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Révolution Internationale n° 345 - avril 2004

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Attentats terroristes à Madrid : Le capitalisme sème la mort

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Deux cent deux morts et plus de mille cinq cent blessés à ce jour, quatre trains détruits, des corps humains tellement déchiquetés qu'ils ne pourront être identifiés que par leur ADN, tel est pour l'instant le terrifiant bilan de l'attentat terroriste baptisé " train de la mort " qui a violemment secoué la matinée du 11 mars à Madrid.


Nous sommes confrontés à un acte de guerre comme le 11 septembre 2001, lors de l'attaque contre les Tours jumelles de New York. Et une fois de plus, les victimes se comptent essentiellement parmi la population civile sans défense, plus particulièrement parmi les travailleurs : des ouvriers qui, comme tous les jours, comme partout, s'entassent dans les trains de banlieue pour aller de la périphérie des grandes villes vers leurs lieux de travail ; des enfants d'ouvriers qui, comme tous les jours, comme partout, prennent ces mêmes trains pour aller au lycée ou à l'université. Le fait même d'en être réduits à vivre entassés dans les cités-dortoirs, de devoir prendre des moyens de transports publics massifiés pour aller travailler en a fait les faciles victimes de la terreur, terreur qui a ainsi pu atteindre de plus grandes et macabres dimensions.

Comme le 11 septembre, le 11 mars est une date importante dans l'histoire des massacres terroristes. Non seulement c'est le plus grand massacre subi par la population espagnole depuis la guerre civile de 1936-39, mais c'est aussi l'attentat terroriste le plus meurtrier en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La bourgeoisie déverse aujourd'hui cyniquement des torrents de larmes de crocodile sur les victimes, elle proclame trois jours de deuil national en Espagne, elle inonde les médias vingt-quatre heures par jour d'informations spéciales, elle accumule les minutes et les minutes de silence, elle convoque des manifestations contre le terrorisme, etc. Pour notre part, comme nous l'avions déjà fait le 11 septembre, nous nions tout droit à la bourgeoisie hypocrite et à ses médias aux ordres de pleurnicher sur les ouvriers assassinés, car "la classe dominante capitaliste est déjà responsable de trop de massacres et de tueries : l'effroyable boucherie de la Première Guerre mondiale ; celle encore plus abominable de la Seconde, où pour la première fois les populations civiles furent les principales cibles. Rappelons-nous ce dont la bourgeoisie s'est montrée capable : les bombardements de Londres, de Dresde et de Hambourg, d'Hiroshima et de Nagasaki, les millions de morts dans les camps de concentration nazis et dans les goulags… Rappelons-nous l'enfer des bombardements des populations civiles et de l'armée irakienne en fuite pendant la guerre du Golfe en 1991 et de ses centaines de milliers de morts. Rappelons-nous les tueries quotidiennes, et qui continuent encore, en Tchétchénie, perpétrées avec toute la complicité des Etats démocratiques d'occident. Rappelons-nous la complicité des Etats belge, français et américain dans la guerre civile en Algérie, les pogroms horribles du Rwanda… Rappelons enfin que la population afghane, aujourd'hui terrorisée par la menace des bombardiers américains, a subi vingt années de guerre ininterrompue (…) Ce ne sont là que des exemples, parmi tant d'autres, des basses œuvres d'un capitalisme aux prises avec une crise économique sans issue, aux prises avec sa décadence irrémédiable. Un capitalisme aux abois". Loin de s'affaiblir, cette barbarie que nous décrivions par ces lignes dans la Revue internationale n° 107 en octobre 2001 n'a fait que croître, ajoutant à la sinistre liste de nouveaux jalons horribles comme la seconde guerre en Irak, les incessant massacres du Moyen-Orient, les tueries récentes en Haïti ou les attentats terroristes à Bali, Casablanca, Moscou, etc. Il nous faut maintenant ajouter à cette liste la gare d'Atocha à Madrid.
Les attentats du 11 mars ne sont pas une attaque "contre la civilisation", mais l'expression même de ce qu'est réellement cette "civilisation" de la bourgeoisie : un système d'exploitation qui suinte la misère, la guerre et la destruction par tous ses pores. Un système qui n'a d'autre perspective à offrir à l'humanité que celle de la barbarie et de l'anéantissement. Le terrorisme n'est pas un sous-produit, un enfant bâtard du capitalisme que celui-ci voudrait ignorer, il est au contraire le produit organique du capitalisme, son enfant légitime comme l'est aussi la guerre impérialiste ; et au fur et à mesure que le capitalisme s'enfonce irrémédiablement dans la phase ultime de sa décadence, celle de la décomposition, le terrorisme devient toujours plus sauvage et irrationnel.

Le terrorisme :
une arme de guerre entre fractions bourgeoises

Une des caractéristique de la décadence du capitalisme consiste en ce que la guerre impérialiste devient le mode de vie permanent de ce système, avec comme conséquence que "ces classes [petites bourgeoises] perdent complètement leur indépendance et ne servent que de masse de manœuvre et d'appui aux affrontements que se livrent les différentes fractions de la classe dominante tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières nationales" (Revue internationale n° 14, "Terreur, terrorisme et violence de classe", 1978). Des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, l'évolution du terrorisme confirme pleinement cette caractéristique d'instrument utilisé par les diverses fractions de la bourgeoisie nationale ou par chaque impérialisme dans leur lutte contre les rivaux internes ou sur l'arène impérialiste. Le terrorisme est ainsi un enfant chéri du capitalisme, soigneusement nourri au sang par les uns ou les autres. Terrorisme et conflits impérialistes ont été, sont et seront toujours davantage de sanglants synonymes. Au cours des années 1960-70, la bourgeoisie n'avait pas hésité une seconde à utiliser l'assassinat " sélectif " de dirigeants politiques pour régler ses "affaires internes". Souvenons-nous que la bombe qui projeta Carrero Blanco (premier ministre espagnol du régime franquiste) aux cieux et du même coup l'ETA aux sommets du terrorisme fut utilisée par la classe dominante pour accélérer le changement de régime politique en Espagne. La bourgeoisie ne rechigna pas non plus à utiliser le terrorisme comme moyen pour déstabiliser le Moyen-Orient en assassinant le président égyptien Sadate en 1981 ou l'Israélien Itzhak Rabin en 1995. Quand il s'agit de défendre ses intérêts contre des fractions nationales rivales ou contre des impérialismes rivaux, la bourgeoisie n'éprouve aucun scrupule à provoquer des massacres aveugles parmi les populations civiles. Pour ne donner qu'un exemple, ce fut le cas en août 1980 en Italie dans l'affaire de l'attentat de la gare de Bologne, qui fit 80 morts et fut pendant longtemps attribué aux Brigades rouges mais qui, en réalité, avait été perpétré par les services secrets italiens et le réseau Gladio, installé par les Etats-Unis dans toute l'Europe pour contrecarrer l'influence de l'impérialisme russe rival. Durant toute cette période, le terrorisme a été toujours plus au service des conflits impérialistes dans le cadre de la confrontation entre les deux superpuissances.

Un pur produit de la décomposition du capitalisme

La tendance au chaos généralisé détermine les affrontements impérialistes depuis la fin des années 1980, période durant laquelle le capitalisme est entré dans sa phase de décomposition[1] [1]. Le cadre constitué par l'affrontement entre blocs impérialistes, mis en place après la Seconde Guerre mondiale, laisse la place au règne du "chacun pour soi"[2] [2]. Le terrorisme dans ce contexte devient toujours plus une arme entre les mains des puissances, y compris dans les guerres elles-mêmes où les armées en présence utilisent toujours plus dans leurs exploits guerriers les méthodes terroristes comme les bombardements d'hôpitaux et d'écoles comme on a pu le voir récemment encore dans la guerre en Irak. La décomposition du capitalisme marque de son sceau les attentats terroristes mêmes : les "machines infernales" cherchent de moins en moins des " objectifs militaires ou politiques " et s'attaquent directement à la population civile sans défense. L'horrible chaîne de ces attentats avait été inaugurée par les bombes qui tuèrent aveuglément dans les rues de Paris en septembre 1987, elle a connu une sorte de paroxysme avec les deux avions remplis de passagers qui ont percuté et détruit les Tours jumelles "abritant" des milliers de personnes, mais elle a continué avec les morts de Bali et de Casablanca, de Moscou tout récemment encore, etc., pour s'acharner maintenant sur les travailleurs entassés dans les trains de banlieue en gare d'Atocha à Madrid. Il serait illusoire de penser que cette barbarie va cesser. Tant que la classe ouvrière, la seule force sociale capable d'offrir une perspective alternative à celle de la barbarie capitaliste, n'en finira pas une fois pour toutes avec ce système inhumain d'exploitation, l'humanité continuera à vivre et à mourir partout dans le monde sous la menace permanente de nouveaux attentats, toujours plus violents, et de nouvelles guerres toujours plus destructrices.
Au fur et à mesure de l'avancée de la décomposition de la société capitaliste prolifèreront comme des rats ses sous-produits que sont les fractions les plus irresponsables et irrationnelles dont s'alimentent toutes les bandes terroristes, les seigneurs de la guerre, les gangsters locaux, etc., qui disposent non seulement de moyens de destructions inégalés mais aussi de quantité de " parrains " à qui profitent leurs crimes. Après l'attentat des Tours jumelles, nous écrivions : "nous ne pouvons pas affirmer avec certitude aujourd'hui si Oussama Ben Laden est vraiment responsable de l'attaque des Twin Towers, comme l'en accuse l'Etat américain. Mais, si l'hypothèse Ben Laden s'avérait juste, c'est véritablement le cas d'un seigneur de la guerre devenu incontrôlable par ses anciens maîtres" (Revue internationale, n° 107). Effectivement, nous avons ici un exemple d'une caractéristique cruciale de l'évolution vers la généralisation de la barbarie : indépendamment de savoir quelle puissance impérialiste ou fraction de la bourgeoisie tire profit des actions terroristes, celles-ci tendent toujours plus à échapper aux plans tracés par ceux qui leur ont donné naissance.

