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Internationalisme no. 329

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"Politique-fiction" sur la fin de la Belgique

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Le soir du 14 décembre, la RTBF annonçait la fin de la Belgique, le parlement flamand ayant voté l'indépendance. Ce n'est qu'au bout d'une demi-heure que la RTBF consentit à prévenir les téléspectateurs en plaçant en sous-titre: "ceci est peut-être une fiction". Les réactions outrées des principaux dirigeants politiques relèvent de la plus haute comédie. Qui peut croire que ces gens-là n'étaient pas au courant du contenu de cette "politique-fiction" en chantier depuis deux ans, dont le thème central, l'éclatement de la Belgique, n'en est plus au coup d'essai sur les ondes nationales? Au-delà de la grotesque théâtralisation par les médias et les milieux politiques pour forcer le trait, il faut surtout constater que cette émission "électrochoc" sur le communautaire n'est pas tombée n'importe quand : elle a eu lieu au moment même où l'ensemble de la population et de la classe ouvrière du pays se préoccupait du coup sauvage porté aux travailleurs de VW. La RTBF aurait mieux fait de sous-titrer son émission : "ceci n'est sûrement pas un hasard".

Certes, les tensions communautaires ont leurs racines historiques dans la constitution même de l'Etat belge (lire nos articles sur la question dans Internationalisme 319, 321 et 323). Celui-ci était une création contre-révolutionnaire et artificielle, mis en place par les grandes puissances de l'époque, comme un cadre étriqué et non progressif, défavorable pour l'industrialisation et l'instauration de rapports sociaux modernes. C'est en particulier l'entrée en décadence du capitalisme qui mettra inexorablement à nu le manque inhérent de cohésion de la "nation belge" et tendra à exacerber de plus en plus les contradictions au sein de la bourgeoisie. L'extension de la décomposition et du "chacun pour soi" dans le monde à la fin du 20ème siècle renforce encore les poussées centrifuges et les tensions communautaires, et rend la recherche et l'imposition de ces équilibres de plus en plus difficiles, ce qui débouche régulièrement sur des rapports à couteaux tirés entre fractions régionales de la bourgeoisie belge et leurs partis politiques. Toutefois, malgré ces difficultés permanentes, inhérentes à la constitution de son Etat, la bourgeoisie belge a toujours réussi à exploiter de manière magistrale ses propres faiblesses contre la classe ouvrière, faisant même des divisions et oppositions communautaires un de ses fers de lance dans l'encadrement et le sabotage des combats ouvriers. Depuis 50 ans, elle les utilise systématiquement pour empêcher l'unification de la classe ouvrière sur son terrain de lutte, en jouant les différences entre les régions : l'arme régionaliste fut un puissant instrument pour contenir et désamorcer les combats contre la fermeture des mines, d'abord en Wallonie, puis en Flandre, de la sidérurgie wallonne et des chantiers navals flamands. Et aujourd'hui, les médias bourgeois martèlent à longueur de journée que " l'enseignement serait plus performant en Flandre", "les chômeurs moins sanctionnés en Wallonie", etc. De même, une des forces de l'encadrement par les syndicats est le fait qu'ils séparent non seulement les travailleurs par secteurs et par usines, mais également par région.

Or, la terrible agression contre les travailleurs de VW allait diamétralement à l'opposé de cette tendance : du fait de la position géographique de l'usine (Bruxelles), et surtout du fait de la composition de la force de travail en parties quasi égales de travailleurs des deux régions, la carte de la mystification régionaliste, de la division entre Wallons et Flamands n'a pu être exploitée dans l'imposition de la restructuration de VW. Tout au contraire même, à travers l'attaque en soi mais aussi à travers les expressions de solidarité venant de l'ensemble des régions, un début de prise de conscience commençait à s'exprimer parmi les travailleurs que l'ennemi n'est pas le travailleur wallon ou flamand, mais un système sans perspectives et les forces qui le défendent; un début de prise de conscience donc, qui remet en question ce qui constitue historiquement un des barrages fondamentaux mis en place par la bourgeoisie belge contre le développement de la lutte ouvrière, en particulier en période de décadence (prise de conscience que patrons, syndicats et partis ont d'ailleurs essayé de limiter en instillant l'idée que c'étaient les travailleurs allemands qui étaient responsables du choix de VW de licencier en Belgique plutôt qu'en Allemagne). Cette compréhension, pour la bourgeoisie, il fallait à tout prix la contrer en remettant au centre de l'attention les contradictions traditionnelles afin d'empêtrer à nouveau les travailleurs dans les filets des mystifications bourgeoises.

Pour tout cela, la classe ouvrière n'a pas à s'impliquer dans les multiples mystifications que cette campagne développe, ni à prendre en compte les illusions de la prochaine foire électorale où nous verrons monter les discours communautaires d'une part, et de l'autre les accents visant à maintenir la cohésion de l'Etat. Tirant les leçons du conflit chez VW, la classe ouvrière doit continuer à lutter en s'efforçant de se dégager de tous les pièges qui jalonnent le parcours de la reconquête de son identité de classe : contre toutes les divisions sectorielles, régionales, nationales. C'est l'enjeu central de la lutte de classe pour le futur.

Situations territoriales: 

  • Belgique [1]

A propos d'un article de l'OCL: Emeutes de banlieue ou mouvement anti-CPE, quelles méthodes de luttes pour l’avenir ?

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L'Organisation Communiste Libertaire en France (OCL) a publié dans son mensuel Courant Alternatif de l'été 2006 un long dossier au titre des plus prometteur : "Les émeutes de banlieues au regard du mouvement anti-CPE". Rares sont les organisations qui aujourd'hui reviennent ainsi sur la lutte exemplaire du printemps dernier. Le mouvement des étudiants en France est pourtant une mine d'or pour l'ensemble du prolétariat mondial. Sa dynamique et ses méthodes sont autant de leçons pour développer partout la prise en main des luttes par la classe ouvrière. Vouloir comprendre les émeutes des banlieues "au regard du mouvement anti-CPE" est donc de toute première importance. Et l'OCL pose d'emblée la bonne question : "L'immense élan de solidarité dont a bénéficié au début de l'année 2006 la jeunesse scolarisée mobilisée contre le CPE [...] incite à se repencher sur la révolte sociale qu'ont connu de nombreux quartiers populaires à l'automne dernier [...] Pourquoi cette révolte-là a-t-elle pour sa part obtenu aussi peu de sympathie dans la population ?"

Mais pour cette organisation libertaire, cette belle déclaration d'intention n'est en fait qu'un alibi pour cracher colonne après colonne sur le mouvement du printemps et dénigrer les étudiants en lutte.

Les émeutes, une explosion de haine sans espoir ni perspective

En réalité, pas une seule fois l'OCL ne se penche sur les émeutes "au regard du mouvement anti-CPE". Pas une seule fois elle ne tente de comprendre "au regard" des Assemblées Générales (AG) ouvertes à tous les ouvriers et aux mots d'ordres unificateurs de la lutte des étudiants, pourquoi la mise à feu des quartiers les plus populaires n'a fait qu'engendrer la peur et le repli de la grande majorité des travailleurs, que faciliter le renforcement de la politique sécuritaire et des mesures répressives de l'Etat.

