Depuis le début de l'année, des grèves, des manifestations et des révoltes ont éclaté contre la vie chère dans 37 pays du tiers-monde et dits "émergents" : émeutes de la faim en Mauritanie et en Indonésie, manifestations contre le prix du pain et pillages de boulangeries en Egypte, violents affrontements comme au Cameroun et en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au Sénégal, manifestations au Mexique ou encore émeutes en Haïti où la population est contrainte de se nourrir de galettes de boue. Au Pakistan, des enfants sont même assassinés par leurs familles car elles ne peuvent plus les nourrir !
Le dénominateur commun de toutes ces expressions de la misère la plus terrible, c'est la flambée des prix qui frappe à de divers degrés les populations pauvres et ouvrières. Le prix du maïs a quadruplé depuis l'été 2007, le prix du blé a doublé depuis le début 2008 et les denrées alimentaires ont globalement augmenté de 60 % en deux ans dans les pays pauvres. En Thaïlande, pays exportateur, le prix du riz a doublé en un mois. Les effets dévastateurs de la hausse de 30 à 50 % des prix alimentaires au niveau mondial frappent les populations des pays "riches" aussi bien que celle des pays pauvres. Ainsi, aux Etats-Unis, première puissance économique de la planète, 28 millions d'Américains ne pourraient pas survivre sans les programmes de distribution de nourriture des municipalités et des Etats fédéraux.
D'ores et déjà, 100 000 personnes meurent de faim chaque jour, un enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes, 842 millions de gens souffrent de malnutrition chronique aggravée, les réduisant à l'état d'invalides. Et dès à présent, pour deux des six milliards d'êtres humains de la planète (c'est-à-dire un tiers de l'humanité) le prix des denrées alimentaires les place en situation de survie quotidienne. Pourtant, selon Jean Ziegler, rapporteur spécial de l'ONU, l'agriculture mondiale serait en mesure de nourrir 12 milliards d'individus.
Les experts de la bourgeoisie - FMI, FAO, ONU, G8, etc. - sont formels et annoncent que ce "tsunami alimentaire" (comme le dit le Commissaire européen au développement et à l'action humanitaire) est une crise grave et qu'il n'est pas "conjoncturel" mais "structurel". La situation ne peut donc que s'aggraver (1 ). Les experts prévoient que, d'ici 2010, le maïs aura encore augmenté de 20 %, le soja et le colza de 26 %, le blé de 11 %, le manioc de 33 %. A l'horizon 2020, ce sera encore pire : plus 41 % pour le maïs, plus 76 % pour le soja et le colza, plus 30 % pour le blé et 135 % pour le manioc.
Aussi, la bourgeoisie s'attend avec "lucidité" à une multiplication de conflits sociaux et de révoltes de la faim dans des zones toujours plus larges, craignant même l'apparition de conflits militaires pour l'appropriation de denrées alimentaires et de terres cultivables. Devant la gravité de cette perspective, l'ONU s'est réunie fin avril pour "élaborer une stratégie commune en soutien aux pays en développement confrontés à la crise alimentaire mondiale". En fait de "stratégie", il s'agissait essentiellement de parer au plus pressé et de recueillir 500 millions de fonds supplémentaires d'urgence auprès des pays développés qui ne lâchent que 3 milliards de dollars pour le Programme alimentaire mondial (PAM) tandis que leurs Etats auront déboursé 1000 milliards de dollars pour soutenir les banques en faillite à la suite de la crise immobilière de l'été 2007.
Les médias et les spécialistes de tous bords fournissent de multiples explications à cette inflation galopante des prix de la nourriture ; on voudrait nous faire croire que certaines prévalent sur d'autres, alors qu'en réalité les unes et les autres se cumulent et se conjuguent entre elles, exprimant l'enfer des effets et des contradictions du monde capitaliste.
L'augmentation vertigineuse du prix du pétrole qui augmente le coût des transports et des frais de machines agricoles est une des raisons mises en première ligne par les médias. Celle-ci est certes bien réelle mais c'est loin d'être la seule.
On nous parle aussi de la croissance significative de la demande alimentaire, en particulier pour l'élevage (qui augmente les cultures en plantes fourragères), du fait d'une certaine augmentation du pouvoir d'achat des classes moyennes et de nouvelles habitudes alimentaires dans les pays "émergents" comme l'Inde et la Chine qui expliqueraient la pénurie actuelle sur le marché mondial, et l'augmentation des prix.