A qui profite ce nouveau crime ?

Comme pour l'apprenti sorcier, la "créature" tend à devenir incontrôlable. Au moment où nous rédigeons cet article, à défaut d'éléments réellement concrets et compte tenu de la faible confiance que nous devons accorder aux médias de la bourgeoisie, nous ne pouvons qu'appliquer notre cadre d'analyse et notre expérience historique, et nous poser la question : à qui profite le crime ?
Comme nous l'avons vu plus haut, le terrorisme et les affrontements impérialistes sont aujourd'hui frères de sang. L'attentat contre les Tours jumelles du 11 septembre 2001 avait amplement profité à la puissance impérialiste américaine qui avait pu imposer à ses anciens alliés devenus ses rivaux après l'effondrement du bloc russe (comme la France et l'Allemagne), de lui apporter un plein soutien dans sa campagne militaire en vue d'occuper l'Afghanistan.
L'émotion provoquée par le 11 septembre avait également permis à l'administration Bush de faire accepter par la majorité de la population américaine la seconde Guerre du Golfe en 2003. C'est pour cela qu'il est tout à fait légitime de se demander si l'incroyable "imprévoyance" des services secrets américains avant le 11 septembre ne résultait pas tout simplement de leur volonté de "laisser faire" Al Qaïda[3] [3]. Pour ce qui est des attentats du 11 mars, il est clair qu'ils ne profitent aucunement aux Etats-Unis. C'est tout le contraire qui est vrai. Aznar apportait un soutien indéfectible à la politique américaine (il avait fait partie du "trio des Açores" - Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne - les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU qui s'étaient retrouvés pour appeler à la seconde Guerre du Golfe) mais Zapatero qui va lui succéder après une victoire du PSOE aux élections du 14 mars qui doit beaucoup aux attentats de Atocha, a déjà annoncé qu'il retirerait les troupes espagnoles présentes en Irak. C'est un camouflet pour l'administration américaine, et une victoire incontestable pour le tandem franco-allemand qui anime aujourd'hui l'opposition à la diplomatie américaine.

Cela dit, cet échec de la politique américaine ne constitue nullement une victoire de la classe ouvrière, comme certains essaient de le faire croire. Entre 1982 et 1996 à la tête du gouvernement, le PSOE a fait ses preuves comme défenseur zélé des intérêts du capitalisme. Son retour ne mettra pas fin aux attaques bourgeoises contre le prolétariat. De même, le succès diplomatique présent de Chirac et Schröder est celui de deux autres défenseurs loyaux des intérêts du capitalisme et ne saurait apporter absolument rien à la classe ouvrière.

Mais pire encore : les événements qu'on vient de vivre ont permis un grand succès idéologique de la bourgeoisie comme un tout qui a réussi à renforcer le mensonge selon lequel l'antidote contre le terrorisme est la "démocratie", que les élections sont un moyen efficace de mettre fin aux politiques anti-ouvrières ou bellicistes de la bourgeoisie, que les mobilisations pacifistes sont un réel rempart contre la guerre.
Ainsi, la classe ouvrière n'a pas seulement subi une attaque dans sa chair avec tous les morts et les blessés du 11 mars, elle a subi aussi une attaque politique de première ampleur.
Encore une fois, le crime a profité à la bourgeoisie.
C'est pour cela que face à la barbarie terroriste, expression de la guerre impérialiste et de l'exploitation, il n'y a qu'une seule voie :

En finir avec le capitalisme !

Avec des dizaines de cadavres encore non identifiés, avec des dizaines de familles d'immigrés illégaux (29 morts et plus de 200 blessés sont des immigrés) qui n'osent même pas chercher leurs parents dans les hôpitaux ou les morgues improvisées de crainte d'être expulsés, la bourgeoisie crée une situation de désastre pour empêcher les prolétaires de réfléchir, ne serait-ce qu'un minimum, sur les causes et les conséquences de l'attentat. Dans les premiers instants qui ont suivi l'attentat, avant même que n'interviennent les organes de secours de l'Etat, ce sont les victimes elles-mêmes, les travailleurs et les enfants de la classe ouvrière qui voyageaient dans les " trains de la mort " ou qui se trouvaient dans les gares sinistrées, ceux qui vivent dans les quartiers de Santa Eugenia ou de El Pozo qui ont secouru les blessés, qui ont recouvert de linceuls de fortune les cadavres éparpillés sur les voies. Ils étaient au plus haut point animés par un sentiment de solidarité. C'est cette solidarité qu'ont exprimée des milliers et des milliers de personnes qui ont donné leur sang, qui ont accouru pour proposer leur aide dans les hôpitaux, mais aussi les pompiers, les travailleurs sociaux et ceux de la santé qui ont volontairement travaillé au-delà de leur temps de travail salarié malgré la dramatique absence de moyens due aux économies imposées par les mesures d'austérité de l'Etat en ce qui concerne le matériel sanitaire ou de protection civile.
Les révolutionnaires et l'ensemble du prolétariat mondial doivent clamer, haut et fort, leur solidarité avec les victimes. Seul le développement de la solidarité dont est porteuse la classe ouvrière en tant que classe révolutionnaire, et qui s'exprime notamment par son combat contre le capitalisme, pourra créer les bases d'une société dans laquelle ces crimes, cette exploitation, cette barbarie abominables pourront être définitivement dépassés et abolis. L'indignation de la classe ouvrière envers l'abominable attentat, sa solidarité naturelle avec les victimes a été manipulée par le capital et dévoyée dans le sens de la défense de ses intérêts et objectifs. En riposte au carnage, la bourgeoisie a appelé la classe ouvrière le vendredi 12 à " manifester contre le terrorisme et pour la Constitution ", elle lui a demandé de resserrer les rangs en tant que citoyens espagnols au cri de " España unida jamás será vencida " (l'Espagne unie ne sera jamais vaincue), elle l'a incité à voter massivement le dimanche 14 pour que "jamais ne se répètent ces actes de sauvagerie".
Les doses de patriotisme distillées tant par la droite (Aznar déclarant : "ils sont morts parce qu'ils étaient Espagnols") que par la gauche de la bourgeoisie ("si l'Espagne n'avait pas participé à la guerre en Irak, ces attentats n'auraient pas eu lieu") ne cherchent qu'à faire avaler aux prolétaires que l'intérêt de la nation est aussi le leur. C'est un mensonge, un mensonge cynique et éhonté ! Un mensonge qui ne vise qu'à grossir les rangs du pacifisme qui, comme nous l'avons par ailleurs développé dans notre presse, n'empêche pas les guerres mais détourne de la vraie lutte contre le vrai fauteur de guerres : le capitalisme.
Le capitalisme n'a d'autre avenir à offrir à l'humanité que sa destruction à travers des guerres toujours plus meurtrières, des attentats toujours plus barbares, la misère et la famine. Le mot d'ordre donné par l'Internationale communiste au début du XXe siècle résume parfaitement la perspective qui se posait à la société avec l'entrée du système capitaliste dans sa phase de décadence et reste pleinement valable et d'actualité : "l'ère des guerres et des révolutions "dont l'issue ne pourra être que la victoire du "socialisme ou de la barbarie".

Le capitalisme doit mourir pour que l'humanité puisse vivre et il n'y a qu'une seule classe sociale capable d'assumer le rôle de fossoyeur du capitalisme, le prolétariat. Si la classe ouvrière mondiale ne parvient pas à affirmer son indépendance de classe, dans la lutte pour la défense de ses intérêts spécifiques d'abord et ensuite pour le renversement de cette société putréfiée, l'humanité n'aura d'autre avenir que celui d'être détruite par la multiplication des affrontements entre bandes et entre Etats bourgeois, qui utiliseront tous les moyens, jusqu'aux plus innommables, et parmi ceux-ci la banalisation au quotidien de l'arme terroriste.

CCI (19 mars


[1] [4] Revue internationale n° 62, "Thèses sur la décomposition.

[2] [5] Revue internationale n° 113, "Résolution du XVe Congrès du CCI sur la situation internationale.

[3] [6] Voir à ce sujet notre article "Pearl Harbour 1941, les "Twin Towers" 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie" dans la Revue internationale n° 108.

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Génocide au Rwanda : Les crimes de l'impérialisme français

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Il est nécessaire que la classe ouvrière se souvienne. Il y a un an, le 20 mars 2003, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entraient en guerre contre l'Irak. L'Europe était alors le théâtre de nombreuses manifestations pacifistes. "Non à la guerre en Irak" était alors un mot d'ordre à la mode.
 

Les campagnes pacifistes : arme de guerre de l'impérialisme français

L'Etat français, sous l'égide de Jacques Chirac, et avec l'appui unanime de la gauche comme des gauchistes, dirigeait la campagne idéologique anti-américaine la plus impitoyable et la plus déterminée, et tout cela au nom du pacifisme. L'impérialisme français se donnait alors le beau rôle. Mais ce mensonge propagandiste qui n'a pas cessé depuis d'être déversé sur la tête de la classe ouvrière, ne doit pas masquer la réalité guerrière et barbare de l'impérialisme français : dans ce domaine aucun impérialisme à la surface de cette planète ne peut plus faire exception. Les médias français se sont empressés de donner un maximum de publicité à ces manifestations pacifistes, mais dans le même temps ils se sont employés à cacher autant qu'ils le pouvaient la politique guerrière et militaire de la France en Côte d'Ivoire. C'est en effet au même moment, en février 2003, que l'impérialisme français est passé à l'offensive en Côte d'Ivoire, avec plus de 4000 soldats. C'est au mois de mars de la même année que l'armée française réinvestit Bangui en Centrafrique, plongeant un peu plus ces pays dans une barbarie et un chaos total. Voilà ce que valent les discours idéologiques pacifiques de l'Etat bourgeois.

