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DÉFENSEUR DE LA GUERRE IMPÉRIALISTE
Les nombreux rejetons du trotskisme sont en train de célébrer le quarantième anniversaire de la fondation de la IVème Internationale, avec leurs interminables projets pour régénérer ou reconstruire l’authentique” IVème Internationale. Les révolutionnaires doivent saisir cette occasion pour montrer que l’“Internationale” trotskiste de 1938 n’était pas une Internationale révolutionnaire du prolétariat, mais un avorton opportuniste qui se révéla rapidement être un appendice de la bourgeoisie.
Le trotskisme cessa d’être un courant du mouvement ouvrier quand il passa définitivement dans le camp du capitalisme au cours de la seconde guerre mondiale (39-45). Pendant le second carnage impérialiste de ce siècle, la IVème Internationale trotskiste rejeta le slogan défaitiste des bolcheviques: “transformez la guerre impérialiste en guerre civile !” qui avait été le point de ralliement des forces révolutionnaires prolétariennes contre la 1ère guerre mondiale. Les trotskistes en effet, défendirent le camp de l’impérialisme démocratique et du stalinisme contre les impérialistes fascistes en appelant à la transformation de la “guerre impérialiste en une vraie guerre pour la défense de l’URSS et contre le fascisme”. Il est de la plus grande importance pour les révolutionnaires d’aujourd’hui de comprendre le processus de contre-révolution qui décima et corrompit de nombreuses forces du mouvement prolétarien au cours des cinquante dernières années (en Russie et ail leurs). La manière dont cette dégénérescence affecta le trotskisme en particulier, jusqu’à ce qu’il soit perdu pour le mouvement prolétarien constitue le sujet de cet article. Le trotskisme ne périt pas physiquement en tant que tendance politique (sauf dans des pays comme la Russie) comme ce fut le cas d’autres courants prolétariens dans les années 30 ou pendant la guerre. Il périt de façon insidieuse, en cessant d’être un facteur de résistance révolutionnaire et de regroupement qu’il avait été durant les années précédant la guerre, même s’il était profondément confus sur de nombreux points fondamentaux.
Les trotskistes aujourd’hui prennent le soin de déformer ou de cacher l’importance de leurs activités durant la 2ème guerre mondiale. Seuls les plus cyniques et les plus stupides d’entre eux défendent cette partie de leur carrière sans aucune honte. Mais en général les trotskistes se montrent très discrets pour discuter de leur activités au cours de la guerre, dans la mesure ou ceci ferait apparaître au grand jour que leur déclarations d’”internationalisme” et d’”antistalinisme” authentiques ne sont rien d’autres que des mensonges. La vérité est que les trotskistes pendant la dernière guerre suivirent en pratique ce que, jusque là, ils avaient surtout défendu en paroles, (bien qu’au cours de la guerre civile espagnole, en 1936-38, les trotskistes eussent déjà participé à un conflit inter-impérialiste en se rangeant aux côtés de la république. A cette époque, Trotsky lui-même prétendit que les révolutionnaires devaient être de “bon soldats” dans l’armée républicaine !)[1].
Vers le camp du capital
A la veille de la 2ème guerre mondiale, le trotskisme était déjà immergé dans la politique réactionnaire du “moindre mal”. Il avait rejoint le choeur anti-fasciste de la bourgeoisie démocratique, c’est à dire ses préparatifs guerriers, en prenant l’excuse que l’anti-fascisme représentait un “pont vers les masses”. Un pont effectivement il l’était ! Mais un pont construit par les bourgeoisies impérialistes démocratiques et staliniennes dans le but de militariser le prolétariat et la population en préparation à un nouveau repartage du marché mondial.
Après qu’Hitler arriva au pouvoir en 1933, Trotsky alla jusqu’à presser l’impérialisme américain de se rapprocher de la Russie pour contrer la menace du Japon et de l’Allemagne![2]. Cette perspective “transitoire”, “tactique” de soutien à un camp impérialiste contre un autre (sans l’admettre ouvertement) fut mise en pratique par le trotskisme sous de multiples vocables dans les années 30: soutien à la “résistance coloniale” en Ethiopie, en Chine et au Mexique, soutien à l’Espagne républicaine, etc.. Le soutien du trotskisme aux préparatifs de guerre de l’impérialisme russe fut également très clair pendant toute cette période (Pologne, Finlande 1939) dissimulé derrière le slogan de “défense de la patrie soviétique”.
