Submitted by Revue Internationale on
La crise alimentaire signe la faillite du capitalisme
Le dénominateur commun des émeutes de la faim qui ont explosé depuis ce début d'année un peu partout dans le monde est la flambée du prix des denrées alimentaires ou leur pénurie criante qui ont frappé brutalement les populations pauvres et ouvrières dans de nombreux pays. Pour donner quelques chiffres particulièrement éclairants, le prix du maïs a quadruplé depuis l'été 2007, le prix du blé a doublé depuis le début 2008 et les denrées alimentaires ont globalement augmenté de 60% en deux ans dans les pays pauvres. Signe des temps, les effets dévastateurs de la hausse de 30 à 50% des prix alimentaires au niveau mondial ont touché violemment non seulement les populations des pays pauvres mais aussi celles des pays "riches". Ainsi par exemple, aux États-Unis, première puissance économique de la planète, 28 millions d'américains ne pourraient plus survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des États.
D'ores et déjà, 100 000 personnes meurent de faim chaque jour dans le monde, un enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes, 842 millions de personnes souffrent de malnutrition chronique aggravée, réduites à l'état d'invalides. Et dès à présent, deux des six milliards d'êtres humains de la planète (c'est-à-dire un tiers de l'humanité) se trouvent en situation de survie quotidienne du fait du prix des denrées alimentaires.
Les experts de la bourgeoisie eux-mêmes - FMI, FAO, ONU, G8, etc. - annoncent qu'un tel état de fait n'est pas passager et que, tout au contraire, il va devenir non seulement chronique mais empirer avec, à la fois, une augmentation vertigineuse du prix des denrées de première nécessité et leur raréfaction au regard des besoins de la population de la planète. Alors que les capacités productives de la planète permettraient de nourrir 12 milliards d'être humains, ce sont des millions et des millions d'entre eux qui meurent de faim du fait, justement, des propres lois du capitalisme qui est le système dominant partout dans le monde, un système de production destiné, non pas à la satisfaction des besoins humains, mais au profit, un système totalement incapable de répondre aux besoins de l'humanité. D'ailleurs, tous les éléments d'explication de la crise alimentaire actuelle qui nous sont donnés convergent dans la même direction, celle d'une production obéissant aux lois aveugles et irrationnelles du système :
1. La flambée vertigineuse du prix du pétrole qui accroît le coût des transports et de la production des produits alimentaires, etc. Ce phénomène est bien une aberration propre au système et non pas un facteur qui lui serait extérieur.
2. La croissance significative de la demande alimentaire, résultant d'une certaine augmentation du pouvoir d'achat des classes moyennes et de nouvelles habitudes alimentaires dans les pays dits "émergents" comme l'Inde et la Chine. S'il existe une parcelle de vérité dans cette explication, elle est tout à fait significative de la réalité du "progrès économique" qui, en augmentant le pouvoir de consommation de quelques uns, condamne à mourir de faim des millions d'autres du fait de la pénurie actuelle sur le marché mondial qui en résulte.
3. La spéculation effrénée sur les produits agricoles. Celle-ci aussi est un pur produit du système et son poids économique est d'autant plus important que l'économie réelle est de moins en moins prospère. Des exemples : les stocks de céréales étant au plus bas depuis trente ans, la folie spéculatrice des investisseurs se fixe à présent sur la manne alimentaire, avec l'espoir de bons placements, qui ne peuvent désormais plus être réalisés dans l'immobilier depuis la crise de celui-ci ; à la Bourse de Chicago, "le volume d'échange des contrats sur le soja, le blé, le maïs, la viande de porc et même le bétail vivant" (Le Figaro du 15 avril) a augmenté de 20% au cours des trois premiers mois de cette année.