Le rôle de l'impérialisme français au Rwanda

Triste anniversaire, il y a dix ans, l'impérialisme français au nom de l'humanitaire rentrait en force au Rwanda, armé jusqu'aux dents, chars d'assauts en tête, et allait présider à l'un des plus importants génocides civils de l'histoire. Ce sont entre 500 et 800 000 morts (d'après les estimations officielles) en 100 jours qui sont pratiquement passés inaperçus. L'armée française avait attendu cyniquement aux frontières du Rwanda que le génocide inter-ethnique soit porté à son paroxysme pour intervenir. Pendant qu'à l'intérieur du Rwanda, "des soldats de notre pays ont formé sur ordre, les tueurs du génocide tutsi. Nous les avons armés, encouragés et le jour venu, exfiltrés. J'ai découvert cette histoire malgré moi, dans les collines rwandaises. Il faisait chaud, c'était l'été. Il faisait beau, c'était magnifique. C'était le temps du génocide." (Patrick de Saint Exupéry, journaliste au Figaro et auteur du livre L'inavouable, la France au Rwanda dans Le Monde diplomatique de mars 2004). En effet, c'est la France qui, depuis de nombreuses années, a entraîné et organisé la gendarmerie locale, les milices à base ethnique et enfin les FAR ( Forces Armées Rwandaises). C'est elle qui a soutenu a bout de bras le régime en place du président Habyarima. C'est dès le début des années 1990 que le Rwanda est devenu un enjeu géostratégique entre l'impérialisme français et l'impérialisme américain. Le Rwanda est en effet un pays ayant une importance évidente dans l'affrontement inter-impérialiste car il se situe comme frontière entre la zone sous contrôle américain et celle sous contrôle de la France, sur le continent africain.
A cette époque, en 1994, l'impérialisme américain tentait d'affaiblir de manière irrémédiable le contrôle de la France dans cette région du monde. C'est pour cela que, dès 1993, les Etats-Unis ont entraîné le FPR (Front Patriotique Rwandais formés de Tutsis) et ceci en territoire ougandais, avant de les lâcher un an plus tard au Rwanda. L'avancée militaire du FPR ne s'y est d'ailleurs pas fait longtemps attendre. C'est le krach de l'avion des présidents rwandais Habyarima et burundais Ntaryma qui fut le prétexte au déchaînement des évènements. Le 6 avril 1994 marque le début du génocide. Le FPR ira jusqu'à Kigali et un nouveau pouvoir s'y installera. La France "a dû se contenter de créer dans l'Ouest une 'zone humanitaire sûre' vers où convergèrent tous les groupes extrémistes ainsi que le gouvernement intérimaire, encadrant des millions de civils hutus" (Le Monde Diplomatique, mars 2004).
Cette zone fut le théâtre de massacres de masse, et comme le cite Le Monde Diplomatique, la France refusa de désarmer militaires et miliciens. Comme l'armée française s'est bien gardée d'arrêter les responsables du génocide, car il s'agissait de ceux-là qu'elle avait téléguidés et qui allèrent ensuite se réfugier au Zaïre.
L'Ouganda baignait également à cette époque dans une marée de sang. 300 000 orphelins erraient dans le pays. Choléra et famines se développèrent et emportèrent rapidement plus de 40 000 réfugiés hutus, pendant que les hélicoptères de combats, Mirages et autres Jaguars de l'armée française attendaient une nouvelle occasion pour intervenir. Le responsable principal et immédiat de ce massacre de masse fut sans aucun doute l'impérialisme français s'affrontant par ethnies interposées à l'impérialisme américain.

Ce même Etat français qui, dix ans plus tard, pour les mêmes raisons se cachera derrière l'idéologie pacifiste pour poursuivre son affrontement impérialiste contre les Etats-Unis.

L'alibi humanitaire : une arme de guerre de la bourgeoisie

C'est l'alibi humanitaire qui avait servi de couverture idéologique à la politique barbare de la France il y a dix ans au Rwanda. C'est le même alibi qui a permis à tous les grands impérialismes de se ruer comme des vautours sur les Balkans en avril 1999. Depuis cette époque comme au Rwanda le chaos n'a fait que s'aggraver. Aujourd'hui les affrontements ethniques entre Serbes et Albanais se généralisent à tout le Kosovo. Et c'est encore une fois comme au Rwanda, sous le même prétexte, que l'armée française y renforce ses effectifs. L'impérialisme français a été il y a dix ans un des principaux responsables et acteurs du génocide rwandais. La décomposition du système capitaliste, le développement ininterrompu des tensions inter impérialistes à l'échelle planétaire est le seul véritable responsable du génocide au Rwanda. C'est ce système agonisant et de plus en plus barbare que la classe ouvrière doit détruire. Seule la révolution communiste est en mesure d'empêcher définitivement l'éclatement d'autres Rwanda et la généralisation de nouveaux génocides.

T.

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  • Afrique [10]

Intervention de la France et des Etats-Unis à Haïti : Les gangsters imperialistes alimentent le chaos

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Depuis le début de l'année, la population et la classe ouvrière haïtienne sont à nouveau la proie d'affrontements meurtriers entre les bandes armées du président Aristide, les "chimères", et les clans rivaux de l'opposition avec à leur tête un trafiquant de drogue, ex-commissaire de police, Guy Philippe. Ayant conquis les villes du Nord de l'île, l'opposition armée a attaqué la capitale Port-au-Prince. Après plusieurs jours d'émeutes sanglantes et de pillages, les gouvernements américains et français, qui soutenaient l'opposition haïtienne, se sont empressés, avec la bénédiction de l'ONU, d'envoyer plusieurs milliers de soldats dans cette partie des Caraïbes pour chasser le clan Aristide du pouvoir et rétablir, nous dit-on, "l'ordre démocratique, la paix civile et protéger la population".


Toutes ces justifications ne sont que de purs mensonges ! Haïti, est l'exemple même du cynisme de la bourgeoisie. Comme le continent africain, Haïti est ravagée par la famine, les épidémies. 70% de la population est au chômage. 85% de la population vit avec moins d'un Euro par jour. La moyenne de l'espérance de vie est de moins de 50 ans en 2002 contre environ 70 ans dans les autres pays d'Amérique et des Caraïbes. 40% de la population n'a pas accès aux soins de base et les taux d'infection par le VIH et la tuberculose sont les plus élevés d'Amérique latine. La mortalité infantile y est deux fois plus élevée et la moitié des enfants de moins de 5 ans ne mangent pas à leur faim. Cette situation est aggravée par l'attitude des puissances occidentales qui promettent des crédits et des subventions qui ne sont jamais versées. "Après les élections législatives contestées du 21 mai 2000, les Etats-Unis, l'Union Européenne et les organismes financiers internationaux ont gelé l'aide prévue pour Haïti. Ce véritable embargo atteint la population la plus vulnérable de tout le continent, le peuple le plus pauvre, celui dont l'économie, l'environnement, le tissu social sont les plus fragiles" (Le Monde Diplomatique, juillet 2003). A ce sombre tableau de l'enfoncement dans la paupérisation, s'ajoutent les émeutes et affrontements entre anti et pro-Aristide qui ont fait plusieurs centaines de morts. Ces victimes s'additionnent à la longue liste d'exactions et de massacres commis par les régimes précédents, soutenus par les démocraties occidentales, des sanguinaires Duvalier père et fils et leurs milices "tontons macoutes" aux généraux et gouverneurs militaires qui se sont succédés depuis l'indépendance de l'île en 1804. Haïti s'enfonce dans toujours plus de chaos et de désordre. Elle est aux mains des bandes armées et de leurs représentants politiques qui organisent toutes sortes de trafics : drogue, armes et organisation des filières de l'immigration clandestine. Devant un tel niveau de barbarie qui illustre de manière dramatique l'enfoncement général du capitalisme dans la décomposition, il est légitime de se demander l'intérêt que peuvent avoir les grandes puissances à intervenir militairement en Haïti. Contrairement à ce que racontent les gauchistes, les grandes puissances n'interviennent pas en Haïti pour continuer à faire fonctionner les entreprises, les banques, etc.. Ceci est secondaire tant l'économie et l'Etat de cette partie de Saint-Domingue sont exsangues. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, où les puissances européennes se disputaient les richesses des Caraïbes. Nous ne sommes plus au XXe siècle où la division du monde en blocs militaires nécessitait un contrôle absolu de cette zone par le bloc américain face au bloc soviétique et à ses influences sur Cuba. Aujourd'hui, ce n'est pas le contrôle de Haïti en soi qui justifie l'intervention des grandes puissances mais le fait que les Etats-Unis veulent garder la main mise sur les Caraïbes pour contrôler le flux croissant de réfugiés qui arrive sur les côtes de Floride et garder l'influence sur cette zone qu'ils considèrent comme leur pré-carré face aux autres puissances européennes, notamment la France qui, au moment du Bicentenaire de l'indépendance de Haïti (autrefois colonie française), essaye de contester aux Etats-Unis cette zone. Depuis l'effondrement du bloc de l'Est, l'Oncle Sam se heurte, dans la défense de son leadership, à la contestation de ses anciens alliés du bloc de l'Ouest. Déjà, en 1994, c'est cette contestation par la France, l'Allemagne et la Russie, des sanctions prises à l'ONU contre l'Irak après la première guerre du Golfe, qui, entre autre, va pousser Bill Clinton à la démonstration de force. Il envoie plus de 20 000 soldats pour "restaurer la démocratie" en Haïti et les Etats-Unis réinstallent sur le trône présidentiel Jean-Bertrand Aristide, celui-là même qu'ils avaient chassé quelques années auparavant.

