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Le prolétariat ne pourra libérer l’humanité des chaînes de plus en plus étouffantes du capitalisme mondial que si sa lutte est inspirée et fertilisée par la continuité historique critique de ses organisations communistes, ce fil historique qui va de la Ligue des Communistes en 1848 aux organisations actuelles se réclamant de la Gauche communiste. Privées de cette boussole, leurs réactions contre la barbarie et la misère imposées par le capitalisme seront condamnées à des actions aveugles et désespérées, qui peuvent conduire à une chaîne de défaites définitives.
Le blog de Nuevo Curso (NC) a la prétention de faire passer pour “Gauche communiste” l’œuvre de Munis qui n’a jamais vraiment réussi à rompre avec l’approche et les orientations erronées de l’Opposition de gauche qui finira par dégénérer en trotskysme, un courant qui depuis les années 1940 s’est clairement positionné dans la défense du capitalisme, avec ses grands frères, le stalinisme et la social-démocratie.
Nous avons répondu à cette prétention avec l’article “Nuevo Curso et la ‘Gauche communiste espagnole’ : Quelles sont les origines de la Gauche communiste ?” en mettant en avant le fait que “le futur parti mondial, s’il veut apporter une réelle contribution à la révolution communiste, ne peut reprendre l’héritage de l’Opposition de Gauche. Il devra fonder son programme et ses méthodes d’action sur l’expérience de la Gauche communiste. (…) il existe un héritage commun de la Gauche communiste qui la distingue des autres courants de gauche qui ont émergé de l’Internationale Communiste. Pour cette raison, quiconque prétend appartenir à la Gauche communiste a la responsabilité de s’efforcer de connaître et de faire connaître l’histoire de cette composante du mouvement ouvrier, ses origines en réaction à la dégénérescence des partis de l’Internationale Communiste, les différents groupes qui sont liés à cette tradition ayant participé à sa lutte, les différentes branches politiques qui la composent (Gauche Italienne, Gauche germano-hollandaise, etc). En particulier, il est important de clarifier les contours historiques de la gauche communiste et les différences qui la distinguent d’autres courants de gauche, en particulier le courant trotskyste”.
Cet article écrit en août 2019 a été totalement ignoré par Nuevo Curso. Le son de son silence a résonné fort aux oreilles de tous ceux d’entre nous qui défendent l’héritage et la continuité critique de la Gauche communiste. Ceci est encore plus choquant alors que Nuevo Curso publie chaque jour un nouvel article qui traite de tous les sujets imaginables, depuis Netflix ou le message de Noël du roi d’Espagne, jusqu’à l’origine de la fête de Noël. Cependant, il n’a pas jugé nécessaire de consacrer quoi que ce soit à quelque chose d’aussi vital que la justification argumentée de sa prétention à faire passer pour Gauche communiste la continuité plus ou moins critique de Munis avec l’Opposition de gauche qui a donné naissance au trotskysme.
À la fin, notre article posait la question suivante : “Peut-être s’agit-il du culte sentimental d’un ancien combattant prolétarien [Munis]. Si tel est le cas, il faut dire que c’est une entreprise destinée à créer plus de confusion car ses thèses, transformées en dogmes, ne feront que distiller le pire de ses erreurs (…) Une autre explication possible est que la Gauche communiste authentique est attaquée avec une “doctrine” de spam (…) en utilisant les matériaux de ce grand révolutionnaire. Si tel est le cas, c’est l’obligation des révolutionnaires de combattre une telle imposture avec le maximum d’énergie”.
Le pire dans la défaite de la vague révolutionnaire mondiale de 1917-23, c’est la gigantesque adultération perpétrée par le stalinisme en la faisant passer pour du “communisme”, du “marxisme” et des “principes prolétariens”. Les organisations révolutionnaires d’aujourd’hui ne peuvent pas permettre que tout l’héritage qui a été durement développé pendant presque un siècle par la Gauche communiste soit remplacé par une doctrine de spam basée sur la confusion et la gangrène opportuniste que l’Opposition de Gauche fut. Ce serait un coup brutal porté à la perspective de la révolution prolétarienne mondiale.