La spéculation effrénée sur les produits agricoles est aussi dans le collimateur. Même si Kouchner, toujours prêt à poser devant les caméras pour donner son avis sur n'importe quel sujet, a affirmé qu'il fallait "bannir la spéculation sur les produits alimentaires", celle-ci va bon train et est loin de ralentir. D'une part, les produits destinés à la consommation humaine font l'objet d'un affairisme boursier débridé : à la Bourse de Chicago, "le volume d'échange des contrats sur le soja, le blé, le maïs, la viande de porc et même le bétail vivant" (le Figaro du 15 avril) a augmenté de 20 % au cours des trois premiers mois de cette année. Chaque jour, ce sont 30 millions de tonnes de soja qui s'échangent dans la seule ville de Chicago. Fait aggravant, les stocks de céréales sont au plus bas depuis trente ans, cela accentuant encore la soif spéculatrice des investisseurs, grosses fortunes et autres hedge funds, toujours plus nombreux à se ruer sur la manne alimentaire, surtout depuis la crise immobilière. D'autre part, le marché en plein développement des biocarburants a également ouvert une spéculation effrénée sur ces produits qu'on espère revendre au prix fort dans l'avenir, poussant ainsi à l'explosion de ce type de culture au détriment des végétaux destinés à la consommation alimentaire et à l'épuisement des terres cultivables.
La culture des biocarburants elle-même est soumise à une critique en règle de nombreux scientifiques. De nombreux pays producteurs de produits de première nécessité ont transformé des pans entiers de l'économie agricole vivrière pour cultiver des biocarburants en masse, sous prétexte de lutter contre l'effet de serre, réduisant de façon drastique les produits de première nécessité et augmentant leur prix de façon dramatique. C'est le cas au Congo Brazzaville qui développe de façon extensive la canne à sucre dans cette optique, tandis que sa population manifeste et crève de faim. Au Brésil, où Lula se vante que tout le monde puisse désormais manger à sa faim alors que 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et peine à se nourrir, le choix agricole est celui de la production vers les biocarburants à outrance.
En outre, la perspective de ce marché "juteux" pousse à des délires contre nature : dans les Montagnes Rocheuses, aux Etats-Unis, où les cultivateurs du pays ont déjà détourné 30 % de leur production de maïs en production d'éthanol, des superficies gigantesques sont consacrées au maïs "énergétique" sur des terres impropres à sa culture, entraînant un gâchis incroyable en termes d'utilisation d'engrais et d'eau pour un résultat bien maigre. Jean Ziegler explique : "Pour faire un plein de 50 litres avec du bioéthanol, il faut brûler 232 kilos de maïs" et, pour produire un kilo de maïs, il faut 1000 litres d'eau. Selon de récentes études, non seulement le rapport "pollution" des biocarburants est négatif (une recherche récente montre qu'ils augmentent la pollution de l'air en déchargeant plus de particules de chaleur que le carburant normal), mais leurs conséquences globales au niveau écologique et économique sont désastreuses pour l'ensemble de l'humanité. Un tel changement de destination des cultures en vue de la production d'énergie au lieu de celle de nourriture est une expression typique de l'aveuglement capitaliste et de sa capacité de destruction. Voilà encore une expression typique de la "rationalité capitaliste".
Les subventions agricoles et la taxation des produits à l'importation pratiquées par les Etats-Unis et les pays de l'Union Européenne se trouvent aussi au banc des accusés. L'UE dépense par exemple 40 % de son budget, 50 milliards d‘euros, à sa Politique Agricole Commune et impose des "taxes qui peuvent s'élever jusqu'à 430 % sur certains produits agroalimentaires" (d'après le site Web rfi.fr du 21 avril 2008).
La compétition et le protectionnisme dans le domaine agricole ont fait que les agriculteurs les plus productifs des pays industrialisés exportent (souvent grâce aux subventions gouvernementales) une partie importante de leur production vers les pays du tiers-monde, ruinant ainsi la paysannerie locale - augmentant également l'exode vers les villes, et provoquant des vagues internationales de réfugiés et conduisant à l'abandon de terres initialement destinées à l'agriculture.
En Afrique, par exemple, de nombreux fermiers locaux ont été ruinés par les exportations européennes de poulet ou de bœuf. Le Mexique ne peut plus produire assez de produits de première nécessité pour nourrir sa population. Ce pays doit ainsi dépenser 10 milliards de dollars pour son importation alimentaire.
Les conséquences sur l'environnement de l'effet de serre, les inondations ou la sécheresse, sont aussi invoquées, à juste titre. Le réchauffement de la planète signifie qu'avec un degré Celsius de température supplémentaire, la production de riz, de blé et de maïs chuteront de 10 %. Les récentes vagues de chaleur en Australie ont conduit à de sévères dommages et des baisses significatives dans les productions agricoles. Les premières recherches montrent que l'augmentation des températures menace la capacité de survie de nombreuses espèces animales et végétales ou réduisent la valeur nutritionnelle des plantes. Malgré le fait que de nouvelles terres soient gagnées pour les cultures, celles qui sont utilisables pour l'agriculture le sont à cause de la salinisation, de l'érosion, de la pollution et de l'épuisement des sols, c'est-à-dire sur des terres incultes ou terriblement appauvries..