Aujourd'hui le prêtre des bidonvilles, Aristide, impliqué lui aussi dans le lucratif trafic de drogue, autant corrompu que les autres figures de la classe bourgeoise haïtienne est à nouveau lâché par ses parrains américains et français. Malgré les protestations de l'Afrique du Sud, de la Communauté des Caraïbes et de parlementaires démocrates américains qui réclament à cor et à cri une enquête internationale sur l'éviction anti-démocratique subie par leur "poulain", les Etats-Unis n'ont de cesse de taper du poing sur la table pour rappeler aux uns et aux autres que c'est eux qui décident. Une fois de plus, l'intervention militaire n'a pas pour objectif de rétablir la "paix civile", mais, contrairement à ce qu'ils prétendent, et malgré les félicitations que s'adressent mutuellement Bush et Chirac pour leur excellente coopération en Haïti, le seul point sur lequel ces gangsters sont d'accord, c'est le fait qu'il fallait intervenir militairement. Pour le reste, on a vu que c'est la concurrence qui domine et le chacun pour soi comme seule politique mise en oeuvre, même si cela génère encore plus de chaos et de massacres pour la population civile. Chacun va tenter d'user de son influence pour mettre au gouvernement des hommes acquis à sa cause. Pour le moment, dans cette rivalité impérialiste, il semblerait que les Etats-Unis aient pris l'avantage :"En sonnant la fin de la partie pour Guy Philippe, qu'ils avaient pourtant soutenu, les Etats-Unis s'imposent comme les seuls maîtres du jeu en Haïti. Ils ont chassé Aristide, fait céder ses opposants armés, désigné des proches dans les secteurs clés de l'administration. Et, de surcroît, ils ont exclu la France du dénouement de la crise dans laquelle Paris avait jusqu'alors joué un rôle de premier plan" (Libération du 5 mars).
L'intervention militaire en Haïti démontre une fois de plus l'aggravation des tensions militaires entre les grandes puissances et le caractère irrationnel du point de vue économique de ces opérations de police. La dispute entre la Maison Blanche et l'Elysée pour la "dépouille" d'Haïti met en exergue ce que défend le CCI sur l'aspect de plus en plus irrationnel des tensions et guerres dans le capitalisme. "La guerre n'est plus entreprise pour des raisons économiques ni même pour des objectifs stratégiques organisés mais comme des tentatives de survie à court terme, localisées et fragmentées aux dépens des autres" ("Résolution sur la situation Internationale", Revue internationale n°102). Le semblant de gouvernement que tente de mettre sur pied la bourgeoisie américaine ne devrait pas résister longtemps aux guerres fratricides des différents clans haïtiens, si bien que l'on peut se demander si Haïti ne va pas être un nouveau bourbier pour l'Oncle Sam, d'autant plus que les rivalités avec la France et les autres puissances concurrentes ne peuvent que s'accentuer. Ainsi va le capitalisme. Sous prétexte de démocratie et d'humanisme, il exacerbe en réalité les contradictions impérialistes, alimente le chaos et plonge la population et le prolétariat dans le dénuement le plus total.

Donald (20 mars)

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  • Amérique Centrale et du Sud [11]

Grande-Bretagne : Face à l'aggravation des attaques capitalistes, la classe opuvrière reprend le chemin de la lutte

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La dernière semaine de janvier, une grève impliquant 8 000 ouvriers éclatait dans les usines Land Rover, à Solihull. C'était la première lutte depuis seize ans dans cette entreprise. Elle avait été précédée, une semaine auparavant, par la constitution d'un piquet de grève massif de 900 ouvriers, dont des membres des syndicats TGWU, GMB et Amicus. La même semaine, une grève de deux jours aurait dü être suivie par plus de 100 000 employés des services publics, leur première grève nationale depuis 17 ans. Mais le syndicat PCS a annulé au dernier moment le mot d'ordre de grève pour la grande majorité d'entre eux (ceux du secteur Travail et Pensions), laissant partir en grève les seuls employés des plus petits départements. Avant cela, il y avait eu dans ce secteur une grève "sauvage" en réaction à un projet de "réforme" du DWP (Department of Work and Pensions) que les ouvriers ne pouvaient que rejeter.
 

Des expressions de la combativité ouvrière

Dans les mois qui ont précédé, rien que pour la Grande-Bretagne, on pouvait recenser les mouvements suivants : les grèves "non officielles" dans les postes en novembre et décembre; la grève en septembre de 2000 ouvriers des chantiers navals du Humberside pour soutenir la lutte des travailleurs intérimaires de l'entreprise ; celle des employés du secteur public du département "Travail et Pensions", et la grève sauvage des employés de British Airways à l'aéroport d'Heathrow. La reprise de la combativité est un phénomène international dont les grèves et manifestations en France et en Autriche contre les attaques visant les retraites avaient constitué une illustration.
La colère des ouvriers est suscitée par les attaques nombreuses et simultanées qu'ils subissent partout. Les employés des services publics ont reçu des propositions de hausses salariales allant de 0,5 à 2,8%, en fonction du secteur, dérisoires en regard de l'augmentation du coût de la vie. Les employés de Land Rover ont rejeté une offre d'augmentation de 6% des salaires sur deux ans (soit moins de 3% par an). Les syndicats et la direction des entreprises ayant jusqu'alors négocié des accords crapuleux contre les ouvriers, la réponse de la classe ouvrière aux différentes attaques indique un changement d'état d'esprit, une maturation qui s'est opérée au son sein. Ceci est dû en partie au fait que, depuis trente ans de crise économique ouverte, les promesses sur la sortie du tunnel n'ayant rien donné, il n'existe plus guère d'espoir dans la possibilité d'une future reprise. Mais le plus important est la nature des attaques qui laisse peu de place pour des illusions sur le capitalisme. Le démantèlement des "amortisseurs sociaux" de l'Etat providence, en même temps que l'intensification de l'exploitation dans les usines, les bureaux, les hôpitaux, etc. et l'augmentation du chômage massif (près de 5 millions de chômeurs en Allemagne, soit 10% de la population ouvrière, des niveaux de licenciements aux Etats-Unis inconnus depuis des décennies, la perte de 800 000 emplois industriels en Grande-Bretagne depuis 1997, etc.) mettent la classe ouvrière face à la sinistre réalité du capitalisme : soit s'épuiser au travail pour produire la plus-value, soit sombrer dans la misère. En effet, la perte de confiance dans la capacité du capitalisme à offrir une perspective alimente la combativité croissante à laquelle on assiste aujourd'hui.

Le développement de l'identité de classe contre les syndicats

Le CCI a décrit la situation actuelle comme constituant un tournant de la lutte de classe, où l'on voit se développer les conditions qui vont permettre au prolétariat de retrouver et renforcer son identité de classe, son sentiment d'appartenir à une classe ayant des intérêts communs à défendre. C'est la base de toute solidarité de classe et ce sera la base pour que, dans le futur, les luttes puissent s'élever à un niveau supérieur à travers leur extension et leur unification. Cette identité de classe doit se développer contre les campagnes idéologiques sur la fin de la lutte de classe, sur la possibilité d'un "monde alternatif" au sein du capitalisme, et aussi contre les efforts de la bourgeoisie pour diviser les ouvriers, en particulier de la part des syndicats. La grève dans le service public constitue une claire illustration de cette nécessité. D'abord, l'Etat a divisé les ouvriers par service, chacun avec de légères différences dans l'échelle des salaires, et dans l'attribution des augmentations, bien que les différences réelles soient peu significatives puisqu'une majorité d'ouvriers gagne moins de 15 000 livres par an et que, parmi ceux-là, des milliers gagnent moins de 10 000 livres par an. Cela a donné l'opportunité au syndicat PCS, prétendument "intraitable", avec Mark Serwotka à sa tête, d'annuler l'appel à la grève dans la majorité des services suite à une petite modification dans les propositions de la direction.
Il y a de nombreux autres exemples de ce type de division de la classe ouvrière : division entre les nombreuses compagnies ferroviaires, entre les différents emplois et même entre les différents syndicats. Dans les écoles de Londres, les salariés en conflit avec le même employeur sur la question des indemnités de logement dans la capitale ont été appelés par les syndicats à franchir les piquets de grève des autres syndicats. Et cela ne concerne pas seulement les petites luttes et les grèves en Grande-Bretagne puisque l'énorme mobilisation contre l'attaque sur les retraites en France au printemps 2003 a été confrontée aux mêmes tactiques : en premier lieu l'attaque visait de façon massive le secteur de l'éducation, ensuite une partie de cette attaque concernait spécifiquement une minorité d'employés (psychologues, conseillers d'éducation et autres travailleurs spécialisés) de façon à créer des divisions dans ce secteur de la classe ouvrière. Les syndicats ont poursuivi ce travail de sabotage en maintenant une partie de la classe ouvrière hors de la lutte et en poussant une autre partie à s'y engager à fond. Enfin, ils ont appelé à la grève générale à la fin, lorsque le mouvement s'était retrouvé totalement épuisé. "On en revient donc aujourd'hui à un schéma beaucoup plus classique dans l'histoire de la lutte de classes : le gouvernement cogne, les syndicats s'y opposent et prônent l'union syndicale dans un premier temps pour embarquer massivement des ouvriers derrière eux et sous leur contrôle. Puis le gouvernement ouvre des négociations et les syndicats se désunissent pour mieux porter la division et la désorientation dans les rangs ouvriers. Cette méthode, qui joue sur la division syndicale face à la montée de la lutte de classe, est la plus éprouvée par la bourgeoisie pour préserver globalement l'encadrement syndical en concentrant autant que possible le discrédit et la perte de quelques plumes sur l'un ou l'autre appareil désigné d'avance. Cela signifie aussi que les syndicats sont à nouveau soumis à l'épreuve du feu et que le développement inévitable des luttes à venir va poser à nouveau le problème pour la classe ouvrière de la confrontation avec ses ennemis pour pouvoir affirmer ses intérêts de classe et les besoins de son combat." (Revue Internationale n° 114)
La tactique consistant à diviser les ouvriers est normale pour les syndicats, c'est ce qu'ils ont fait de façon très efficace au service de la bourgeoisie depuis qu'ils ont été intégrés à l'Etat au début du vingtième siècle. Aujourd'hui les ouvriers doivent retrouver leur identité de classe contre cette tactique, contre l'idée qu'ils devraient se concevoir comme membres de tel ou tel syndicat, comme employés du DWP (Department of Work and Pensions), ou de toute autre branche du service public, comme enseignants ou techniciens, au lieu de se concevoir d'abord et avant tout comme membres de la classe ouvrière avec des intérêts communs.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut pas s'attendre à des luttes se dégageant spontanément des syndicats ; nous n'attendons pas de ces dernières qu'elles soient capables d'éviter les pièges tendus par la classe dominante ; beaucoup d'entre elles tomberont dans la provocation. Ce qui importe, c'est que toutes les tactiques planifiées de la classe dominante (gouvernement, patrons et syndicats) visant à provoquer et à diviser les ouvriers ne puissent empêcher la combativité croissante qui se développe aujourd'hui. Ce lent développement des luttes ouvrières porte en lui la potentialité d'un renforcement de l'identité de classe, condition pour que la classe ouvrière commence à tirer les leçons de toutes les expériences des batailles qu'elle a menée de la période allant de 1968 à 1989.

