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Internationalisme no.341

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CONGO: Douze ans de massacres et de chaos

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La vision de centaines de milliers d'êtres humains en proie à la panique et au désespoir, fuyant les villes du Nord Kivu à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) vient nous rappeler une guerre qui n'a jamais cessé, un conflit dévastateur plus mortel qu'aucun autre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Entre 1998 et 2003, la RDC, avec l'aide de l'Angola, de la Namibie et du Zimbabwe, a repoussé les attaques du Rwanda et de l'Ouganda, et les hostilités ont perduré depuis, particulièrement au Kivu. Elles ont atteint un tel point qu'un accord de paix incluant un cessez-le-feu complet des groupes armés était signé en janvier de cette année.

Il ne fit pas long feu : des combats éclatèrent à nouveau en août provoqués par l'attaque de certaines villes et de camps (à la fois de militaires mais aussi de réfugiés) par le Congrès national de la défense du peuple de Laurent Nkunda, une milice forte de 5.500 hommes. Les déplacements de populations se sont alors aggravés. Il y avait déjà 850.000 personnes déplacées du fait des deux précédentes années de conflit. Depuis le mois d'août, 250.000 autres ont fui les combats, pour nombre d'entre elles pour la deuxième ou la troisième fois. Dans toute la RDC il existe 1,5 million de réfugiés et plus de 300.000 ont fui le pays.

Avec Goma, la capitale du Nord Kivu, assiégée par les forces de Nkunda, mais aussi partiellement terrorisée par les soldats congolais en pleine retraite pillant et saccageant sur leur passage, il existe de sérieux risques d'une reprise de la guerre totale. Déjà, depuis 1998, on dénombre 5,4 millions de morts, par la guerre et les violences qui y sont liées, par la famine et les maladies. Le directeur du Comité international de sauvetage considère que "le Congo est le conflit le plus mortel partout dans le monde depuis les 60 dernières années" (Reuters).

Une haine ethnique attisée par les rivalités des grandes puissances

Pour masquer la responsabilité criminelle des grandes puissances, les médias bourgeois présentent systématiquement le sanglant conflit comme une "guerre ethnique" (en somme une guerre de "sauvages"). De fait, le conflit prend des allures d'affrontement revanchard entre ethnies. Laurent Nkunda crie haut et fort que ses forces armées sont au Nord et au Sud Kivu parce que la RDC aurait dû amener différentes fractions hutues devant la justice. Le rôle de groupes tel que celui des Forces démocratiques de libération du Rwanda, dont le rôle dans le génocide de 800.000 Tutsis est bien connu, est en fait le même que celui des propres forces de Nkunda qui pillent systé-matiquement, violent et assassinent sur leur chemin à travers le pays. Ce n'est pas la première fois que l'appel à "défendre le peuple" sert en réalité à terroriser les populations. Au Rwanda et en RDC, l'incitation à la haine ethnique et au désir de vengeance continue à envenimer la situation.

Car en réalité, ce ne sont pas les populations de cette région, misérables, surexploitées et opprimées par leurs gouvernants et les bandes armées, qui se font la guerre, mais c'est bel et bien ceux qui les instrumentalisent, à savoir les grandes puissances impérialistes qui soutiennent les régimes africains en place et leurs opposants. En clair, ce sont les grandes puissances qui téléguident (à ciel ouvert ou en sous-main) les régimes et leurs opposants criminels qui continuent encore aujourd'hui à massacrer massivement les populations.

Soulignons plus particulièrement le cynisme criminel des autorités françaises et belges. En écho à son président Sarcozy qui pousse en coulisse l'Angola à intervenir militairement en faveur du régime congolais (soutenu par Paris), Bernard Kouchner, son ministre des affaires étrangères, s'est une fois de plus distingué en se comportant en cynique politicien va-t-en-guerre. En effet, dès le lendemain du redémarrage des tueries le 29 octobre, il fut le premier à réclamer publiquement l'envoi de renforts militaires (1.500 hommes) au Kivu derrière le motif que "c'est un massacre comme il n'y en a probablement jamais eu en Afrique".