Plusieurs tendances destructrices inhérentes au mode production capitaliste sont également devenues indéniables :
Aussi, un nouveau danger s'accroît - celui de la famine généralisée - que l'humanité aurait pu croire n'être plus qu'un cauchemar du passé. Les effets combinés des sécheresses et des inondations provoquées par le dérèglement climatique et leurs conséquences pour l'agriculture, la destruction continue et la réduction de terres cultivables, la pollution et la pêche à outrance dans les océans conduisent à une raréfaction de la nourriture.
Il ne s'agit pas là de "catastrophes naturelles" ou d'évènements dont on pourrait affirmer que "c'est la faute à pas de chance", mais bel et bien le résultat des effets pervers et destructeurs de l'économie capitaliste, une économie aux abois dont l'irrationalité gagne tous les terrains et tous les niveaux. Plus ce système perdure en déchaînant sa folie, plus il expose des pans toujours plus gigantesques de l'humanité et de la planète à une destruction irréversible.
A cause de ces effets destructeurs du mode de production capitaliste sur l'agriculture et l'environnement, l'humanité est confrontée à une course contre le temps. Plus le capitalisme exerce ses ravages, plus les fondements mêmes de la survie de l'espèce humaine sont menacés.
Dino-Mulan / 6.05.08
1) On est loin du discours lénifiant de la FAO qui "prédisait" en 2000 que, grâce à l'action de l'ONU, les 826 millions de personnes sous-alimentées ne seraient plus que 580 millions dans le monde.
Depuis que le cyclone Nargis a dévasté la Birmanie, la population redoute avec terreur l'arrivée d'une nouvelle tempête. Quelques jours plus tard, c'est la Chine qui était frappée, principalement dans la province du Sichuan, par un tremblement de terre meurtrier et ses nombreuses répliques. En Birmanie, il y a probablement près de 100 000 morts et disparus, tandis qu'un million et demi ou deux millions de survivants sont menacés par la famine. Pour la Chine, le nombre de victimes dépasse 80 000 morts et plus de cinq millions de personnes se retrouvent sans abri. Dans les deux cas, diverses épidémies résultant de conditions de survie épouvantables imposées à la population sont en train de se propager à toute vitesse. De telles catastrophes sont elles vraiment naturelles et inéluctables ? Est-ce le sort, la fatalité qui en sont responsables ? Certainement pas !
Le doute n'est plus permis quant à la responsabilité du capitalisme dans la pollution de l'atmosphère par les gaz à effets de serre qui aggravent le réchauffement global de la planète et contribuent au déchaînement d'aberrants dérèglements climatiques dans le monde entier. Mais invoquer les "caprices de la nature" est une pure mystification pour encore une autre raison. L'homme a acquis la capacité de prévoir et de se protéger de ces divers phénomènes tels que cyclones, tsunamis, inondations, tremblements de terre, éruptions volcaniques. Il a su développer des progrès scientifiques et technologiques qui permettent de prévenir et de faire face aux intempéries ou aux séismes les plus violents mais c'est l'aberration de son système social basé sur la rentabilité qui le rend incapable de les utiliser et de les mettre au service de l'humanité. Le caractère de plus en plus dévastateur des catastrophes naturelles à travers le monde d'aujourd'hui est une conséquence de toutes les politiques irresponsables au niveau de l'économie et de l'environnement que mène le capitalisme dans sa recherche incessante de profit. C'est bien ce système qui, en multipliant leurs effets ravageurs et en décuplant leurs conséquences meurtrières, transforme ces phénomènes en énormes et effroyables catastrophes sociales. Et ses victimes sont pratiquement toujours les mêmes : ce sont les populations les plus pauvres et déshéritées que leurs conditions de survie misérables rend les plus vulnérables. C'est parce que ces populations sont entassées sur des zones exposées et qu'elles en sont réduites à survivre dans les constructions les plus précaires, qu'elles sont les principales victimes des catastrophes.