4. Le marché en plein développement des biocarburants, aiguillonné par l'envolée des prix du pétrole et qui, lui aussi, fait l'objet d'une spéculation effrénée. Cette nouvelle source de gain est à l'origine de l'explosion de ce type de culture au détriment des végétaux destinés à la consommation alimentaire. De nombreux pays producteurs de produits de première nécessité ont transformé des pans entiers de l'économie agricole vivrière pour cultiver des biocarburants en masse, sous prétexte de lutter contre l'effet de serre, réduisant ainsi de façon drastique les produits de première nécessité et augmentant leur prix de façon dramatique. C'est le cas au Congo Brazzaville qui développe de façon extensive la canne à sucre dans cette optique, tandis que sa population crève de faim. Au Brésil, alors que 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté et a du mal à se nourrir, le choix de la politique agricole est orienté vers la production de biocarburants à outrance.
5. La guerre commerciale et le protectionnisme, qui sont aussi le propre du capitalisme, en sévissant dans le domaine agricole, ont fait que les agriculteurs les plus productifs des pays industrialisés exportent (souvent grâce aux subventions gouvernementales), une partie importante de leur production vers les pays du "Tiers-monde", ruinant ainsi la paysannerie de ces régions désormais coupées de toute capacité propre de subvenir aux besoins alimentaires des populations. En Afrique, par exemple, de nombreux fermiers locaux ont été ruinés par les exportations européennes de poulets ou de bœufs. Le Mexique ne peut plus produire assez de biens de première nécessité pour nourrir sa population si bien que ce pays doit maintenant importer pour 10 milliards de dollars de produits alimentaires.
6. L'utilisation irresponsable des ressources de la planète, mue par le profit immédiat, conduit à l'épuisement de celles-ci. La sur-utilisation des engrais cause des dommages à l'équilibre du sol, si bien que l'Institut de Recherche International du Riz prévoit que la culture de cette denrée en Asie sera menacée à relativement moyen terme. La pêche à outrance dans les océans conduit à une raréfaction de nombreuses espèces de poissons comestibles.
7. Quant
aux conséquences du réchauffement de la planète
comme, notamment, les inondations ou la sécheresse, elles sont
invoquées avec raison pour expliquer la baisse de la
production de certaines surfaces cultivables. Mais, elles aussi, sont
en dernière analyse les conséquences sur
l'environnement d'une industrialisation effectuée par le
capitalisme aux dépens des besoins immédiats et à
long terme de l'espèce humaine. Ainsi, les récentes
vagues de chaleur en Australie ont conduit à de sévères
dommages et à des baisses significatives dans les productions
agricoles. Et le pire est devant nous puisque, selon des estimations,
une hausse de un degré Celsius de température aurait
pour effet de faire chuter de 10% la production de riz, de blé
et de maïs. Les premières recherches montrent que
l'augmentation des températures menace la capacité de
survie de nombreuses espèces animales et végétales
et réduit la valeur nutritionnelle des plantes.
La famine
n'est pas la seule conséquence des aberrations en matière
d'exploitation des ressources terrestres. Ainsi, la production de
biocarburants conduit à l'épuisement des terres
cultivables. De plus, ce marché "juteux" pousse à
des conduites délirantes et contre-nature : dans les
Montagnes Rocheuses, aux États-Unis, où les
cultivateurs ont déjà orienté 30% de leur
production de maïs vers la fabrication d'éthanol, des
superficies gigantesques sont consacrées au maïs
"énergétique" sur des terres impropres à
sa culture, entraînant un gâchis incroyable en termes
d'utilisation d'engrais et d'eau pour un résultat bien
maigre. Jean Ziegler1
explique : "Pour faire un plein de 50 litres avec du
bioéthanol, il faut brûler 232 kilos de maïs"
et, pour produire un kilo de maïs, il faut 1000 litres d'eau !
Selon de récentes études, non seulement le bilan
"pollution" des biocarburants est négatif (une
recherche récente montrerait qu'ils augmentent plus la
pollution de l'air que le carburant normal), mais leurs
conséquences globales au niveau écologique et
économique sont désastreuses pour l'ensemble de
l'humanité. Par ailleurs, dans maintes régions du
globe, le sol est de plus en plus pollué ou même
totalement empoisonné. C'est le cas de 10% du sol chinois et,
dans ce pays, 120 000 paysans meurent chaque année de
cancers liés à la pollution du sol.