La guerre commence
Les activités des trotskistes pendant la 2ème guerre mondiale où, à part quelques exceptions ils participèrent activement aux mouvements de résistance financés par les impérialismes “allié” et stalinien, constituèrent le pas définitif, logique, du mouvement trotskiste dans le camp du capital. A partir de quoi la nature de classe du trotskisme en tant que courant politique ne pouvait plus être que capitaliste. Les chiens de garde les plus radicaux et les plus bruyants de l’aile gauche du capitalisme, c’est ce que toutes les organisations trotskistes, grandes ou petites, ont été depuis la guerre.
En Europe les trotskistes utilisèrent trois arguments principaux pour justifier leur participation à la guerre impérialiste aux côtés de la démocratie bourgeoise et du stalinisme:
1) “La défense inconditionnelle de l’URSS” (ce qui signifiait le soutien de l’impérialisme russe).
2) La défense de la démocratie bourgeoise (en tant que “moindre mal”) contre le fascisme (ce qui signifiait le soutien à un gang de brigands impérialistes contre un autre. C’est une position social-patriote et non une position communiste, internationaliste !).
3) La question “nationale’ en Europe. Celle-ci était devenue d’après le trotskisme une réalité après l’occupation par l’armée allemande de la France, de la Belgique, des Pays- Bas, de la Norvège, etc.. Les masses voulaient l'“indépendance nationale” face à l’”envahisseur nazi” selon leur langage. Le combat des nations opprimées d’Europe aurait été "progressiste” voyez-vous et cela obligeait les trotskistes à trouver un “pont” vers les aspirations patriotiques des masses. Les “masses” incluaient bien sûr Roosevelt, Churchill, De Gaulle, le Gépéou, plus tout l’appareil d’Etat impérialiste d’Europe qui avait été malmené par l’impérialisme allemand, italien et japonais. Le “pont” que cherchaient les trotskistes n’était pas très difficile à trouver. II fut avidement renfloué à l’aide de l’or et des armes des alliés qui financèrent la résistance et les maquis.
Avec ces trois justifications, les trotskistes en France, Belgique, Italie, etc., rejoignirent la résistance et y furent très actifs. En France, partout où les trotskistes parvinrent à une certaine influence au sein de l’armée allemande (comme à Brest par exemple), ils appelèrent les soldats allemands à rendre leurs armes à la résistance pour “la défense de l’URSS”. Pour les trotskistes français, l’impérialisme allemand était l”ennemi n°1”[3]. Les publications en allemand des trotskistes français (en particulier le groupe “la vérité”, le parti ouvrier internationaliste) appelaient les soldats allemands en France à tourner leurs armes contre leurs officiers et la Gestapo et à fraterniser avec le maquis (c’est à dire avec les troupes d’une partie de la bourgeoisie française). Mais elles n’appelaient pas les troupes du maquis à tourner leurs armes contre leurs propres officiers de la résistance ou contre les agents staliniens qui dirigeaient le maquis[4].
Certains trotskistes français “critiquèrent” ces “déviations nationalistes” pratiquées par les patriotes trotskistes les plus grossiers. Mais tous défendaient les prémices politiques du trotskisme qui amenèrent implacablement à l’abandon de l’internationalisme (soutien de la Russie, de la démocratie bourgeoise, etc.) Ce n’est pas un accident si ces critiques n’ont jamais amené aucun de ces groupes “orthodoxes” (y compris le “plus pur” d’entre eux, l’Union Communiste de Barta, précurseur de Lutte Ouvrière) à abandonner les positions bourgeoises du trotskisme. Pour tous les trotskistes français qui critiquèrent les “déviations nationalistes” en leur sein, celles-ci étaient le résultat d’“erreurs” ou d”opportunisme” et non une question décisive impliquant le franchissement de frontières de classe.
Les meilleurs ennemis d’Hitler
Aux Etats-Unis, le “Socialist Workers Party (SWP) promit au gouvernement de mener un “vrai combat” contre Hitler à la seule condition que l’administration Roosevelt lui permit d’oeuvrer au “contrôle syndical de la conscription” et à l’économie de guerre. Ces offres ne furent pas acceptées et ceci d’ailleurs n’empêcha pas le SWP d’être poursuivi par erreur, comme “danger clair et présent” contre l’effort de guerre américain au jugement de Minneapolis en 1941. Bien que Cannon et le reste de la direction du SWP se prosternèrent aux pieds du jury, cela ne les sauva pas de la condamnation à des peines de prison…, relativement légères. Mais leur prestation en justice ne fut pas simplement le résultat de leur couardise personnelle ; elle était logique en fonction de la capitulation avant la guerre, du trotskisme face à l’idéologie anti-fasciste de l’impérialisme démocratique.
