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Au soir du premier tour électoral, la joie des journalistes, des analystes, des responsables politiques était visible, presque palpable. Tous avaient au coin des lèvres le sourire des bienheureux. Pour cause, ils célébraient leur victoire commune, celle de la participation massive des « citoyens français ». Pour sa part, et malgré des scores au ras des pâquerettes (excepté pour Olivier Besancenot), « la gauche de la gauche » n'a pas été étrangère à cette belle réussite du camp... du capital. Elle y a même grandement contribué en allant dans les quartiers populaires et les usines faire croire aux ouvriers qu'ils pouvaient se faire entendre par les urnes, pour « protester », pour « résister", pour « faire pression », pour « exprimer leur ras-le-bol »... Tout fut bon pour véhiculer en réalité un seul et même message : « pour votre avenir, pour lutter contre les attaques et la dégradation des conditions de vie..., votez !!! ».
La tournée des banlieues de tous les représentants de cette gauche « anti-libérale » n'avait d'autre but que de faire le plein de jeunes pour les envoyer, le moment venu, dans les isoloirs comme du bétail que l'on convie au saloir. C'est pourquoi, Olivier Besancenot, le facteur « jovial et sympathique », s'est appliqué consciencieusement « à parler jeune et à se référer aux rappeurs plutôt qu'à l'orthodoxie trotskiste » (Libération). Les programmes d'éveil à la citoyenneté de l'Education nationale peuvent en prendre de la graine...
Ainsi, c'est avec zèle et dextérité que l'extrême gauche a tenu son rôle de rabatteur vers les urnes électorales et, à l'heure du second tour, vers le vote socialiste organisé sous couvert de « référendum anti-Sarkozy ».
La "gauche de la gauche", un soutien indéfectible à la social-démocratie
Avant le 22 avril, les Buffet, Bové, Laguiller et Besancenot, tous ces chantres du « 100% à gauche », critiquaient sévèrement la gauche « molle et timorée » de Ségolène Royal, une « gauche du renoncement » « inféodée aux intérêts du capital ». Tout cela pour quoi ? Simplement pour mieux appeler au second tour, dans un magnifique élan d'hypocrisie collégiale, à voter pour cette même candidate socialiste à l'image d'une Marie-George Buffet qui « sans hésitation [a appellé] tous les hommes et toutes les femmes de gauche, toutes et tous les démocrates, à voter et à faire voter le 6 mai, Ségolène Royal. »
Mais, ce que peut dire sans détour la chef de file d'un PCF qui s'est, à n'en plus compter, allègrement compromis au pouvoir avec le PS, doit être évidemment amené avec plus de tact et de subtilité par les organisations de la gauche « anti-capitaliste » peintes d'un vernis plus « radical ».
Ainsi, la LCR d'Olivier Besancenot n'appelle pas à voter « pour Royal » mais « contre Sarkozy » : « Le 6 mais nous serons du côté de ceux et celles qui veulent empêcher Nicolas Sarkozy d'accéder à la présidence de la République. » Belle nuance, en effet !
Quoi qu'il en soit, ce tortueux effort de rhétorique n'en reste pas moins une façon de rendre plus présentable aux yeux des travailleurs le soutien indéfectible de la gauche « radicale » à la vieille social-démocratie... car, au bout du compte, c'est bien de cela qu'il s'agit : faire croire à la classe ouvrière que « quelque part la gauche, c'est quand même pas pareil que la droite ». D'ailleurs, en 1981, la LCR ne s'encombrait pas de tant de manières quand elle appelait sans scrupule dans son journal Rouge à « VOTEZ MITTERRAND pour chasser Giscard ».
Si aujourd'hui, la LCR fait mine de paraître plus intransigeante, afin de séduire une jeunesse au mécontentement grandissant, le fond, lui, reste le même.
Au lendemain des résultats du premier tour, un auditeur de la station RMC livrait son témoignage : « j'ai voté Besancenot parce qu'il parle vrai... quand il vous cause, c'est dans les yeux... ». Il faut ajouter ici, pour être tout à fait complet, que depuis sa consigne de vote pour le 6 mai, le regard louche furieusement (à s'en faire exploser les orbites) du côté de Ségolène Royal. Et pourtant, c'est bien le même Besancenot qui n'a cessé depuis des mois de justifier sa présence dans la course présidentielle et l'avortement d'une candidature unique du camp dit « anti-libéral » (LCR, PCF, altermondialistes) par le fait que son « profil et [sa] candidature présentent une spécificité par rapport à toutes les autres : elle incarne avec le plus de netteté le renouvellement, l'indépendance vis-à-vis du PS... » (Rouge du 25 janvier ), parce qu'« entre la politique défendue par Royal et celle que [LCR] nous appelons de nos vœux, il n'y a pas le plus petit commun dénominateur. » (Rouge du 12 avril).