Les origines de Nuevo Curso
En septembre 2017, nous avons découvert un site web (blog) d’un groupe appelé Nuevo Curso,[1] qui s’est d’abord présenté comme étant intéressé par les positions de la Gauche communiste et ouvert au débat. C’est du moins ce que NC disait dans sa réponse à la première lettre que nous, CCI, leur avons envoyée. Voici leur réponse :
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"… Nous ne nous considérons pas comme un groupe politique, un proto-parti ou quelque chose comme ça… Au contraire, nous voyons notre travail comme quelque chose de “formatif”, pour aider à la discussion sur les lieux de travail, parmi les jeunes, etc. et une fois qu’on a clarifié quelques éléments de base, servant de pont entre ces nouvelles personnes qui découvrent le marxisme et les organisations internationalistes (essentiellement la TCI et vous, CCI) qui, tel que nous le voyons, devraient être les agglutinants naturels du futur parti même si vous êtes très faibles maintenant (comme, bien entendu, la classe toute entière)".[2]
Cette approche a disparu quelques mois plus tard, sans la moindre explication détaillée et convaincante et peu de temps après, cependant, NC déclarait être la continuation d’une soi-disant Gauche communiste espagnole dont les origines seraient Munis et son groupe, le FOR.[3] Nous avons déjà mis en avant le fait que cette prétendue filiation n’est qu’une confusion entre la Gauche communiste et le trotskysme, et que du point de vue de la continuité des principes politiques, les positions du NC ne sont nullement en continuité avec celles de la Gauche communiste, mais avec celles du trotskysme, ou, dans le meilleur des cas, des tentatives de rupture avec celui-ci.[4] Il n’y a donc pas de continuité programmatique de NC avec la Gauche communiste.
Mais qu’en est-il de la continuité organique ? C’est ce qu’ils disaient eux-mêmes au début :
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“Sous le blog et ‘l’École du marxisme’, nous sommes un petit groupe de cinq personnes qui ont travaillé et vécu ensemble pendant quinze ans dans une coopérative de travail qui fonctionne comme une communauté de biens. C’était notre façon de résister à la précarité et de gagner notre vie. Et aussi pour maintenir un mode de vie où nous pourrions discuter, apprendre et être utiles à nos familles et nos amis dans une période difficile”. (idem)
Et comme ils le reconnaissent aussi, leur activité principale était loin d’être la critique marxiste ; elle consistait en général, en l’absence d’une plus grande concrétisation, à consacrer leurs efforts “à rendre possible un travail organisé de manière productive (un nouveau mouvement coopératif ou communitariste qui rendrait évidente la possibilité technologique d’une société démercantilisée, c’est-à-dire communiste)".[5] (idem)
D’autre part, en plus de ce noyau central, et provenant apparemment des dynamiques différentes de réflexion et de discussion, différents groupes de jeunes ont convergé vers ce groupe dans plusieurs villes.[6]
Ce qui est surprenant c’est comment avec de tels éléments, le site Internet de NC ait pu se présenter dès le début en se référant aux positions de la Gauche communiste. L’un des éléments qui y contribuent est également expliqué dans sa lettre :
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“L’un d’entre nous [c’est-à-dire du noyau coopérativiste], Gaizka,[7] qui fut l’un de vos anciens contacts dans les années 1990, et dont, comme il le dit lui-même, la tête s’est bien remplit en apprenant le marxisme avec vous. Le fait de compter sur lui et sur la bibliothèque qu’il a amenée avec lui a été une partie importante de notre processus”. (Idem)
Effectivement. Ce “membre coopérativiste” s’est présenté en décembre 2017 lors de notre réunion publique à Madrid à l’occasion du centenaire de la Révolution russe, et s’est avéré être une vieille connaissance, surnommée Gaizka, qui dans les années 1990 a eu une discussion programmatique avec le CCI. A la fin de la rencontre, il nous a informés qu’il était en contact avec un groupe de jeunes, auxquels “il donnait une formation marxiste”, et nous a encouragés à reprendre contact.
Notre réponse à sa proposition de reprendre contact a été qu’il devait d’abord clarifier certains comportements politiques qu’il n’a pas été en mesure d’expliquer dans les années 1990, et qui l’ont impliqué dans des attitudes carriéristes et dans une relation tenue avec le PSOE [8] en même temps qu’il se revendiquait des positions de la Gauche communiste.[9]
Il n’a pas répondu en décembre (2017), ni après, aux 4 lettres que nous lui avons envoyées dans le même sens. C’est pourquoi, suivant la tradition prolétarienne d’arriver à une clarté sur ce type d’épisodes douteux qui restent obscurs, nous avons continué à demander des explications.