Quelques semaines après que Trotsky eut été assassiné sur ordre de Staline, Cannon développa jusqu’au bout la logique impliquée dans la propre politique opportuniste de Trotsky vis-à-vis de la guerre. A l’occasion d’une conférence spéciale que le SWP tint à Chicago en septembre 1940, Cannon défendit la “prolétarisation” des forces armées américaines: “Nous voulons combattre Hitler. Aucun ouvrier ne veut voir cette bande de barbares fascistes envahir ce pays ou quelques pays que ce soit. Mais nous voulons combattre le fascisme sous une direction en laquelle nous pouvons avoir confiance... Nous ne laisserons jamais se passer ce qui s’est passé en France... Les travailleurs eux-mêmes doivent prendre en charge ce combat contre Hitler, et contre tout autre qui empiète sur leurs droits... La contradiction entre le patriotisme de la bourgeoisie et celui des masses doit être le point de départ de notre activité révolutionnaire... Nous devons nous baser sur la réalité de la guerre et sur la réaction des masses aux évènements de la guerre”. (“les marxistes dans la seconde guerre mondiale” de Brian Pearce, INTERNA TIONAL vol.III, p35)
Ainsi les “aspirations des masses” constituent la raison donnée pour déterminer le soutien du trotskisme à l’impérialisme des “alliés”. Mais cette soi-disant aspiration “anti-fasciste” du prolétariat n’existait nulle part en 1939, surtout pas à l’échelle inventée par le trotskisme. Et même si cela avait été le cas, elle aurait représenté la domination de l’idéologie démocratique bourgeoise sur la conscience de classe au sein du prolétariat. Une chose que les révolutionnaires auraient dû (ce qu’ils ont d’ailleurs fait) combattre, exactement comme Lénine et les bolcheviques luttèrent contre d’autres formes de patriotisme national enserrant les masses pendant la première guerre mondiale.
Mais le trotskisme comprit que ce soutien à l’impérialisme devait se baser sur une certaine volonté de résistance du prolétariat contre le massacre en masse. C’était la seule voie que pouvait tracer le capital lui-même pour entraîner les ouvriers à soutenir un camp de la bourgeoisie contre l’autre dans la guerre impérialiste. L’idéologie anti-fasciste fut la mystification idéale dont le capitalisme avait besoin à cette fin, le stalinisme et le trotskisme furent ses principaux colporteurs au sein de la classe ouvrière au cours de la guerre. Les travailleurs anglais qui produisaient des blindés pour l’armée russe par exemple, furent autorisés à tracer “Greetings to Uncle Jo” sur le flanc des blindés, ce qui les encourageait à travailler plus dur et à produire plus de blindés en moins de temps. Le trotskisme ne s’est jamais opposé à de telles campagnes. Le fait que les blindés seraient plus tard utilisés aux desseins impérialistes de la Grande Bretagne, à tuer et mutiler d’autres travailleurs sous l’uniforme, ne comptait pas pour les trotskistes du moment que les blindés allaient “défendre la patrie des travailleurs” !
L’idéologie anti-fasciste des trotskistes servit de justification à la défense de tous les impérialismes alliés, anglais, russe, français, américain, etc.. Cela veut dire que le trotskisme avait de nombreux grands maîtres à l’époque, tout comme aujourd’hui...
Munis et Natalia Trotsky rompent avec le trotskisme
Les comptes-rendus judiciaires officiels du jugement de Minneapolis n’ont jamais été offerts au public par le SWP américain. La version éditée par le SWP (sous le titre “le socialisme en jugement”) diffère des comptes-rendus officiels sur plusieurs points importants. Les propos de Cannon rapportés dans le compte-rendu officiel plaident en effet en faveur d’une orientation pro-américaine et expriment les lamentations d’un patriote américain incompris. Cependant, dans la version du SWP les pires excès de Cannon sont proprement éliminés, bien que le ton avili de la déposition de la défense ne disparaisse jamais. Le trotskiste espagnol Grandizo Munis, qui s’opposa à la position défensive du SWP et de ses partis frères écrivit en 1942 une critique fraternelle de la SWP lors du jugement. Celle-ci est traduite dans: “quelle politique pour les révolutionnaires ? Marxisme ou ultra gauchisme ?” La réponse de Cannon, également publiée dans cette brochure, élude et donc confirme les critiques de Munis. Celui-ci répliqua par “El SWP y la guerra imperialista”, une critique plus élaborée de l’attitude au jugement, qui réduisait à néant les arguments en faveur du social-patriotisme avancés par le SWP. Cette brochure ne fut pas mise en circulation par le SWP en dépit du fait que Munis était encore formellement membre dirigeant de la IVème Internationale (en 1946).
