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Le 26 mars, une discussion a eu lieu à Anvers à l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, à l'initiative de quelques jeunes. Chacun y était bienvenu, pour discuter et partager ses analyses à propos de l'origine des guerres qui paraissent ne plus devoir quitter ce monde. L'objectif était, comme le précisait l'invitation, de "tenir une discussion ouverte, dans laquelle on cherche sincèrement des réponses". Le CCI soutient cette initiative. L'introduction et la discussion confirment une fois de plus la thèse de notre dernier Congrès international sur le ressurgissement d'une nouvelle génération de révolutionnaires.
A tous les coins de la planète, un nombre croissant de personnes se posent les mêmes questions fondamentales sur la nature du système capitaliste et veulent débattre sur comment pouvoir établir une alternative. Comme organisation, nous voulons contribuer à ce processus partout et le plus que nous le pouvons, avec les moyens dont nous disposons. Nous publions ci-dessous l'introduction et une courte synthèse du débat qui a suivi que nous avons reçues de l'un de ceux qui en a pris l'initiative.
Introduction au débat
A l'occasion des cinq ans de guerre en Irak, nous organisons aujourd'hui une soirée de discussion à propos des guerres qui ravagent ce monde et auxquelles aucune fin ne semble arriver. En premier lieu, nous pensons à la guerre en Irak, mais aussi à celles qui font rage en Afghanistan, entre Israël et la Palestine, au Soudan, au Tchad, au Congo, en Somalie, au Kenya, en Tchétchénie, et également aux tensions entre le Venezuela, l'Equateur et la Colombie. Pour la discussion de ce soir, nous partons de la situation en Irak, mais il n'est pas exclu que les autres soient aussi à l'ordre du jour. On peut par exemple se poser la question de savoir s'il existe un lien entre ces guerres et si elles ont un terrain favorable commun.
Je commence par un petit tableau de la situation actuelle en Irak, pour ne quand même pas oublier ce que cette guerre représente concrètement: 94.000 morts, 4,4 millions de réfugiés, 3.000 milliards de dollars en dépenses militaires, dévastation des installations électriques et hydrauliques, état catastrophique des soins de santé. "Chaque jour", il y a un attentat (exemple, mi-mars, une femme explosa et entraîna avec elle des dizaines de morts et de blessés), chaque quartier à Bagdad reflète la milice par laquelle elle est contrôlée, la corruption est générale (exemple, les vendeurs doivent corrompre les postes de l'armée irakienne pour faire passer leurs marchandises "c'est pire qu'à Gaza -si on ne me fait pas passer je dois faire le tour de tout un quartier pour atteindre un autre poste de contrôle, 99% de chance qu'alors je meurs.")
Face à ces faits, la première question de la plupart des gens est comment mettre fin à cette folie. Pour y répondre, nous devons nous poser une autre question: "pourquoi cette guerre?". Je propose de partir de ces deux questions ("pourquoi cette guerre?" et "comment arrêter la guerre?") pour commencer la discussion.
Une guerre de personnalités?
Comment une telle guerre est-elle possible? Personne ne veut quand même cela? Et pourtant, beaucoup prétendent que les guerres en Irak et en Afghanistan seraient menées par quelques personnes de "mauvaise volonté": Bush, Donald Rumsfeld, Blair... ou Oussama Ben Laden, Saddam Hussein, Moqtada El Sadr... Mais les guerres sont-elles vraiment menées par des individus? L'histoire est-elle faite par quelques personnes? Est-ce que Monsieur Bush détermine à lui seul de la marche de l'Etat le plus puissant du monde? Est-il le dirigeant ou est-il le représentant de la politique US? Et la société dans laquelle nous vivons, le capitalisme, ne pousse-t-elle pas en avant les dirigeants dont elle a besoin?
Une guerre issue d'une mauvaise politique?
Si ce n'est pas une question de personnalités, c'est peut-être alors une question de mauvaise politique? Les dirigeants ont-ils pris des décisions "erronées"? Ou la guerre était-elle une bonne affaire, mais aurait été mal menée? C'est du moins ce que nous répètent beaucoup de politiciens et de médias. Mais pourquoi faire la guerre?
Une guerre préventive?
Pendant 5 ans, les USA ont argumenté, avec la G-B, que l'Irak disposait d'armes de destruction massive. Depuis quand un Etat place-t-il des milliards dans une guerre uniquement destinée à désarmer un pays? Qui trouve la rationalité d'une "guerre pour préserver la paix"? ("War is peace, freedom is slavery, ignorance is strength", le slogan de l'Etat totalitaire de 1984, le livre de George Orwell). Après 5 ans, les preuves ne manquent pas que cet argument est creux, et que ce n'était pas la véritable raison de la guerre.
Quelles forces mouvantes?
L'histoire, et donc les guerres, est-elle propulsée par des personnalités, par des gens de mauvaise volonté, une "mauvaise direction" ou une propension arbitraire à faire la guerre? Je ne le pense pas. Les questions que je me pose sont: Quelles forces sociales font que cette (ces) guerre(s) doi(ven)t être menée(s)? Quels mobiles poussent la classe dominante à mener la guerre? (Car même la bourgeoisie veut la paix, mais du fait de sa nature de défenseur du capitalisme, elle est contrainte à l'hypocrisie et à la poursuite de la guerre). Quel est le terreau de ces guerres? Où sont les racines de la guerre? Ce sont là, je pense, les questions essentielles qui peuvent nous conduire à fonder une réponse sur des arguments matériels.
