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Toutes les lamentations sur l’absence de "grand coup" dans l’accord de coalition négocié entre la CDU/CSU et le SPD ne visent uniquement qu’à détourner l’attention du fait que le gouvernement récemment constitué a concocté la série de mesures la plus brutale de tout l’après-guerre au détriment de la population. Ainsi : l’augmentation drastique de la TVA de près de 3% ; l’allongement progressif de la durée de la vie active jusqu’à 67 ans ; la réduction ou bien même la suppression définitive "d’avantages" fiscaux comme le forfait d'éloignement ou la prime d’accession à la propriété ; d’autres coupes sombres de 4 milliards d’euros sur le dos des plus pauvres parmi les pauvres, les bénéficiaires de l’indemnité prévue par la loi Hartz IV ; la suppression totale de toute protection de l’emploi pendant les deux premières années d’embauche ; la poursuite du blocage des pensions de retraite, lesquelles, eu égard à la hausse actuelle du coût de la vie et des augmentations d’impôts, subissent de fait une réduction drastique.
Une attaque générale contre la classe ouvrière
L’augmentation de la TVA est le symbole de l’aggravation de la guerre des exploiteurs faite aux exploités. Au cours de la campagne électorale le SPD s’emportait contre les projets de réforme fiscale de Kirchhoff, désigné par Merkel pour occuper le poste de ministre des finances, et qui rêvait d’introduire une tranche d’imposition à taux unique s’appliquant aux millionnaires comme aux précaires. Mais précisément l’augmentation du taux de la TVA touche deux fois plus durement les pauvres. En effet, même les sans-abri et les mendiants doivent payer cet impôt dés qu’ils achètent quelque chose.
Une telle attaque générale de la classe dominante contre les intérêts vitaux de la classe ouvrière va certainement provoquer la colère et l’indignation de ceux qu’elle touche. Cependant l’art et la manière avec lesquels cette série d’attaques est préparée, montre que la classe exploiteuse fait tout pour compliquer d’emblée la riposte ouvrière. En plus de la brutalité des mesures prises, un autre aspect est caractéristique de la coalition rouge-noire : les efforts qu’elle effectue afin de monter les salariés les uns contre les autres. L’exemple typique en est donné par la prévision de la baisse de 2% des cotisations à l’assurance chômage. La moitié doit être "contre-financée" par la réduction du soutien apporté aux chômeurs. L’autre moitié doit être fournie par l’augmentation de la TVA. Il doit ainsi en résulter une division entre actifs et chômeurs. En réalité, concernant cette mesure, il s’agit pour le patronat, partenaire paritaire (« à moitié ») de l’assurance-chômage, de baisser les coûts des charges salariales. Le coût de cette baisse - si elle doit avoir lieu - devra être supporté par les seuls salariés et chômeurs. Par exemple, la promesse de la baisse des cotisations à la caisse d’assurance maladie par le gouvernement rouge-vert montre ce que valent les prétendus allègements de charges en faveur de la classe ouvrière. Alors que les soins de santé n’ont pas cessé de se réduire et de se dégrader considérablement, jusqu’à ce jour, aucune baisse des cotisations-maladie n’a eu lieu. Au contraire. Et maintenant la hausse de la TVA va provoquer aussi une nouvelle augmentation également dans ce domaine.
La démocratie parlementaire : l’emballage idéal pour les attaques
Plus largement, ce que confirme l’accord de coalition, c’est le caractère mensonger, non seulement des promesses électorales (par exemple, la CDU/CSU a promis de faire baisser la charge fiscale globale sur la population, et le SPD a promis d’empêcher l’augmentation de la TVA) mais aussi de la campagne électorale même. Ainsi tout le monde a-t-il fait comme si démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates, "libéraux" et "partisans de l’Etat social " formaient des camps politiques irréconciliables. Maintenant chacun voit de nouveau gauche et droite au sein de la coalition gouvernementale s’arranger miraculeusement les uns avec les autres quand il s’agit d’imposer les intérêts du Capital contre les exploités. Cela est valable pour tous les partis, y compris le PDS, qui assume des responsabilités gouvernementales dans certains états fédéraux et des municipalités. Il est plus important encore d’aller au delà de la simple leçon sur le fait que les candidats et les partis en campagne nous mentent, et reconnaître que la démocratie constitue une forme bien plus puissante du totalitarisme étatique que la domination basée sur la violence sans fard d’un Hitler ou d’un Staline, car bien plus raffinée et élastique. Grâce au "suffrage libre" et au "libre choix" des urnes, on donne ainsi l’impression aux opprimés d’instituer eux-mêmes le gouvernement et de disposer ensuite des moyens de le destituer. Le gouvernement n’obéit pas à la volonté du peuple, mais aux nécessités du système capitaliste. C’est la concurrence capitaliste dans le cadre de la crise de déclin du système qui dicte le programme gouvernemental. Cette crise se fiche comme d’une guigne des résultats électoraux. Elle contraint chaque capitaliste pris isolément ainsi que l’état capitaliste, à attaquer la classe ouvrière, sous peine de courir à la ruine. Le cirque parlementaire sert exclusivement à mystifier les prolétaires.
