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Accueil > Luttes de décembre 95 dans la fonction publique en France - victoire pour les syndicats ; défaite pour la classe ouvrière > I - Une manoeuvre de portée internationale visant à renforcer le contrôle des syndicats sur la classe ouvrière > 2 - L'extension internationale de la manoeuvre

2 - L'extension internationale de la manoeuvre

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Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]

L'exemple français utilisé contre le prolétariat en Europe

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Des attaques anti-ouvrières d'une ampleur similaire à celles de la France sont à l'ordre du jour un peu partout pour les bourgeoisies européennes, comme dans l'ensemble des Etats les plus industrialisés.

 

Pour faire passer de telles attaques, la grande manoeuvre réussie par la bourgeoisie française enthousiasme et inspire ses consoeurs. Tous les médias se sont fait l'écho complaisant de la "grande grève ouvrière française" et de ses "risques de contagion" qui font la "une" de la presse européenne ; ainsi, le "Corriere délia Sera» émet l'idée que "le malaise français pourrait se propager dans toute l'Europe, et naturellement en Italie". Et ce sont bien sûr les syndicats et les partis de gauche qui sont en première ligne pour inviter les ouvriers à "suivre l'exemple donné par les travailleurs français", selon l'expression du secrétaire général du PC espagnol, Anguita. D'ailleurs, le congrès du PCE votait dans la foulée une résolution pour "appuyer, féliciter et encourager les salariés de France". En Allemagne, la puissante centrale syndicale DGB "assurait de sa sympathie les grévistes qui se défendent contre une grande attaque au droit social" tandis que le syndicat des postiers leur adressait un message de soutien, et que PIG-Metall affirmait que "la lutte des Français était un exemple de résistance contre les coups portés aux droits sociaux et politiques". De même, les trois principaux syndicats italiens "saluaient et soutenaient" en choeur cette "lutte massive". En Grèce comme en Italie, des meetings et des manifestations autour de la lutte en France sont animés par des groupes gauchistes. En Allemagne, une manifestation appelée le 14 décembre à l'initiative de collectifs étudiants et de la "gauche alternative" à Berlin sur la défense des immigrés et des "initiatives sociales" s'est transformée en "manifestation de solidarité avec ce qui se passe en France", accordant la vedette à un cheminot français gréviste.

 

De fait, les syndicats ont aussi d'ores et déjà sauté sur l'occasion pour tenter d'entraîner des secteurs entiers de la classe ouvrière dans le même piège qu'ici, et dans la défaite, en embrayant l'organisation d'une série de grèves et de manifestations "sur le modèle français". L'exemple le plus significatif est celui de la Belgique où, après .une manifestation d'étudiants et d'enseignants à Liège qui s'est terminée par un affrontement violent avec la police et les gendarmes à cheval, et une grève d'un mois des salariés d'Alcatel face à des licenciements, les syndicats ont organisé une manifestation unitaire en défense des services publics le 13 décembre, rassemblant entre 40 et 50 000 personnes dans les rues de Bruxelles, et mettant en première ligne les cheminots de la SNCB (après une grève tournante de trois jours qui avait paralysé l'ensemble du trafic ferroviaire) et les salariés de la Sabena qui avaient également perturbé les transports aériens. La propagande de la bourgeoisie oppose le caractère "bien canalisé" de la manifestation par les deux principaux syndicats étroitement liés à la coalition au pouvoir responsable des attaques gouvernementales à la pseudo-» organisation par la base des luttes en France". Elle ne fait ainsi que tendre un piège qu'elle s'apprête à refermer sur les ouvriers en Belgique lors de l'annonce du projet de "réforme" de la Sécurité sociale qui sera rendu public en janvier prochain.

"Révolution Internationale" n°252 Janvier 1996

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]

En Belgique comme en France : Les syndicats entraînent les prolétaires vers la défaite

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Les bourgeoisies européennes ne se limitent pas à étaler "l'exemple français" dans leurs médias mais tiennent à l'exploiter pour étendre la défaite dans d'autres pays. Les syndicats ont partout en Europe d'ores et déjà sauté sur l'occasion pour tenter d'entraîner des secteurs entiers de la classe ouvrière dans le même piège qu'en France, en embrayant l'organisation d'une série de grèves et de manifestations "sur le modèle français". L'exemple le plus significatif est sans nul doute le développement des manoeuvres syndicales en Belgique durant ces derniers mois.