Parce que, en l’absence de ces explications, le suivi de son activité politique [10] depuis notre rencontre montre un lien maintenu principalement avec le PSOE.
La “trajectoire tortueuse " de Gaizka
1992-1994, contact avec le CCI, fuite et dérobade
En 1992, Gaizka a pris contact avec le CCI en se présentant comme membre d’un groupe appelé “Unión Espartaquista”, qui prétendait défendre les positions de la Gauche communiste allemande (des positions qui aujourd’hui ne semblent plus lui plaire). En réalité, c’était essentiellement lui et sa compagne.[11] Leur connaissance des positions et des traditions de la gauche communiste était plus une aspiration qu’une réalité.
Dès le début, il s’est montré intéressé à rejoindre rapidement notre organisation, se sentant mal à l’aise lorsque les discussions s’allongeaient à cause des nécessaires éclaircissements, ou lorsque certains de ses comportements étaient mis en question – en particulier concernant un autre élément qui avait rejoint un cercle de discussions à Madrid, auquel une délégation de Battaglia Comunista a également participé de façon ponctuelle.
La discussion sur sa trajectoire politique avait posé également problème. Bien qu’il nous ait informés qu’il avait été en contact avec les Jeunesses Socialistes (du PSOE), il montrait une sorte de fascination pour l’expérience des kibboutz,[12] et un discours qui semblait parfois le relier à Borrell [13] et au lobby socialiste pro-israélien [14]. Par ailleurs, Gaizka n’avait jamais non plus clarifié sa relation organique avec le PSOE ou sa rupture.[15]
En 1994, dans le CCI, il y a eu des débats sur le problème du poids de l’esprit du cercle dans le mouvement ouvrier depuis 1968 et sur l’affinitarisme sous couvert des projets de vie “communautaristes”. Au cours des discussions sur nos principes d’organisation, nous avions présenté à Gaizka nos positions sur tout cela. Et c’est peut-être pour cette raison que, lorsque nous lui avons demandé directement des explications sur les aspects qui nous semblaient peu clairs sur sa trajectoire [16], de prime abord il n’a pas été surpris du tout, bien que nous ayons présenté cette rencontre comme une confrontation enregistrée (nous n’avions jamais enregistré une discussion avec lui auparavant). Et puis, il n’a tout simplement pas donné d’explication et a disparu du milieu de la Gauche communiste… Jusqu’à maintenant !
Un lien maintenu avec le PSOE
Ce qui pose des questions dans la trajectoire politique de Gaizka n’est pas le fait qu’à un certain moment, il a été sympathisant ou militant des Jeunesses socialistes et qu’il ne l’ait pas dit clairement ; ce qui mérite une explication c’est le fait que, malgré sa prétendue conviction dans les positions de la Gauche communiste, l’histoire de sa vie est pleine de traces qui montrent une relation politique avec des personnages qui sont ou ont été de hauts fonctionnaires du PSOE.
En 1998-99, il participe en tant que “conseiller”, sans jamais préciser ce que cela signifie, à la campagne de Borrell pour les primaires du PSOE, comme c’est indiqué dans certaines de ses propres comptes rendus sur le web. Un de nos militants l’a vu à la télévision dans les bureaux du candidat [17]. Gaizka a essayé de minimiser la question en disant qu’il n’était là-dedans que tout juste le “garçon de courses” de la campagne, quelqu’un que Borrell n’aurait même pas remarqué. Mais la vérité est que certains dirigeants du PSOE, comme Miquel Iceta [18] par exemple, disent publiquement qu’ils ont rencontré Gaizka dans cette campagne. Et il ne semble pas très logique que les hauts cadres du PSOE soient allés demander à Borrell de leur présenter le garçon de courses.
En plus, au cours de ces mêmes années, Gaizka a également participé à une “Mission humanitaire” du Conseil européen pour l’action humanitaire et la coopération de l’UE [19] au Kosovo aux côtés de David Balsa, président en exercice de la Conférence euro-centraméricaine, puis président du Conseil européen pour l’action humanitaire et la coopération, ancien dirigeant des Jeunesses socialistes et ancien membre de l’exécutif du Parti socialiste galicien. Dans une lettre au Parti radical italien, Gaizka dit de lui que c’est “le garçon qui est allé en Albanie à ma place”.