D'après World Revolution n° 271 (février 2004), organe du CCI en Grande-Bretagne.

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Grève dans les transports en Italie : Le syndicalisme de base sabote la lutte

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Le premier décembre dernier, mettant en doute l'efficacité des grèves symboliques des syndicats, les travailleurs des transports en Italie ont décidé de faire grève sans respecter les "plages horaires protégées", pendant lesquelles ils sont tenus par la loi d'assumer le service. Ils ont recommencé le 15 décembre dans plusieurs villes, sans respecter les consignes syndicales et en passant outre les menaces de poursuites judiciaires. Le 20 décembre et les jours suivants, ils se sont mis spontanément en grève contre l'accord bidon que les syndicats avaient signé avec le gouvernement. Celui-ci prévoyait une augmentation de 80 Euros au lieu des 106 dus au titre de la plate-forme contractuelle (rattrapage de la perte du pouvoir d'achat due à l'inflation officielle, bien inférieure à l'inflation réelle) et 600 Euros d'arriérés (destinés à rattraper le manque à gagner sur toute la période pendant laquelle aucun accord n'avait été renégocié) alors que ceux-ci s'élevaient en réalité à plus de 2000 Euros.

En signant un accord plus favorable que ce qui avait été proposé quelques semaines auparavant par les entreprises, les syndicats voulaient donner aux travailleurs l'impression d'avoir remporté une victoire. Ils voulaient également placer ceux-ci devant le fait accompli : ne pas accepter l'accord signifiait devoir faire grève sans l'aval des syndicats. Et c'est justement ce qui est arrivé dans plusieurs villes dans les jours qui ont suivi la signature.

Pour désamorcer le mouvement, un accord complémentaire a alors été signé avec l'ATM de Milan, concédant pour les ouvriers de cette entreprise l'octroi des 25 Euros manquants, en contrepartie d'une plus grande flexibilité du travail. En faisant une concession à une partie des grévistes, ceux qui en fait avaient été à l'initiative de la grève, il s'agissait pour la bourgeoisie et ses syndicats de diviser le mouvement. Pendant cette même période, la CGIL tenait des assemblées avec ses adhérents, pour les convaincre des avantages de l'accord signé et aussi pour tenter de les intimider en mettant en avant tous les risques d'une grève faite en dehors des règles de la législation en vigueur.
Cependant, ce sont les syndicats de base (les Cobas) qui ont effectué le travail le plus efficace contre la lutte du fait de la confiance que les ouvriers conservaient vis-à-vis d'eux. En effet, ils n'avaient pas eu à jouer un rôle de premier plan dans la participation aux négociations stériles précédentes ni dans la programmation de grèves bidon (sept au total) pour "appuyer" les négociations en question ; et surtout, ils avaient été les seuls à ne pas condamner les grèves spontanées des semaines précédentes. Ils ont ainsi pu se présenter comme ceux qui allaient continuer la lutte alors que dans la réalité ils ont œuvré efficacement à ce que les ouvriers cessent leur mouvement.
Ils ont commencé par appeler à une grève pour le 9 janvier, au plus mauvais moment pendant la sacro-sainte trêve des vacances de Noël, dans le but de faire baisser la tension. Ils ont alors veillé au strict respect de la réglementation du droit de grève, ce qui leur a valu les félicitations du journal de Rifondazione Comunista, Liberazione qui, le 10 janvier, parlait de la grève en ces termes : "totale responsabilité des travailleurs qui ont assuré, sans exception aucune, les plages horaires garanties". Ayant ainsi gagné du temps, les Cobas ont immédiatement lancé un appel pour une nouvelle grève le 26 janvier, qui fut ensuite repoussée au 30 janvier. Mais ils ont alors appelé les traminots à Milan, et seulement eux, à choisir une autre date afin que leur mobilisation ne coïncide pas avec celle des chauffeurs de taxi dans cette ville ! Naturellement, le travail de pompier social accompli par le syndicalisme de base a payé comme en a témoigné la baisse de mobilisation à l'occasion de la journée du 30 janvier. Si bien que le mouvement s'est terminé sans que les ouvriers n'aient rien obtenu de substantiel. Mais il y a bien évidemment toute une série de leçons qui devront être tirées par les ouvriers. C'est la volonté de se battre vraiment qui a fait que les travailleurs ont été contraints d'aller au delà des consignes syndicales et leur a permis de ne pas se laisser intimider par toutes les menaces de dénonciation et de sanctions. Les travailleurs de ce secteur ont su mettre en pratique, dans la lutte, ces qualités essentielles du combat de classe que sont la solidarité et l'unité. Mais, dans le même temps, l'isolement au sein d'un secteur spécifique s'est avéré constituer la plus forte limite du mouvement, qui en a considérablement réduit l'impact sur l'ensemble de la classe ouvrière.
En même temps, ce mouvement a montré la véritable nature des syndicats, qu'ils soient "classiques" et "responsables" ou bien "de base", celle de saboteurs de la lutte ouvrière.

D'après Rivoluzione Internazionale n° 134 (février-mars 2004), organe du CCI en Italie.

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Réponse au "groupement d'action et de réflexion anarcho-syndicaliste" (GARAS) : Le syndicalisme n'est pas une arme de la class

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Le syndicalisme est-il une arme de la classe ouvrière ?

Né des convulsions qui déchirent la CNT-AIT française depuis plusieurs années, le Groupement d'Action et de Réflexion Anarcho-syndicaliste (GARAS)[1] [15] publie depuis janvier 2002 une "Lettre de liaison" . Il rassemble des éléments qui font le constat de "l'échec de la CNT-AIT à résoudre ses problèmes internes, comme à être utile dans la lutte contre la classe dominante" et ont décidé de "préparer l'après CNT" [2] [16] Convaincus qu'"aujourd'hui aucun groupe essayant de mettre en œuvre une pratique syndicale efficace en rupture avec le capitalisme n'arrive réellement à ses fins" , il se propose d'aborder les problèmes qui se posent " aux révolutionnaires sincères qui veulent agir au niveau syndical et promouvoir l'auto-organisation des luttes"[3] [17]. Son but affirmé est de "mettre en place une confédération anarcho-syndicaliste sur des bases claires"[4] [18]. L'article ci-dessous s'inspire en grande partie d'un texte adressé par le CCI il y a quelques mois au GARAS, lequel se déclarait "preneur de toute contribution à [sa] feuille". Il vise à montrer que le syndicalisme n'est pas une voie que peut emprunter la classe ouvrière pour développer son combat.

 

Le GARAS se donne comme objectif de promouvoir des méthodes de luttes " en rupture avec le capitalisme " et d'agir en faveur de "l'auto-organisation des luttes". Nous ne doutons pas de la sincérité de ces éléments, mais ce qu'ils ne comprennent pas c'est que pour rompre avec le capitalisme et favoriser l'auto organisation des luttes, il faut justement rompre avec le syndicalisme et non pas revendiquer un syndicalisme "efficace". Toute l'histoire du 20e siècle a montré que la forme syndicale non seulement n'est plus adaptée au besoins de la lutte de classe dans la période de décadence du capitalisme, mais que les syndicats sont devenus un rouage de l'Etat bourgeois visant à encadrer la classe ouvrière, saboter ses luttes et leur auto-organisation par les ouvriers eux-mêmes. Ce que ne comprennent pas les anarcho-syndicalistes, c'est que la classe ouvrière ne peut réformer les syndicats, les transformer en organe de lutte révolutionnaire en critiquant leur bureaucratie. Mais pour pouvoir comprendre la nature bourgeoise des syndicats et de l'idéologie syndicaliste en général, les éléments qui, comme le GARAS, veulent mener une activité révolutionnaire, ne peuvent faire l'économie de se réapproprier les leçons de l'histoire du mouvement ouvrier.