Voilà, en tout cas, qui résume assez bien le genre de sincérité de ceux qui se targuent à tout bout de champ d'être d'authentiques partisans du camp des travailleurs.
Le dévouement zélé de LO
Ainsi, Arlette Laguiller, pour son dernier tour de piste présidentielle, n'a pas manqué l'occasion de faire à nouveau la preuve de la constance politique de son organisation (Lutte Ouvrière) qui pousse, chaque fois que nécessaire, les ouvriers dans les bras de la gauche : « ... je souhaite de tout mon cœur que Sarkozy soit battu... Je voterai donc pour Ségolène Royal. Et j'appelle tous les électeurs à en faire autant. Mais si je fais ce choix, c'est uniquement par solidarité avec tous ceux qui, dans les classes populaires, déclarent préférer ‘tous sauf Sarkozy'. » Ce dévouement fut vite récompensé par Ségolène Royal en personne qui, lors de son meeting à Valence, a pris soin de faire acclamer Arlette Laguiller pour qui elle a eu "une pensée particulière", la salle en effervescence se mettant alors à scander "Arlette, avec nous!" (Le Nouvel Observateur du 25 avril 2007 sur Internet). On ne pouvait rêver plus belle sortie ! Elle symbolise d'ailleurs à la perfection toute la ligne politique suivie par LO depuis sa fondation.
Arlette Laguiller finit en effet sa carrière de candidate comme elle l'avait commencé, en appelant à voter socialiste. En 1974, le journal Lutte Ouvrière inscrivait sur sa première page « le 19 mai tous les travailleurs doivent voter MITTERRAND ». Puis en 1981, Lutte Ouvrière titrait à nouveau en pleine Une « le 10 mai sans illusion mais sans réserve VOTONS MITTERRAND ».
A l'époque, il s'agissait selon LO d'un mal nécessaire pour que la classe ouvrière fasse l'expérience, dans sa chair, de la véritable nature anti-ouvrière du Parti socialiste. Bref, « tire-toi une balle dans le pieds, tu verras comme ça va faire mal... », l'argument vole en éclats !
Aujourd'hui, après le passage au pouvoir de la gauche mitterrandienne puis jospinienne, les socialistes ont amplement fait étalage de leur appartenance au camp bourgeois en attaquant massivement les conditions de vie de la classe ouvrière (vagues de licenciements, suppressions de postes dans la fonction publique, précarisation de l'emploi, réforme du système de santé...). Et malgré cela, Arlette Laguiller revient à la charge avec, à peu de choses près, la même formule qu'en 1981 : « Alors, si c'est sans réserve que j'appelle à voter Ségolène Royal, c'est absolument sans illusion... ». S'agit-il là encore de faire l'expérience de la gauche au pouvoir ?
Décidément, c'est une vieille habitude chez les trotskystes que de prendre les ouvriers pour des pigeons de la veille.
Si avant le premier tour, le « camp anti-libéral » à grands renforts de « collectifs unitaires » n'a pas réussi à s'entendre pour présenter une candidature unique, force est de constater, qu'après le 22 avril, tous ce petit monde (y compris LO) se trouve réuni pour chanter religieusement et à pleins poumons que « sans hésitation » et « de tout notre cœur » il faut voter Royal.
Souvenons-nous, pour notre part, qu'à chaque fois que le PS est arrivé au pouvoir pour frapper à grands coups de massue la classe ouvrière, l'extrême gauche s'est empressée de se faire le « critique radical » de « cette gauche vendue au patronat » dans l'unique espoir de faire oublier à la fois le soutien mutuel qu'ils se portent et le lien infaillible qui les relie.
Mitterrand, à sa façon, avait d'ailleurs salué ce lien lorsque, s'adressant à Cambadélis (ex-trotskyste devenu membre influent du PS), il lui dit : « Vous avez évolué et agi en parallèle avec nous ».
La bourgeoisie a toujours su à qui adresser ses meilleurs remerciements.
Azel (26 avril)
1981 - 2007 : la fidélité de Lutte Ouvrière