 

La bourgeoisie belge, comme en France, est confrontée à la nécessité impérieuse de lancer une série d'attaques particulièrement dures : réforme de la Sécu et du système d'indexation des salaires, dégraissage de la Fonction publique et nouvelle série de licenciements dans le privé. Elle sait pertinemment qu'elle ne s'arrêtera pas là et qu'elle devra continuer à porter des attaques frontales contre les conditions de vie de la classe ouvrière, auxquelles cette dernière réagira en développant ses luttes et son expérience.

 
 

La bourgeoisie exploite "l'exemple français"...

 

C'est pourquoi la bourgeoisie a pris les devants. Déjà depuis plusieurs mois, comme dans les autres pays européens, la bourgeoisie a lancé ses syndicats dans une série d'actions préventives pour renforcer leur crédibilité et leur contrôle, et pour entretenir et semer la confusion au sein de la classe ouvrière. Les mouvements en France contre le plan Juppé lui ont permis de passer à la vitesse supérieure, par l'exploitation habile de toute la campagne lancée autour de ce "nouveau mai social". Gouvernement, patronat et syndicats, fraternellement unis dans la défense de l'ordre capitaliste, ont développé un piège perfide visant à entraîner certains secteurs de la classe ouvrière en Belgique à leur tour dans une lutte prématurée, afin de leur infliger une défaite devant servir de leçon pour l'ensemble de la classe ouvrière.

 

Les différentes phases de la mise en place du piège sont éclairantes :

  • Fin novembre : Tandis que les syndicats lancent une campagne générale autour de la défense du secteur public, menacé par la réforme de la Sécu et les privatisations, gouvernement et patronat effectuent une provocation inouïe dans deux secteurs particuliers : à la SNCB, un plan de restructuration prévoit une réduction des dépenses de 70 milliards sur 10 ans avec près de 9.000 pertes d'emplois, une réduction de 5% des salaires et des "avantages sociaux" ; à la Sabena, le patron suspend les conventions collectives en vigueur et annonce une nouvelle réduction des salaires conjuguée à une "flexibilité" maximale.

Une fois de plus, nous voyons comment gouvernement, patronat et syndicats se répartissent le travail : les provocations doivent faire voir rouge aux travailleurs et assurer la mobilisation derrière les syndicats qui ont soigneusement préparé l'occupation du terrain social. Ainsi, le ras-le-bol, la volonté d'en découdre sont habilement utilisés contre les travailleurs, engagés dans une série de grèves syndicales tournantes. Celles-ci permettent aux syndicats de se placer sur le devant de la scène, se présentant comme "radicaux" et "défenseurs des intérêts ouvriers", et de développer leur manoeuvre dans laquelle les cheminots et les ouvriers de la Sabena sont mis dès le départ à l'avant-plan.

  • Début décembre : Soudain, la bourgeoisie semble hésiter et repousse les échéances des attaques : à la Sabena, le ministre du Travail nomme un médiateur pour reprendre les négociations à zéro ; à la SNCB, le gouvernement fait brusquement des propositions de prise en charge des investissements pour le TGV et le réseau intérieur par l'Etat ; même les échéances concernant la Sécu sont reportées en janvier et le Premier ministre se veut rassurant : "Ce ne sera pas le 'big bang' comme en France."

Ce "recul" est bien sûr présenté par les médias comme une "première percée grâce à la mobilisation syndicale", alors qu'à aucun moment bien sûr la bourgeoisie n'a manifesté la moindre intention de suspendre ses attaques ("Plus d'argent pour la SNCB ne signifie donc pas qu 'il faudra faire moins d'économies." ("De Morgen" du 9 décembre). Sur base de cette "première victoire syndicale", la bourgeoisie passe alors à l'étape suivante :

 
  • en focalisant l'attention sur la France et en exploitant l'exemple de la "lutte massive en France" pour stimuler une ample participation des ouvriers dans les mobilisations syndicales en Belgique ;
  • en centrant l'attention des travailleurs sur l'importante manif syndicale du 13 décembre de "l'ensemble du secteur public" (50.000 participants).
 
 

...pour pousser les ouvriers derrière les syndicats

 

Cette manifestation générale de la fonction publique avait de toute évidence un rôle très important dans la manoeuvre de la bourgeoisie.