Au contraire, en se couvrant des oripeaux de la radicalité, l'OCL se livre à une apologie de la violence, justifiant point par point les incendies des bus, des écoles, des voitures, des gymnases... pour prouver que ce "ne sont pas des actes gratuits", que ces "cibles" représentent une révolte contre tout ce qui opprime les jeunes des cités au quotidien. La preuve nous dit-elle : "Pourquoi cibler des véhicules personnels [...] ? Parce que, quand entre un tiers et deux tiers des ménages de certaines banlieues n'ont pas les moyens d'en posséder, avoir une voiture devient presque - comme un emploi stable - un truc de privilégiés pour certains jeunes." Eh bien justement, attaquer son voisin parce qu'il est un peu moins dans la misère est l'antithèse du combat prolétarien. Evidemment que la colère de ces jeunes émeutiers est légitime, que leur vie présente et à venir est insupportable et inacceptable, mais emportés par la rage du désespoir et le "no future", ils ne peuvent que s'exprimer sur le terrain pourri de la haine et de la destruction.

Ces émeutes ne pouvaient déboucher sur aucun mouvement de solidarité de la part de la classe ouvrière. Même si de nombreux ouvriers pouvaient "comprendre" la colère de ces jeunes exclus, ils en étaient surtout les premières victimes. A aucun moment, ils ne pouvaient se reconnaître dans de telles méthodes parce qu'elles n'appartiennent pas à la lutte de classe.

Les étudiants ont évité le piège de la violence des émeutes

C'est pourquoi l'Etat a multiplié les provocations lors du mouvement anti-CPE, espérant entraîner à leur tour les étudiants dans l'impasse de la violence des émeutes. L'objectif était clair : briser "l'immense élan de solidarité", briser la dynamique de développement de l'unité et de la confiance du prolétariat en faisant passer ces jeunes manifestants pour des voyous et ainsi faire peur aux travailleurs qui se joignaient à chaque manifestation toujours plus nombreux aux cortèges. Début mars, la Sorbonne fut assiégée par des troupes de CRS armés jusqu'aux dents, créant au Quartier latin une atmosphère de guerre urbaine. Les étudiants pris au piège, refusant de céder, étaient privés d'eau et de nourriture. Tout a été fait pour les faire craquer et provoquer des affrontements. Mais les étudiants n'ont pas craqué. Le 16 mars, rebelote : le gouvernement, avec la complicité des organisations syndicales avec qui sont négociés les trajets des manifestations, tend une véritable souricière aux manifestants parisiens qui se retrouvent coincés en fin de parcours par les forces de police. Mais une nouvelle fois, ils ne tombent pas dans le piège de l'excitation du face à face musclé 1 . Et, une nouvelle fois, les médias travestiront totalement le déroulement de cette journée en braquant toutes leurs caméras sur les quelques centaines de jeunes des banlieues qui se livreront, à la marge du cortège, à des jets de pierres et autres violences stériles. Enfin le 23, c'est avec la bénédiction des forces de police que des bandes s'en sont pris aux manifestants pour les dépouiller ou pour les tabasser sans raison. Et ce n'est pas qu'en France, mais à l'échelle internationale que la bourgeoisie a tenté ainsi de focaliser l'attention de la classe ouvrière sur le terrain pourri de la casse et de la castagne anti-flic. En Angleterre, aux Etats-Unis... les journaleux n'avaient que le mot "riots" 2  à la bouche.

A la lumière de ces faits, les prises de position de l'OCL apparaissent purement nauséabondes. Pour elle, la seule chose à retenir de positif du mouvement anti-CPE est justement cet esprit de destruction : "Une minorité active s'est efforcée de le radicaliser, à la fois par des actions violentes en marges des manifs ou des occupations sauvages." L'OCL réaffirmait plus loin : "Une minorité radicalisée d'étudiants ou de militants révolutionnaires s'est montrée décidée à en découdre avec la police et à détruire des vitrines ou d'autres symboles de la société de consommation." Et ce sont ces actes "héroïques" qui sont censés représenter une "cohabitation dans une même démarche violente" avec "ceux et celles venant des quartiers populaires". Voici enfin apparaître le vrai visage de cette solidarité envers les jeunes des banlieues tant prônée par l'OCL : reprendre à son compte les méthodes émeutières, encourager l'ensemble de la jeunesse et des travailleurs à se plonger dans cette fournaise et cette lutte sans perspective. L'OCL ne fait donc rien d'autre que le jeu de l'Etat qu'elle proclame tant haïr. C'est justement cette "minorité radicalisée d'étudiants" et ces "militants" soi-disant "révolutionnaires" que la bourgeoisie a utilisé pour tenter de décrédibiliser le mouvement et y introduire la crainte, la méfiance et la division.

La lutte des étudiants a offert une perspective aux jeunes des banlieues

Mais l'OCL ne se contente pas de faire le jeu de la bourgeoisie, elle va plus loin encore en dénigrant sans vergogne la lutte des étudiants : "On apprécie mieux ici les graves conséquences qu'a eues pour les jeunes des cités populaires l'arrêt de la mobilisation anti-CPE : en lâchant sur ce point, le gouvernement a obtenu les coudées franches pour appliquer tels quels le reste de la loi sur l'égalité des chances et le CESEDA sur l'immigration." Il fallait oser ! Les incessantes attaques qui pleuvent aujourd'hui sur la classe ouvrière auraient été facilitées, in fine, avec la lutte de ce printemps. Plus abject encore : "La ‘victoire' du mouvement anti-CPE a [...] été obtenu en partie sur le dos des jeunes cantonnés au bas de l'échelle sociale, en sauvegardant pour d'autres l'espoir d'en gravir les échelons." Les étudiants seraient donc finalement des petits bourgeois se battant pour leur pomme, pour maintenir leurs privilèges, sans se soucier des autres travailleurs et encore moins des jeunes des banlieues, ils seraient des individus "soucieux de passer des examens pour grimper dans la hiérarchie sociale". Rien n'est plus faux ! 3 

La réalité, c'est au contraire que les étudiants conscients de leur précarité présente et à venir se sont reconnus dans la classe ouvrière. Ils se sont battus massivement pour l'avenir de TOUTE la société, pour toutes les générations, pour les chômeurs et les travailleurs précaires, et donc aussi pour donner une perspective aux jeunes des banlieues et leur permettre de surmonter le désespoir qui les a poussés dans une violence aveugle en novembre 2005. La faculté de Censier à Paris a constitué une "commission banlieues" chargée d'aller discuter avec les jeunes des quartiers défavorisés, notamment pour leur expliquer que la lutte des étudiants et des lycéens est aussi en faveur de ces jeunes plongés dans le désespoir du chômage massif et de l'exclusion. Régulièrement dans les AG, des interventions retentissaient  : "En refusant le CPE, nous luttons autant pour nous que pour les plus démunis." La démonstration la plus éclatante en est sans nul doute la revendication d'amnistie pour tous les jeunes condamnés durant "l'automne chaud" de 2005. Contrairement aux mensonges colportés par l'OCL, la force du mouvement anti-CPE, la capacité des étudiants à porter dans la lutte un sentiment de solidarité a eu un résultat immédiat : celui d'embarquer dans ce combat la très grande majorité de la jeunesse des banlieues. Au fur et à mesure du développement de la lutte, les élèves des lycées des banlieues sont venus de plus en plus nombreux grossir les rangs des manifestants, laissant à la marge, minoritaires, les racketteurs et autres petits délinquants. Alors que les émeutes ne pouvaient entraîner qu'une partie des jeunes dans une hystérie de violence tandis que l'autre partie se cloîtrait apeurée, la lutte des étudiants, ses méthodes et ses buts, ont offert à la fois, une autre façon de se battre et une perspective.

