(D'après Accion Proletaria n°88)
La défaite de la première vague révolutionnaire mondiale de 1917-23 provoqua l'isolement et l'effondrement de la révolution en Russie. Mais la liquidation de cette dernière eut comme principal agent l'Etat russe lui-même et, absorbé par celui-ci, le parti bolchevik dégénérescent[1] [1]
Le stalinisme, expression de cette réaction capitaliste, fut le bourreau du prolétariat mais, le plus perfide de sa trahison fut la falsification complète qu'il fit des principes et des positions ayant permis au prolétariat de faire la révolution. En transformant ces derniers en une idéologie réactionnaire, le "marxisme-léninisme"[2] [2], le stalinisme aida puissamment la contre-révolution à enchaîner le prolétariat mondial derrière des drapeaux qui ne sont pas les siens : défense de la "démocratie", soutien inconditionnel à la Russie "soviétique", lutte pour les nationalisations présentées comme du "socialisme". Un tel embrigadement du prolétariat provoqua d'énormes défaites : accession d'Hitler au pouvoir en 1933, massacre des ouvriers en Autriche en 1934, "Front populaire" en France en 1936 qui instaura l'économie de guerre, massacre du prolétariat en Espagne en 1936-39 avec comme aboutissement la gigantesque boucherie de la seconde guerre mondiale.
Cependant, de même que les ouvriers résistèrent héroïquement à l'écrasement de leurs tentatives révolutionnaires, la dégénérescence de l'Internationale Communiste ne resta pas sans réponse : contre celle-ci, se dressèrent les fractions de la Gauche communiste qui défendirent énergiquement les principes abandonnés par l'IC et, en même temps, les développèrent pour répondre, d'une part, aux problèmes que posait l'évolution historique (crise mortelle et décadence du capitalisme, lutte pour la révolution prolétarienne) et, d'autre part, aux questions auxquelles l'IC n'avait pas apporté de réponse claire (les questions syndicale, parlementaire, nationale...).
Ainsi, la Gauche communiste surgit comme une réponse de classe au stalinisme. Les organisations politiques du prolétariat courent toujours le danger de dégénérer et de tomber dans le camp capitaliste (c'est ce qui arriva d'abord aux partis socialistes, puis aux partis communistes) mais, en leur sein, se développe toujours un courant de gauche qui maintient en vie les principes de classe, les élève à un niveau supérieur et mène fermement le combat pour la continuité et l'avancée des intérêts historiques du prolétariat.
La position de la Gauche communiste est radicalement différente de celle de l'"Opposition de Gauche" (trotskiste) qui combattit le stalinisme sans aucune position de principe et considérant comme valides les positions adoptées par l'IC stalinisée, ce qui ne fit que favoriser plus encore sa dégénérescence (Front Unique avec la social-démocratie, participation aux syndicats et aux parlements, défense des luttes de "libération nationale" et surtout, défense de la nature "socialiste" de l'URSS).
Les groupes de la Gauche communiste surgirent dès 1920 dans différents pays (Russie, Allemagne, Italie, Hollande, Grande-Bretagne, Belgique...). Ils n'atteignirent pas tous le même niveau de clarté et de cohérence et la majorité d'entre eux ne put résister à la terrible contre-révolution capitaliste. Ils disparurent victimes de l'action conjuguée de la répression des staliniens et des fascistes, de la démoralisation et de la confusion ambiantes. Dans les années 30, seuls les groupes les plus cohérents réussirent à se maintenir et parmi eux la Gauche communiste d'Italie fut la plus claire et conséquente. Le groupe "Internationalisme" (1945-52), issu de cette dernière, parvint à une synthèse critique et cohérente du travail, très dispersé, des différents groupes de la Gauche Communiste[3] [3] :
L'URSS était un pays aussi capitaliste que les USA ou la Grande-Bretagne exprimant, de façon caricaturale la tendance universelle au capitalisme d'Etat (nationalisation totale de l'économie) ;
Ainsi, pour "Internationalisme", le capitalisme "libéral" de l'Ouest et le capitalisme d'étatisation extrême de l'Est constituent les deux facettes d'un même système décadent que le prolétariat devra détruire d'un côté comme de l'autre ;
"Internationalisme" clarifia que le capitalisme "libéral" d'Occident était une forme plus efficace et plus subtile du capitalisme d'Etat. La plus grande partie de la production était canalisée vers l'économie de guerre mais avec une plus grande flexibilité, utilisant le marché "libre" grâce à toutes sortes de manipulations (fiscales, monétaires, à travers le crédit) ;
Pour pouvoir affirmer sa propre perspective, le prolétariat devait garder à tous moments son autonomie de classe sans laquelle il se verrait utilisé comme jouet des différentes bandes capitalistes en conflit et soumis à l'exploitation la plus féroce et aux répressions les plus brutales.
De la même façon, les voies syndicales et parlementaires, en l'enchaînant au capitalisme, le réduisaient encore et toujours à l'impuissance, à la division et à la défaite.
Le prolétariat devait nécessairement s'affirmer, y compris dans ses luttes immédiates, sur le terrain de la lutte directe de masse, de sa solidarité et de son unité de classe, de la défense intransigeante de ses revendications contre l'intérêt du capital national.
Les vingt dernières années de reprise internationale de la lutte de classe ont confirmé de façon éclatante la validité des positions de la Gauche communiste : les ouvriers désertent le terrain électoral, se détournent de plus en plus des syndicats, expriment leur méfiance et même leur hostilité à l'égard des partis "socialistes" et "communistes", croient de moins en moins aux mensonges "démocratiques" et aux prétendues "réformes sociales", ne sont pas prêts à "mourir pour la patrie" dans la guerre impérialiste ni à se sacrifier pour sauver l'économie nationale.
Bien que cette tendance du prolétariat à se dégager de l'emprise de l'idéologie bourgeoise soit nécessaire, elle n'est pas suffisante. Les luttes ouvrières ne peuvent en rester au niveau actuel, essentiellement défensive et économique, elles doivent assumer l'aspect politique-révolutionnaire que contient cette résistance intransigeante à l'exploitation capitaliste et s'unifier dans tous les pays pour passer de la défensive à l'offensive.
Pour ce faire, les positions de la gauche communiste sont le nécessaire point de départ. Expression de la lutte historique du prolétariat, sa réappropriation par les masses ouvrières est la condition indispensable pour que son combat puisse apporter une solution révolutionnaire à la crise sans issue du capitalisme mondial.
[1] [4] Voir les articles "Octobre 1917 : début de la révolution prolétarienne" (Revue Internationale n° 12 et 13) et "Leçons de Cronstadt" et "La dégénérescence de la révolution russe" (Revue Internationale n°3).
[2] [5] cf. RI n° 191, l'article "Le stalinisme est la négation du communisme".
[3] [6] Nous avons publié plusieurs textes d'"Internationalisme" dans la Revue Internationale n° 21, 25, 27, 28, 30, 33, 36, 37 et 59. Nous recommandons également à nos lecteurs nos brochures "Histoire de Gauche Communiste d'Italie" et "Histoire de la Gauche Communiste germano-hollandaise".
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftn1
[2] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftn2
[3] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftn3
[4] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftnref1
[5] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftnref2
[6] https://fr.internationalism.org/brochure/effondt_stal_4_1#_ftnref3
[7] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/gauche-communiste-france
[8] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[9] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/stalinisme-bloc-lest