Au-delà de ce que cela peut suggérer en ce qui concerne le soupçon d’une relation entre Gaizka et le PSOE, plus étroite qu’il ne l’a jamais reconnu, cela implique une participation active à une guerre impérialiste sous couvert “d’action humanitaire” et de “droits de l’homme”.[20]
En 2003, il conseille également la campagne de Belloch [21] du PSOE à la mairie de Saragosse, et là, cette fois-ci, il reconnait : “J’ai été très impliqué dans la campagne du maire, Juan Alberto Belloch, pour redéfinir la ville comme un espace urbain, en tant que paysage économique, où peut se développer ce type d’entreprises liées à de véritables communautés, très transnationalisées et hyperconnectées”.
En 2004, après les attentats du 11 mars et la victoire électorale du PSOE, Rafael Estrella préface un livre de Gaizka avec des éloges et des louanges pour ses qualités. Ce monsieur était membre du PSOE, porte-parole de la Commission des affaires étrangères du Congrès des députés et président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN [22]. Le livre souligne l’incompétence du PP à comprendre les attaques d’Atocha, mais il n’y a pas une seule critique au PSOE. Felipe Gonzalez lui-même le cite à l’occasion.
Ce même député du PSOE deviendra plus tard ambassadeur d’Espagne en Argentine à partir de 2007 (jusqu’en 2012) et invitera Gaizka à présenter son livre à l’ambassade, le mettant en contact avec les milieux politiques et économiques de ce pays.
Un autre “parrain” qui a joué un rôle important dans l’aventure sud-américaine de Gaizka était Quico Mañero, dont il a dit dans une dédicace d’un autre de ses livres : “A Federico ‘Quico’ Mañero, ami, connecteur des mondes et tant de fois maitre, qui nous pousse depuis des années à “vivre dans la danse” des continents et des conversations, nous recevant et prenant soin de nous dans chaque lieu où nous débarquons. Sans lui, nous n’aurions jamais pu vivre comme des néo-vénitiens”.
Voilà ce que dit Izquierda Socialista (courant de gauche du PSOE) de ce monsieur :
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“La partie du REPSOL [23] détenue par l’Argentine est l’affaire de Monsieur Quico Mañero, ex-mari d’Elena Valenciano,[24] leader historique du PSOE (secrétaire général de la jeunesse socialiste), conseiller et repreneur d’entreprises proche de Felipe González, nommé en 2005 membre du conseil d’administration argentin de Repsol-YPF. Il fait actuellement l’objet d’une enquête pour le scandale Invercaria et les fonds andalous “des reptiles” [scandale financier], dont il a reçu 1,1 million d’euros”.[25]
Pendant la même période, en 2005, Gaizka a travaillé pour la Fondation Jaime Vera du PSOE, qui est traditionnellement une institution de formation pour les cadres politiques du parti, et il semble qu’à partir de 2005, celle-ci a commencé un programme international de formation pour cadres dans le but de gagner en influence au-delà des frontières espagnoles. Dans ce contexte, Gaizka participe à la formation des cyberactivistes K en Argentine, qui ont soutenu la campagne de Cristina Kirchner en 2007, quand elle est devenue présidente du gouvernement :
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“L’idée est née il y a deux ans, d’un accord politique du gouvernement. C’était en 2005, parmi une vingtaine de jeunes sélectionnés par la Casa Rosada [siège de la présidence argentine] pour être formés à la Fondation Jaime Vera, l’école de gouvernement des dirigeants du PSOE, le parti socialiste espagnol. Il y avait les créateurs du cyberactivisme K : le militant Sebastián Lorenzo (www.sebalorenzo.com.ar) et Javier Noguera (“nogueradetucuman.blogspot.com”), secrétaire du gouvernement de José Alperovich, gouverneur du Tucumán”.
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“Nous avons été stupéfaits lorsqu’ils ont parlé de blogs et de réseaux sociaux ", a déclaré Noguera au journal La Nacion. C’était la moindre des choses : le “professeur” espagnol était la référence mondiale du cyberactivisme… Le même qu’il y a un mois, accompagné de l’ambassadeur Rafael Estrella, a présenté à Buenos Aires son nouveau livre”. (voir précédemment, NdR) [26]
Au cours de la décennie des années 2010 et surtout après la défaite électorale du PSOE, il y a moins de preuves d’engagements avec ce parti.