C'est bien parce que le mouvement de la jeunesse scolarisée contre le CPE s'est approprié les véritables méthodes de lutte de la classe ouvrière (notamment les assemblées générales, les mots d'ordre unitaires et les manifestations de rue) qu'il a pu bénéficier de la sympathie et de la solidarité active d'un nombre croissant de prolétaires. C'est justement parce que le mouvement contre le CPE était basé non pas sur la destruction des quartiers ouvriers mais sur la solidarité entre les générations, entre tous les secteurs de la classe ouvrière, contre les attaques de la bourgeoisie, qu'il a pu attirer vers lui des milliers de jeunes plongés dans le désespoir quelques mois auparavant et constituer une force sociale capable de faire reculer le gouvernement.

Pawel /19.11.2006

 (1)  Lire l'encart de cette même page traitant spécifiquement de la question de l'affrontement aux forces de l'ordre.

 (2) "Riots" signifie "émeutes" en anglais.

 (3)  Il est ainsi des plus comiques de pouvoir lire dans la conclusion de ce dossier: "Il faut rechercher en priorité l'établissement d'une solidarité entre prolétaires, en faisant ressortir le lot commun de l'exploitation capitaliste et de la précarité qui menace toutes et tous, (sans pouvoir s'empêcher de rajouter) quoique à des degrés divers."

Courants politiques: 

  • Gauchisme [2]

Courrier de lecteur à propos de la manifestation du 2 décembre

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 Très chers,

A partir de la propagande que vous diffusez ou des articles sur votre site, je n'arrive pas à me faire une idée claire, et je me demande si des internationalistes, des communistes de gauche manifesteront demain.

Ne vous trouvez-vous pas derrière une manifestation destinée à exprimer la solidarité avec les travailleurs de chez VW, une manifestation surgie de la colère de la base ? Ce n'est tout de même pas parce que les dirigeants syndicaux n'ont entrepris aucune action directe, parce qu'ils sont soumis à la politique bourgeoise, que nous devons laisser tomber les ouvriers ? (MB)

Notre réponse:

Cher camarade,

Tu as tout à fait raison d'affirmer qu'on ne peut laisser tomber les travailleurs. Et il est tout aussi incontestable qu'il est fondamental d'exprimer notre solidarité avec les travailleurs licenciés de VW. Mais comment est-ce que les révolutionnaires peuvent exprimer leur solidarité avec les ouvriers de VW ? Pour nous, les révolutionnaires ont avant tout la responsabilité d'être aussi clairs que possible quant aux perspectives qui se dessinent pour la lutte et son organisation : ne pas raconter d'histoires aux travailleurs, ne pas les bercer d'illusions, mettre en avant leurs vraies forces et dénoncer leurs faux amis et les pièges qu'ils leur tendent.

C'est pourquoi les internationalistes dénoncent les fausses oppositions nationalistes, tout comme les tentatives de faire croire que gouvernement, patrons et travailleurs seraient solidaires pour la sauvegarde de l'économie nationale. C'est pourquoi aussi, comme nous l'avons fait dans le tract, ils mettent en évidence que les syndicats sont aujourd'hui des saboteurs professionnels de la lutte et qu'une condition cruciale pour son développement est la prise de contrôle du combat par les travailleurs eux-mêmes, à travers des assemblées générales quotidiennes souveraines.

Pour défendre ces perspectives, le CCI a largement diffusé un tract sur les licenciements à VW non seulement à l'usine même, mais dans de nombreux endroits, dans plusieurs villes partout en Belgique, car les questions posées par le conflit à VW concernent toute la classe ouvrière. Le tract a également été mis sur le site Internet du CCI et traduit en allemand, ainsi qu'en d'autres langues. Par ailleurs, le CCI était également présent lors de la manif du 2/12 pour y diffuser le tract, y vendre sa presse et pour discuter avec les travailleurs. Dans le but de développer la plus large discussion possible sur les perspectives du mouvement, nous avons également organisé le même jour une réunion publique spéciale et consacrons aujourd'hui une large place aux leçons du conflit dans notre journal. Nous ne pouvons que t'encourager, ainsi que tous nos lecteurs, à participer à cette réflexion, de sorte que le combat des ouvriers de VW puisse fournir des armes pour les combats futurs de la classe ouvrière.

Internationalisme

Vie du CCI: 

  • Courrier des lecteurs [3]

Groupes de la "gauche socialiste": Une pseudo-solidarité avec les travailleurs pour mieux escamoter les perspectives de lutte

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  Révoltés par un drame comme celui de VW et par la réponse cynique du patronat et du gouvernement socialo- libéral, pour qui "ça ne sert à rien de résister aux lois de l'économie, à la mondialisation, mieux vaut essayer de s'en sortir le mieux possible en acceptant encore plus de sacrifices et en s'unissant, exploiteurs et exploités, dans l'intérêt de l'économie nationale", beaucoup de travailleurs se demandent : que faire? comment réagir? Les groupes de la "gauche socialiste", telles le PTB1 , le POS2  ou le MAS3 , prétendent apporter une réponse à ces questionnements. A coups de slogans radicaux "Bas les pattes de nos emplois", "Pas de licenciements", "Solidarité avec les travailleurs de VW et des sous-traitants", "Une autre politique est nécessaire", ces organisations "gauchistes" se présentent comme les défenseurs intransigeants des intérêts de la classe ouvrière. Mais au delà des slogans, examinons de plus près, à la lumière des tracts diffusés le 2 décembre, lors de la manifestation syndicale en solidarité avec les travailleurs de VW, quelles perspectives elles avancent réellement pour la lutte et son organisation.

1. Cette "gauche socialiste "appelle tout d'abord les travailleurs à se mobiliser contre "l'arrogance des multinationales" et les "superprofits" de certains riches actionnaires : "Volkswagen supprime 4.000 emplois en Belgique et 20.000 en Allemagne. Pourtant, le groupe et ses actionnaires croulent sous l'argent" ; "Si des milliers de familles vivent dans l'angoisse aujourd'hui en Belgique, c'est notamment pour enrichir un peu plus la famille Porsche, 5e fortune allemande avec 5,1 milliards d'euros" (Solidaire/ PTB, 29/11). Comme si les entreprises belges ne rationalisent et ne délocalisent pas ! Comme si le fondement de la spirale de destruction économique et guerrière qui entraîne le monde aujourd'hui était les superprofits de quelques familles richissimes ! A travers de telles argumentations ces organisations occultent en réalité les véritables causes de la catastrophe qui touche notre monde. Le problème n'est pas l'avidité de quelques grigous mais la crise mortelle qui touche les fondements mêmes du mode de production capitaliste et révèle que celui-ci est historiquement dépassé. Ce que les licenciements massifs comme chez VW soulignent tragiquement, c'est précisément l'effondrement inexorable de ce système économique décadent dont la longue agonie va de pair avec une succession ininterrompue de catastrophes économiques et de massacres guerriers.

En mettant tout particulièrement en accusation les multinationales et les "grosses fortunes", ces groupes "gauchistes" instillent par la même occasion l'idée que la classe ouvrière doit presser l'Etat national d'agir en tant qu'allié potentiel des travailleurs : ainsi, à propos de VW, ils affirment que "si la multinationale ne revient pas sur sa décision, le gouvernement doit exiger le remboursement des avantages fiscaux accordés. Voire saisir le capital d'un milliard d'euros de son centre de coordination" (Solidaire 29/11). Cet Etat capitaliste qui impose l'austérité, réprime les luttes et attaque en permanence les conditions de vie de la classe ouvrière, celui qui licencie à la SNCB et à la poste, est donc présenté comme l'allié dont la classe ouvrière devrait attendre le salut !