Toutes les explications qui nous sont données à propos de la crise alimentaire contiennent chacune une parcelle de vérité. Mais aucune d'entre elles, en elle-même, ne peut constituer une explication. S'agissant des limites de son système, notamment lorsque celles-ci se manifestent sous la forme de crise, la bourgeoisie n'a d'autre choix que de mentir aux exploités qui sont les premiers à en subir les conséquences, pour masquer le caractère nécessairement transitoire de celui-ci, comme de tous les autres systèmes d'exploitation qui l'ont précédé. D'une certaine manière elle est aussi contrainte de se mentir à elle-même, en tant que classe sociale, pour n'avoir pas à reconnaître que son règne est condamné par l'histoire. Or, ce qui est frappant aujourd'hui, c'est le contraste entre l'assurance affichée par la bourgeoisie et son incapacité à réagir de façon un tant soit peu crédible et efficace face à la crise alimentaire.
Les
différentes explications et solutions proposées -
indépendamment de leur caractère cynique et hypocrite -
correspondent toutes aux intérêts propres et immédiats
de telle ou telle fraction de la classe dirigeante, au détriment
d'autres fractions. Quelques exemples parmi d'autres. Au dernier
sommet du G8, les principaux dirigeants du monde ont invité
les représentants des pays pauvres à réagir face
aux révoltes de la faim en préconisant que soient
immédiatement abaissés les droits de douane sur les
importations agricoles. En d'autres termes, la première pensée
de ces fins représentants de la démocratie capitaliste
était de profiter de la crise pour augmenter leurs propres
possibilités d'exportation ! Le lobby industriel
européen a provoqué un tollé au sujet du
protectionnisme agricole de l'Union européenne accusé,
entre autres, d'être responsable de la ruine de l'agriculture
de subsistance dans le "Tiers-monde"2.
Et pourquoi ? Se sentant menacé par la concurrence
industrielle de l'Asie, il veut réduire les subventions
agricoles payées par l'Union européenne qui sont
désormais au-dessus de ses moyens. Le lobby agricole,
quant à lui, voit dans les révoltes de la faim la
preuve de la nécessité d'augmenter ces mêmes
subventions. L'Union européenne a saisi l'occasion pour
condamner le développement de la production agricole au
service de "l'énergie renouvelable"... au Brésil,
un de ses principaux rivaux dans ce secteur.
Le capitalisme a, comme nul autre système l'ayant précédé, développé les forces productives à un point tel qu'elles permettraient l'instauration d'une société où l'ensemble des besoins humains seraient satisfaits. Cependant, ces forces énormes ainsi mises en mouvement, tant qu'elles restent prisonnières des lois du capitalisme, non seulement ne peuvent être mises au service de la grande majorité mais se retournent contre elle. "Dans les pays industriels les plus avancés, nous avons dompté les forces de la nature et les avons contraintes au service des hommes ; nous avons ainsi multiplié la production à l'infini, si bien qu'actuellement, un enfant produit plus qu'autrefois cent adultes. Et quelle en est la conséquence ? Surtravail toujours croissant et misère de plus en plus grande des masses [...] Seule une organisation consciente de la production sociale, dans laquelle production et répartition sont planifiées, peut élever les hommes au-dessus du règne animal au point de vue social de la même façon que la production elle-même les a élevés en tant qu'espèce." (Introduction à La Dialectique de la Nature, Friedrich Engels, Éditions Sociales, 1952, p. 42). Depuis que le capitalisme est entré dans sa phase de déclin, non seulement les richesses produites ne participent toujours pas à libérer l'espèce humaine du règne de la nécessité mais encore elles menacent son existence même. Ainsi, un nouveau danger menace aujourd'hui l'humanité : celui de la famine généralisée, dont il était dit encore récemment qu'il ne s'agissait plus que d'un cauchemar du passé. En fait, comme l'illustre le cas du réchauffement de la planète, l'ensemble de l'activité productive - y compris de produits alimentaires - étant soumis aux lois aveugles du capitalisme, ce sont les bases même de la vie sur la terre, notamment à travers le gaspillage des ressources de la planète, qui se trouvent compromises.
