauvaise hiérarchisation des priorités et, au pire, d'une négligence délibérée;

Alors que les deux gouvernements ont dépensé des dizaines de milliards d'euros en 2008 pour sauver les banques, le personnel de santé reçoit, en 2020, une salve d'applaudissements et une aumône pour être d’emblée renvoyé au front. Quant aux hôpitaux, encore plus que lors de la 1ère vague, ils ont été inondés par les malades atteints du Covid dans un système de santé une fois de plus au bord de l'effondrement. La différence d'approche est choquante, alors que des vies humaines sont en jeu.

Néanmoins, le nouveau gouvernement belge a déclaré qu'il ne prendrait aucune mesure contre les responsables de cette gestion catastrophique de la première vague. Ce qui est tout à fait compréhensible de son point de vue, car ce serait dévoiler les choix cyniques de la classe dirigeante et l'échec systématique du système. Au contraire, le programme de relance du nouveau gouvernement De Croo tente, avec de belles promesses et des mesures superficielles, d'inculquer l'idée que la crise s'est abattue sur nous, que personne ne peut rien y faire, et que nous devons donc être unis pour affronter les conséquences de la crise et y faire face.[4] (voir l’article sur le nouveau gouvernement en Belgique).

Comment ça, personne ne pouvait rien y faire? La mort de milliers de civils aurait bel et bien pu être évitée. Les gouvernements belge et néerlandais ont délibérément négligé leur devoir de prise en charge de leurs résidents respectifs[5] au profit du maintien de la production. La maximisation du profit, qui pour la bourgeoisie a la force d'une loi de la nature, signifie qu'elle ne peut que donner la priorité absolue à la production, en essayant d’en restreindre autant que possible tous les effets nocifs.

Le «chacun pour soi» et la bataille entre les Etats nationaux

Une autre manifestation qui rend la gestion de la crise du covid encore plus chaotique est la lutte entre les États. Lors de la première vague, nous avions déjà pu constater comment les États se sont battus pour obtenir des masques buccaux et des vêtements de protection. Ce «chacun pour soi», si caractéristique de la période de décomposition, s’exprime en pleine intensité aujourd'hui dans la guerre pour les vaccins dont nous avons déjà parlé dans la CCI.[6] En juin, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et l’Italie s’étaient déjà mis d’accord entre eux pour être les premiers à avoir accès à un vaccin contre le covid-19. Cette tendance a pris une telle ampleur ces derniers mois que le directeur de l'OMS a dû mettre en garde contre le «nationalisme vaccinal».

Des vaccins sont actuellement développés à un rythme sans précédent pour se protéger contre le corona. Et à un rythme tout aussi effréné, les gouvernements concluent des contrats simples, doubles et triples avec toutes sortes de sociétés pharmaceutiques afin de réserver suffisamment de vaccins pour leur population. Dans cette folie, le plan COVAX de l'OMS pour assurer une distribution correcte et équitable du nombre encore limité de vaccins dans le monde est complètement foulé du pied. Malgré les déclarations rassurantes du président de la commission, U. Von der Leyen, et du «président» européen, Ch. Michel, selon lesquels il existe suffisamment de vaccins pour tous les pays du monde, l'Union Européenne agit également de manière très agressive pour conquérir suffisamment de vaccins, pleinement soutenue par les gouvernements néerlandais et belge.

La négation des mesures contre le coronavirus

La décadence du mode de production capitaliste a ouvert une phase de décomposition du système, dans laquelle le « chacun pour soi » et la désintégration de la cohésion sociale auront un poids de plus en plus important. Cela s'exprime aussi fortement dans cette crise du covid, en particulier sous la forme d'un nombre croissant de protestations de groupes tels que « Virus Truth » (anciennement Virus Frenzy) qui, le 24 octobre à La Haye, a de nouveau réussi à rassembler plusieurs centaines de personnes pour protester contre les mesures covid « antidémocratiques ». Une manifestation similaire, prévue pour le 25 octobre à Bruxelles et qui devait rassembler au moins autant de personnes, a été interdite par les autorités.

Afin de cacher leurs propres échecs, les gouvernements tentent de faire porter la responsabilité de l'émergence et de l'expansion de la deuxième vague au «comportement irresponsable des citoyens» et en particulier à la «jeunesse désobéissante et égoïste». C'est d'autant plus cynique que ce sont essentiellement les autorités elles-mêmes qui «ont fait entrer le loup dans la bergerie» en donnant la priorité absolue à la sauvegarde de la capacité de production et en omettant d’intervenir à temps dans la prise de mesures préventives nécessaires qui auraient pu endiguer la deuxième vague. Dans un contexte de perte croissante de contrôle sur la société, leurs actions «nulles» ont conduit à une perte de crédibilité encore plus grande, pour lesquelles ces mêmes autorités doivent  payer la note aujourd’hui: de larges pans de la population se sentent de moins en moins concernés par les directives du gouvernement et prennent leur propres décisions. Ces derniers mois, la police est intervenue à plusieurs endroits et a effectué d’innombrables raids pour stopper des fêtes « illégale ». Le scepticisme à l'égard des vaccins annoncés est également élevé.