… et ponctuel avec le libéralisme de droite
En effet, avant la victoire du PSOE en 2004, Gaizka essaye de tirer la couverture du PP vers lui, et collabore cette fois-ci avec la jeunesse du PP, dans la création du liberales.org, qui, selon les mêmes termes des organisateurs servirait à “créer un répertoire dans lequel mettre un peu d’ordre dans le libéralisme hispanique présent sur Internet. Ce week-end, nous nous sommes mis au travail et, après plusieurs heures devant l’ordinateur, nous avons cartographié ce qui existe sur Internet, produit des différentes familles libérales et libertaires (à ne pas confondre avec les anarchistes), parfois antagonistes. C’est ainsi qu’est né LosLiberales.org, un projet non partisan pour les libéraux et ceux qui s’intéressent à ce type de pensée…".[27]
Ce manège comprenait des types tels que Jiménez Losantos [28] et son journal Libertad digital, pour lequel Gaizka a écrit plusieurs articles, ou les libéraux-conservateurs chrétiens, dont les auteurs eux-mêmes ne savaient pas s’ils devaient être considérés comme libéraux ou d’extrême droite.
Comme le dit le journaliste Ignacio Escolar [29] dans le livre La blogosphère espagnole, ce club “n’a pas duré longtemps. Des désaccords idéologiques et personnels entre les fondateurs ont mis fin au projet”.
Que fait quelqu’un comme Gaizka dans un lieu comme la Gauche communiste ? [30]
L’examen du curriculum vitae politique de Gaitzka montre clairement sa relation étroite avec le PSOE. Le PSOE, depuis qu’il a définitivement abandonné le camp prolétarien lors du Congrès extraordinaire d’avril 1921,[31] a un long passé au service de l’Etat capitaliste : sous la dictature de Primo de Rivera (1923-30), son syndicat, l’UGT, était le mouchard de la police trahissant de nombreux militants de la CNT et un ponte du conglomérat PSOE-UGT, Largo Caballero, fut conseiller du dictateur. En 1930, le PSOE tourna rapidement sa veste et se mit à la tête des forces qui, en 1931, établirent la Deuxième République, où il fut chef du gouvernement en coalition avec les Républicains de 1931 à 1933. Il est à noter qu’au cours de ces deux années, 1500 travailleurs ont été tués dans la répression des grèves et des tentatives insurrectionnelles. Plus tard, le PSOE fut l’axe du gouvernement du Front populaire qui dirigea l’effort de guerre, la militarisation et donna carte blanche à la meute stalinienne pour réprimer l’insurrection ouvrière de Barcelone en mai 1937. Avec le rétablissement de la démocratie en 1975, le PSOE a été l’épine dorsale de l’État, étant le parti qui a été à la tête du gouvernement le plus longtemps (1982-1996, 2004-2011 et depuis 2018). Les mesures les plus brutales contre les conditions de la classe ouvrière ont été imposées par les gouvernements du PSOE, soulignant les plans de reconversion des années 1980 qui ont impliqué la perte d’un million de postes de travail ou le programme de coupes sociales que le gouvernement du PSOE de Zapatero avait lancé et que le gouvernement PP de Rajoy allait ensuite poursuivre.
C’est avec ce bastion de l’Etat bourgeois que Gaizka a collaboré ; il ne s’agit pas du tout de relations avec des “éléments de base”, plus ou moins dupés, mais avec de hauts responsables du Parti, ni plus ni moins qu’avec Borrell qui vient d’être nommé responsable de la politique étrangère de la Commission européenne, avec Belloch qui était ministre de l’intérieur, avec Estrella qui était président de l’assemblée parlementaire de l’OTAN.
Dans le curriculum vitae de Gaizka, on ne trouve pas la moindre trace de conviction ferme dans les positions de la Gauche communiste, et pour être clairs, même pas qu’il ait des convictions politiques d’aucune sorte, puisqu’il n’a pas hésité à flirter pendant un moment avec le camp de la droite. Le “marxisme” de Gaizka appartiendrait plutôt au “groucho-marxisme” : souvenons-nous du célèbre comédien Groucho Marx lorsqu’il disait que “Voilà mes principes, s’ils ne vous plaisent pas, j’en ai d’autres dans ma poche”.
C’est pourquoi la question est : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui Gaizka prétende créer avec Nuevo Curso un lien “historique” avec une soi-disant Gauche communiste espagnole ? Qu’est-ce que ce monsieur a à voir avec ces positions, avec le combat historique de la classe ouvrière ?
