Covid 19: Des réactions face à l'incurie de la bourgeoisie

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Nous publions ci-dessous plusieurs réactions trouvées sur les réseaux sociaux, des cris et des expressions d’indignation de colère mais aussi de combativité face à la catastrophe sanitaire que vit l’humanité à l’heure actuelle et dont la bourgeoisie est la seule responsable.


La première est un coup de gueule d’un professionnel de santé (publié sur Le VIF, 21 mars 2020) qui, en dépit de ses confusions sur la nature des élections, exprime un véritable cri de révolte qui permet, selon nous, de mettre en évidence deux choses :

– que les attaques contre le système de santé et la dégradation des conditions de travail ne sont pas une nouveauté mais le produit d’une politique de rentabilité, d’une planification purement comptable et donc froidement criminelle de la part de l’État bourgeois ;

– que les discours politiques de la classe dominante ne sont qu’une hypocrite mascarade destinée à justifier ou à masquer l’austérité, la pénurie et la souffrance des salariés, quels que soient les secteurs.

Depuis mercredi, les Belges sont appelés à applaudir, tous les soirs à 20 heures, le personnel soignant, (1) en première ligne dans la lutte contre la propagation du Coronavirus. Face à ce soutien populaire, un médecin urgentiste liégeois a voulu pousser un “coup de gueule” :

Je pense que je suis aigri, en mode lendemain de garde (24h d’affilée en ayant peu dormi). Mais globalement, je ne supporte pas les gens qui applaudissent : les hôpitaux n’ont pas attendu le Covid-19 pour être dans la galère, en surbooking permanent. Les services d’urgences n’ont pas attendu non plus d’être surchargés, en manque de personnel (infirmier.es surtout), dans des locaux vétustes ou sous-dimensionnés. Que l’hôpital Saint-Pierre doive faire la manche pour avoir des respirateurs, c’est une honte totale !

On est où ? MSF va débarquer ? Une bonne partie des gens qui applaudissent, votent chaque année pour les connards qui diminuent les budgets, font des hashtags #keepsophie en soutien à la Premier ministre Sophie Wilmès en oubliant qu’elle a été ministre du Budget d’un gouvernement qui a retiré plusieurs milliards d’euros dans les soins de santé.

Et soi-disant, ils ont peur parce qu’on risque nos vies ?! Les gens qui font des pauses et des boulots stressants par manque de moyens ne meurent pas d’infection. Ils meurent de leur boulot aux cadences infernales en perdant 10-15-20 ans d’espérance de vie.

Donc merci quand même pour vos applaudissements, mais ça fait des années que le personnel hospitalier travaille dans des conditions de merde et se nique la santé en faisant son job du mieux possible.

La prochaine fois que vous voyez des manifestations pour refinancer les soins de santé, soutenez-nous !

Et quand vous retournerez glisser un bulletin dans l’urne, réfléchissez-y à deux fois !

Un médecin assistant aux urgences à Liège, cosigné par une infirmière SIAMU aux urgences à Bruxelles

PS : Si vous applaudissez à 20h, pensez aussi à tous les travailleurs de la grande distribution, les crèches, les éboueurs, eux ils n’avaient pas signé pour ça à la base et ils sont très mal payés.


La deuxième réaction, à lire ci-dessous, dénonce le chantage que l’État exerce sur les étudiants en travail social qui refusent de se porter “volontaires” comme personnels hospitaliers et ainsi servir de “chair à virus”. Une mobilisation à laquelle refuse de répondre cette étudiante qui dénonce ouvertement l’incurie et l’hypocrisie du gouvernement.

Réponse publique et anonyme d’une étudiante assistante de service social au “plan de mobilisation volontaire”

Le samedi 21 mars 2020, j’ai reçu un mail de mon centre de formation d’assistante de service social dont je tairai le nom. Il s’agit d’un courrier de la DRDJSCS à propos du “plan de mobilisation des étudiant-es en travail social”.

Ce message nous informe qu’en qualité d’étudiant-es assistant-es de service social, nous sommes désormais mobilisables “sur la base du volontariat”, dans le cadre de la gestion de crise du COVID-19 stade 3. Les missions sont larges : assurer l’accueil et notamment dans le domaine de l’hébergement, de la réinsertion, de l’asile, de l’aide alimentaire, de la protection des majeurs vulnérables, de la protection de l’enfance et de l’accueil de personnes âgées et handicapées. Le message nous assure que les consignes sanitaires seraient rappelées à nos employeurs, nous assurant ainsi une intervention en toute sécurité. Enfin, il est précisé que notre volontariat sera pris en compte pour “valoriser notre engagement” au moment de la certification.

J’ai décidé de répondre publiquement et anonymement à cet email. Je ne voudrais pas que cette déclaration vienne compromettre ma certification en juin 2020, car vous l’avez bien compromis, la DRDJSCS sera regardante et en évaluera ma dévotion de future professionnelle.