2. Cette même "gauche socialiste" avance comme perspective le combat pour l'aménagement des conditions de travail et de vie au sein du système. Ainsi, le PTB appelle-t-il les ouvriers de VW à lutter pour l'imposition d'une nouvelle organisation de la production : "imposer une nouvelle répartition de la production dans le groupe", "une redistribution équitable des modèles et de la production sur les différents sites européens" (tract "touche pas à mon job"/ PTB). En d'autres mots, faire pression sur les patrons pour une "répartition plus équitable' de l'austérité, voire demander aux ouvriers d'autres pays d'accepter plus d'austérité "par solidarité" !!

D'autres semblent avancer des perspectives plus "radicales" : ils insistent sur la pression que la lutte doit exercer sur "les pouvoirs publics' afin de mettre en place une gestion de l'économie et de la reconversion pour le bien des travailleurs : "Des pouvoirs publics vraiment au service des intérêts des travailleurs prendraient en mains le site de Forest, maintiendraient tous les emplois et y réorienteraient la production sur base d'un débat de société sur la mobilité" (tract du MAS) ; "une politique qui renforce le contrôle des travailleurs et de leurs représentants dans les entreprises, afin que de vraies alternatives puissent être mises en avant. (...) reconversion de la production, sous contrôle des syndicats et des travailleurs" (tract du "Comité Autre Politique").

L'ensemble de ces propositions contiennent le même leitmotiv : les actions doivent exercer une pression en vue d'aménager le système, d'introduire des réformes en faveur des travailleurs. L'idée naturellement sous-jacente est que travailleurs et capitalistes sont fondamentalement dans le même bateau et qu'une pression suffisante sur les "riches" doit permettre de trouver un meilleur équilibre social et écologique. Avec de telles orientations, les "gauchistes" escamotent la crise historique du capitalisme et les vrais enjeux qui en découlent : la politique d'austérité des 30 dernières années tout comme la misère, les massacres guerriers et le chaos au niveau mondial ne sont pas le produit de la mauvaise volonté de 'riches actionnaires" mais d'un système économique et politique à la dérive. Il ne s'agit donc plus de réformer le capitalisme mais de le détruire avant qu'il ne détruise l'humanité. Car, pour sauvegarder ses privilèges, la bourgeoisie n'hésite pas à plonger la classe ouvrière dans la misère la plus noire, à l'utiliser comme chair à canon et à plonger l ‘humanité dans la pire barbarie.

3. Derrière leur langage radical, PTB, POS et MAS appellent fondamentalement à se battre pour renforcer l'Etat démocratique, qui serait un barrage protégeant les travailleurs contre les excès de la "logique néo-libérale". La classe ouvrière devrait défendre la "dimension sociale" de l'Etat démocratique contre les dérives néo-libérales et la pression sur les "instances publiques' permettrait de garantir ou de rétablir des conditions sociales acceptables et de réduire l'impact des restructurations : "diminution du temps de travail sans perte salariale dans les différentes usines du groupe" ; "Prépension à 55 ans pour tous" (tract "touche pas à mon job"/ PTB) ; "Le pacte de solidarité doit être ramené" (tract du mouvement syndicaliste de base 15DeBe/ Mo15De). Que cette défense de l'Etat démocratique soit posée au niveau belge ou même au niveau d'une "politique européenne qui limite le pouvoir des actionnaires et arrête la compétition entre -générations et entre pays" (tract du "Comité Autre Politique", mouvement pour une nouvelle gauche socialiste), l'image d'un Etat social protégeant le travailleur dans le cadre de la démocratie est de toute façon un leurre. Effectivement, ce sont bien les Etats capitalistes et leurs gouvernements qui, à coup de plans d'austérité et de pactes pour l'emploi, la compétitivité et les générations,  augmentent la flexibilité et réduisent les conditions de vie de la classe ouvrière.

Non seulement, l'Etat démocratique serait censé protéger le travailleur ; il permettrait carrément, grâce à un "véritable plan de reconversion", d'accompagner une reconversion vers une société respectueuse de l'homme et de la nature : "La défense de l'emploi des travailleurs de ce secteur implique donc, à terme, sa reconversion dans la production de biens socialement utiles et écologiquement supportables. L'usine de Forest pourrait, par exemple, se consacrer à la production des véhicules de transport en commun et du matériel devant équiper le RER bruxellois ou lancer une initiative publique de production d'un véhicule sûr et écologique " (tract du POS). Cette proposition, au delà même de son caractère chimérique, illustre une fois de plus le caractère mystificateur et suicidaire de la perspective présentée par ces groupes aux travailleurs.

Bref, l'argumentation des groupes "gauchistes" vise à imposer l'idée que l'Etat, au lieu de se mettre au service des patrons, pourrait défendre les ouvriers, qu'il pourrait être un Etat-protecteur des salariés et non plus "au service du patronat". Rien n'est plus faux. Dans le capitalisme décadent, c'est en vérité l'Etat qui coordonne toutes les attaques de la bourgeoisie, c'est lui qui mène les attaques les plus générales qui touchent l'ensemble de la classe ouvrière : sur les retraites, sur la Sécurité sociale, contre les chômeurs. C'est lui qui décide quels secteurs économiques doivent être "restructurés". C'est l'Etat-patron qui donne l'exemple de la brutalité des attaques en réduisant massivement le nombre des ses fonctionnaires et en bloquant leurs salaires depuis des années. L'Etat ne peut être que le défenseur par excellence des intérêts de la classe bourgeoise et assurer en toutes circonstances la défense des intérêts du capital national contre la classe ouvrière.

4. Quant à l'organisation de la lutte, PTB, POS et MAS exhortent les travailleurs à faire pression sur "leurs" organisations syndicales et "leurs" délégués pour organiser le combat. Et ceci alors que les syndicats ont étouffé dès le début toute mobilisation ouvrière en renvoyant les ouvriers chez eux, ont enrayé toute velléité d'extension vers d'autres usines. Et, au moment même où ces saboteurs professionnels mettaient en place les conditions permettant de présenter la manif de solidarité comme une expression d'impuissance (cf. article ci-dessus), le MAS faisait hypocritement mousser parmi les travailleurs les illusions sur les syndicats : "Pourquoi ne pas mettre à profit le succès de cette manifestation pour annoncer une grève générale de 24 heures contre les innombrables restructurations" (tract du MAS).

Les syndicats n'en sont pas à leur coup d'essai : rappelons-nous simplement le "pacte de solidarité " il y  a un an.  "Mesures inacceptables" claironnait la FGTB en octobre ; mais malgré un ras-le-bol profond au sein de la classe ouvrière qui s'était en particulier exprimé par le rassemblement de 100.000 travailleurs à Bruxelles lors de la manif syndicale nationale le 28 octobre, cette même organisation annonçait sans sourciller en décembre : "suspension des actions et recherche d'autres moyens de pression plus ciblés (sic)" et le parlement d'adopter sans opposition en décembre le "pacte de solidarité" et le financement alternatif de la sécurité sociale. Comme l'agression contre les ouvriers de VW l'a démontré une fois de plus, laisser la défense des intérêts des travailleurs entre les mains des syndicats est la meilleure garantie pour une défaite totale. Depuis maintenant près de cent ans, les organisations syndicales ne défendent plus les intérêts des travailleurs mais sont les gardes-chiourme de la bourgeoisie dans l'usine. Et les groupes "gauchistes', par leur soutien critique à ces organisations, garantissent leur crédibilité en ramenant les travailleurs qui se posent des questions dans le giron syndical.