Et en continuité avec cela, qu’est-ce qui fait qu’un groupe parasite comme le GIGC, dont certains militants étaient membres des organes centraux de la CCI en 1992-94, et qui étaient au courant du comportement de Gaizka, tout comme ils le sont aujourd’hui du fait qu’il est le principal animateur du Nuevo Curso, détournent leur regard, se taisent et essaient de cacher sa trajectoire et déclarent que ce groupe est le futur de la Gauche communiste et de choses de ce genre ?
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“Nuevo Curso est un blog de camarades qui a commencé à publier depuis septembre dernier des prises de position régulières sur la situation et sur des questions plus larges, voire théoriques. Malheureusement, elles ne sont qu’en espagnol. L’ensemble des positions qu’il défend sont très clairement de classe et se situent dans le cadre programmatique de la Gauche communiste… nous sommes très favorablement impressionnés, non seulement par leur rappel sans concession des positions de classe, mais surtout par la qualité “marxiste” des textes des camarades…".[32]
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“Ainsi, la constitution d’Emancipación comme groupe politique à part entière exprime le fait que le prolétariat international, bien que soumis et loin de pouvoir repousser a minima les attaques de tout ordre imposé par le capital, tend à résister par la lutte et à se dégager de l’emprise idéologique de ce dernier et que son devenir révolutionnaire reste d’actualité. Elle exprime la “vitalité” (relative) actuelle du prolétariat”.[33]
Dans la tradition du mouvement ouvrier, dont la continuité historique est aujourd’hui représentée par la Gauche communiste, les principes organisationnels, de fonctionnement, de comportement et d’honnêteté des militants sont aussi importants que les principes programmatiques. Certains des congrès les plus importants de l’histoire du mouvement ouvrier, comme le congrès de La Haye de l’AIT en 1872, ont été consacrés à cette lutte pour la défense d’un comportement prolétarien (et ce malgré le fait que le congrès ait eu lieu un an après la Commune de Paris et se trouvait face à la nécessité d’en tirer des leçons).[34] Marx lui-même a consacré une œuvre, qui lui a pris plus d’un an, interrompant son travail sur le projet du Capital, à la défense de ce comportement prolétarien contre les intrigues de M. Vogt, un agent bonapartiste qui a organisé une campagne de calomnies contre lui et ses camarades. Nous avons récemment publié un article sur la dénonciation par Bebel et W. Liebknecht du comportement malhonnête de Lassalle et Schweitzer.[35] Et au XXᵉ siècle, Lénine consacrait un livre – Un pas en avant deux pas en arrière – à tirer les leçons du 2ᵉ Congrès du POSDR sur le poids des comportements étrangers au prolétariat. On peut aussi citer Trotski, qui a fait appel à un jury d’honneur pour défendre son intégrité contre les calomnies de Staline.
Qu’un personnage ayant des liens étroits avec les hauts dirigeants du PSOE débarque soudainement dans le camp de la Gauche communiste devrait alerter tous les groupes et militants luttant pour les intérêts historiques de notre classe, y compris les participants au blog Nuevo Curso qui le font de bonne foi, croyant lutter pour les principes de la Gauche communiste.
En 1994, nous avons demandé à Gaizka de clarifier sa trajectoire et ses relations qui étaient déjà douteuses à l’époque. Il a disparu de la carte. En 2018, avec un sac à dos plein de contacts de “haut niveau” dans les sphères du PSOE, nous lui avons demandé à nouveau et il est resté silencieux. Pour la défense de la Gauche communiste, de son intégrité et de sa contribution future, nous devons lui demander des comptes.
CCI, 20 janvier 2020
[1] Depuis juin 2019, Nuevo Curso s’est en fait constitué en groupe politique sous le nom d’Emancipación, malgré le fait que son blog fonctionne toujours sous le nom de Nuevo Curso. Cette évolution n’affecte en rien le contenu de cet article.