 

L'ensemble de ses orientations en témoignent :

 
  • la manifestation se présentait comme une "large mobilisation du secteur public". De fait, elle visait à entraîner un maximum de secteurs de la fonction publique sous les bannières syndicales. Ainsi, la manif affirmait promouvoir "l'extension" vers le privé, avec la présence de délégations syndicales d'entreprises comme VW Forest, et même sur un plan international, une délégation CGT des cheminots de Lille, venue "exprimer sa solidarité avec les cheminots belges". En réalité, la seule "extension" que les syndicats propagent, c'est l'extension de leurs manoeuvres contre la classe ouvrière ;
  • la manif prétendait enfin, avec la présence des étudiants en son sein, présenter une perspective, celle d'une recherche de la solidarité dans les "grands mouvements populaires". Cette "solidarité" que les syndicats proposent n'est en vérité rien d'autre que la dissolution de la classe ouvrière dans le magma informe de la "population", ce qui lui enlève toute revendication spécifique de classe.
 
 

Bref, tout était mis en oeuvre pour pousser de larges secteurs de la classe ouvrière dans la mobilisation syndicale. Ayant assuré et renforcé son contrôle sur le mouvement, la bourgeoisie lance, dans les mêmes secteurs, deux jours après la manif nationale, une nouvelle provocation qui illustre une fois de plus la collusion absolue entre gouvernement, patronat et syndicats. Le vendredi 15, le conseil de direction de la SNCB adopte "à l'improviste" le plan de restructuration contesté, ce qui provoque un coup de colère des syndicats "mis devant le fait accompli". Mensonges évidemment ! Comme ils ont des représentants au conseil de direction, les syndicats étaient parfaitement au courant de l'ordre du jour. Les 18 et 19 éclatent un peu partout parmi les cheminots des grèves "spontanées" face à la provocation, soigneusement encadrées par les syndicats qui les suspendent "jusqu'après les fêtes" : "Nous aurions préféré ne développer des actions qu'après les vacances mais la base n est apparemment pas du même avis. Nous soutenons ces gens." (M. Bovy du syndicat social-chrétien) Quelle hypocrisie ! Derrière cette "spontanéité" du mouvement, il y a une stratégie de la tension qui a soigneusement été préparée par l'ensemble des forces de la bourgeoisie et qui utilise, exactement comme en France, les cheminots comme appât pour attirer d'autres parties de la classe ouvrière dans le piège. Le 19 et le 20, c'est à la Sabena que, face au refus du patron de retirer sans conditions la suspension des conventions collectives en vigueur, les syndicats déclenchent une grève "dure" de 48h (pour en assurer le succès, la direction avait d'ailleurs demandé à tous les employés de rester à la maison) avec blocage de l'aéroport, puis la dramatisent à travers le piège de l'occupation du tarmac, provoquant une intervention des forces de l'ordre, et la "radicalisent" le jour suivant au moyen d'une manif avec la participation de délégations syndicales de diverses entreprises privées (SNCB, VW, Volvo, Sidmar, Belgacom, Renault), venues "manifester leur solidarité" et affirmer aux travailleurs de la Sabena que "leur lutte constitue un laboratoire social pour l'ensemble des travailleurs". De cette façon, une fois de plus, les syndicats utilisent les travailleurs de la Sabena pour entraîner d'autres secteurs dans la manoeuvre.

 

Le but est clair. Comme en France, la bourgeoisie lance une partie de la classe ouvrière dans une lutte prématurée, en exploitant pleinement "l'exemple français", afin de préparer l'avenir en affaiblissant la classe ouvrière. Comme en France, son objectif central est non seulement de re-crédibiliser ses syndicats mais, plus encore, d'amener la classe ouvrière à leur faire confiance.

"Révolution Internationale" n°253

Février 1996

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]

Les bourgeoisies européennes suivent l'exemple de décembre 95 en France

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La manoeuvre anti-ouvrière de novembre/décembre 95 en France n'était pas un fait isolé, mais bien le signal d'une vaste offensive internationale de la classe dominante contre son ennemi mortel. Ce printemps, c'est en Belgique et en Allemagne qu'on a pu voir les syndicats, en pleine complicité avec leurs gouvernements respectifs, mettre en scène toute une agitation «radicale» afin de renforcer leur crédibilité et leur emprise dans les rangs ouvriers. Tout ce remue-ménage ne vise à rien d'autre que faire passer les attaques présentes de la bourgeoisie et préparer le terrain à celles qui suivront, en occupant au maximum le terrain social.