Une société désintégrée

La RDC est un territoire 90 fois plus grand que le Rwanda, pour une population 6 fois plus importante, et elle n'a pourtant qu'une force militaire relativement petite, même avec l'aide des 17.000 hommes de l'ONU. Le retrait rapide de son armée devant une nouvelle offensive ne faisait aucun doute. L'état de cette armée décomposée reflète l'état de la classe dominante qui ne peut contrôler ses frontières ou ce qui les traverse. La réalité de douzaines de groupes lourdement armées, la plupart d'entre eux soutenus par des pays comme le Rwanda et l'Ouganda, certains d'entre eux plus déterminés à agir sur les conflits ethniques, d'autres cherchant plutôt à profiter de l'exploitation des ressources naturelles, est une expression de la gangstérisation de la société capitaliste. Dans un monde dominé par le "chacun pour soi", le gouvernement de la RDC ne peut avoir la situation en main, mais les gangs armés ne peuvent avoir d'autre ambition que de devenir de plus gros gangs, s'ils veulent survivre.

L'ONU: l'appendice des grandes puissances criminelles

Sous l'égide de l'ONU depuis 1994 (date du "génocide rwandais"), les guerres et les "accords de paix" se succèdent autour des Grands Lacs, malgré les résolutions et interventions de cet organisme. Il est clair que son rôle principal consiste à masquer la vraie raison de l'intervention des grandes puissances dans cette zone et à mystifier les consciences scandalisées par leurs propres crimes. La présence des forces onusiennes en RDC se résume par : "(...) la mission de maintien de la paix la plus ambitieuse de l'ONU, qui a déployé 17.000 hommes dans le pays. D'ailleurs, les résultats obtenus par cette mission sont peut-être plus inquiétants encore. Non seulement les casques bleus se sont montrés incapables de bloquer l'avance rebelle, mais ils ne sont pas parvenus non plus à protéger les populations civiles, ce qui est pourtant leur mandat" (1).

L'ONU n'est pas seulement inutile, elle est tout simplement criminelle. En réalité, les 17.000 hommes sur place ne sont pas là pour "protéger" les populations comme le prétend cette "institution", mais pour couvrir "légalement" les crimes des différents promoteurs qui se cachent derrière "l'aide humanitaire" sous le fallacieux prétexte que les casques bleus n'ont pas mandat d'affronter les groupes armés. Tel fut le cas à la veille des monstrueuses tueries rwandaises, où les hommes de l'ONU (avec à leur tête les Casques bleus belges) se firent évacués par leurs gouvernements dès l'apparition des redoutables "machettes". Plus près de nous, en 2004, c'est au nez et à la barbe des Casques bleus que les populations se sont fait massacrer lors des combats pour le contrôle de la ville de Bukavu.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi nombreux sont les habitants qui rejettent ouvertement leurs vrais "faux  protecteurs" onusiens en leur lançant sur leur passage des pierres et d'autres projectiles en guise de protestation contre leur passivité criminelle.

Au bout du compte cependant, les populations de la RDC et, avec elles, la classe ouvrière ne sont pas, malheureusement, au bout de leur peine. En effet, bien que totalement délabrée et en totale décomposition après 12 ans de destructions massives, la RDC ne cessera pas pour autant d'attirer plus que jamais les divers vautours assoiffés de sang. D'un coté, parce qu'elle est gorgée de toutes sortes de matières premières notamment les plus recherchées sur le marché mondial (2), de l'autre, parce qu'elle constitue de fait un point stratégique de par son immense territoire (4 fois la France), le Congo Kinshasa, et avec lui toute la région, restera la cible privilégiée de toutes les puissances impérialistes qui se le disputent bec et ongles. Le capitalisme n'est pas seulement en crise économique : il est aussi le champ de mort qui ronge la face de la planète.

Caramina / 21.11.2008

1) Courrier international, 7 novembre 2008

2) Principalement le diamant, le cobalt, le cuivre, l'or et le coltan (un minerai métallique utilisé dans l'électronique embarquée).