En Birmanie, la région la plus touchée, le delta de l'Irrawaddy, est pourtant le grenier à riz du pays. Les conséquences en sont dramatiques pour l'économie du pays tout entier dont les stocks de riz ont été détruits. Mais cette population d'un des Etats les plus pauvres du monde est déjà réduite à vivre les pires conditions d'exploitation et, dans la région dévastée, le milieu naturel était déjà porteur de conditions de vie particulièrement insalubres. Face à cette situation, la junte militaire au pouvoir a manifesté un mépris révoltant et un cynisme monstrueux vis-à-vis du sort des habitants victimes de la catastrophe. Aucune aide sérieuse ne lui a été apportée par l'Etat, tandis que la clique de Than Shew, numéro un birman, est fortement soupçonnée de s'accaparer sans vergogne le peu de l'aide internationale qu'elle laisse pénétrer sur son territoire (1 ). Son abjection a été poussée jusqu'à transformer la plupart du temps les camps de réfugiés en véritables camps de travail, tandis que ce gouvernement en a rajouté dans le délire en maintenant en plein milieu de ces terribles évènements un référendum en vue de l'adoption d'une "nouvelle Constitution" ouvrant prétendument la voie... à un "transfert de pouvoir aux civils" ! Aussi, à coups de spots publicitaires télévisés, alors que plus d'un million et demi de Birmans pataugeaient dans la boue et luttaient contre la mort, survivant à peine dans les décombres, le gouvernement vantait de façon surréaliste et hallucinante sa "réussite" et sa "victoire" dans ce référendum, voté "massivement" pour un peuple auquel s'ouvrait à présent "le plus bel avenir" !
Les politiciens occidentaux et leurs médias se sont indignés avec véhémence devant cet état de fait et ont réclamé de façon insistante, voire menaçante, l'ouverture des frontières à l'aide internationale et à l'arrivée de travailleurs humanitaires. De l'ONU à l'Union européenne en passant par Bush, ils ont tous fustigé la "paranoïa" des autorités birmanes, les "lourdes contraintes imposées" tout exprès par les autorités pour accorder des visas, l'insuffisance notoire de l'aide qui parvient au compte-goutte en Birmanie du fait de la fermeture et de la méfiance de l'Etat, etc. Bref, ils ont voulu démontrer avec une belle unanimité l'intérêt que les "grandes démocraties" portent aux populations et leur volonté humanitaire de tout mettre en œuvre pour porter secours à des Birmans en souffrance, subissant jusque dans la pire catastrophe le joug implacable d'une dictature militaire. Si les agissements de la junte du Myanmar qui laisse crever des centaines de milliers de gens, voire des millions, sont d'une écœurante monstruosité, que faut-il penser des hauts cris d'indignation des grandes puissances ? Ils ont beau jeu de pointer du doigt les tares de cette clique birmane arriérée, rongée par la corruption et conduite par des pratiques sectaires et les croyances astrologiques d'un autre âge.
Les réactions vis-à-vis de la Chine, qui a eu droit à un traitement médiatique beaucoup plus nuancé offrent un début de réponse. Le pays est atteint précisément dans une des régions proches du Tibet qui connaît depuis deux mois une féroce répression de la part des forces armées et de la police chinoise. Sarkozy, à l'instar de tous les pays développés qui ont vilipendé sans retenue la junte birmane, a assuré avec bonhomie le gouvernement chinois de son "soutien personnel". Tous ont loué les efforts du gouvernement chinois pour faire face à la situation. C'est pourtant l'Etat chinois lui-même et son armée, comme l'Etat birman, qui assure pour l'essentiel l'acheminement de l'aide vers les zones sinistrées, en contrôlant étroitement toute intervention "étrangère" dans l'organisation des secours. Là aussi, l'ampleur de la catastrophe a rayé de la carte des villes et des villages entiers à cause des constructions bon marché. Et il est particulièrement révoltant de constater que plus de 7000 écoles, construites à la va-vite avec une irresponsabilité criminelle, avec des matériaux friables au coût le plus bas, se sont effondrées sur des dizaines de milliers d'enfants, alors même que les bâtiments voisins tenaient encore debout.
Il est vrai que, pour l'ensemble des pays occidentaux, les marchés commerciaux avec la Chine n'ont aucune commune mesure avec les maigres relations conçues avec la Birmanie et, surtout, que vilipender l'Etat chinois risquerait de provoquer des secousses "diplomatiques" faisant autrement désordre. Même le fait que le tremblement de terre et les pluies diluviennes qui tombent aujourd'hui sur la région sinistrée, et ont vu naître le risque d'effondrements pour un certain nombre des multiples et gigantesques barrages construits à la hâte pour les besoins d'irrigation de la Chine, ne provoque pas de réactions significatives sur l'incompétence de l'Etat chinois de la part des Etats développés, malgré tous les risques de catastrophe en chaîne pour des millions de gens que cela pourrait entraîner. Et pour cause ! Derrière cette attitude hypocrite de pseudo-compassion humanitaire, les grandes démocraties cherchent à faire oublier leur propre mépris tout aussi répugnant de la vie humaine dont elles ont naguère fait la preuve. Il faut rappeler ici quelques faits récents. Le tsunami de décembre 2004, qui a fait plus de 220 000 morts en Indonésie, en Inde, en Thaïlande et au Sri-Lanka, tsunami dont les signes avant-coureurs manifestes n'ont pas été signalés, à la fois par négligence comme par manque d'équipement en moyens de prévention et de protection jugés exorbitants en termes de rentabilité capitaliste. Quant à l'aide humanitaire qui a suivi, c'est en grande partie sur les dons des particuliers qu'elle s'est appuyée, notamment dans les pays développés comme l'Allemagne, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, où les fonds fournis par les populations ont dépassé celle des Etats eux-mêmes.