 

Les événements d'Allemagne et de Belgique, tout comme ceux de France l'automne dernier, loin d'être la manifestation d'une explosion de la colère ouvrière ont été autant d'initiatives de la bourgeoisie pour prendre les devants de cette colère AVANT que celle-ci ne s'exprime spontanément face aux attaques du capital..

 

En Allemagne...

 

Après s'être faits des mois durant les champions du «pacte pour l'emploi» (par lequel la bourgeoisie allemande entend faire accepter aux salariés des coupes claires dans les salaires au nom de la «sauvegarde de l'emploi»), les syndicats d'outre Rhin ont spectaculairement et brusquement changé de ton. «"Nous avons quitté le consensus pour entrer dans la confrontation" déclarait, fin avril, le président du DGB Dieter Schulte, après l'échec du «sommet social» entre gouvernement, patronats et syndicats consacré au fameux pacte. De son côté, le gouvernement Kohl annonçait un programme d'austérité particulièrement brutal qui n'était pas sans rappeler l'annonce par Juppé de son fameux «plan» à l'automne 1995 en France : gel des salaires dans la Fonction publique, baisse des indemnités de chômage et des prestations de sécurité sociale, allongement du temps de travail, allongement de l'âge de la retraite, suppression de l'autorisation de licenciement, abandon du principe de l'indemnisation à 100% des absences pour maladie.

 

Si la bourgeoisie avait voulu donner aux syndicats l'occasion de rompre «le consensus» pour s'offrir à la place une image radicale et combative, elle n'aurait pas agi autrement. Et effectivement le spectacle, très médiatisé, du pseudo-radicalisme syndical est allé crescendo depuis début mai. Les syndicats organiseront ainsi une série de «grèves d'avertissement» et de manifestations dans le secteur public qui seront complaisamment rapportées par les médias. Ils orchestrent des débrayages de quelques heures -en réalité très minoritaires-, parfaitement huilés, ville après ville, corporation après corporation, ici les transports en commun, là les postes, plus loin les éboueurs ou les crèches. Les médias multiplient les commentaires complaisants à l'égard de ces actions syndicales et déploient leurs caméras pour renvoyer un déluge d'images et donner l'impression d'un pays paralysé.

 

Dans le même temps la confédération DGB de l'industrie multiplie, par la bouche de Schulte, les menaces d'un «été chaud». Une énorme publicité est faite aux préparatifs de la «marche sur Bonn» du 15 juin, programmée des semaines à l'avance pour être «la plus massive depuis 1945» avec 200.000 manifestants attendus et, fait historique, appelée conjointement par tous les syndicats, du privé et du public. Schulte prévient qu'elle ne sera «que le début d âpres conflits sociaux qui pourrait conduire à des conditions à la française» et annonce finalement le 10 juin que «même la grève générale n est plus exclue».

 

Ainsi, pendant des semaines, aussi bien en Allemagne que dans les médias à l'étranger, le spectre d'une réédition outre-Rhin de l'énorme et spectaculaire mobilisation syndicale de l'automne dernier en France a été brandie à qui mieux mieux, les syndicats allant jusqu'à faire agiter des drapeaux français à leurs troupes lors des manifestations.

 

Quelques jours avant la «marche», les négociations du secteur public accouchent d'un accord qui concède finalement de maigres augmentations de salaires et la promesse de ne pas remettre en cause les indemnités de maladie, deux points qui étaient au coeur de «l'intransigeance» syndicale. Les syndicats ne manquent pas de mettre ce pseudo-recul à l'actif de leur agitation et de leur détermination. Le «Tous à Bonn» lancé sur tous les médias par les syndicats et les moyens déployés par ceux-ci pour permettre la venue d'un maximum de leurs affiliés (des milliers de cars et près de 100 trains spéciaux) feront de la marche du 15 juin, avec ses 350.000 participants, une grand messe à la gloire des syndicats et le point d'orgue du scénario. Certes on est loin du «Juppéthon» de Blondel et Viannet, mais jamais les syndicats allemands n'avaient pu se glorifier d'un tel succès, d'une telle démonstration de force, d'une telle capacité à occuper et baliser le terrain social.

 

...comme en Belgique,...