Géographique: 

  • Afrique [1]

GAZA: La solidarité avec les victimes de la guerre, c'est la lutte de classe contre tous les exploiteurs

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Nous publions ci-dessous la traduction de la prise de position sur les massacres au Proche-Orient et dans la bande de Gaza parue sur notre site internet en anglais dès le 31/12/2008. Les événements ont évolué depuis dans le même sens que notre dénonciation : l'usage systématique d'une terreur brutale contre le population bombardée par les voies terrestres, maritimes et aériennes et l'entrée des troupes israéliennes à Gaza depuis le 3 janvier au soir. Mais nous avons vu aussi, d'un autre côté, se manifester de façon croissante l'indignation de la population mondiale devant le déchaînement de ces atrocités et face à l'hypocrisie des grandes puissances. Un sentiment de solidarité s'est également affirmé envers la population pales-tinienne qui sert d'otage dans ce conflit entre fractions de la classe exploiteuse. En tant que révolutionnaires, nous dénonçons tous ceux qui prétendent dévoyer cette solidarité de classe sur le terrain pourri du nationalisme, de la défense d'une patrie contre une autre, alors que l'unique moyen pouvant libérer l'humanité de l'impérialisme de la guerre et de la barbarie, est, au contraire, le développement de l'internationalisme révolution-naire jusqu'à l'abolition de toutes les nations, de toutes les frontières et l'édification d'une véritable communauté humaine: le communisme.

 

Après deux ans d'étranglement économique de Gaza - sans essence et sans médicaments, bloquant les exportations et empêchant les ouvriers de quitter Gaza pour trouver du travail de l'autre côté de la frontière israélienne-, après avoir transformé l'ensemble de la bande de Gaza en un vaste camp de prisonniers, duquel des Palestiniens désespérés ont tenté de s'enfuir en cherchant vainement à passer la frontière avec l'Egypte, la machine militaire israélienne est en train de soumettre cette région très peuplée, appauvrie, à toute la sauvagerie des ses bombardements aériens. Des centaines d'entre eux sont déjà morts et les hôpitaux déjà débordés ne peuvent faire face au flot continu et sans fin des milliers de blessés. Les déclarations d'Israël disant que l'Etat essaye de limiter les morts civils sont une farce sinistre alors que chaque cible « militaire » est située près des quartiers d'habitations ; et alors que les mosquées et l'université islamique ont été ouvertement sélectionnées comme cibles, que reste-t-il de la distinction entre civils et militaires ? Le résultat est là : des cibles civiles, la plupart des enfants, tués et estropiés, et un plus grand nombre terrifiés et traumatisés à vie par les raids incessants. Au moment où cet article a été écrit, le premier ministre israélien, Ehud Olmert décrivait cette offensive comme une première étape. Les tanks attendaient donc à la frontière et une invasion totale de la bande de Gaza n'était pas exclue.

La justification d'Israël pour cette atrocité -soutenue par l'administration Bush aux Etats-Unis - est que le Hamas ne cesse de tirer des roquettes sur les civils israéliens en violation d'un prétendu cessez-le-feu. Le même argument a été utilisé pour soutenir l'invasion du Liban il y a deux ans. Et il est vrai qu'à la fois le Hezbollah et le Hamas se cachent derrière les populations palestinienne et libanaise et les exposent cyniquement à la revanche israélienne, présentant faussement le meurtre d'une poignée de civils israéliens comme un exemple de la « résistance » à l'occupation militaire israélienne. Mais la réponse d'Israël est absolument typique de toute puissance occupante : punir la population entière pour l'activité d'une minorité de combattants armés. L'Etat israélien le fait avec le blocus économique, imposé après que le Hamas ait chassé le Fatah du contrôle de l'administration de Gaza ; il l'a fait au Liban et il le fait avec les bombardements sur Gaza. C'est la logique barbare des guerres impérialistes, dans lesquelles les civils servent pour les deux côtés de boucliers et de cibles, et finissent presque invariablement par mourir en plus grand nombre que les soldats en uniforme.