Qu'on se souvienne aussi du cyclone Katrina, fin août 2005, qui a ravagé le Sud des Etats-Unis et frappé notamment la région et la ville de la Nouvelle-Orléans. Alors que la violence et la force du cyclone étaient prévues et établies scientifiquement, la catastrophe a cette fois bien été annoncée. Mais ce n'est qu'à peine deux jours avant que le gouvernement a décrété l'état d'urgence, tout en ne mettant aucun moyen réel au service de la majorité de la population pour la sauver. La plus grande puissance économique de la planète a alors laissé à l'abandon, livré à elle-même, la population des quartiers pauvres et déshérités, vivant dans des maisons balayées comme des fétus de paille, s'efforçant essentiellement de protéger les quartiers riches de la ville. Quand l'ordre d'évacuer la Nouvelle-Orléans et la côte du Golfe du Mexique est arrivé, de façon typiquement capitaliste, c'était chacun pour soi. Ceux qui pouvaient payer l'essence sont partis vers le nord et vers l'ouest pour se mettre en sécurité et trouver refuge dans des hôtels, des motels ou chez des amis ou de la famille. Mais dans le cas des pauvres, la majorité s'est trouvée sur la route du cyclone, incapable de fuir. A la Nouvelle-Orléans, les autorités locales ont ouvert le stade du Superdome et le centre de conférences comme abri contre le cyclone, mais elles n'ont fourni ni intendance, ni nourriture, ni eau, ni rien ; les gens s'entassaient dans ces bâtiments et y étaient abandonnés à leur sort. La seule préoccupation de l'administration américaine a été le maintien de l'ordre afin de contenir d'éventuelles émeutes et la mise en œuvre de mesures répressives. Le bilan avait été de 1500 morts, 250 000 personnes sans foyer, dont la plupart sont encore hébergés aujourd'hui dans des centres et foyers d'accueil d'urgence, et plus d'un million de déplacés.
Le cynisme et l'hypocrisie suintent par tous les pores de la société capitaliste qui démontrent ainsi une fois encore que tous ses dirigeants sont partout guidés par les mêmes sordides intérêts de classe. Contrairement à leurs insinuations, leur attitude ne dépend pas du régime dictatorial ou démocratique du gouvernement ni du fossé creusé entre pays riches et pays pauvres. Non seulement ils cherchent à masquer leur complète impuissance face aux désastres qu'ils engendrent, mais ils font surtout leur possible pour occulter la faillite totale de ce système qui se révèle, lui comme la politique de tous ceux qui le défendent, comme la pire catastrophe de l'histoire de l'humanité qu'il faut définitivement éradiquer.
Wilma / 25.05.08
1) Les quelques sacs de nourriture qu'elle a laissé pénétrer dans le pays ont été saisis par l'armée et ont été re-étiquetées de façon à laisser croire à la population que c'est la junte qui subvenait à ses besoins. Plus fort que Kouchner photographié avec son sac de riz sur l'épaule en Somalie dans les années 1990 ! Par pure gloriole, le même inénarrable Kouchner a envoyé un navire de guerre le Mistral chargé de nourriture sans aucun accord avec les autorités birmanes et cette cargaison en train de pourrir au voisinage des eaux territoriales birmanes a dû finalement être déchargée piteusement en Thaïlande.
« Nous exigeons que le gouvernement prenne des mesures pour augmenter le pouvoir d'achat avant le 15 juillet. Sinon, nous reprenons les mobilisations à la rentrée » déclaraient les leaders syndicaux à la fin de la semaine d'action dans les différentes provinces belges qui, malgré son caractère éclaté et inoffensif, a réuni au total plus de 100.000 personnes. Avec un art consommé du saucissonnage de la lutte, ces saboteurs professionnels préparent déjà l'occupation du terrain social à la rentrée. Pour éviter de rester enfermés dans la logique des actions syndicales qui mènent à l'impuissance et au découragement, les travailleurs doivent choisir le meilleur moment et les conditions optimales pour imposer un rapport de force en leur faveur. Pour ce faire, il est indispensable qu'ils réfléchissent aux opportunités actuelles et prennent conscience des enjeux qui se posent pour leur combat.