 

Après avoir mis sur pied cet hiver une manoeuvre qui était quasiment la copie conforme de celle de la bourgeoisie française [2], la bourgeoisie belge poursuit sa stratégie de renforcement des syndicats.

 

C'est ainsi que, à l'instar des syndicats allemands, et après avoir signé avec le gouvernement et le patronat un «contrat d'avenir pour l'emploi» sur le même principe qu'en Allemagne, les syndicats belges se sont offert un virage à 180° en dénonçant brutalement cet accord, «après consultation de leur base». Ce revirement spectaculaire, là encore très médiatisé, leur a permis de s'offrir une image «démocratique», soucieuse de la volonté des ouvriers et surtout de se blanchir de toute responsabilité dans les plans d'attaques contre la classe ouvrière que le gouvernement se prépare à mettre sur pied.

 

En parallèle, ces mêmes syndicats s'enorgueillissent de la longue «lutte des enseignants», qui enferme depuis le mois de février les travailleurs de l'éducation dans un conflit à la fois hyper corporatiste et interclassiste contre les réformes de l'enseignement. S'appuyant sur un secteur de la classe ouvrière qu'ils contrôlent particulièrement bien, ce conflit, après celui de la SNCB et de la Sabena cet hiver, leur permet de s'offrir une image radicale et «unitaire» tout en piégeant les salariés dans une grève longue et corporatiste, en les noyant dans un large mouvement interclassiste incluant parents d'élève et étudiants et en les entraînant sur le terrain pourri de la défense de l'éducation et de la démocratie.

 

Avec le 1er mai, les syndicats vont s'offrir un nouveau coup du pub en transformant la traditionnelle de la «fête» annuelle que la FGTB organise d'habitude chaque année avec le PS en chahut organisé contre ce même parti impliqué dans le gouvernement. Tout ce cinéma visait bel et bien à permettre aux syndicats de se démarquer de la gauche au gouvernement.

 

...le même piège anti-ouvrier

 

Ces manoeuvres n'ont pas été seulement à «usage national». La dimension internationale de «l'automne chaud» français est largement visible à travers la médiatisation européenne et même mondiale des événements et à travers l'utilisation qui en a été faite pas les syndicats des pays voisins qui ont pu ainsi faire rejaillir sur eux l'image «combative» que se sont offerts les syndicats français. De même, la radicalisation des syndicats allemands, leurs menaces appuyées d'un «été chaud» et les commentaires alarmistes des médias européens sur «la fin du consensus à l'allemande» viennent à leur tour relayer l'idée que les syndicats sont capables, même là où ils ont une tradition de concertation et de négociation, d'être d'authentiques «organes de lutte» pour la classe ouvrière et même des organes de lutte efficaces, capables d'imposer, contre l'austérité gouvernementale et patronale, la défense des intérêts ouvriers.

 

Mais ces manoeuvres préventives ont en même temps un autre but, celui d'attaquer idéologiquement la conscience des ouvriers. Ainsi, tout «intransigeants» et «combatifs» qu'ils se présentent, les syndicats n'ont pas manqué, en Allemagne comme en Belgique, de continuer à faire passer l'idée qu'«il faut accepter les sacrifices». Le «tournant» du DGB allemand a été précédé et accompagné d'une répugnante campagne nationaliste, pleinement appuyée par les syndicats eux-mêmes, selon laquelle il fallait se battre pour sauver la compétitivité du capital national grâce à un «partage équitable des efforts entre tous». Cette puante idéologie de soumission aux intérêts de «son» entreprise, de «son» secteur et de «son» capital national, s'accompagne d'une stratégie de division qui dresse les différents secteurs de la classe ouvrière les uns contre les autres, en les poussant à se battre pour «leur part de ce qu'il reste du gâteau» : salariés du privé contre «nantis» du public, ouvriers actifs contre chômeurs, ouvriers autochtones aux salaires «trop hauts» contre ouvriers étrangers et immigrés, ouvriers de l'Est de l'Allemagne contre privilégiés de l'Ouest, etc.

 

Voilà le double piège à travers lequel la bourgeoisie prépare l'inévitable confrontation avec la classe ouvrière.

"Révolution Internationale" n°258 Juillet/août 1996

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en France [1]

URL source:https://fr.internationalism.org/content/3122/2-lextension-internationale-manoeuvre

Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france [2] https://fr.internationalism.org/en/content/3128/belgique-france-syndicats-entrainent-proletaires-vers-defaite