La fuite dans la pensée conspiratrice

« Certains parmi ceux qui en ont assez des mesures doutent de la réalité de la propagation du virus et de la gravité de l’infection. Il y a beaucoup d’idées fausses qui circulent sur Internet ainsi que des théories complotistes », explique Steven Van Gucht, virologue en Belgique. Des influenceurs sur les réseaux sociaux en Belgique[7] font croire à ceux qui les suivent que le coronavirus est une invention, appellent à ne pas suivre les mesures et se déclarent ouvertement contre un vaccin.

Des parties de plus en plus importantes de la population recourent à des explications pseudo-scientifiques à propos de l'existence de la pandémie et celles-ci leur fournissent des arguments pour remettre en question les avis avancés par les experts et pour contester les mesures du gouvernement. L’augmentation du nombre de négationnistes du coronavirus est tout aussi importante que le nombre de personnes infectées par le virus. Une étude de Kieskompas montre qu'aux Pays-Bas, une personne sur dix croit que la pandémie au covid-19 fait partie d'une conspiration contre l'humanité.

Plus la pandémie dure longtemps, plus les sentiments au sein de la population commencent à devenir amers. Au cours des six derniers mois, quatre mâts 5G aux Pays-Bas et deux en Belgique ont été incendiés car, selon les tenants de cette théorie, ce n'est pas le coronavirus qui nous rend malades, mais les radiations des mâts 5G qui affaiblissent notre système immunitaire. Dernièrement, à Breda aux Pays-Bas, une allée de testing a été assaillie par des négationnistes du covid, qui ont saccagé du matériel et intimidé un contrôleur.

La classe ouvrière à la croisée des chemins

Dans les circonstances actuelles, il existe également un risque croissant qu'une partie de la classe soit entraînée dans des manifestations populistes contre les mesures de confinement, telles qu’elles ont eu lieu à grande échelle dans d'autres pays d'Europe, comme l'Italie, l'Espagne, la France et l'Allemagne. Jusqu'à présent, ni aux Pays-Bas ni en Belgique, cela ne s'est produit: la classe ouvrière n'a pas été activement impliquée dans ces manifestations, mais la situation où une telle implication était exclue dans les deux pays est à présent bel et bien révolue.

Les travailleurs sont toujours capables de se battre sur leur propre terrain pour défendre leur santé contre les conditions de travail dangereuses, comme chez InBev, Colruyt, Carrefour, etc. Cependant, cela devient de plus en plus difficile car le chantage exercé tant par l'État que par les entreprises commence à peser de plus en plus lourd sur la volonté de lutte de la classe ouvrière. Le mécontentement et la colère suscités par la négligence du gouvernement n'ont pas disparu, mais les chances que cela se traduise dans la période à venir par une combativité ouverte sont minces.

Cependant, la classe ouvrière conserve toujours sa mémoire historique et sa conscience de classe. C'est un phare qui peut l'empêcher de devenir la proie de l'irrationalité croissante et de l'incohérence de la pensée qui caractérisent la pensée conspirationniste dans les protestations populistes. C'est aussi un programme solide qui montre comment la perspective de la lutte des classes ouvre la voie à une société dans laquelle la domination de l'économie sur l'homme, mais aussi l'opposition entre la société et la nature, peuvent être surmontées. Ainsi, l'harmonie avec la nature, qui pourra alors être rétablie, fera que les virus zoonotiques (transmissibles de l'homme à l'animal) apparaîtront moins souvent n

Dennis & Jos/03.12.2020

 

[1] Pour plus d'informations sur les différentes études et mises en garde, voir Ignacio Ramonet : «La pandémie et le système mondial» , 14.01.2020.

[2] Richard Horton, “The COVID-19 Catastrophe. What’s gone wrong and how to stop it happening again”, Polity Press, 2020.

[3] Plus de 21% des infections se produisent au travail. L’éducation (19,5 %), les contacts avec le cercle familial élargi (17,3 %) et les loisirs (15,8 %) viennent ensuite. (Recherche par les onze cabinets de médecine générale de la médecine pour le peuple, PVDA/PTB)

[5] En ce qui concerne les maisons de repos belges, le rapport d'Amnesty International parle même de violations des droits de l'homme: le droit à la santé, le droit à la vie et l'interdiction de la discrimination ont été, selon l'étude, violés.

[7] En Belgique, on a eu recours à des »influencers», des personnes influentes sur les réseaux sociaux pour informer sur le covid certains groupes de jeunes, qui ne sont pas atteints par les canaux d'information habituels.

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