Et comme dans toutes les guerres impérialistes, les souffrances infligées à la population, la destruction des maisons, des hôpitaux et des écoles, n'ont pour résultat que de préparer le terrain à de futurs épisodes de destructions. Le but proclamé d'Israël est d'écraser le Hamas et d'ouvrir la porte à un leadership palestinien plus « modéré » à Gaza, mais même les ex-officiers des services secrets israéliens (au moins un des plus... intelligents) peuvent voir la légèreté d'un tel argument. Au sujet du blocus économique de Gaza, l'ex-officier du Mossad Yossi Alpher déclarait : « Le siège économique de Gaza n'a amené aucun des résultats politiques attendus. Il n'a pas orienté les Palestiniens vers une haine anti-Hamas, mais a été probablement contre-productif. Ce n'est qu'une punition collective inutile. » Cela est encore plus vrai des raids aériens. Comme le dit l'historien israélien Tom Segev: « Israël a toujours cru que faire souffrir les civils palestiniens les rendrait rebelles à leurs leaders nationaux. Il est démontré que cette affirmation s'avère encore et toujours fausse. » (les deux citations sont extraites du Guardian daté du 30 décembre 2008). Le Hezbollah au Liban s'est vu renforcé par les attaques israéliennes de 2006 ; l'offensive contre Gaza aura probablement le même résultat pour le Hamas. Mais qu'il soit renforcé ou affaibli il ne pourra continuer à répondre que par d'autres attaques contre la population israélienne, et si ce n'est pas avec des roquettes, ce sera avec des bombes humaines.

La spirale de la violence exprime la décadence du capitalisme

Les leaders mondiaux « concernés » comme le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ou comme le pape, nous ont ressassé que de telles actions d'Israël ne servent qu'à enflammer la haine nationaliste et à alimenter la « spirale de la violence » au Moyen-Orient. Rien n'est plus vrai : le cycle du terrorisme et de la violence d'Etat en Israël/Palestine brutalise les populations et les combattants des deux côtés et crée encore de nouvelles générations de fanatiques et de « martyrs ». Mais ce que le Vatican et les Nations Unies ne nous disent pas, c'est que cette descente aux enfers dans la haine nationaliste est le produit d'un système social qui est partout en pleine décadence. L'histoire n'est pas différente en Irak où Chiites et Sunnites s'entr'égorgent, dans les Balkans où les Serbes font de même contre les Albanais et les Croates, en Inde et au Pakistan avec les conflits entre Hindous et Musulmans, ou encore en Afrique où la myriade de guerres avec les divisions ethniques les plus violentes serait trop nombreuse à énumérer. L'explosion de ces conflits à travers le monde est l'expression d'une société qui n'a plus de futur à offrir à l'humanité.

Et ce qu'on ne nous dit pas non plus, c'est l'implication des puissances mondiales démocratiques et humanitaires dans ces conflits, et c'est à peine si on entend parler de division entre elles. La presse britannique n'a pas gardé le silence sur le soutien de la France aux gangs meurtriers hutus au Rwanda en 1994. Elle est moins éloquente sur le rôle joué par la Grande-Bretagne et les services secrets américains dans les divisions Chiites/Sunnites en Irak. Au Moyen-Orient, le soutien de l'Amérique à Israël et celui de l'Iran et de la Syrie au Hezbollah et au Hamas sont évidents, mais le rôle de soutien « en sous-main » joué par la France, l'Allemagne, la Russie et d'autres puissances pour leur propre compte n'est pas moins réel.

Le conflit au Moyen-Orient a ses propres caractéristiques et ses causes historiques particulières, mais il ne peut être compris que dans le contexte global d'une machine capitaliste qui est dangereusement hors de tout contrôle. La prolifération de guerres sur toute la planète, la crise économique incontrôlable, et la catastrophe environnementale accélérée font de toute évidence partie de cette réalité. Mais alors que le capitalisme ne nous offre aucun espoir de paix et de prospérité, il existe une source d'espoir dans le monde : la révolte de la classe exploitée contre la brutalité du système, une révolte exprimée en Europe ces dernières semaines dans les mouvements de jeunes prolétaires en Italie, en France, en Allemagne et surtout en Grèce. Ce sont des mouvements qui, par leur nature même, ont mis en avant le besoin de la solidarité de classe et le dépassement de toutes les divisions ethniques et nationales. Ils ont été un exemple qui peut être suivi dans d'autres régions de la planète, celles qui sont ravagées par les divisions au sein de la classe exploitée. Ce n'est pas une utopie : déjà dans les récentes années passées, les ouvriers du secteur public de Gaza se sont mis en grève contre le non-paiement de leurs salaires presque simultanément avec ceux du secteur public en Israël en lutte contre les effets de l'austérité, elle-même produit direct de l'économie de guerre d'Israël poussée à son paroxysme. Ces mouvements n'étaient pas conscients l'un de l'autre, mais ils montrent la communauté objective d'intérêts dans les rangs ouvriers des deux côtés de la division impérialiste.