La différence entre les émeutes de la faim et les émeutes des banlieues
Ce sont les masses les plus pauvres des pays du "Tiers-monde" qui sont aujourd'hui frappées par la disette. Les pillages de magasins sont une réaction tout à fait légitime face à une situation insupportable, de survie, pour les acteurs de tels actes et leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim, même lorsqu'elles provoquent des destructions et des violences, ne sont pas à mettre sur le même plan et n'ont pas la même signification que les émeutes urbaines (comme celles de Brixton en Grande-Bretagne en 1981 et celles des banlieues françaises en 2005) ou les émeutes raciales (comme celles de Los Angeles, en 1992 )3.
Bien qu'elles troublent "l'ordre public" et provoquent des dégâts matériels, ces dernières ne servent en fin de compte que les intérêts de la bourgeoisie qui est tout à fait capable de les retourner non seulement contre les émeutiers eux-mêmes, mais aussi contre l'ensemble de la classe ouvrière. En particulier, ces manifestations de violence désespérées (et dans lesquelles sont souvent impliquées des éléments du lumpenprolétariat) offrent toujours une occasion à la classe dominante pour renforcer son appareil de répression par le quadrillage policier des quartiers les plus pauvres dans lesquels vivent les familles ouvrières.
Ce type d'émeutes est un pur produit de la décomposition du système capitaliste. Elles sont une expression du désespoir et du "no future" qu'il engendre et qui se manifeste par leur caractère totalement absurde. Il en est ainsi par exemple des émeutes qui ont embrasé les banlieues en France en novembre 2005 où ce ne sont nullement dans les quartiers riches habités par les exploiteurs que les jeunes ont déchaîné leur actions violentes mais dans leurs propres quartiers qui sont devenus encore plus sinistrés et invivables qu'auparavant. De plus, le fait que ce soit leur propre famille, leurs voisins ou leurs proches qui aient été les principales victimes des déprédations révèle le caractère totalement aveugle, désespéré et suicidaire de ce type d'émeutes. Ce sont en effet les voitures des ouvriers vivant dans ces quartiers qui ont été incendiées, des écoles ou des gymnases fréquentées par leurs frères, leurs sœurs ou les enfants de leurs voisins qui ont été détruits. Et c'est justement du fait de l'absurdité de ces émeutes que la bourgeoisie a pu les utiliser et les retourner contre la classe ouvrière. C'est ainsi que leur médiatisation à outrance a permis à la classe dominante de pousser un maximum d'ouvriers des quartiers populaires à considérer les jeunes émeutiers non pas comme des victimes du capitalisme en crise, mais comme des "voyous". Au delà du fait que ces émeutes ont permis un renforcement de la "chasse au faciès" parmi les jeunes issus de l'immigration, elles ne pouvaient que venir saper toute réaction de solidarité de la classe ouvrière envers ces jeunes exclus de la production, qui ne voient aucune perspective d'avenir et sont soumis en permanence aux vexations des contrôles de police.
Pour leur part, les émeutes de la faim sont d'abord et avant tout une expression de la faillite de l'économie capitaliste et de l'irrationalité de sa production. Celle-ci se traduit aujourd'hui par une crise alimentaire qui frappe non seulement les couches les plus défavorisées des pays "pauvres" mais de plus en plus d'ouvriers salariés, y compris dans les pays dits "développés". Ce n'est pas un hasard si la grande majorité des luttes ouvrières qui se développent aujourd'hui aux quatre coins de la planète ont comme revendication essentielle des augmentations de salaires. L'inflation galopante, la flambée des prix des produits de première nécessité conjuguées à la baisse des salaires réels et des pensions de retraite rognés par l'inflation, à la précarité de l'emploi et aux vagues de licenciements sont des manifestations de la crise qui contiennent tous les ingrédients pour que la question de la faim, de la lutte pour la survie, commence à se poser au sein de la classe ouvrière. D'ores et déjà, plusieurs enquêtes ont révélé que, en France, les supermarchés et les grandes surfaces où les ouvriers viennent faire leurs achats arrivent de moins en moins à vendre leurs produits et sont obligés de diminuer leurs commandes.