A cela je réponds : Cela fait 3 ans que je suis en formation d’assistante de service social, 3 ans que j’entends le même discours. Nos conditions de travail sont médiocres, mais nous avons choisi ce secteur par vocation… alors sacrifions nous ! Nous sommes constamment dans l’obligation d’adapter nos accompagnements au manque de financement, nous devons être flexibles, adaptables, discret-es et altruistes. Nous continuons à appliquer des dispositifs qui nous semblent injustes et contraires à notre déontologie : des conditions d’accueil et d’accompagnement difficiles dans les centres d’hébergement, dans les appartements éducatifs pour les mineurs, les MECS et les hôpitaux ; des consignes imposées par la Préfecture discriminantes et irrespectueuses envers les personnes migrantes ; les financements stables sont rarissimes et remplacés par des appels à projets éphémères, provoquant ainsi une grande insécurité chez les travailleurs sociaux et chez les personnes accompagnées ; et enfin, une évaluation de nos pratiques professionnelles en terme d’efficacité et non pas de relation d’aide.

Mes 3 ans de formation m’ont suffi à me décourager du secteur social, et pourtant je continue car je reste persuadée que l’entraide est primordiale dans notre société. Oui, nous avons choisi cette profession car nous sommes des personnes altruistes et empathiques. Mais personnellement, je l’ai également choisi par engagement, par conviction, pour lutter pour une société plus juste, où les travailleurs sociaux seraient inutiles car la solidarité serait l’affaire de tous et toutes. Une société qui arrêterait de créer de la misère et de l’entretenir.

Le gouvernement Macron a tourné le dos au secteur médical et social, et aujourd’hui, il nous demande d’aider la “Nation” car “nous sommes en guerre”.

Le gouvernement a maltraité les professionnel-les du soin, ainsi que les travailleurs-ses sociaux-les, et aujourd’hui c’est la population qui paye les pots cassés. Je suis en colère car il y a un mois de ça, nos manifestations et revendications étaient réprimées par les forces de l’ordre, par l’État. Nous demandions inlassablement des financements permettant de proposer un accueil digne des personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit dans les structures médicales ou sociales. Nous avons tenté de prévenir le gouvernement. Et quelques semaines plus tard, nous sommes appelé-es à la dévotion pour sauver les structures qui, de plus, accompagnent ces personnes oubliées, discriminées, maltraitées et humiliées par l’État. Les personnes sans domicile fixe, les personnes migrantes, les personnes précaires, les personnes porteuses d’un handicap limitant leur autonomie (dans la société qui leur est proposée) et les personnes âgées ne font plus parties des priorités de notre gouvernement. Et nous, travailleurs sociaux et professionnels du soin, sommes quotidiennement témoin de la violence que cela induit sur elles. Nous sommes contraint-es de flirter constamment avec la maltraitance, du fait du manque de moyen, de temps et de personnel. Cela est insupportable.

Aujourd’hui, vous nous demandez de nous sacrifier pour ces personnes que vous avez vous-même mis en souffrance. Vous nous promettez des conditions de travail sécurisées, or nous sommes informé-es de la rupture de stock des masques, des gants et du gel hydroalcoolique dans les structures médicales et médico-sociales. Nous ne sommes pas dupes.

Je vous demande donc, face à quel choix nous mettez-vous ?

L’équipe de soin de l’hôpital Edouard Herriot a été entièrement contaminée à cause du manque de matériel de protection. L’État nous enverrait-il au casse-pipe ? L’État compte sur nous pour assurer l’accès aux soins pour tous et pour limiter les dégâts dans les structures sociales, mais une fois de plus il ne nous donne pas les moyens de faire notre travail dans de bonnes conditions. Si je refuse d’être volontaire, je serai égoïste et peut-être devrais-je me justifier de ce choix lors de ma certification. Si j’accepte, je sacrifie potentiellement ma santé et celle de mon entourage, mais je serai héroïque, telle un-e soldat au front ? Mourir pour mes idées d’accord, mais de mort lente !

Malgré les beaux discours et les applaudissements de 20h, l’État continue de fermer les yeux sur les réalités de nos professions.

Aujourd’hui, le gouvernement m’empêche de pouvoir aider les personnes dans le besoin, il m’empêche de répondre à mes missions d’assistante sociale et d’agir en accord avec mes convictions.

Je ne répondrai pas à cette mobilisation, et je refuse d’en porter la responsabilité.

Une étudiante assistante sociale


Face au manque de masques, de respirateurs, de lits dans les services de réanimation, de tests de dépistage, etc. ; résultat de décennies de démantèlement du système de santé dans le monde entier, nous pouvons voir que la colère ne cesse de croître dans les rangs de la classe ouvrière tout particulièrement dans le secteur hospitalier qui est en première ligne sans possibilité de se protéger de la contamination au Covid-19. D’où les mouvements de manifestations de la part des personnels hospitaliers dans plusieurs pays comme en France, dans la ville de Tourcoing, comme on peut le voir dans la vidéo suivante : ICI, mais aussi aux États-Unis comme l’illustrent les photographies ci-dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par ailleurs, malgré la campagne idéologique assourdissante de la part de la bourgeoisie appelant les exploités à faire corps avec leurs exploiteurs dans une grande “union nationale”, en orchestrant notamment “l’héroïsation” du personnel médical par l’appel à applaudir tous les soirs ces sacrifiés qui doivent assister et soigner les malades sans quasiment de moyens, les images ci-dessous montrent que la réflexion au sein de la classe ouvrière continue à s’opérer mettant en cause le seul responsable de cette pandémie : le capitalisme !

 

 

 

 

 

 

 

 

1Comme en France, en Espagne ou en Italie, notamment (NDLR).

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Coronavirus