La solidarité avec les populations qui souffrent dans les zones de guerre du capitalisme ne signifie pas choisir « le moindre mal » ou soutenir la clique capitaliste « la plus faible » comme le Hezbollah ou le Hamas contre les puissances plus agressives comme les Etats-Unis ou Israël. Le Hamas a déjà montré qu'il était une force bourgeoisie d'oppression contre les ouvriers palestiniens -spécialement lorsqu'il a condamné les grèves dans le secteur public comme étant contre les « intérêts nationaux » et quand, main dans la main avec le Fatah, il a soumis la population de Gaza au combat d'une faction meurtrière contre l'autre pour le contrôle de la région. La solidarité avec ceux qui sont pris dans la guerre impérialiste signifie le rejet des deux camps belligérants et le développement de la lutte de classe contre tous les dirigeants et les exploiteurs du monde.

World Revolution, organe du CCI en Grande-Bretagne / 31.12.2008

Géographique: 

  • Moyen Orient [2]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [3]

LA BELGIQUE SUBIT DE PLEIN FOUET LA TORNADE ÉCONOMIQUE: Les travailleurs doivent refuser de payer pour la crise du capitalisme

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Le début de l'année 2009 a débuté sous les mêmes funestes auspices que la seconde moitié de 2008. Octobre 2008 : «Crash boursier le plus dur depuis 1970 » titrait De Morgen (11.10.08), alors qu'en Belgique, les titres Fortis et Dexia perdaient ¾ de leur valeur boursière. Janvier 2009: «Obama hérite d'une crise aux proportions historiques et met en garde contre une récession qui durera des années» annonce le même quotidien (DM, 20.01.09), pendant que la troisième banque belge, la KBC, voit sa valeur boursière s'effondrer sous l'impact des crédits toxiques. Et l'on est sans doute encore loin de voir la fin de la crise du système bancaire, qui est pourtant au cœur du fonctionnement du mode de production capitaliste : « Il est donc parfaitement possible que les crédits, dont les banquiers affirment aujourd'hui qu'ils sont parfaitement nets, se retrouvent demain parmi les produits toxiques, et que l'ensemble du portefeuille de crédits soit classé comme portefeuille toxique (...). Soyez certains qu'il y aura encore des pertes qui seront notées sur ces portefeuilles de crédits. A cause de la crise, les entreprises parviennent encore difficilement à rembourser leurs dettes ou font faillite. Les particuliers pour leur part connaissent le chômage et ont aussi des difficultés de paiement » (I. Van de Cloot, économiste en chef de l'Institut Itinera) » (DM, 24.01.09)

L'impuissance de la bourgeoisie face à la crise économique

Les difficultés du système bancaire provoquent de lourdes difficultés de trésorerie des entreprises et grèvent leurs capacités d'investissement. En conséquence, la crise bancaire se double de manière de plus en plus évidente d'un effondrement de la production (recul de la production industrielle dans la zone euro de 5,7% en un an) et de l'explosion du chômage (probablement 51 millions de chômeurs en plus en 2009 par rapport à 2007, d'après l'Organisation Internationale du Travail). Ainsi, rien qu'en un seul jour, des multinationales annonçaient la suppression de 62.000 emplois dans le monde (Corus, Caterpillar, Sprint Nextel, Philips, Pfizer, General Motors, Home depot, cf. DM 27.01.09).