Ce positionnement des organisations "gauchistes" comme le PTB, le POS et le MAS n'est nullement ponctuel. Derrière un discours radical qui leur permet d'attirer les éléments déçus par le sabotage constant de la lutte par les syndicats et par la participation ouverte de la gauche traditionnelle à la politique d'austérité et de restructuration, les perspectives de combat et d'organisation qu'avancent ces groupes placent la lutte dans un cadre suicidaire qui ne peut mener qu'au découragement et orientent la solidarité vers des perspectives pourries qui conduisent à la résignation et l'acceptation des attaques. La radicalité apparente de leurs positions est donc un leurre visant à détourner les éléments en recherche d'une vraie alternative au capitalisme vers la défense de la démocratie et le combat pour des réformes, à détruire en fin de compte chez eux toute dynamique de prise de conscience.

Confrontée à la décrédibilisation des partis de gauche "classiques", la bourgeoisie a intérêt à engendrer de nouvelles forces crédibles pouvant prendre la relève ; des forces non décrédibilisées par l'exercice du pouvoir mais orientant, à travers un discours et une image plus radicale, la classe ouvrière vers les mêmes pièges du parlementarisme et du combat illusoire pour la réforme des structures de l'Etat bourgeois. Et de ce point de vue, les organisations "socialistes de gauche" comme le MAS, le POS ou le PTB font un excellent travail ... au service de la classe bourgeoise.

Jos / 01.01.2007

(1) Parti du Travail de Belgique, néo-stalinien.

(2) Parti Ouvrier Socialiste, représentant officiel de la IVe Internationale trotskiste.

(3) Mouvement pour une Alternative Socialiste, trotskiste dissident.

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en Belgique [4]

Immigrés: Il est impossible de fuir la barbarie du capitalisme

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Les lois Sarkozy de 2003 et 2006 ont considérablement renforcé la politique anti-immigrés. Les expulsions s'enchaînent à un rythme infernal : 12 000 en 2003, 15 000 en 2004, plus de 20 000 en 2005 et probablement 25 000 pour 2006. La peur au ventre, des milliers de familles vivent et se cachent, terrorisées à l'idée d'être renvoyées dans un coin du globe où seule la mort les attend. Comment ne pas être indigné et en colère devant une politique si inhumaine ? Même les enfants scolarisés peuvent être raflés afin "d'éviter que la scolarisation ne devienne une nouvelle filière de l'immigration illégale" (sic !). Comment réagir et lutter contre ces mesures cruelles et inacceptables ? Les organisations et les associations de gauche pointent toutes du doigt le même responsable : le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. Pour mettre fin à tout ça, il faudrait bouter Sarko hors du pouvoir. "Votez, votez contre Sarko en mai 2007 et tout ira mieux", tel est en substance le message inlassablement répété par toutes les forces de gauche. Mais est-ce vraiment la solution ?

Le PS et le PC, deux piliers de la politique anti-immigrés

Evidemment non ! Ce serait se bercer d'illusions de croire que les partis socialistes et communistes mèneront une politique différente s'ils sont au pouvoir. Il n'y a qu'à se replonger sur quelques hauts faits d'armes de ces fractions bourgeoises pour s'en convaincre. Le PCF ne s'est jamais privé d'utiliser les moyens les plus brutaux pour se débarrasser des immigrés qu'il jugeait indésirables. Ainsi, en 1981, c'est tout simplement au bulldozer que le PCF a chassé d'une de ses villes, Montreuil-sous-Bois,  des clandestins maliens. Quant au PS, sa ligne politique est résumée dans cette déclaration fracassante du premier ministre socialiste Michel Rocard de 1989 "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde". C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que la socialiste Edith Cresson a mis en place des expulsions massives, à coup de charters, en 1991.  C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que Jean-Pierre Chevènement a, sous l'ère Jospin, excité puis lâché ses chiens sur les clandestins en intimant l'ordre aux forces de l'ordre de multiplier les expulsions : "L'activité en matière d'éloignement des étrangers se situe à un niveau anormalement bas. (...) J"attache aussi du prix à ce que, dans les derniers mois de 1999, une augmentation significative du nombre d'éloignements effectifs intervienne." (1) Voilà qui déchire le voile hypocrite des grands discours de gauche sur l'humanisme et autres droits à la dignité !

En fait, depuis 1974, droite et gauche se relaient aux plus hautes responsabilités de l'Etat et la même politique anti-immigrés demeure. La raison en est simple. A la fin des années 60, le retour de la crise économique a signifié la fin du plein emploi et la hausse du chômage. N'étant que de la chair à usine ne trouvant plus à être exploités, les immigrés sont devenus de plus en plus encombrants. C'est pourquoi le président de l'époque, Giscard d'Estaing, a décidé de "suspendre" l'immigration puis, trois ans plus tard, de créer une "aide au retour". Depuis lors, au fil des récessions, les lois anti-immigrés n'ont fait que se durcir, sous tous les gouvernements sans exception.

Ce capitalisme moribond est devenu incapable d'intégrer une partie toujours croissante de l'humanité au processus de production. Sa "solution" est d'expulser loin de ses frontières le "surplus" pour qu'il aille crever ailleurs. Le prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, accentuera encore cette pression.  La seule différence entre la gauche et la droite sera la terminologie, l'enrobage idéologique. Il est vrai que le PS est passé maître dans l'art d'habiller de rose ses mesures les plus inhumaines. "L'immigration choisie" fera ainsi place à  une "immigration partagée" fondée sur la "contractualisation des flux migratoires avec les pays d'origine".  En clair, il s'agit d'une  "politique de fermeté à l'égard de l'immigration illégale" avec en prime la création d'une "police commune présente aux frontières de l'Union" (2). Mais que l'on se rassure, ces expulsions se feront avec le PS de façon très pédagogique comme l'a affirmé fièrement François Hollande : "Nos lois sur l'immigration doivent être expliquées à nos partenaires". Après tout, comme le dit Laurent Fabius, "on peut être humaniste sans être laxiste" !

Toutes les nations ferment leurs frontières face aux raz de marée humains

En fait, aucun parti, aucun "homme (ou femme) providentiel" ne pourraient mener une autre politique à la tête de l'Etat. Les racines du problème sont beaucoup plus profondes, liées à la nature du système capitaliste et à sa crise historique. A travers le problème tragique de l'émigration, nous voyons comment ce système d'exploitation n'est plus capable d'assurer un minimum de survie à des masses chaque fois plus énormes d'êtres humains qui fuient l'enfer de la faim, des guerres et des épidémies. En 30 ans, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75 à 200 millions de personnes ! Et depuis le début des années 2000, la situation sanitaire mondiale s'est considérablement dégradée.

Aujourd'hui, avec la prolifération des conflits armés et le développement effroyable de la misère, un nouveau pas qualitatif vient d'être franchi ; l'exode atteint une ampleur jamais vue jusque -là dans toute l'histoire de l'humanité. Face à ce raz de marée, toutes les nations ferment leurs frontières.

Aux Etats-Unis, le long de la frontière mexicaine, c'est un véritable mur de 1200 km qui doit être construit d'ici 2008 avec des radars, des détecteurs, des caméras infrarouges et une armée de 18 000 gardes-frontières. L'Etat mobilise même des satellites et des drones ! Alors que déjà des centaines de personnes périssaient dans le désert chaque année pour atteindre les Etats-Unis, avec ce "mur de la honte", ces désespérés seront bientôt des milliers à y crever la bouche ouverte.