[2] 7 novembre 2017 – De [email protected] à [email protected]
[3] Voir sur notre site, entre autres les articles : 1) À la mémoire de Munis, un militant de la classe ouvrière ; Revue internationale n° 58. 2) Polémique : où va le F.O.R. ? (“Ferment Ouvrier Révolutionnaire”) ; Revue internationale n° 52. 3) Castoriadis, Munis et le problème de la rupture avec le trotskysme (I) et (II) ; Revue internationale n° 161 et 162. 4) Crítica del libro Jalones de derrota Promesas de victoria ; 5) Les confusions du “Fomento Obrero Revolucionario” sur Russie 1917 et Espagne 1936 ; Revue internationale n° 25.
[4] Nuevo Curso et la “Gauche communiste espagnole”: Quelles sont les origines de la Gauche communiste ? Revue internationale n° 163.
[5] Comprenne qui pourra ! De notre part, on ne va pas essayer de comprendre ce que ce genre d’activité signifie précisément. Qu’il suffise de dire pour l’instant que malgré les qualificatifs enjoués de “communiste”, cela n’a rien à voir avec une activité révolutionnaire ou vraiment communiste, comme on le reconnaît dans la lettre elle-même, quand on dit que pour avancer vers le marxisme, il faut partir de la critique de cette activité.
[6] “Mais depuis un an et demi ou deux ans, nous avons commencé à remarquer un changement autour de nous. On pouvait parler différemment et des dizaines de jeunes sont arrivés avec un esprit qui nous plaisait mais qui tombaient dans le stalinisme ou le trotskysme le plus folklorique” (de la lettre citée du NC, op. cit.).
[7] La lettre utilise le vrai nom ; ici, nous utilisons le surnom par lequel nous l’avons connu dans les années 1990.
[8] Partido Socialista Obrero Español
[9] Cependant, nous n’avons eu aucun inconvénient – au contraire – à rencontrer les groupes de jeunes, et c’est ce que nous avons fait avec l’un d’eux en novembre 2018.
[10] Sous ses vrai nom et prénom, Gaizka est une figure publique sur le web, ce qui nous permet de suivre sa présence et sa participation à différentes initiatives politiques. Et en même temps, cela explique le fait que nous ne puissions pas fournir toute la documentation ici sans révéler son identité.
[11] Au début, il y avait d’autres personnes qui ont abandonné le groupe.
[12] Cette fascination reste aujourd’hui dans le discours le plus récent de Gaizka, mais elle est déguisée en défense des expériences communautaires du kibboutz, en particulier dans sa première phase au début du XXᵉ siècle, sans référence au rôle politique qu’il a joué dans les intérêts impérialistes de l’Etat d’Israël. “Les ‘indianos’ (c’est-à-dire la commune de Gaizka, NdR) sont des communautés similaires au kibboutz (il n’y a pas d’épargne individuelle, les coopératives elles-mêmes sont sous contrôle collectif et démocratique, etc.) mais il existe des distinctions importantes, telles que l’absence d’une idéologie nationale ou religieuse partagée, distribuée dans plusieurs villes au lieu de se concentrer dans quelques installations et la compréhension du fait que certains critères dépassent la rationalité économique”. (Extrait d’une interview avec Gaizka)
[13] Ingénieur aéronautique et économiste de formation, Borrell est entré en politique dans les années 1970 en tant que militant du PSOE pendant la transition espagnole, et a occupé divers postes de responsabilité au sein des gouvernements de Felipe González, d’abord au de l’Économie et des Finances en tant que secrétaire général du budget et des dépenses publiques (1982-1984) et secrétaire d’État aux Finances (1984-1991) ; puis au Conseil des ministres avec le portefeuille d’Industrie et Transport. Dans l’opposition après les élections générales de 1996, Borrell est devenu inopinément en 1998 le candidat choisi par le PSOE pour la présidence du gouvernement, mais il a démissionné en 1999. Dès lors, axé sur la politique européenne, il devient membre du Parlement européen pour la période 2004-2009 et devient président de la chambre durant la première moitié de la législature. Après s’être retiré de la première ligne politique, il est revenu au Conseil des ministres en juin 2018, avec sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération dans le gouvernement présidé par Pedro Sánchez. (source : Wikipédia). Depuis peu, il est le Commissaire aux Affaires Étrangères de l’Europe.
[14] Borrell était en 1969 dans un kibboutz et sa première femme et mère de ses deux enfants est d’origine juive. Il est connu comme défenseur des intérêts pro-israéliens au sein du parti socialiste.
[15] Ce n’est pas le seul rapport qui reste confus. Aujourd’hui, nous apprenons que dans la même période où il voulait discuter pour rejoindre le CCI, il participait et était le principal animateur en Espagne de la tendance appelée cyberpunk, et le promoteur du cyberactivisme.