L’accord de coalition, expression de l’absence d’issue à la crise
Le programme de gouvernement rouge-noir est uniquement l’aspect directement étatique de l’attaque capitaliste. Les expériences dans le "privé" nous renseignent sur la manière dont nous devons prendre les promesses des politiciens affirmant qu’accepter les dégradations et « les mesures de rigueur » permettrait pour bientôt l’amélioration de la situation des premiers concernés eux-mêmes. A Deutsche Telekom, après avoir déjà fait accepter la suppression des primes de Noël et des primes de congé, arrive l’annonce de nouvelles suppressions d’emplois - et pas moins de 32 000 ! Chez Volkswagen, alors que toujours plus d’ouvriers changent de grille de rémunération et travaillent pour 20% de moins, on a désormais aussi supprimé le supplément pour travail de nuit ainsi que le paiement des temps de pause. Ce sont des faits produits par la réalité capitaliste, et que tout nouveau gouvernement produira encore.
Les ouvriers n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes
Les plus récentes luttes ouvrières en Allemagne montrent une classe luttant le dos au mur. Lors des occupations d’usines chez AEG à Nuremberg ou chez Infineon à Munich, il ne s’agissait pas d’empêcher les fermetures d’entreprises, mais d’empêcher que ceux qui sont jetés à la rue par ces fermetures ne se retrouvent sans moyens de vie du jour au lendemain. Les temps sont révolus, où les puissants groupes du secteur high-tech - dont justement Infineon - versaient « de bon gré » des indemnités aux licenciés, afin d’éviter des explosions sociales. Il n’y a pas si longtemps qu’on ressassait encore « le triomphe définitif » du capitalisme et qu’on tenait pour établi que l’affirmation de Marx et Engels selon laquelle les ouvriers n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes, était contredite par l’histoire. La situation des ouvriers d’AEG et d’Infineon aujourd’hui prouve la complète actualité des la célèbre formulation du Manifeste Communiste.
Ces luttes montrent la colère des ouvriers - rage, qui, comme nous l’avons dit, est attisée par les intentions du nouveau gouvernement. Celle-ci est importante, car sans cette colère, les luttes ne peuvent pas se produire. Mais la colère seule ne suffit pas. La colère sans conscience de classe peut facilement être canalisée dans des impasses inoffensives. Cela aussi, c’est l’une des leçons confirmée par les dernières élections. La colère des victimes des attaques a été détournée en direction des urnes électorales. La proposition de l’Etat démocratique c’est de « sanctionner » les responsables - c’est à dire le SPD comme parti au pouvoir et la CDU/CSU aspirant à la chancellerie - par le bulletin de vote. Effectivement, les deux « partis populaires » ont connu leur plus mauvais résultat électoral depuis longtemps. Pour quel résultat ? Ce sont précisément ceux qui ont été sanctionnés qui forment le nouveau gouvernement, et qui sont récompensés par la classe dominante pour leurs efforts. L’impuissance de la « sanction » démocratique comme forme de protestation ne peut pas être plus clairement mise en lumière.