Et c'est justement parce que la question de la crise alimentaire frappe déjà les ouvriers des pays "pauvres" (et va toucher de plus en plus ceux des pays centraux du capitalisme) que la bourgeoisie aura les plus grandes difficultés à exploiter les émeutes de la faim contre la lutte de classe du prolétariat. La disette généralisée et les famines, voilà l'avenir que le capitalisme réserve à l'ensemble de l'humanité et c'est cet avenir que révèlent les émeutes de la faim qui ont éclaté récemment dans plusieurs pays du monde.
Évidemment, ces émeutes sont elles aussi des réactions de désespoir des masses les plus paupérisées des pays "pauvres" et ne portent en elles-mêmes aucune perspective de renversement du capitalisme. Mais, contrairement aux émeutes urbaines ou raciales, les émeutes de la faim constituent un concentré de la misère absolue dans laquelle le capitalisme plonge des pans toujours plus grands de l'humanité. Elles montrent le sort qui attend toute la classe ouvrière si ce mode de production n'est pas renversé. En ce sens, elles contribuent à la prise de conscience du prolétariat de la faillite irrémédiable de l'économie capitaliste. Enfin, elles montrent avec quel cynisme et quelle férocité la classe dominante répond aux explosions de colère de ceux qui se livrent aux pillages de magasins pour ne pas crever de faim : la répression, les gaz lacrymogènes, les matraques et la mitraille.
Par ailleurs, contrairement aux émeutes des banlieues, ces émeutes de la faim ne sont pas un facteur de division de la classe ouvrière.
Au contraire, malgré les violences et les destructions qu'elles peuvent occasionner, les émeutes de la faim tendent spontanément à susciter un sentiment de solidarité de la part des ouvriers dans la mesure où ces derniers sont aussi parmi les principales victimes de la crise alimentaire et ont de plus en plus de difficultés à nourrir leur famille. En ce sens, les émeutes de la faim sont beaucoup plus difficiles à exploiter par la bourgeoisie pour monter les ouvriers les uns contre les autres ou pour créer des clivages dans les quartiers populaires.
Face aux émeutes de la faim, seules les luttes ouvrières peuvent offrir une perspective
Pour autant, bien que dans les pays "pauvres" se développent aujourd'hui, simultanément, des luttes ouvrières contre la misère capitaliste et des émeutes de la faim, il s'agit de deux mouvements parallèles et de nature bien différente.
Même si des ouvriers peuvent être amenés à participer aux émeutes de la faim en pillant des magasins, ce terrain n'est pas celui de la lutte de classe. Ce terrain est celui dans lequel le prolétariat est inévitablement noyé au milieu d'autres couches "populaires" parmi les plus pauvres et marginalisées. Dans ce type de mouvement, le prolétariat ne peut que perdre son autonomie de classe et abandonner ses propres méthodes de luttes : les grèves, manifestations, assemblées générales.
Par ailleurs, les émeutes de la faim ne sont qu'un feu de paille, une révolte sans lendemain qui ne peut en aucune façon résoudre le problème des famines. Elles ne sont rien d'autre qu'une réaction immédiate et désespérée à la misère la plus absolue. En effet, une fois que les magasins ont été vidés par les pillages, il ne reste plus rien, alors que les hausses de salaires résultant des luttes ouvrières peuvent se maintenir plus longtemps (même si elles seront rattrapées à terme). Il est évident que, face à la famine qui frappe aujourd'hui les populations des pays de la périphérie du capitalisme, la classe ouvrière ne peut pas rester indifférente ; et cela d'autant plus que, dans ces pays, les ouvriers sont eux-mêmes également touchés par la crise alimentaire et ont de plus en plus de difficultés à nourrir leur propre famille avec leurs salaires misérables.