Dans un tel contexte international, confrontée au besoin de défendre ses intérêts vitaux menacés dans la tourmente économique (cf. Fortis ou KBC par exemple), la bourgeoisie belge s'est vu obligée de mettre de côté ses déchirements politiques entre fractions régionales. Après 18 mois d'im-mobilisme politique et de crise des institutions, malgré la perspective paralysante pour elle d'un nouveau round électoral en juin (élections régionales et européennes), elle a mis en place un nouveau gouvernement sous la direction de l'ex-président de la chambre, Herman Van Rompuy. Si elle a amené ce politicien en fin de carrière à accepter « à contrecœur » le poste de premier ministre, c'est qu'elle se rend compte qu'elle ne peut attendre le résultat des manœuvres électorales pour gérer le mieux possible le tsunami économique qui saccage le capitalisme mondial : le nouveau premier ministre a d'ailleurs parlé de « la crise économique la plus grave depuis la seconde guerre mondiale ».

Que des mesures radicales s'imposent pour sauvegarder les intérêts de la bourgeoisie belge ressort clairement des dernières données économiques : produits bancaires toxiques représentant environ encore 62 milliards d'euro en Belgique (!!!) que le gouvernement devrait reprendre à travers par exemple la création d'une ‘bad bank' ; déficit budgétaire de 10 milliards en 2009 (soit 3% du Produit Intérieur Brut) et près de 15 milliards en 2010 (soit 4,3% du PIB ; DM, 20.01.09) ; recul des exportations et croissance négative du PNB de -1,9% (il y a un mois, la Banque Nationale prévoyait encore un recul de -0,2%), chômage technique massif qui risque de se transformer en 100.000 chômeurs supplémentaires en 2009 (DM, 12.01.09). Or, avec un marché intérieur limité et une économie massivement orientée vers les exportations, avec l'endettement le plus important au sein de l'UE en dehors de l'Italie, qui ne permet pas de laisser filer le déficit budgétaire, la bourgeoisie belge a peu de moyens pour mettre en place un plan de relance. La défense de ses intérêts est essentiellement orientée sur deux axes : le sauvetage de son système bancaire et l'amélioration de la position concurrentielle de l'économie nationale en baissant les charges des entreprises. Pour ce faire, elle laisse filer malgré tout l'endettement (l'effort de 10 ans d'austérité imposée à la classe ouvrière est effacé en six mois !), prépare des plans de réduction des dépenses sociales de l'Etat et veut imposer la modération salariale. Bref, que ce soit de manière directe et indirecte, ce sera une fois de plus pour l'essentiel la classe ouvrière qui paiera pour la tentative de sauvetage de la bourgeoisie belge, emportée dans les tourbillons du capitalisme en perdition.

Comment faire avaler à la population, et en particulier à la classe ouvrière, cette énième période d'austérité « incontournable » ? Comment lui faire accepter les sacrifices pour le bien de la « collectivité nationale » ? Voilà la question cruciale pour la bourgeoisie. Cela est d'autant plus délicat qu'il est difficile aujourd'hui d'encore offrir la perspective d'un renouveau du capitalisme : en effet, depuis les années '70, aussi bien le libéralisme ‘reaganien' appelant à moins d'Etat que la politique ‘néo-keynésienne prônant l'intervention de l'Etat ont montré leurs limites. La campagne des médias bourgeois a donc au contraire largement étalé l'ampleur de la catastrophe, dans le but d'effrayer les ouvriers et de leur faire accepter les « sacrifices indispensables » comme un moindre mal. Loin de cacher l'ampleur du désastre qui s'annonce, ils accumulent à longueur de pages les informations inquiétantes et les scénarios catastrophiques pour terroriser les travailleurs. L'objectif de cette politique est double : tout d'abord, le développement de la peur dans la population est un moyen traditionnel pour l'amener à rechercher une protection auprès de l'Etat et de lui accorder sa confiance. Ensuite, elle vise à convaincre les travailleurs de l'inutilité de s'opposer aux attaques et donc à orienter leur colère vers l'impuissance.