En Europe, la situation est encore plus dramatique. Tout autour de l'espace Schengen, les camps où l'on entasse les clandestins prolifèrent. Il y a un an, cette horreur éclatait au grand jour quand autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, des images nous parvenaient d'êtres humains littéralement empalés sur les grilles barbelées de la frontière, fauchés par les balles de la police ou largués en plein désert comme des chiens galeux. Ces actes barbares furent d'ailleurs commis sous l'ordre du chef du gouvernement espagnol, le très "démocratique" et "pacifiste" Monsieur Zapatero, montrant une nouvelle fois que sous le masque humaniste se cache le vrai visage haineux et sanguinaire de la social-démocratie. Depuis la situation n'a fait qu'empirer, se généralisant même à l'ensemble du ud et de l'Est européen. Cette année, sur les plages "paradisiaques" des îles Canaries, dans l' Atlantique, 27 000 personnes sont arrivées dans des embarcations de (bien mauvaise) fortune, soit cinq fois plus qu'en 2005 ! Même tragédie au large de l'Italie, sur l'île de Lampedusa, à Malte ou à Chypre. Même tragédie à la frontière ukrainienne où les très démocratiques pays européens sous-traitent en catimini à l'Etat hongrois la gestion de camps, véritables bidonvilles dans lesquels s'entassent par milliers les clandestins venus de l'ex-URSS ou d'Asie. Et le pire reste à venir. Comme l'affirme sans détour Froilàn Rodriguez (vice-ministre des Canaries pour l'immigration), "Il faut se préparer à des avalanches jamais vues'"(4).  Conscientes de cette accélération et sachant que la situation ne va cesser de s'aggraver, les bourgeoisies européennes sont en train de se doter d'une véritable armée  high-tech chargée de repousser vers la mort ces milliers de migrants, exactement comme aux Etats-Unis : construction de camps, jumelles infrarouges, patrouilles aériennes et navales...

La seule solidarité est dans la lutte

Le capitalisme est aux abois et le sort qu'il réserve à l'humanité est condensé dans ce qu'il fait subir à cette masse d'immigrés. En comprenant que c'est le capitalisme en décadence qui produit toute cette misère et cette inhumanité,  une réalité devient évidente : voter en mai 2007, pour qui que se soit, ne servirait strictement à rien, juste à se bercer d'illusions. Pour que l'humanité puisse vivre, le capitalisme doit mourir. Une fois consciente de cet enjeu et de l'ampleur de la tâche, la première réaction est souvent "mais en attendant le 'grand soir', il faut bien faire quelque chose !". Oui, il faut bien faire quelque chose. Il faut lutter, lutter sur le terrain de la classe ouvrière. C'est dans la lutte que s'expriment en pratique les plus profonds sentiments de fraternité. Et aujourd'hui justement, la classe ouvrière est en train de retrouver ce chemin, retrouver sa combativité, retrouver ces instincts d'unité et de solidarité.

De façon très immédiate, il y a ces enseignants et ces parents d'élèves  qui se mettent en grève et empêchent physiquement la police de venir récupérer un enfant directement dans la classe. Dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées dans lesquels se trouvent des "clandestins" en culotte courte, des discussions se développent sur comment empêcher la rafle, comment cacher tel ou tel enfant.

Il y a ces ouvriers qui arrêtent le travail pour défendre leurs camarades sans-papiers de l'usine, menacés d'expulsion.

 Et enfin, il y a ces luttes qui témoignent de la profonde solidarité et unité du prolétariat comme ces bagagistes qui ont bloqué plusieurs jours l'aéroport de Heathrow à Londres, en août 2005, en solidarité avec des travailleurs pakistanais du secteur de la restauration victimes d'une attaque inique de leur employeur, Gate Gourmet. Et pourtant, ces bagagistes n'étaient pas menacés de licenciement et partout au même moment (5) les médias relayaient la propagande étatique du sieur Blair (encore un socialiste !) qui excitait la haine contre justement les Pakistanais, tous prétendus terroristes en puissance. Dans cette lutte exemplaire, la différence entre la pourriture de l'idéologie bourgeoise et la grandeur de la morale prolétarienne fut presque palpable.

La solidarité de la classe ouvrière n'a rien à voir avec la pitié et tous les sentiments condescendants. Il s'agit d'une solidarité réelle, forgée par la conscience d'appartenir au même combat, d'être des frères de classe victimes du même système, de la même exploitation, quelle que soit sa nationalité, sa couleur ou sa religion.

En affirmant qu'une nation "ne pouvait accueillir toute la misère du monde", Michel Rocard exprimait le mode de pensée de toute la bourgeoisie. Mais la classe ouvrière n'a pas à accepter la logique du capitalisme et ses barrières nationales. Au contraire, elle doit y opposer son être internationaliste en affirmant bien haut "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !".

Pawel /16.10.2006

(1) Circulaire ministérielle d'octobre 1999.

(2) Mesure adoptée fin mars dans le cadre de "la commission du projet 2007" du Parti Socialiste.

(3) Libération du 24 août 2006.

(4) Libération du 12 septembre 2006.

(5) Cette grève eut lieu au même moment que les attentats dans le métro londonien.

Israël-Palestine: La lutte ouvrière malgré la guerre

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Malgré la spirale de haine nationaliste qui paralyse la plupart du temps la lutte de classe en Israël et en Palestine, les sévères privations économiques résultant de l'état de guerre permanent ont poussé les ouvriers des deux camps antagoniques à se battre pour leurs propres intérêts de classe. En septembre, des ouvriers de Cisjordanie et de la Bande de Gaza ont mis sur pied des grèves et des manifestations pour exiger que le gouvernement du Hamas règle plusieurs mois de salaires impayés, suite au blocus des fonds internationaux par l'Etat israélien, rejoignant ainsi les revendications d'une bonne partie des 170 000 fonctionnaires en grève. Ainsi, les enseignants des écoles se sont mis en grève depuis le 4 septembre avec des taux de grévistes atteignant de 80 à 95%, de Rafah (sud de la bande de Gaza) à Jénine (nord de la Cisjordanie). Ce mouvement s'est propagé jusque dans la police palestinienne et surtout début octobre dans le secteur de la santé où la situation sanitaire est dramatique, y compris en Cisjor-danie. Les fonctionnaires du ministère de la Santé n'ont reçu que trois paiements partiels en sept mois et ils ont décidé une grève illimitée pour réclamer le paiement de leur dû.

Parallèlement, le 29 novembre, le site d'information Libcom.org rapportait qu'une grève générale avait surgi dans le secteur public israélien, comprenant les aéroports, les ports, et que les bureaux de poste étaient tous fermés. 12 000 employés des services municipaux ainsi que les pompiers se sont mis en grève à l'appel de la centrale syndicale Histadrout (la Fédération Générale du Travail) en réponse aux violations des accords entre les syndicats et les autorités locales et religieuses. Histadrout a ainsi déclaré que ces dernières ont des arriérés de salaires à payer et que l'argent des employés qui devaient être versés en fonds de pension avait disparu.

La guerre impérialiste amplifie la ruine économique et la misère des prolétaires dans la région. La bourgeoisie des deux camps est de plus en plus incapable de payer ses esclaves salariés.

Ces deux luttes ont fait l'objet de toutes sortes de manipulations politiques. En Cisjordanie et à Gaza, la fraction d'opposition nationaliste, le Fatah, a essayé de se servir des grèves comme d'un moyen pour faire pression sur ses rivaux du Hamas.