Natalia Trotsky, qui plus tard suivit la voie de Munis et de la majorité des trotskistes espagnols et rompit avec le trotskisme en 1951, porta les mêmes accusations contre la IVème Internationale. Il est important de noter que Munis, Péret, Natalia Trotsky et d’autres révolutionnaires de cette période furent capables de voir que la “défense inconditionnelle de l’URSS” de Trotsky avait été un des rideaux de fumée derrière lesquels le trotskisme capitula face à ses propres impérialismes nationaux (en France, en Grande Bretagne, en Belgique, aux USA, ...) Ces révolutionnaires durent, bien sûr, revoir leur position sur la Russie et la reconnaître comme capitaliste d’état. Mais les critiques de Munis et de Peret sur le trotskisme contenaient plus que la seule question russe. Elles contenaient aussi une dénonciation profonde -quoique partielle- des conceptions et de la pratique du Komintern dans le passé.
Le 2ème congrès de la IVème Internationale en 1948 ignora naturellement la substance des critiques de Munis. Ainsi ce congrès prouva que le trotskisme avait rejoint, sans être profondément ébranlé en tant que corps uni, le camp bourgeois. La trahison de l’internationalisme dans une guerre impérialiste est le critère définitif pour déterminer la nature bourgeoise d’une organisation politique auparavant prolétarienne. Le congrès de 1948 ratifia cette trahison.
Les groupes trotskistes qui révisèrent ultérieurement leur position sur la Russie (par exemple les tendances de Chaulieu, Tony Cliff, Johnson-Forest, etc. ...) mais qui ignorèrent ou furent incapables de dénoncer impitoyablement le rôle du trotskisme pendant la guerre et par conséquent la plupart des erreurs programmatiques de fond du Komintern dans le passé (soutien à la libération nationale, travail dans les syndicats, parlementarisme, fronts unis, etc. ...) retournèrent au gauchisme ou même à la politique de gauche.
Le congrès de 1948 ne ratifia pas seulement le patriotisme des trotskistes pendant la guerre, il adopta également en motion la défense totale du stalinisme. Ceci constitue une des raisons principales de l’existence du trotskisme aujourd’hui. En 1949, Tito qui exécuta des trotskistes à Belgrade en 1941 disposera du soutien de la IVème Internationale; et en 1950, la théorie de l’“assimilation structurelle” sera concoctée par le trotskisme dans le but de démontrer que les pays d’Europe de l’Est devaient être défendus de la même façon que l’Etat “ouvrier” russe originel.
La 2ème guerre mondiale ne se termina pas par la victoire du prolétariat, mais par sa défaite la plus absolue. Mais pour le trotskisme, le bilan fut finalement positif puisque l’économie nationalisée russe avait été exportée vers l’Europe de l’Est. Le fait que cela se soit fait sur le dos de plus de 50 millions de cadavres, après le démembrement impérialiste de toute la planète, n’avait que peu d’importance. La logique barbare de la politique capitaliste du trotskisme est contenue dans cette affirmation que les “formes de propriété socialistes” peuvent se répandre dans le monde par l’intermédiaire du plus grand bourreau du prolétariat: le stalinisme ! La ligue Spartaciste américaine (LTF en France) poussa cette conception réactionnaire jusqu’à sa conclusion la plus horrible quand elle affirma en 1964 que le “parapluie nucléaire soviétique doit couvrir Hanoï" ! Pour les trotskistes, le slogan originel des bolcheviques contre la guerre s’est transformé en son contraire : transformer la guerre impérialiste en... barbarie impérialiste.
Dans le camp du capital à jamais
Le rôle du trotskisme aujourd’hui consiste à défendre l’impérialisme, tout comme il le fit en 1939-45. La majorité de ces groupes staliniens de gauche aux USA, en France, en Grande-Bretagne, etc., sont déjà fermement et légalement associés à l’appareil politique de l’Etat capitaliste. Ils sont les défenseurs les plus acharnés du capitalisme d’état et de la politique de la gauche du capital (les syndicats, les partis staliniens et sociaux-démocrates).