[16] Parmi ceux-ci, il y avait le désir d’un mode de vie “communautaire”, qui explique sa fascination pour le kibboutz, et qui était présent dans l’Union Spartakiste, où il y avait la tentative de vivre en communauté.
[17] Dans les années 80, un élément appelé “Chenier” a été découvert et dénoncé dans notre presse comme un aventurier. Peu de temps après, on l’a vu travailler sous les ordres de Mitterrand. Cela nous a mis en alerte sur une possible relation entre Gaizka et le PSOE qui était plus étroite qu’il ne l’avait jamais reconnu.
[18] Secrétaire général actuel du PSC (Parti socialiste de Catalogne) ; militant des Jeunesses socialistes et du PSOE depuis 1978 ; en 1998-99 député de Barcelone au Congrès des députés.
[19] L’institution étant peu connue, voici une référence à sa fondation dans le quotidien Última Hora de Majorque, à partir d’un article de l’agence Efe : Un español preside el nuevo Consejo Europeo de Acción Humanitaria y Cooperación
[20] La guerre en ex-Yougoslavie (les premiers bombardements et massacres en Europe après la Seconde Guerre mondiale) a été menée au nom de l'“humanitarisme”, et les frappes aériennes de l’OTAN ont été présentées comme “aidant la population” contre la guérilla. Pour connaître notre position sur le conflit impérialiste de 1999 au Kosovo, consultez notre site : La “paix” au Kosovo, un moment de la guerre impérialiste.
[21] Juan Alberto Belloch a été ministre de la Justice et de l’Intérieur avec Felipe González (1993-1996) avant de se présenter á la mairie de Saragosse.
[22] Asamblea Parlamentaria de la OTAN
[23] REPSOL est l’entreprise espagnole leader dans l’extraction, le raffinage et la commercialisation du pétrole et de ses dérivés. Elle a une présence internationale importante, notamment en Amérique du Sud
[24] Dirigeant du PSOE et numéro deux d’Alfredo Pérez Rubalcaba, ministre de l’Intérieur décédé et authentique “Richelieu” des gouvernements socialistes, qui a forcé les contrôleurs aériens à travailler sous la menace d’une mitraillette.
[25] "PATRIOTAS POR DIOS, POR LA PATRIA Y REPSOL".
[26] Journal La Nación – Argentine.
[27] Ce blog n’existe plus, mais cette citation peut être vue en captures d’écran
[28] Journaliste d’origine maoïste militant de Bandera Roja et du parti stalinien en Catalogne (PSUC), qui soutient aujourd’hui Vox et l’aile la plus à droite du PP. Il a écrit pour ABC et El Mundo et a été speaker à la radio COPE. Il est actuellement animateur du journal Libertad digital et sa radio es.radio.
[29] Fondateur du journal Público qu’il abandonna par la suite pour promouvoir Diario.es dont il est le responsable principal. Il est analyste dans les talk-show de la chaine TV “La Sexta”.
[30] "¿Qué hace una chica como tú en un sitio como éste?” (Mais que fait donc une fille comme toi dans un lieu comme celui-ci ?) Expression tirée d’une chanson du groupe madrilène Burning qui a eu un grand succès dans les années 80, à tel point qu’un film en a été tiré (de Fernando Colomo et en vedette Carmen Maura).
[31] Dans ce congrès, il y a eu la séparation des tendances prolétariennes qui résistaient encore dans le PSOE, bien qu’il faille reconnaître qu’elles étaient très confuses (centristes). Le thème de ce congrès était l’adhésion ou non à la Troisième Internationale, qui a été rejetée par 8269 mandats contre 5016 partisans de l’adhésion. Ces derniers ont quitté le congrès pour fonder le Parti communiste ouvrier espagnol.
[32] Révolution ou guerre no 9 (GIGC). De nouvelles voix communistes : Nuevo Curso (Espagne) et Worker’s Offensive (États-Unis)
[33] Révolution ou guerre nº 12. Lettre du GIGC à Emancipación sur son 1ᵉʳ Congrès.
[34] Questions d’organisation, III : le congrès de La Haye de 1872 : la lutte contre le parasitisme politique
[35] Lassalle et Schweitzer : la lutte contre les aventuriers politiques dans le mouvement ouvrier