Les manifestations actuelles de la faillite du capitalisme, et notamment la flambée des prix et l'aggravation de la crise alimentaire, vont tendre de plus en plus à niveler par le bas les conditions de vie des prolétaires et des masses les plus paupérisées. De ce fait, les luttes ouvrières dans les pays "pauvres" ne peuvent que se multiplier en même temps que les émeutes de la faim. Mais si les émeutes de la faim ne contiennent aucune perspective, les luttes ouvrières, elles, constituent le terrain à partir duquel les ouvriers peuvent développer leur force et leur perspective. Le seul moyen pour le prolétariat de résister aux attaques de plus en plus violentes du capitalisme réside dans sa capacité à préserver son autonomie de classe en développant ses luttes et sa solidarité sur son propre terrain. En particulier, c'est dans les assemblées générales et les manifestations massives que doivent être mises en avant des revendications communes à tous, intégrant la solidarité avec les masses affamées. Dans ces revendications, les prolétaires en lutte doivent exiger non seulement des augmentations de salaire et la baisse des prix des denrées de base, mais ils doivent aussi ajouter à leur plate-forme revendicative la distribution gratuite du minimum vital pour les plus démunis, les chômeurs et les masses d'indigents.
Ce n'est qu'en développant ses propres méthodes de lutte et en renforçant sa solidarité de classe avec les masses affamées et opprimées que le prolétariat pourra entraîner derrière lui les autres couches non exploiteuses de la société.
Le capitalisme n'a aucune perspective à offrir à l'humanité, sinon celle des guerres toujours plus barbares, de catastrophes toujours plus tragiques, d'une misère toujours croissante pour la grande majorité de la population mondiale. La seule possibilité pour la société de sortir de la barbarie du monde actuel est le renversement du système capitaliste. Et la seule force capable de renverser le capitalisme est la classe ouvrière mondiale. C'est parce que, jusqu'à présent, celle-ci n'a pas encore trouvé la force d'affirmer cette perspective, à travers un développement et une extension massive de ses luttes, que des masses croissantes de la population mondiale dans les pays du "Tiers monde" sont amenées à s'engager dans des émeutes désespérées de la faim pour pouvoir survivre. La seule véritable solution à la "crise alimentaire" est le développement des luttes du prolétariat vers la révolution communiste mondiale qui permettra de donner une perspective et un sens aux révoltes de la faim. Le prolétariat ne pourra entraîner derrière lui les autres couches non exploiteuses de la société qu'en s'affirmant comme classe révolutionnaire. Ce n'est qu'en développant et unifiant ses luttes que la classe ouvrière pourra montrer qu'elle est la seule force sociale capable de changer le monde et d'apporter une réponse radicale au fléau de la famine, mais aussi de la guerre et de toutes les manifestations de désespoir qui contribuent au pourrissement de la société.
Le capitalisme a réuni les conditions de l'abondance mais, tant que ce système ne sera pas renversé, elles ne peuvent déboucher que sur une situation absurde où la surproduction de marchandises côtoie la pénurie des biens les plus élémentaires.
Le fait que le capitalisme ne soit plus capable de nourrir des pans entiers de l'humanité constitue un appel au prolétariat pour qu'il assume sa responsabilité historique. Ce n'est que par la révolution communiste mondiale qu'il pourra poser les bases d'une société d'abondance où les famines seront à jamais éradiquées de la planète.
LE (5 juillet 08)
1 Rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation (des populations) du Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies de 2000 à mars 2008.
2 Le terme "Tiers-Monde" a été inventé par l'économiste et démographe français Alfred Sauvy en 1952, en pleine Guerre froide, pour désigner à l'origine les pays qui ne se rattachaient directement ni au bloc occidental ni au bloc russe, mais ce sens a été pratiquement abandonné, surtout depuis la chute du mur de Berlin. Mais il a été également utilisé pour désigner les pays qui connaissent les indices de développement économique les plus faibles, autrement dit les pays les plus pauvres de la planète en particulier en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud. Et c'est évidemment dans ce sens, plus que jamais d'actualité, que nous l'utilisons encore.
3 Concernant les émeutes raciales de Los Angeles, voir notre article "Face au chaos et aux massacres, seule la classe ouvrière peut apporter une réponse" dans la Revue Internationale n°70. Sur les émeutes dans les banlieues françaises de l'automne 2005, lire "Emeutes sociales : Argentine 2001, France 2005,... Seule la lutte de classe du prolétariat est porteuse d'avenir" (Revue Internationale n° 124) et "Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France" (Revue Internationale n° 125).