Pour le trotskisme aujourd’hui, le monde de l’après-guerre est divisé par une lutte entre deux camps sociaux différents et ennemis : le monde impérialiste occidental d’un côté et la Russie plus ses “Etats ouvriers dégénérés structurellement assimilés” de l’autre (plus quelques autres “Etats ouvriers” végétant entre ces deux camps). La lutte de classe décrite par Marx avec tant de précision, de passion et de conviction, a complètement disparue de la vision du monde trotskiste. La division en classes séparant le prolétariat mondial de la bourgeoisie mondiale n’est plus la lutte centrale qui forme la base de la société capitaliste. A sa place, l’humanité est confrontée à une lutte entre des Etats nationaux, entre des “systèmes économiques” soi-disant opposés, le capitalisme à l’Ouest, le “socialisme” à l’Est. Ce qui revient pour le trotskisme à mettre la classe ouvrière mondiale à la remorque des politiques adoptées par l’Etat “ouvrier" (c’est à dire de la politique étrangère russe). Comme ces politiques doivent être progressistes, le prolétariat international doit les défendre indépendamment des besoins de sa propre lutte de classe. De plus, la classe est obligée de défendre tous ces autres états que les trotskistes ont classés comme “Etats ouvriers”. Ceci est tout-à-fait dans la ligne de la politique “internationale” prônée en 1928 par le Komintern stalinien au prolétariat mondial :
- “L’Union Soviétique est la véritable patrie du prolétariat; elle est le défenseur le plus ferme de ses intérêts et le facteur principal de sa libération internationale. Ceci oblige le prolétariat mondial à contribuer au succès de l’édification socialiste en Union Soviétique, et à défendre le pays de la dictature du prolétariat par tous les moyens contre les attaques des puissances capitalistes” (“Programme de l’Internationale Communiste”, VIème Congrès, 1928)
Les trotskistes aujourd’hui saluent non pas une, mais de nombreuses -presque innombrables- “Unions Soviétiques”, qui “nécessitent” la défense inconditionnelle du prolétariat mondial. Bien que Trotsky affirma en 1940 que la question de la conservation de la forme de propriété d’Etat nationalisée en Russie était subordonnée à la question de l’extension de la révolution mondiale, pour le trotskisme d’aujourd’hui, la révolution mondiale a entièrement disparue et il ne s’agit plus que d’une question de soutien au stalinisme, fut-ce de manière “critique”.
En 1940, Trotsky fit la fausse prévision suivante à propos du développement du stalinisme:
- “l’altemative historique poussée à son extrémité se présente comme suit : soit le régime de Staline est un résidu répugnant dans le processus de la transformation de la société bourgeoise en une société socialiste, soit le régime de Staline est la première étape d’une nouvelle société d’exploitation. Si le second pronostic s’avère correct alors bien sûr la bureaucratie deviendra une nouvelle classe exploiteuse. Cependant, si le prolétariat mondial devait actuellement s’avérer incapable de remplir la mission placée devant lui dans le cours du développement il ne resterait rien sauf la reconnaissance que le programme socialiste, basé sur les contradictions internes de la société capitaliste, s’est éteint comme une utopie”. (In ‘Defence of Marxism’ p.9)
Mais Trotsky insista également sur le fait que seule la fin de la 2ème guerre mondiale déciderait finalement de la nature de classe du stalinisme. Comme nous l’avons vu, les trotskistes répondirent à la guerre en trahissant l’internationalisme et en soutenant l’impérialisme russe qui démontra sans équivoque sa nature de puissance capitaliste. Pourtant la majorité des trotskistes saluèrent, à la fin de la guerre, la progression de l’armée rouge en Europe de l’Est et en Allemagne comme une grande victoire du socialisme ! En réalité, l’armée rouge -comme toutes les autres armées dans le conflit- écrasa toute possibilité de résistance prolétarienne surgissant en opposition à la guerre. Et l’armée stalinienne était même des plus expérimentées et des plus capables pour désarmer et massacrer le prolétariat. Voici par exemple ce que disait la propagandiste Ilya Ehrenburg, une hyène stalinienne, à propos des ouvriers allemands au début des aunées 40:
- “Si les ouvriers allemands faisaient une révolution et approchaient l’armée rouge en frères ils seraient abattus comme des chiens” (cité dans “Invading Socialist Soctety” par la tendance Johnson-Forest, Septembre 1947)
A la fin de la guerre leurs propres mains maculées du sang des ouvriers du fait de leur carrière “héroïque” dans la résistance anti-fasciste, les trotskistes complices des alliés et du stalinisme ne pouvaient pas accepter tel quel le dernier pronostic pessimiste de Trotsky voyant le stalinisme comme une nouvelle classe sociale en cas d’échec de son dépassement par les ouvriers russes. Pour eux, la guerre a été une grande victoire du prolétariat. Paradoxalement, le trotskisme d’après-guerre suivit à sa propre manière la fausse logique de la perspective pessimiste et a-marxiste de Trotsky en 1940. La fin de la guerre vit la consolidation et l’extension du stalinisme. Et que firent les trotskistes face à cela? Le stalinisme était supposé être complètement réactionnaire sur le plan international en accord avec les thèses de Trotsky. Mais il se mettait à créer de nouveaux “Etats ouvriers” un peu partout ! Non pas épisodiquement, conjoncturellement, comme en Pologne en 1939, mais de façon permanente. Ainsi sans l’appeler une “nouvelle classe exploiteuse” (ce qu’il n’était pas, l’Etat stalinien n’étant qu’une simple faction de la classe capitaliste mondiale), les trotskistes le considérèrent comme tel dans les faits. Ils attribuèrent même à la bureaucratie la tâche progressiste de créer encore plus d’Etats “ouvriers” dans les siècles à venir ! (Pablo).