Pour organiser la résistance, il ne faut pas compter sur les syndicats

Les attaques du gouvernement et des patrons s'accumulent comme les nuages de tempête à l'horizon : réductions des budgets sociaux, chômage technique massif qui menace de devenir permanent, endettement de plus en plus pesant. Face à l'ampleur des menaces, une hésitation, un certain désarroi se manifeste parmi les travailleurs sur la manière d'organiser la résistance. C'est le moment que choisissent les syndicats pour se faire en décembre les principaux avocats d'un accord interprofessionnel garantissant deux années de ‘paix sociale' contre une aumône d'environ 10 euros d'augmentation des salaires au moyen de chèques repas (DM, 09.12.08). Mais surtout, ils appellent l'ensemble des interlocuteurs à « assumer leurs responsabilités pour la sauvegarde du modèle de concertation sociale à la Belge ». Pour le sauvetage de la position concurrentielle de l'économie belge et des profits du capitalisme national, les syndicats sont prêts à collaborer à l'imposition d'une austérité drastique à la classe ouvrière.

D'un point de vue historique, ce n'est pas la première fois qu'ils se positionnent à la tête de la sainte alliance pour la défense du capitalisme. Déjà au moment de l'éclatement de la première guerre mondiale il y a près d'un siècle, ils n'ont pas hésité à se placer du côté des capitalistes pour défendre la « patrie » et à briser toute opposition contre la guerre dans les usines comme de la « haute trahison ». Et il n'en alla pas autrement lors de la dépression des années '30, de la seconde guerre mondiale ou de la période de reconstruction qui s'en suivit. Ils n'agissent pas autrement aujourd'hui : en décembre 2007, tous les syndicats fraternellement unis avaient organisé à Bruxelles une manifestation nationale pour la sauvegarde du"pouvoir d'achat et pour la solidarité (« sauvons le pouvoir d'achat et la solidarité ») ; à l'automne encore, ils roulaient des mécaniques et annonçaient de larges mobilisations contre les attaques. Et aujourd'hui, ils soutiennent la nécessité de sacrifices quand les temps sont durs, saluant par exemple l'extension massive du chômage technique comme un moindre mal, et étouffent dans l'œuf les tentatives de résistance dans les entreprises. Ainsi, ils ont refusé de reconnaître la grève sauvage de plusieurs dépôts des transports communaux bruxellois. Et lorsqu'ils ont remarqué qu'un comité de solidarité ‘interentreprises' avait été constitué par des travailleurs de divers secteurs autour de l'usine Beckaert Hemiksem, menacée de fermeture, qu'ont-ils fait ? Ils l'ont transformé en un comité de protection des droits des délégués syndicaux dans les entreprises menacées ! Bref, cette manifestation de la volonté de com-bativité et de recherche de la solidarité au-delà de l'usine et du secteur et en dehors des canaux syndicaux a été transformée en un instrument de la lutte syndicale. Viser à étouffer toute expression de combativité dans l'œuf et à la transformer en instrument de solidarité avec la démocratie bourgeoise, voilà comment les syndicats complètent à merveille l'ensemble du dispositif bourgeois pour dés-amorcer la combativité ouvrière, la rendre impuissante et ne laisser d'autre choix que de se ranger docilement derrière l'Etat bourgeois.

La crainte de la récession économique peut être inhibitrice, provoquer dans un premier temps un certain désarroi parmi les travailleurs et renforcer le sentiment d'atomisation et d'impuissance face aux ravages de la crise. Mais à terme, elle amènera aussi à se poser les questions sur le mode et les objectifs de la lutte contre les attaques de leurs conditions de vie. Dans ce sens, pour développer un combat massif et uni de l'ensemble des travailleurs, indispensable face à la poursuite inévitable des attaques, il faut tirer les leçons du sabotage syndical. Et une des leçons centrales, c'est que, pour pouvoir se battre efficacement, opposer une riposte unie et solidaire en recherchant toujours plus l'extension de leur lutte, les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Ils n'auront pas d'autre choix que de prendre eux-mêmes leurs luttes en mains et de déjouer tous les pièges, toutes les manœuvres de division et de sabotage des syndicats.

Jos / 30.01.09

Situations territoriales: 

  • Belgique [4]

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