Les leçons de la vague révolutionnaire des années 1920

Ne pas se référer à l'histoire de notre classe, et notamment de la vague révolutionnaire mondiale des années 1920, point le plus élevé atteint par sa lutte, constitue une importante erreur de méthode interdisant toute clarification. L'examen des leçons léguées par cette expérience nous enseigne non seulement que l'outil de la transformation sociale dont se dote le prolétariat pour s'ériger en classe révolutionnaire n'est pas le syndicalisme, mais les conseils ouvriers, de même que syndicalisme et révolution s'excluent désormais totalement.
Comme l'Internationale Communiste l'affirme en 1919 : "(…) le prolétariat doit créer son propre appareil pour (…) lui assurer la possibilité d'intervenir de manière révolutionnaire dans le développement de l'humanité. Cet appareil, ce sont les conseils ouvriers. Les vieux partis, les vieilles organisations syndicales se sont montrées incapables en la personne de leurs chefs de comprendre les tâches imposées par l'époque nouvelle et a fortiori de la résoudre. Le prolétariat a créé un appareil qui englobe l'ensemble de la classe ouvrière, indépendamment du métier et de la maturité politique, un appareil souple capable de se renouveler en permanence, de s'élargir, d'entraîner dans sa sphère des couches nouvelles. (…) Cette organisation, irremplaçable, du gouvernement de la classe ouvrière par elle-même, de sa lutte et aussi de la conquête du pouvoir d'Etat[5] [19] a été mise dans différents pays à l'épreuve de l'expérience. Elle constitue la conquête la plus importante et l'arme la plus puissante du prolétariat à notre époque. (…) C'est au moyen des conseils que la classe ouvrière parviendra le plus sûrement et le plus facilement au pouvoir, dirigera tous les domaines de la vie économique et culturelle (…)"[6] [20]. Les conseils ouvriers sont "ce que la révolution ouvrière met à la place de la démocratie bourgeoise ;(…) la forme de transition du capitalisme au socialisme, la forme de la dictature du prolétariat"[7] [21].
L'autre leçon fondamentale tirée de la révolution, formulée par le Parti Communiste Ouvrier d'Allemagne (KAPD) dans son programme en mai 1920, c'est que les syndicats et les formes de luttes qui s'y rattachent ont cessé d'être une arme pour le prolétariat. Au contraire, les syndicats s'intègrent à l'Etat capitaliste pour devenir le fer de lance de la contre-révolution. "Les syndicats forment le principal rempart contre le développement de la révolution prolétarienne en Allemagne. (…) Leur influence décisive sur l'orientation principielle et tactique du vieux parti social-démocrate conduisit à la proclamation de "l'union sacrée" avec la bourgeoisie allemande, ce qui équivalait à une déclaration de guerre au prolétariat international. Leur efficacité social-traître trouva sa continuation logique lors de l'éclatement de la révolution de novembre 1918 en Allemagne : (…) Les syndicats sont ainsi, à côté des fondements bourgeois, l'un des principaux piliers de l'Etat capitaliste. (…) Cette formation contre-révolutionnaire ne peut être transformée de l'intérieur. La révolutionnarisation des syndicats n'est pas une question de personnes : le caractère contre-révolutionnaire de ces organisations se trouve dans leur structure et dans leur système spécifique eux-mêmes : cela entraîne la sentence de mort pour les syndicats ; seule la destruction même des syndicats peut libérer le chemin de la révolution sociale en Allemagne. L'édification socialiste a besoin d'autre chose que de ces organisations fossiles."

Ces leçons tirées au cours même de l'affrontement révolutionnaire ont été amplement confirmées par la suite. A la base de l'organisation des ouvriers en conseils se trouvent les assemblées générales souveraines qui décident des moyens et des orientations de la lutte et qui élisent sur des mandats précis des comités de grèves, constitués de délégués révocables et chargés de faire appliquer les décisions de l'assemblée générale. C'est la forme que prend spontanément la lutte ouvrière dans la période de décadence du capitalisme, y compris dans les périodes où la classe ouvrière n'est pas suffisamment forte pour s'organiser en conseils. Dans cette période historique, les luttes de résistance de la classe ouvrière tendent spontanément à s'élargir aux autres secteurs, à développer leur unification, à faire éclater leur contenu révolutionnaire en mettant en question l'existence même du système d'exploitation en s'affrontant à l'Etat capitaliste. En ce sens, la révolution communiste constitue l'aboutissement ultime, et le seul conséquent, des luttes revendicatives et de défense de ses conditions de vie par le prolétariat.
La bourgeoisie ne laisse pas le champ libre à de telles tendances au sein de la classe ouvrière et les combats en permanence justement à travers l'action des syndicats. Aucun mouvement d'ampleur de la classe ouvrière depuis le début du 20e siècle ayant conduit à l'édification d'un rapport de force face à la bourgeoisie n'a été permis par l'organisation des ouvriers au sein de syndicats. Au contraire, de tels mouvements ont toujours eu à se confronter aux syndicats, instruments indispensables du contrôle social par la bourgeoisie.

La trajectoire de l'anarcho-syndicalisme
et du syndicalisme révolutionnaire vers la contre-révolution

La révolution russe et la vague révolutionnaire mondiale ont montré que les assertions de Malatesta, selon lesquelles "une entente entre tous les ouvriers qui luttent pour leur émancipation ne peut avoir lieu que sur le terrain économique (…)" et que "l'action politique, parlementaire ou révolutionnaire du prolétariat, est également impuissante tant que celui-ci ne constitue pas une puissance économique organisée et consciente"[8] [22] sur lesquelles les syndicalistes révolutionnaires fondent les principes de leur action, désarment complètement la classe ouvrière.
Dans sa lutte vers la prise du pouvoir en Russie, le prolétariat n'a pas eu besoin de "syndicats révolutionnaires". Ceux-ci n'ont alors joué aucun rôle entre février et octobre 1917. C'est d'un parti politique que le prolétariat a besoin[9] [23].
Ensuite, la lutte que se livrent les conseils et l'Etat capitaliste dans la période de dualité des pouvoirs, lutte éminemment politique dont l'enjeu est la prise du pouvoir par l'insurrection prolétarienne ou la réduction à néant du mouvement révolutionnaire, signe la faillite de la tactique de la grève générale : elle "peut être un coup dur pour la clique gouvernante l'obligeant à faire telle ou telle concession, mais elle n'est pas en mesure de démolir tout le régime d'une classe"[10] [24].
Lors du mouvement de grèves révolutionnaires en Italie en 1920, l'expropriation des usines et leur autogestion, sans se préoccuper de la prise du pouvoir politique, n'ont pas eu pour résultat la conquête de la société à partir des positions investies dans les usines, mais au contraire l'émiettement de la force de frappe de la classe ouvrière, son asphyxie dans l'isolement, puis la répression étatique.
En niant la nécessité de l'organisation politique (avec l'argument que "les partis corrompent et trahissent") et en limitant l'organisation du prolétariat au domaine économique, le syndicalisme révolutionnaire fait obstacle à son affirmation politique contre la classe dominante. En donnant la primauté à l'organisation locale, l'autogestion économique et le fédéralisme politique, le syndicalisme révolutionnaire reproduit les divisions entre les secteurs de la production capitaliste. Il tend ainsi naturellement, de par ses principes mêmes, à s'opposer aussi bien à la prise du pouvoir par la classe ouvrière, qu'à l'exercice de sa dictature par les conseils.

Le syndicalisme révolutionnaire a effectivement représenté une expression authentique de la classe ouvrière au début du 20e siècle. Mais il n'a pas connu un sort différent des autres formes du syndicalisme : celui de se transformer en instrument contre-révolutionnaire aux mains de l'Etat capitaliste.
En dépit de sa radicalité en paroles, la CGT syndicaliste révolutionnaire trahit le prolétariat en 1914, et passe à la bourgeoisie en appelant à l'union sacrée.
Lors de la guerre civile en Espagne, en 1936-37, la mise en pratique des principes de l'anarcho-syndicalisme par la CNT l'a conduit directement dans le camp de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Alors que les bolcheviks mettaient en avant à partir d'avril 1917 la destruction de l'Etat capitaliste bourgeois par les conseils ouvriers, l'"apolitisme" de la CNT, face aux campagnes idéologiques antifascistes, l'amène à la capitulation devant l'Etat bourgeois : elle choisit la défense de la démocratie bourgeoise républicaine contre Franco, sacrifiant l'autonomie politique de la classe ouvrière[11] [25]. Le réformisme radical de "l'autogestion" et des "collectivités anarchistes" forme un puissant moyen d'enfermement des ouvriers dans leur usine, leur région ou leur localité pour empêcher toute confrontation directe avec l'Etat.
Alors que les bolcheviks refusaient tout compromis avec la bourgeoisie, la CNT entre dans le gouvernement catalan, puis dans celui de Madrid, proclamant qu'avec sa présence "le gouvernement en tant qu'instrument régulateur des organes de l'Etat, a cessé d'être une force d'oppression contre la classe ouvrière ; l'Etat ne représente déjà plus l'organisme qui divise la société en classes. Tous deux cesseront définitivement d'opprimer le peuple si des membres de la CNT interviennent dans ces organes.[12] [26]"
En Russie en 1917, le prolétariat et les bolcheviks transforment la guerre impérialiste en guerre civile : en Espagne, la CNT s'unit aux socialistes de l'UGT et aux forces démocrates du Front Populaire pour détourner les ouvriers de leur lutte de classes et les envoyer servir de chair à canon sur les champs de bataille, participant à l'embrigadement du prolétariat mondial dans la Seconde guerre mondiale au nom de l'antifascisme.