La perte de pouvoir d'achat, qui touche l'ensemble de la classe ouvrière, est le produit d'une politique systématique de la bourgeoisie. La conférence de 2003 pour l'emploi, qui réunissait l'ensemble des forces patronales, syndicales et politiques, en donnait les orientations: «baisse des charges des entreprises, modération salariale, diminution des frais liés au chômage, rallongement de la semaine de travail et de la carrière, et finalement le financement alternatif de la sécurité sociale». Ainsi, la « défense » de la compétitivité de l'économie nationale a impliqué tout au long de ces dernières années:
- l'assainissement drastique des frais de production, la délocalisation ou l'exclusion de forces de travail au moyen de plans de restructuration et de procédures de licenciement assouplies, dans le secteur privé ou public (VW, Gevaert, GM, Janssens Pharmaceutica, La Poste...);
- l'augmentation de la productivité (déjà parmi les trois les plus élevées du monde) par un accroissement important de la flexibilité sans frais supplémentaires, une diminution de l'absentéisme et des pauses, entraînant un rallongement effectif de la durée de travail et de la carrière;
- la révision à la baisse des normes salariales (réduction et suppression des barèmes d'ancienneté, des primes et suppléments);
- enfin, la révision et réduction graduelles du système de la sécurité sociale, surtout au niveau du chômage, des frais de santé et des retraites.
Pas étonnant donc que les salaires, les allocations et les retraites diminuent et, qu'en conséquence, des couches toujours plus larges de la population sombrent dans la pauvreté. Le pouvoir d'achat de l'ouvrier belge est parmi les plus bas des pays industriels d'Europe, 25 % moins élevé qu'aux Pays-Bas par exemple (selon la Fédération européenne des entrepreneurs, citée dans De Morgen, 5.06.2006). De plus, en 2006, «La masse salariale totale dans notre pays a donc augmenté moins vite que le PIB, alors que les profits des entreprises ont crû relativement plus vite» (De Tijd, 3.10.2007). Avec la multiplication des emplois précaires, temporaires ou partiels, un nombre croissant de travailleurs n'a plus de revenu stable, ce qui entraîne même les familles dont les revenus se situent au-dessus du seuil de pauvreté dans les difficultés.
Dans un tel contexte de dégradation systématique des conditions de vie de la classe ouvrière, il faut souligner l'importance de la conjonction de deux phénomènes qui s'expriment de manière de plus en plus nette en Belgique depuis la fin de l'année 2007. D'une part, une forte croissance de la combativité ouvrière et d'autre part, une détérioration marquée de la situation économique nationale, suite à l'accélération de la crise mondiale. La conjonction de ces deux phénomènes durant ces derniers mois a inscrit de manière particulièrement nette la situation sociale en Belgique dans la dynamique de reprise de la lutte ouvrière en Europe et dans le monde.
Pendant longtemps, le ras-le-bol des travailleurs a eu de grandes difficultés à dépasser les campagnes mystificatrices de la bourgeoisie et à se concrétiser en un mouvement de résistance aux attaques. La «rafale gréviste» de l'hiver 07-08 a pleinement confirmé que les luttes en Belgique présentaient les mêmes caractéristiques de fond que partout dans le monde : potentiel de combativité retrouvé, lente mais certaine récupération par le prolétariat de son identité de classe, multiples expressions de solidarité naissante.
- Dès la fin de l'automne 07, divers secteurs entrent en lutte contre les rationalisations, les licenciements, les réductions de salaires: Janssens Pharma Beerse, Volvo Cars Gand, Bayer Anvers, employés communaux d'Anvers et de Liège, ... Par une manifestation nationale autour de la défense du pouvoir d'achat le 15.12.07, les syndicats tentent de désamorcer la colère et de détourner le mécontentement vers un engagement dans les querelles communautaires (‘non à la scission de la sécurité sociale', commune aux Wallons et aux Flamands).