Se préparer à des décennies de longues luttes
Il est énormément important que la classe ouvrière se débarrasse des illusions sur la réalité du capitalisme qui demeuraient encore toutes ces dernières années. La croissance des attaques ne fait qu’exprimer l’absence d’issue à la crise d’un système social incompatible avec le progrès de l’humanité. C’est une prise de conscience pour laquelle la classe ouvrière devra se battre car justement la gauche, cette partie de l’état démocratique qui prétend défendre les intérêts ouvriers, mobilise pour tuer cette prise de conscience dans l’œuf. C’est ainsi qu’au mois d’octobre et novembre 2005, les syndicats ont organisé des journées d’action dans toute une série d’états européens - entre autres en France, en Belgique et en Grèce, pour protester contre certaines mesures gouvernementales. Ce faisant, ils ne cherchent pas seulement à laisser s’échapper la vapeur, afin que la pression au sein de la classe ouvrière ne puisse s’accumuler dangereusement (pour le Capital). Ils doivent plus largement maintenir l’illusion que ces attaques ne constituent pas l’expression de la faillite du capitalisme, mais qu’il s’agit de mesures isolées ou d’une « politique erronée » qu’il serait possible de remettre en cause en y opposant des actions limitées et ponctuelles. Cela trouve son pendant parlementaire avec les « anti-globalisation », sous la forme du Linkspartei et du PDS, qui, à grand bruit, font leur entrée dans le nouveau parlement. Ces forces affirment que la cause des tourments de la classe ouvrière ne réside pas dans la crise du système mais dans le fait que ces dernières années le capital s’est internationalisé, pour devenir surpuissant. Ce à quoi il proposent de répondre par le renforcement de l’Etat national. De fait, cette manière de voir dissimule la faillite du système. Le fait que le Capital agisse au plan international, n’est absolument pas nouveau. Déjà du vivant de Marx, la classe ouvrière a fondé la première Internationale entre autres afin d’empêcher que des ouvriers d’autres pays puissent être utilisés comme briseurs de grève. Non seulement les mouvements du capital et ses crises, mais la lutte de la classe ouvrière ont pris dés le départ une dimension internationale. Mais ce qui caractérise le capitalisme ce n’est pas seulement la contradiction entre marché mondial et Etat national, entre production internationale et appropriation nationale. La concurrence sans merci entre tous les Etats du monde comme « lieux de production » ainsi que l’embrasement de conflits guerriers, démontre aujourd’hui, que cette contradiction n’a pas disparu. L’Etat national constitue la forme la plus élevée de la concurrence capitaliste. Il est une partie du problème, et, en aucune manière, une partie de la solution.
Ainsi, le nouveau programme de gouvernement allemand n’est-il que l’incarnation en Allemagne d’un phénomène mondial. Compte tenu de ce développement, la classe ouvrière doit se préparer à de grandes luttes, même à des décennies de longues luttes.
La nécessité d’une solidarité internationale
Gouvernement et opposition, gauche et droite, s’affrontent pour défendre la voie la plus efficace, la plus équitable, la plus socialement acceptable pour le renforcement de l’Allemagne comme lieu de production. Dans tous les pays se répète le même cinéma, sous des formes différentes. La bourgeoisie ne connaît aucune autre réponse à la crise du système, que de toujours se livrer à la concurrence. La concurrence n’est pas une réponse à la crise et ne forme pas une issue à celle-ci ; au contraire, elle constitue le principe fondamental du capitalisme. Elle est la racine de l’inhumanité des conditions de vie de la classe ouvrière tout comme de son impuissance. Avant le capitalisme, les exploités étaient contraints par la violence à fournir du surtravail. Au contraire, dans le capitalisme, c’est la concurrence entre les ouvriers, qui force le prolétariat à se soumettre à l’exploitation.. La classe ouvrière ne peut développer sa propre force qu’en opposant à la concurrence capitaliste son principe de solidarité de classe.. Seule cette solidarité permet le développement de la lutte ouvrière comme véritable contre-pouvoir et comme projet de société alternatif à ce monde du chacun pour soi. Là éclôt le germe d’une société nouvelle, sans classes, communiste.
Cette solidarité est avant tout internationaliste. Dans la société actuelle, la classe ouvrière est la seule classe internationale apte à développer une solidarité mondiale. Il ne s’agit là en aucun cas d’un principe abstrait ou d’une question qui se posera seulement dans un lointain futur. A l’instar des salariés de Volkswagen à Wolfburg, qui, récemment, ont été opposés à leurs collègues du Portugal pour avoir le site de production le meilleur marché pour le nouveau modèle Marrakech, l’ensemble de la classe ouvrière se trouve face à cette question. Elle se pose en ces termes : ou bien se soumettre aux intérêts de « ses propres » capitalistes, ou bien, partout, riposter avec détermination aux attaques du capital - en conscience politique, mener un combat commun et solidaire.
" Les prolétaires n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! "
traduit
de Weltrevolution n° 133 (décembre 2005/janvier
2006), organe du CCI en Allemagne.