En Israël, Histadrout a une longue tradition d'appels à des « grèves générales » hyper-contrôlées pour rabattre la colère des ouvriers sur le terrain bourgeois et au profit de telle ou telle fraction. Mais il est significatif qu'en Israël, la grève générale d'Histadrout (qui a été arrêtée au bout de 24 heures) a été précédée d'une vague de grèves moins bien contrôlées parmi les bagagistes, les enseignants, les professeurs d'université, les employés de banque et les fonctionnaires.

La désillusion devant le fiasco militaire d'Israël au Liban a sans aucun doute alimenté ce mécontentement grandissant. Pendant la grève de septembre dans les territoires palestiniens, le gouvernement du  Hamas dénonçait l'action des fonctionnaires comme étant contraire à l'intérêt national et tentait de dissuader les enseignants grévistes: "Si vous voulez manifester, manifestez contre Israël, les Américains et l'Europe !".

En effet, la lutte de classe s'affirme comme contraire à l'intérêt national et s'oppose de ce fait à la guerre impérialiste.

 Amos / 2.12.2006

Géographique: 

  • Moyen Orient [5]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [6]

La "restructuration" de VW est symbolique de ce qui attend toute la classe ouvrière

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  Pendant près de deux mois, les ouvriers de VW Forest auront été en grève contre le dégraissage drastique de l'entreprise. Avec des sentiments d'espoir et d'hésitations, ils ont été comme un ballon renvoyés entre patronat, gouvernement et syndicats, entre intérêts allemands, espagnols, belges et tant d'autres, nationaux ou régionaux. Pour les travailleurs, il est aujourd'hui important de tirer des leçons de cette expérience de lutte. Une chose est sûre : c'est main dans la main que les partis et organisations bourgeois ont tout fait pour refroidir la combativité des ouvriers et pour masquer la réalité de la crise économique, qui est à la base des plans de restructuration. Pour eux, il s'agissait d'escamoter la faillite du mécanisme de marché capitaliste et de canaliser la colère des ouvriers dans les méthodes "d'action" sans perspective des syndicats. Et surtout de faire barrage à la dynamique de construction d'une véritable solidarité, celle des travailleurs entre eux et non avec le capital en difficulté.

Un symbole de ce que le capitalisme peut encore nous offrir: rationalisations, flexibilité, baisse des salaires, chômage

Les médias écrivent des pages entières sur les "primes de départ révoltantes", les "salaires très élevés" des ouvriers de VW Forest. Par contre, ils sont particulièrement silencieux sur le fait que les mesures de restructuration annoncées à VW Forest sont un avant-goût de celles qui attendent non seulement les ouvriers restants de VW Forest, mais l'ensemble de la classe ouvrière.

Le sacrifice est en effet très important: seulement 2.000 à 2.200 emplois seraient maintenus sur environ 5.200 salariés directs. En 2009, si tout se passe bien, il y aurait de nouveau du travail pour 3.000 personnes, a-t-on promis, certes en partie au travers de contrats plus précaires. 950 salariés s'en vont par la prépension, mais selon les normes du nouveau "pacte des générations". 1950 quittent l'entreprise sur une base "volontaire", avec pour les 1.500 premiers une prime de départ en récompense. Avec pour la plupart d'entre eux, le chômage comme seule perspective. Pour ceux qui restent, il y a un système de chômage partiel à long terme, mais surtout, en plus des 33 % d'augmentation de productivité que les ouvriers avaient réalisé entre 2001 et 2005 et du nouveau règlement en place depuis l'été 2006 concernant la flexibilité (temps de travail jusqu'à 10 heures par jour, 48 heures par semaine), une nouvelle convention collective doit être signée, prévoyant une diminution des salaires et des coûts de production. Les conditions de production en 2009 devraient s'aligner sur celles du siège VW à Mosel (est de l'Allemagne), où le coût salarial se monte à 16,9€/h, contre 23,8€/h aujourd'hui à VW Forest. En d'autres termes, une augmentation particulièrement importante de la productivité, de la flexibilité avec peut-être une baisse des salaires de plus de 20 % par-dessus le marché. Et nous ne disons encore rien des milliers de travailleurs dans les entreprises sous-traitantes, laissés à leur sort pour la plupart, en grande majorité licenciés dans des conditions encore plus défavorables que leurs collègues de VW. Alors que VW a été pendant des années présentée par la bourgeoisie comme un modèle en matière de sécurité d'emploi et des conditions salariales et de travail, elle est maintenant devenue le modèle de ce que cette même bourgeoisie peut encore offrir: des sacrifices incessants pour un système à l'agonie.

Les médias écrivent des pages entières sur la politique interne de VW, les problèmes spécifiques du secteur automobile, les tiraillages entre les besoins des économies belge et allemande, ou les soi-disant profits exagérés de VW. Mais ils sont muets comme une tombe sur la réalité de la crise du système capitaliste, les véritables raisons de la restructuration de VW.

Ainsi, le syndicat socialiste de la métallurgie met les responsabilités de ce bain de sang non sur les patrons et l'Etat bourgeois, mais sur les ouvriers allemands eux-mêmes et "leur" syndicat, qui auraient sacrifié les "emplois belges" à VW Forest pour sauvegarder les "emplois allemands"! Mensonge éhonté! VW ne supprime-t-elle pas aussi 20.000 emplois en Allemagne, tout en diminuant les salaires et en augmentant le temps de travail? Les ouvriers allemands, comme ceux de tous les pays, sont tout autant victimes des agressions capitalistes. La crise historique insoluble que connaît le capitalisme au niveau mondial se conjugue avec le licenciement massif d'ouvriers dans tous les pays. La force de travail, dont l'exploitation est la source du profit capitaliste, voit en conséquence son prix diminuer constamment (comme cela se produit avec toute marchandise présente en surnombre sur le marché saturé), parce que la diminution drastique des coûts de production (parmi lesquels les salaires occupent la première place) constitue le seul moyen dont dispose la bourgeoisie pour faire face à la concurrence sur des marchés de plus en plus étroits et inondés de marchandises. Délocalisations et restructurations servent en premier lieu de moyens de pression pour forcer partout la classe ouvrière à accepter des salaires toujours plus bas et des conditions de travail de plus en plus défavorables (1). Les ouvriers d'ici sont dressés contre les ouvriers des autres pays dans une spirale sans fin de baisses de salaires, d'augmentations de productivité et de détérioration des conditions de vie. Et qu'offre cette spirale continue de concurrence impitoyable, sinon des fermetures (Renault Vilvorde, Sabena...), licenciements massifs (SNCB, Ford Genk, Inbev, DHL, Agfa-Gevaert...) et sacrifices ("pacte des générations", pacte de "flexibilité", pacte de concurrence, de l'emploi...)?

Un symbole du rôle que joue le syndicat dans la lutte: semer la division, rendre la lutte inoffensive, répandre le sentiment d'impuissance

Les médias écrivent des pages entières sur l'influence négative d'années de "culture de grève" des ouvriers de VW, et a contrario, la manière constructive et responsable dont les syndicats ont mené "l'action". Le but ici est de convaincre les ouvriers de VW et l'ensemble de la classe ouvrière qu'ils feraient mieux d'accorder leur pleine confiance à l'approche "réaliste" des syndicats qui, en concertation avec le gouvernement "coopératif" et avec le patronat, fera ce qui est le mieux possible pour les ouvriers dans le contexte d'une économie nationale engagée dans une concurrence à couteaux tirés sur le marché mondial.