- Cependant, les luttes reprennent immédiatement après les fêtes de fin d'année. Ce qui avait commencé à la mi-janvier 08 spontanément comme un conflit social local chez un fournisseur de Ford Genk pour «1 euro de plus», se transforme très vite en une réelle vague de grèves pour une augmentation du pouvoir d'achat. Ce sont les mêmes ouvriers qui étaient sous pression à l'occasion des restructurations chez Ford, Opel ou VW en début d'année 2007 qui ont mis le feu aux poudres. D'abord, le mouvement revendicatif spontané déborde vers Ford Genk et vers pratiquement toutes les entreprises des environs immédiats pour ensuite atteindre toute la province du Limbourg et le secteur métallurgique. La vague de grèves sauvages s'étendra lentement vers d'autres branches industrielles et d'autres provinces, surtout dans la partie néerlandophone et à Bruxelles. A côté de mouvements de grèves importants dans le cadre syndical (comme à Electrabel, SONACA et les sapeurs pompiers), il y a des actions sauvages à l'entreprise logistique Ceva contre les licenciements ou chez BP autour d'une restructuration et des conditions de travail, où le patronat a appelé «à cesser les actions incontrôlées et à suivre le modèle de concertation sociale». De plus, il y aura encore des interruptions de travail imprévues chez les conducteurs de tram et de bus de De Lijn à propos des conditions de travail et des pauses, à la SNCB...
Plusieurs caractéristiques du mouvement sont exemplaires des tendances qui se manifestent aussi dans d'autres pays européens :
- d'abord, il faut pointer la simultanéité des mouvements, de même que leur extension rapide;
- s'il y a bien un fil rouge à travers une large partie du mouvement de l'hiver 08, c'est «qu'il ne s"agit pas de grèves organisées par les syndicats, mais de grèves sauvages. C'est la base qui se révolte, et ce sont les syndicats qui tentent de négocier» (un des témoins au forum de discussion de DS sur la vague de grèves). Cette vague de grèves spontanées renforce la confiance des ouvriers en eux-mêmes, suscite l'action pour d'autres revendications directes;
- le mouvement s'est développé en réaction à la hausse du coût de la vie et la baisse du"niveau de vie. Il se développe dans une impression croissante de chaos et d'irresponsabilité de la classe politique, ce qui s'exprime par la vacance gouvernementale de plus de neuf mois. Ce contexte de luttes en réaction aux mêmes attaques tend à réduire quelque peu l'emprise de l'arsenal des tactiques de division et de domination classiques, par région, secteur, entreprise, métier, privé ou public, etc. et donc à instiller un sentiment de solidarité. Tous les ouvriers, actifs, chômeurs, retraités, étudiants peuvent en fait se retrouver dans ces mouvements contre la perte du pouvoir d'achat, les cadences de travail et l'instabilité des contrats.
Parallèlement, des signaux insistants confirment que la Belgique est de plus en plus affectée par la détérioration de la situation économique, engendrée par la crise immobilière et les placements boursiers douteux (Junk Bonds), par la récession aux USA ainsi que par l'envolée des prix pétroliers et des denrées alimentaires :
- ralentissement économique : baisse du croissance de l'économie de 2,7% (2007) à 1,7% (2008) et à 1,4% (2009) selon l'IMF (DM, 03.06.08);
- nouvelle flambée de l'inflation : la Belgique bat les records en Europe avec une inflation de 5,2% (zone EURO: 3,6%) et une hausse des denrées alimentaires de 6,1% (zone EURO: 6,2%, EU : 7,1%) (DM, 03.06.08). Conséquence directe : vie plus chère, recul des salaires et explosion des dettes;
- la hausse du coût de la vie a un effet multiplicateur sur les mesures de flexibilisation et de précarisation des emplois. Si les emplois ont spectaculairement augmenté en 2007 (+116.000 emplois) et si le chômage ne remonte pas encore, il faut souligner que le type d'emploi créé génère un recul constant des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière (ce que les sociologues bourgeois appellent le phénomène des ‘working poor');
- les syndicats eux-mêmes reconnaissent que « l'Etat social actif n'est pas une situation win-win mais loose-loose » (rapport FGTB, dans DM, 17.03.08). La flexibilité n'a pas apporté une stabilité d'emploi mais la précarité;
- la pression sur la qualification et les salaires: 20% des salariés n'arrive pas à boucler son mois avec son salaire et 50% y arrivent à peine (DM, 23.04.08).
Ceci ne peut qu'accentuer encore la pression sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.