Quel rôle restait-il alors au trotskisme, le soi-disant “parti mondial de la révolution socialiste”? Aucun, sauf celui d’avocat du stalinisme.
En 1951 pendant la guerre de Corée, les dirigeants trotskistes -messieurs Mandel, Frank et autres petits Staline- accusèrent ignoblement Natalia Trotsky de succomber aux “pressions" de l’impérialisme américain lorsqu’elle rompit avec la IVème Internationale et décrivit la Russie comme une puissance capitaliste d’Etat[5]. Seul l’avilissement total de ces renégats pouvait leur faire accuser les révolutionnaires de leurs propres crimes ! A Staline ce qui est à Staline ! Un des principaux devoirs des révolutionnaires aujourd’hui est la dénonciation impitoyable du trotskisme comme un avorton sanglant du stalinisme. Le passé des trotskistes parle de lui-même.
(WORLD REVOLUTION n°21, décembre 1987, organe du CCI en Grande-Bretagne)
- “A BAS LE PILLAGE DES RICHESSES FRANCAISES ! Le blé que les paysans de France ont fait lever, le lait des vaches qu’ils ont élevées; les machines sans lesquelles nos ouvriers seront sans travail et sans pain ; le matériel de laboratoire qu’a construit le génie de nos savants, toutes ces richesses françaises doivent rester en France...” (Bulletin du Comité pour la IVème Internationale n° 2 du 20/9/1940).
“Tous ceux qui luttent contre l’oppresseur et qui ne sont pas ouvriers doivent comprendre que l’appui des forces ouvrières est vitalement nécessaire au succès de la lutte pour la libération nationale; qu’on doit donc leur assurer un statut de travail qui les intéresse et à la défense et a la renaissance de la patrie dont ils constituent la force...” (“La Vérité” n°8, 1er Janvier 1941).
[1] Les positions prises par “BILAN” au cours de la guerre d’Espagne ont été publiées dans une série d’articles de notre Revue Internationale (n” 4,-6,-7 et 9).
[2] Cité par Isaac Deutscher dans le “Prophète en exil” Trotsky 1920-1940”.
[3] Les trotskistes se joignirent aux staliniens pour dénoncer les véritables internationalistes comme des “agents d’Hitler et de Mussolini” contribuant par là, à leur persécution et leur extermination. Les survivants de la Gauche Italienne continuèrent toutefois à diffuser leur propagande défaitiste et internationaliste contre la guerre, malgré les conditions difficiles de clandestinité. En effet, à l’apogée de la guerre impérialiste, les revues ‘INTERNATIONALISME” en France et “PROMETEO” en Italie firent leur première apparition.
[4] Les activités patriotiques des trotskistes français pendant la seconde guerre mondiale sont notamment évoqué dans “Les enfants du prophète” de J. Roussel aux éditions Spartacus, Paris 1972. Mais il n’existe pas un tel travail concernant le mouvement trotskiste dans son ensemble.
[5] Un récit fait par Munis de la rupture de Natalia Trotsky avec le trotskisme avec ses dernières déclarations, est paru en anglais dans la brochure “Natalia Trotsky and the fourth International Pluto Press, London 1972. Avec une introduction typique d’un écrivassier trotskiste… En français dans “Les enfants du prophète”- SPARTACUS.