La vision non prolétarienne du communisme libertaire

La défense du syndicalisme par le GARAS et son inclination à créer une nouvelle fédération anarcho-syndicaliste procèdent directement de sa vision non prolétarienne de la révolution. Dans l'éther azuré de la perspective de la construction de la société "communiste au sens non marxiste du terme"[13] [27]., il n'est nullement question de l'action des classes (prolétarienne ou bourgeoise), ni de l'Etat capitaliste qu'il faut briser, ni de l'élimination des lois économiques du système capitaliste à l'échelle mondiale : "Nous désirons une gestion et une propriété collective des moyens de production puisque la production bénéficie à tout le monde (…) Rien ne doit entraver l'épanouissement individuel et la volonté de participer réellement à la vie. A chacun de participer, s'il le souhaite, à la vie de son quartier, de sa ville, de son village… A chaque travailleur de participer à l'organisation de la production : puisque personne ne travaille à notre place, que personne ne décide à notre place. Nous sommes également attachés à la liberté d'association ou non à un groupe, du moment qu'aucun individu ou groupe ne devienne nuisible aux autres par ses actes." [14] [28].
Le GARAS calque sa vision du communisme "libertaire" sur le modèle de la révolution bourgeoise où cette nouvelle classe exploiteuse pouvait alors développer au sein même des rapports féodaux ses libertés locales face au pouvoir royal dans le cadre des communes médiévales "libres" , avant de renverser la monarchie ou de passer des compromis avec des parties de l'ancienne classe dominante féodale. La révolution dont il parle n'est qu'une réorganisation collective de la production au sein de la société actuelle ne nécessitant pas la destruction préalable du système capitaliste et de l'Etat. Elle se fonde sur de petites communautés soudées par la rigueur morale de ses membres donnant l'exemple et séparées les unes des autres par leur "autonomie".

Les éléments du GARAS ne peuvent que trouver dans le syndicalisme le support et le débouché "naturel" à leurs perspectives "révolutionnaires", influencées et inspirées par l'idéologie dominante. En effet le syndicalisme, reproduisant les divisions sectorielles de branches imposées par la production capitaliste, va comme un gant aux propositions anarchistes des communes ou groupes de production autonomes. Il s'adapte parfaitement aux illusions du réformisme radical anarchiste, négateur de la politique, concevant la possibilité d'une transformation sociale gradualiste à petit pas, en se basant sur le plan économique. Et voici résolu le mystère sur lequel le GARAS se casse les dents, expliquant comment anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires s'accommodent parfaitement du rôle de partenaires de la gestion et de la planification capitaliste en raison même de leur syndicalisme. Celui-ci a toujours été utilisé comme instrument du capitalisme d'Etat pour soumettre la classe ouvrière aux impératifs de la production nationale depuis l'entrée en décadence du système capitaliste ! En dépit de ses dires et de ses craintes, c'est sur cette pente fatale que s'engage le GARAS.

C'est dans les fondements mêmes de l'anarcho-syndicalisme que résident les racines de son caractère nocif pour la classe ouvrière. C'est donc avec ces prémisses mêmes que les éléments formant le GARAS doivent rompre s'ils veulent être utiles à la cause du prolétariat. S'ils n'opèrent pas cette rupture avec l'idéologie syndicaliste, ils ne peuvent que servir de base "radicale" aux syndicats et apporter leur contribution au sabotage des luttes en rabattant les ouvriers derrière les forces d'encadrements capitalistes et derrière les illusions réformistes.

Scott

[1] [29] GARAS C/o S. L., 4 rue d'Arcole, 72000 Le Mans

[2] [30] L'Anarcho du Val de Loire n°60

[3] [31] Lettre de Liaison n°4, juin 2003

[4] [32] Lettre de Liaison n°6, février 2004

[5] [33] Selon la vision qui prévalait alors et remise en cause par le marxisme par la suite.

[6] [34] Manifeste de l'IC aux prolétaires du monde entier, 6 mars 1919

[7] [35] Lénine, Lettre à S. Pankhurst, septembre 1919.

[8] [36] Manifeste des anarchistes au congrès de la IIe Internationale, Londres, 1896.

[9] [37] Voir notre Revue Internationale n°17.

[10] [38] Préobrajenski, Anarchisme et Communisme.

[11] [39] "La lutte contre le fascisme sur les fronts de bataille se terminera bientôt parce que nombreuses sont les forces que nous mettons en jeu (…) L'Espagne grande, l'Espagne productrice, l'Espagne vraiment rénovatrice, c'est nous qui la faisons, républicains, socialistes, communistes et anarchistes, quand nous travaillons à la sueur de notre front (…) Nous sommes tous unis dans le front de lutte, union magnifique qui a fait disparaître toutes les classes, tous les partis politiques, toutes les tendances qui nous séparaient auparavant." Discours radiodiffusé de F. Montseny, cité par La Révolution prolétarienne n° 230, septembre 1936

[12] [40] F. Montseny, 4 novembre 1936, citée dans La Révolution prolétarienne n°235.

[13] [41] Lettre de Liaison n°6, février 2004

[14] [42] Lettre de Liaison n°6, février 2004

Courants politiques: 

  • Le syndicalisme révolutionnaire [43]

La guerre impérialiste exprime la faillite du capitalisme

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Tout le 20e siècle a été marqué par des guerres incessantes, sur l'ensemble de la planète, dont deux guerres mondiales. Ce siècle a été un siècle de barbarie, comme aucun autre dans l'histoire de l'humanité. Nous entamons le troisième millénaire et cette barbarie non seulement continue mais prend des proportions de plus en plus destructrices. Des régions entières du globe sont entrées dans la guerre et n'en sortent plus. Des générations entières n'ont jamais connu que la guerre. Cette situation ne laisse pas la classe ouvrière indifférente. Des questionnements émergent, et ils sont légitimes. On doit en effet se poser certaines questions. Alors qu'en 1989 la bourgeoisie nous a promis l'avènement définitif de la paix, c'est le contraire qui s'est passé : il y a de plus en plus de guerres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui motive cet investissement incroyable des Etats dans l'armement, qu'est-ce qui préside à tant de dépenses pour faire la guerre ? La bourgeoisie est-elle obligée de faire la guerre pour défendre ses intérêts ? Quel est le résultat de la guerre ? la guerre a-t-elle une rationalité du point de vue du capitalisme ? Que peut faire la classe ouvrière face à la guerre ? Faut-il parfois les soutenir, ou au contraire toutes les dénoncer ? Ces questions sont avant tout motivées par l'immense battage médiatique qui accompagne chaque campagne de guerre de la bourgeoisie : beaucoup d'explications se bousculent, beaucoup de bonnes volontés se font jour… mais malgré tout ça, la guerre continue, elle empire, elle tue et elle détruit.


La question de la guerre n'est pas une récente découverte pour le mouvement ouvrier. Déjà, vers la fin du 19e siècle, devant la concurrence de plus en plus aiguë entre grandes nations d'Europe, les révolutionnaires se posaient la question de la perspective de la guerre. Face à l'évolution qui se dessinait d'un capitalisme de plus en plus prisonnier de ses contradictions insurmontables, le mouvement ouvrier avec Engels à sa tête, avait clairement annoncé que la perspective serait, désormais, "Socialisme ou Barbarie". Pendant le congrès socialiste de Paris, au début du 20e siècle, Rosa Luxembourg avait fait une intervention d'une grande clairvoyance dans laquelle elle avait prévu comme possibilité que la première grande manifestation de la faillite du capitalisme pourrait être non pas la crise économique aiguë mais d'abord l'explosion de la guerre impérialiste. Et c'est ce qui s'est produit. La bourgeoisie ne manque pas de ressources pour expliquer pourquoi elle envoie des pluies de bombes sur des populations, pourquoi elle consacre des parts toujours plus importantes de ses budgets pour inventer et fabriquer des armes toujours plus destructrices.
La nature et la cause de la guerre

A quelques nuances près, on peut assez facilement faire un inventaire exhaustif de ces explications : le pétrole, bien sûr, et plus largement les matières premières ; mais aussi la religion, la défense de la démocratie, la maîtrise de fous dangereux, la lutte contre le terrorisme, le respect du droit international, celui des droits de l'homme, la poursuite d'un but humanitaire, ou tout simplement, quand tout a été passé en revue, la nature humaine, qui veut que, comme disait Victor Hugo, "Depuis six mille ans, la guerre plaît aux peuples querelleurs. Et Dieu perd son temps à faire les étoiles et les fleurs ".
La poésie a son charme, mais plus encore que la philosophie, elle échoue à transformer le monde. La guerre est-elle inhérente à la nature humaine ? L'homme aime-t-il tant se battre ? L'humanité est-elle condamnée à engendrer des esprits malades dont la folie incontrôlable finira toujours par mettre le feu aux poudres, et ne pourra être contenue que par les armes ? En tant que marxistes, nous rejetons fermement cette explication.
Il est vrai de dire que la guerre fait partie de l'histoire des civilisations, mais ce n'est pas une raison qui ferait que la guerre devrait être un phénomène éternel. La guerre fait partie de l'histoire des civilisations parce que depuis qu'elle est sortie du communisme primitif, l'humanité n'a connu que des sociétés divisées en classes, c'est-à-dire des sociétés de pénurie et de concurrence, y compris bien sûr dans le capitalisme.
Dès sa naissance le capitalisme a connu la guerre : guerres d'unification allemande en 1866 et germano-française en 1871, guerre d'unification aux Etats-Unis entre 1861 et 1865, et également les guerres coloniales.
Mais cette situation a pris un tournant qualitatif avec l'entrée dans le 20e siècle. Le 20e siècle a connu deux guerres mondiales, qui ont eu leur théâtre au cœur même des grandes nations capitalistes. Elles ont vu des millions de prolétaires s'entretuer sous l'uniforme et surtout elles ont vu des destructions comme jamais on ne l'avait vu dans toute l'histoire de l'humanité : morts de millions de civils sous les bombardements conventionnels ou nucléaires, déportations et génocides de populations, destruction de pans entiers d'infrastructures économiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la guerre n'a pas cessé une seule seconde sur la planète. Elle a touché tous les continents, semant la mort et la destruction.
Il nous faut donc constater que la guerre menace de plus en plus l'humanité. Si la guerre au 20e siècle prend une telle ampleur, c'est que le capitalisme est arrivé à un stade ultime de son évolution. Les guerres du siècle précédent jalonnaient un capitalisme en pleine expansion. Elles permettaient la poursuite du développement du capitalisme dans le cadre de structures nationales plus solides, comme la guerre de sécession aux Etats-Unis ou encore permettaient la conquête de nouveaux marchés, comme dans le cas des guerres coloniales.
La Première Guerre mondiale, qui a marqué les prolétaires par sa barbarie et par son horreur, manifeste une rupture avec les guerres du siècle précédent. Désormais, l'objectif n'est plus de permettre au capitalisme de poursuivre son développement mais de voler les marchés des nations concurrentes, de les affaiblir et de s'emparer de positions stratégiques qui permettent d'imposer sa force face à elles. Cela sanctionne l'entrée du capitalisme dans sa période de décadence. Le capitalisme ne trouvant plus de nouveaux marchés à conquérir, alors qu'il est capable de produire beaucoup plus que les marchés solvables ne sont capables d'acheter, un cycle d'autodestruction commence.
Du point de vue capitaliste, la décadence se traduit dans une fuite éperdue dans la guerre. Comme disait Hitler : "Exporter ou mourir" ! Pour ces guerres, des ressources gigantesques deviennent nécessaires. Avec la décadence du capitalisme tout le potentiel économique est tendu vers la guerre, les budgets militaires, les productions de guerres deviennent gigantesques. Tout progrès technique, toute recherche scientifique, toute découverte est sous-tendu par un but guerrier.
Il y a donc une profonde différence entre les guerres de la période d'ascendance et celles de la période de décadence du capitalisme. Une différence pas seulement quantitative, mais aussi qualitative. Cela montre que le concept de décadence est incontournable si nous voulons comprendre la nature de la guerre dans le capitalisme, et surtout, nous devons comprendre que les guerres dans la période de décadence sont fondamentalement irrationnelles du propre point de vue capitaliste.