Une guerre impérialiste?
Selon les anti-globalistes, les altermondialistes et beaucoup d'organisations de gauche, la guerre serait menée pour le pétrole irakien, que ce soit pour le revendre ou pour l'utiliser. Et le même argument est utilisé pour quelques guerres en Afrique: les multinationales et/ou les grandes puissances soutiendraient des guerres pour les matières premières. Mais je peux difficilement m'imaginer qu'une guerre qui a déjà englouti 3.000 milliards de dollars aurait été menée pour un profit immédiat. Par ailleurs, les USA disposent eux-mêmes de plusieurs champs pétrolifères, et a conclu de nombreux accords avec des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud pour être à l'abri de toute pénurie sur ce plan. Un autre argument est que les USA et d'autres pays auraient envahi l'Irak, non pour le pétrole lui-même, mais pour le contrôle sur le pétrole et la région. La guerre est-elle menée pour élargir la sphère d'influence de chaque pays? Mais influence sur quoi et pourquoi? Influence sur une économie à genoux? Et les pays occupés ne constituent certainement pas non plus un marché. La guerre est-elle lors déterminée par des intérêts militaires et stratégiques? Mais le capitalisme n'est-il pas en premier lieu un mode de production basé sur le profit économique? Pourquoi alors attaquer l'Irak? Quels intérêts pèsent-ils le plus lourd: économiques ou stratégiques?
Comment arrêter la guerre?
"Comment arrêter la guerre?" est sans doute la question la plus souvent posée, ou du moins la plus angoissante. Récemment, des dizaines de milliers de manifestants protestaient contre la guerre à Londres, et des dizaines de milliers aux USA. Dans d'autres pays aussi, des gens sont descendus dans la rue. Et pourtant, ni ceux-là, ni les millions de manifestants des dernières années n'ont pu empêcher la guerre. Pourquoi? Peut-on mettre fin à la guerre sans détruire le système capitaliste? Le capitalisme ne porte-t-il pas la guerre en lui? Qui peut empêcher la guerre et comment? On peut évoquer quelques exemples historiques pour comprendre qui peut et qui ne peut pas arrêter une guerre:
- à la veille des deux guerres mondiales, de nombreuses manifestations pacifistes ont été organisées, et pourtant les deux guerres ont éclaté;
- la première guerre mondiale ne s'est terminée par la victoire d'aucun camp, contrairement à la seconde, mais a abouti à un armistice. Il y avait des désertions massives, une fraternisation entre soldats des deux camps, aussi bien sur le front de l'Est qu'à l'Ouest. La révolution russe éclata en 1917, et en 1918, des vagues de grèves ébranlèrent l'Allemagne. Un lien existe-t-il entre ces événements? Je le pense effectivement;
- la guerre du Vietnam a pris fin, d'une part suite aux changements d'alliance entre USA, Chine et Union soviétique, mais d'autre part du fait d'une pression dans l'armée américaine elle-même, où des milliers de GI's se sont organisés contre la guerre, et aux USA, où les ouvriers se sont mis en grève contre la guerre. On peut se demander à quel point les seconds ont déterminé les premiers, mais cela nous mènerait sans doute trop loin.
Devons-nous choisir un camp dans ces guerres? Devons-nous choisir entre terroristes, nationalistes irakiens et impérialistes? Ou sont-ils tous des impérialistes? Pour ma part, je refuse de choisir, et je pense qu'aucun nationalisme, qu'il soit irakien, américain, turc ou kurde, n'a quoi que ce soit à offrir d'autre que plus de guerre, encore plus de bains de sang. Selon moi, seul l'opposé, l'internationalisme, offre une issue.
Chiffres et citations
De Standaard, 19.3.08
https://archive.intal.be/nl/article.php?articleId=267&menuId=1
https://www.nrc.nl/buitenland/article976972.ece/Internationale-_Rode_Kru...
https://www.icrc.org/Web/Eng/siteeng0.nsf/htmlall/iraq?OpenDocument
https://www.indymedia.be/fr/node/26620
La discussion elle-même
Dans la discussion qui a suivi, il a semblé qu'il existait des différences d'appréciation sur un certain nombre de points. C'est ainsi que la question reste posée de savoir si ce sont des intérêts économiques ou stratégiques qui ont déterminé le déclenchement de la guerre. Le but initial des pays qui ont déclenché la guerre était-il de gagner du pétrole, et cela a-t-il dégénéré en catastrophe? Mais alors, quid de l'Afghanistan, dont nous savons tous que sur le plan économique, mis à part l'opium, il n'y a rien à gagner? Ici, les intérêts stratégiques prennent le dessus. Ou ne s'agissait-il que d'un terrain d'exercice pour la guerre en Irak? Et dans ce cas, l'Irak est-il la préparation à une prochaine guerre?
La discussion a également abordé la manière de mettre fin à une guerre. Les "journées d'action" sont-elles suffisantes pour mettre la pression sur des Etats et les contraindre à changer de politique? En se limitant à de telles actions uniques, sans réflexion en profondeur, la guerre et la société qui la produit ne sont pas vraiment mises en question. Le pacifisme est-il aussi innocent qu'il paraît?
Ensemble, les participants ont clarifié différentes questions, de façon dynamique, en échangeant des arguments. Mais de nouvelles questions ont surgi. Le débat fait clairement partie d'un processus de clarification. Un sentiment de décontraction et une réelle volonté de chercher des réponses ont contribué à une agréable ambiance de discussion.
Un des organisateurs / 26.3.08