La bourgeoisie a déclenché tout au long de la seconde partie de 2007 des campagnes communautaires intenses visant à occuper le terrain avec la mystification du nationalisme ou du sous-nationalisme en vue de détourer l'attention des travailleurs de la détérioration du niveau de vie et de paralyser toute velléité de combativité. Ces campagnes pernicieuses n'ont toutefois pu empêcher la montée du ras-le-bol et la multiplication de luttes. Aussi, depuis début 2008, face à la multiplication et la simultanéité des actions ouvrières, la bourgeoisie a quelque peu changé son fusil d'épaule :
- elle a généralisé un black-out dans ses médias sur les informations concernant les luttes ouvrières, entre régions tout comme au niveau international;
- syndicats et employeurs tentent de désamorcer les foyers de combativité en cédant non pas sur des hausses de salaire, mais en accordant des majorations uniques sous forme de primes uniques et de boni liés aux résultats. Parfois même, les patrons essaient d'acheter la paix sociale avant que les ouvriers n'engagent effectivement l'action. «parce qu'ils veulent à tout prix éviter une grève sauvage et sont donc prêts à racheter à l'avance un éventuel désordre» (interview de H. Jorissen, président des métallos de la FGTB dans DM, 2.2.08). Cela a encore été le cas à la SNCB, où patrons ‘publics' et syndicats ont proposé une prime salariale de 1000 euro répartie sur 3 ans (DM, 03.06.08) pour désamorcer le ras-le-bol;
- elle a pleinement engagé les syndicats en première ligne pour contrer le développement de la combativité. Ceux-ci ont pris leur distance vis-à-vis des partis socialistes et jouent, ici l'unité, là la division. Ils ont profité des élections sociales dans les entreprises pour mener de larges campagnes sur la ‘démocratie sociale' et sur l'importance de la représentativité ouvrière à travers leurs délégations syndicales;
- les actions générales des syndicats, telles la manifestation ‘sauvons le pouvoir d'achat et la solidarité' du 15.12.08 ou la semaine d'actions tournantes par région à la mi-juin pour ‘sensibiliser', ont toutes comme objectif :
a) d'identifier les syndicats comme les vecteurs par excellence de la solidarité;
b) d'assimiler la solidarité ouvrière à la défense d'une fausse solidarité nationale, la solidarité avec l'Etat national et ses structures de contrôle social.
Ces campagnes visent à dévoyer la classe ouvrière sur la question cruciale pour le développement de la lutte, qui est celle de la solidarité.
Si elle ne peut plus aujourd'hui empêcher l'explosion des luttes, la bourgeoisie investit le terrain social de manière proactive pour éviter l'extension et l'unification des luttes, pour détourner la solidarité dans la lutte pour la défense des intérêts prolétariens vers le combat pour le maintien des structures étatiques nationales de contrôle social. Et dans cette politique, les syndicats jouent un rôle central.
Depuis un an, la situation politique belge a été caractérisée par une quasi-absence de politique gouvernementale (et même de gouvernement tout court). Si durant la seconde partie de 2007, cette « paralysie gouvernementale » participait des campagnes autour de l'avenir de la Belgique, l'absence d'orientations politiques dans un contexte de détérioration de l'économie et de la position concurrentielle du capital belge est en train de devenir intolérable pour la bourgeoisie:
- dérapage budgétaire (on tablait sur une croissance de 1,9%) qui mettrait à mal l'équilibre financier, fruit d'une décennie d'austérité ;
- balance commerciale en déficit pour la première fois depuis 15 ans : «C'est un signal important que notre position"concurrentielle est en fort recul. Et cela pour un pays comme la Belgique qui"se targue d"être un pays exportateur» (l'économiste G. Noels, DM,"16.4.08);
- difficultés croissantes dans les entreprises de différents secteurs : l'aéronautique, où la plupart des compagnies aériennes sont dans le rouge à cause de la hausse du carburant ; le secteur bancaire, avec de grosses difficultés qui touchent aussi des banques belges comme Fortis (cotation -12%) ; Dexia (baisse de ses bénéfices de 60% (15.05.08) et cotation -21%) ; KBC (cotation -14%).
Aussi, la fameuse date butoir du 15 juillet, que la bourgeoisie belge a dû se donner pour négocier entre les diverses fractions politiques impliquées dans un grand compromis"sur un paquet global de mesures de réorganisation de l'Etat fédéral, s'annonce peut-être encore plus comme un moment crucial pour la prise de mesures d'assainissement budgétaire et de renforcement de la position concurrentielle de l'économie nationale. Dans ce cadre, le pourrissement de la situation économique au travers de la paralysie politique de ces derniers mois pourrait bien être la stratégie suivie pour d'abord épuiser la combativité ouvrière au sein du carcan syndical, pour ensuite réunir les diverses fractions régionales autour d'une politique commune de sauvetage de l'économie belge.
La question de l'indexation des salaires pourrait jouer un rôle central dans le maquillage de l'attaque. Lorsque la bourgeoisie prépare un mauvais coup contre les salaires, elle ressort le monstre du Loch Ness de la liaison automatique des salaires à l'index. Cela permet alors aux syndicats de jouer aux champions de la solidarité en mobilisant pour « sauver l'index », alors que « l'indexation automatique » n'est plus qu'un mythe, avec un index largement manipulé et limité par une «norme salariale», qui prescrit que les augmentations de salaires ne peuvent en aucun cas dépasser la moyenne de celles des principaux concurrents.
Jos / 14.06.08