L'irrationalité des guerres

Quand nous parlons d'irrationalité, nous ne posons pas la question d'un point de vue moral, mais bien en tant que marxistes, d'un point de vue matérialiste et objectif. Avec la décadence du capitalisme les marxistes ont caractérisé les guerres du capitalisme comme des guerres impérialistes. Tous les pays sont impérialistes des plus grands au plus petits, tous ont un budget militaire et une armée, avec l'aide d'un plus grand ou non. Mais tous rêvent de conquérir ou de détruire leur voisin, ou d'avoir une influence particulière dans une région, sur un continent ou sur le monde.
Tout au long de la décadence les guerres du capitalisme ont évolué. La crise économique est permanente et irréversible. La bourgeoisie est parfaitement incapable de résoudre cette crise car elle ne dépend pas d'une bonne ou mauvaise gestion mais est l'expression, prévue par le marxisme, des contradictions internes du capitalisme qui se sont concrétisées au début du 20e siècle pour s'aggraver continuellement jusqu'à aujourd'hui.
Au moment de la Première Guerre mondiale, la bourgeoisie avait l'espoir que le camp qui sortirait vainqueur de la guerre pourrait imposer au vaincu un repartage du monde à son profit et récupérer ainsi les marchés du vaincu. Mais cette Première Guerre mondiale, déjà, avait démontré l'inanité, même pour les vainqueurs, des espoirs économiques. Toutes les nations (sauf les Etats-Unis pour des raisons particulières) en sont sorties économiquement affaiblies, y compris dans le camp des vainqueurs. Ce fut flagrant pour l'Angleterre notamment qui commença alors sa chute en tant que grande puissance. Le développement de la guerre s'est manifesté depuis, pour ce qu'il est : un pur produit logique et inéluctable de la crise historique du capitalisme, poussant chaque nation, à commencer par les plus grandes, à affronter leurs concurrentes dans une fuite éperdue pour survivre. La logique économique a de plus en plus laissé la place à la simple recherche de positions stratégiques pour pouvoir faire la guerre. La logique est la guerre pour la guerre. Un des exemples les plus saisissants de cette folie est illustrée par l'URSS qui s'est épuisée dans la course aux armements avec les Etats-Unis, au point de voir son économie s'effondrer comme un château de carte à la fin des années 1980. Encore une fois, c'est en comprenant l'évolution du capitalisme et son entrée en décadence, que l'on peut comprendre la nature irrationnelle de la guerre aujourd'hui. Et ce n'est pas une surprise que des groupes internationalistes, capables de dénoncer la guerre d'un point de vue prolétarien, soient en revanche incapables de voir l'irrationalité des guerres. En effet, ces groupes, en particulier le BIPR et les différents groupes bordiguistes, soit rejettent totalement le concept de décadence (les bordiguistes), soit le remettent de plus en plus en cause (le BIPR). Et de ce fait, si ces camarades parviennent parfaitement à prendre fait et cause pour l'internationalisme, par contre, ils n'arrivent pas à se défaire des explications rationnelles de la guerre, puisqu'ils n'arrivent pas à comprendre la différence qu'il existe entre les guerres de la décadence et celles de l'ascendance. Au point de voir la défense d'intérêts pétroliers dans le bourbier ex-yougoslave, en Irak ou en Afghanistan. La réalité est pourtant bien là. Pour l'Irak par exemple, qui peut soutenir aujourd'hui que l'intervention américaine a pour motivation principale la production de pétrole pour enrichir les grandes compagnies américaines ? Cela fait plus de huit mois que l'armée américaine est en Irak et pas une seule goutte de pétrole n'a été exportée.
Les mêmes constats s'imposent pour l'ex-Yougoslavie, pour l'Afghanistan etc. Là-bas ne règne plus que le chaos et l'insécurité, tout ce que le capitalisme craint le plus pour développer ses affaires. En déchaînant la guerre, le capitalisme détruit toujours plus le terrain sur lequel il peut évoluer : cette spirale est celle d'une faillite, et cette faillite place sur le devant de l'histoire la nécessaire destruction de ce système.

Que peut faire la classe ouvrière ?

Sur le chemin de sa lutte historique, la classe ouvrière rencontre la guerre impérialiste et est amenée à se questionner et à se soulever. Depuis sa naissance, la classe ouvrière se distingue des autres classes par son internationalisme. Le prolétariat n'a pas de patrie. L'internationalisme est la frontière fondamentale entre les classes.
Quand nous disons que tous les pays sont impérialistes, cela veut dire que les prolétaires n'ont rien à gagner et tout à perdre à défendre "leur" pays sous prétexte qu'il serait sous la domination d'un autre. Cette idéologie d'une nation faible agressée par un impérialisme, la bourgeoise l'a largement répandue tout au long des guerres qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, comme au Vietnam, ou aujourd'hui au sujet de la Palestine.
Face à ces mensonges les révolutionnaires s'en sont toujours tenus à un principe essentiel du mouvement ouvrier : l'internationalisme prolétarien. Une des grandes leçons des révolutionnaires défendant l'internationalisme prolétarien c'est que l'ennemi, c'est la bourgeoisie, de "son propre" pays ou d'ailleurs.
Que peut faire la classe ouvrière aujourd'hui pour défendre l'internationalisme ? Aujourd'hui la bourgeoisie ne mobilise plus massivement de troupes parmi les ouvriers : la guerre devient professionnelle, même si la pression du chômage fait endosser l'uniforme à bien des ouvriers désespérés. Aujourd'hui, la guerre se déclare sous des motifs plus sournois : combattre le terrorisme, détrôner des dictateurs sanguinaires, sauver la vie de milliers d'affamés. Mais au bout du compte, la guerre est la même, elle défend toujours les intérêts de la classe dominante. Le terrorisme reste dans sa grande majorité l'arme des Etats; ceux-là même qui prétendent le combattre ici, l'utilisent ailleurs. Les dictateurs sanguinaires sont de la même façon déchus ici et sacrés et protégés ailleurs. Enfin, les populations affamées continuent de mourir de faim, car sinon elles ne légitimeraient plus la présence des troupes.
Toutes les nations sont impérialistes, toutes les guerres doivent être dénoncées. Mais la dénonciation ne suffit pas, encore faut-il savoir sur quelle base on la fonde. Car la bourgeoisie sait très bien aussi dénoncer les guerres, en utilisant une arme dangereuse : le pacifisme. Le pacifisme n'est pas seulement le porteur d'une utopie d'un monde capitaliste sans guerre, il est aussi le moyen d'enrôler les ouvriers dans l'opposition à telle ou telle guerre. Chaque fois, le pacifisme s'exprime derrière les intérêts d'une bourgeoisie. Le pacifisme, c'est finalement le pendant du nationalisme. C'est-à-dire le pire poison qui puisse exister contre le prolétariat. Ce n'est pas un hasard si l'altermondialisme, la réponse adaptée de la bourgeoisie à la montée des questionnements dans la classe ouvrière, s'est à ce point investi dans ce créneau, en le spécialisant dans le chauvinisme anti-américain dont il s'est fait le plus grand porteur.
La classe ouvrière doit donc dénoncer non pas telle ou telle guerre, mais la guerre impérialiste, mode de vie du capitalisme décadent. Elle doit dénoncer la guerre comme étant l'expression de la faillite du capitalisme. Quelles que soient les formes spécifiques que peut prendre la guerre aujourd'hui, le prolétariat, et particulièrement celui des pays centraux, plus expérimenté, garde intact son rôle. C'est par sa lutte contre ce système et son déchaînement de misère et de barbarie, que le prolétariat pourra élever sa conscience jusqu'à remettre à l'ordre du jour de l'histoire l'alternative cruciale : "Socialisme ou barbarie".

G.

Récent et en cours: 

  • Guerre en Irak [44]

Questions théoriques: 

  • Guerre [45]

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