Restructurations et délocalisations sont ainsi utilisées pour diviser le prolétariat et l'emprisonner dans l'idéologie de la concurrence. Les ouvriers sont enfermés, fraction par fraction, et dévoyés vers la défense de "leurs" conditions d'exploitation, de "leur" entreprise, de la marque de fabrique "VW", du capital national. A partir de cette logique, c'est un jeu d'enfant pour la propagande bourgeoise -et les syndicats jouent ici un rôle de premier plan- de faire passer l'Etat capitaliste et son gouvernement pour des "facteurs protecteurs" contre "les méfaits de la mondialisation": "Le premier ministre Verhofstadt a su avoir la garantie de la haute direction allemande de VW d'une reprise des activités, en échange d'une offre considérable d'aide de la part du gouvernement" (De Standaard, 9.1.2007). Le gouvernement devient ainsi l'allié "objectif" des ouvriers en amenant les bonzes allemands de VW à la raison et en les appelant à mettre le couteau sous la gorge d'autres ouvriers, ailleurs (par exemple en Espagne).

Et la bourgeoisie ne sait que trop bien que ce message porte le mieux lorsque le sentiment d'impuissance domine parmi les ouvriers, en l'absence d'une perspective de résistance collective en tant que classe. C'est là qu'interviennent les manœuvres syndicales: depuis le début, les ouvriers ont été renvoyés à la maison, isolés les uns des autres, sans information ni perspective. C'est la perspective d'une interminable grève rampante qui a été mise en avant, sans assemblée générale de grévistes où de véritables discussions et décisions sont possibles, sans comité de grève élu, contrôlé et révocable, sans meeting mobilisateur, sans délégation massive pour aller chercher activement la solidarité et l'extension vers d'autres parties de la classe ouvrière. Chaque développement de tout moyen de lutte et d'une dynamique de renforcement de la lutte a été tué dans l'œuf. L'idée même de mener une lutte a été de plus en plus ressentie comme insensée. Il ne restait finalement rien d'autre aux ouvriers que de subir leur sort et de placer toute leur confiance dans les négociateurs gouvernementaux et syndicaux.

Et, last but not least, les médias ont aussi noirci beaucoup de pages sur le manque de solidarité dans la classe ouvrière, avec les ouvriers de VW et entre les ouvriers de VW. "Il n'y a pas eu d'actions spontanées de solidarité, comme en 1997 pour le personnel de Renault Vilvorde" (De Standaard, 9.1.07). Ce n'est pas par hasard qu'une attention particulière a été portée par la bourgeoisie -et plus particulièrement par les syndicats- sur cet aspect de la campagne pendant toute la durée de la lutte:

- en soulignant les statuts séparés et les situations différentes, ils maintenaient soigneusement la séparation entre les ouvriers de VW et ceux des entreprises sous-traitantes, pour miner dès le début toute démarche allant vers une réelle solidarité ouvrière;

- des solutions individuelles ont été encouragées par le moyen de primes de départ astronomiques. Les ouvriers de VW qui ont accepté ces propositions, ont donc été montrés comme des déserteurs qui laissaient tomber leurs collègues, principalement ceux des sociétés sous-traitantes. Une fois de plus, cette image de "chacun pour soi" a été soulignée pour insinuer l'inanité d'une solidarité ouvrière;

- enfin, la grande manifestation "de solidarité" du 2 décembre a joué un rôle central dans l'enterrement de la solidarité ouvrière par les syndicats. D'abord annoncée à grand bruit comme la "grande apothéose" où étaient attendus plus de 50.000 ouvriers, tout a été fait pour ne pas atteindre ce nombre (jusqu'à sous-estimer volontairement les chiffres), pour ensuite diffuser un sentiment de défaite et d'impuissance, en affirmant "qu'il n'existe plus de sentiment de solidarité parmi les ouvriers", et que dans cette société, c'est le "chacun pour soi" pour en d'autres termes faire endosser aux ouvriers la démobilisation et la manque de solidarité.

L'intensité de cette campagne est en fait un excellent indicateur de la peur qui a étreint la bourgeoisie à propos de ce conflit. Du fait de la localisation de VW dans la région bruxelloise, et du fait que les ouvriers concernés proviennent aussi bien des deux régions, la carte de la mystification régionaliste et linguistique pouvait beaucoup plus difficilement être jouée. Par conséquent, la bourgeoisie craignait particulièrement l'émergence d'un large sentiment de solidarité parmi les travailleurs, par-delà les divisions sectorielle, régionale et linguistique, pas d'une solidarité de "compassion" donc, mais une solidarité des ouvriers entre eux, pour des intérêts communs et donc désintéressée, sans égoïsme, contre ce système barbare en décomposition.

Un symbole pour le développement de la lutte: la seule réponse est la solidarité ouvrière

Même si la bourgeoisie est finalement parvenue, grâce à ses saboteurs syndicaux, à enfermer et à rendre inoffensive la combativité des ouvriers de VW, la manifestation du 2 décembre laisse pourtant entrevoir une autre facette de la réalité sociale. Suite aux annonces quotidiennes de licenciements et de restructurations dans les usines, le secteur des services et dans les services publics, la conscience que chacun est attaqué progresse parmi les travailleurs. La fermeture d'une usine aussi importante et combative que VW n'incite pas seulement à la "compassion" comme disent les journaux, mais surtout à l'indignation, à l'inquiétude généralisée concernant l'avenir. Beaucoup sont venus manifester parce que dans les circonstances actuelles, c'était l'unique manière de montrer sa solidarité. La présence de beaucoup de jeunes en dit long: "Nous sommes ici avec nos parents, que nous reste-t-il?". De nombreux retraités étaient également présents.

Cette combativité croissante en est certes encore à ses débuts, mais la détermination de se battre contre les licenciements grandit dans la classe ouvrière. Pendant des années, les ouvriers ont subi des attaques contre leurs conditions de travail, leurs revenus et la sécurité de leur emploi au nom du maintien des emplois. Mais aujourd'hui, les ouvriers prêts à consentir ces sacrifices sans fin sont de moins en moins nombreux. Beaucoup ne savent pas encore bien comment lutter ensemble, parfois pas contre qui ou contre quoi se diriger, ce qui explique pourquoi il est encore possible aujourd'hui qu'ils se rangent derrière les syndicats ou le gouvernement.  Mais malgré les énormes campagnes idéologiques, il règne un grand scepticisme par rapport aux promesses faites par VW, et donc aussi ailleurs. Le dernier conflit ne peut être vu ni comme un exemple de victoire, ni comme un exemple de défaite. La colère règne, et la méfiance, mais aucun accablement dans la classe ouvrière comme un tout.

C'est pourquoi, la bourgeoisie est inquiète. Elle est consciente que la classe ouvrière pourrait tirer d'importantes leçons de ces événements et manœuvres de sabotage. C'est précisément pourquoi elle fait autant d'efforts pour dénigrer la solidarité. Combattre le chômage n'est pas simple. En effet, les patrons utiliseront souvent la "grèviculture" comme prétexte pour mettre en avant leurs plans de fermeture (de toutes façons planifiés), comme chez VW. Mais ils y réussiront d'autant plus facilement que la résistance des ouvriers reste isolée à une usine ou une entreprise. Sinon, la menace de réelle extension de la lutte par-delà les limites syndicales, sectorielles ou autres -en un mot, la menace de grève de masse- peut forcer la bourgeoisie à reculer, comme cela a été le cas lors de la lutte contre le CPE en France. Un tel recul de la bourgeoisie est bien entendu temporaire. L'aggravation de la crise économique contraindra la classe dominante à repasser à l'offensive et à mener des attaques encore plus désespérées contre les conditions de vie et de travail. Finalement, et c'est la principale leçon, le chômage massif est un signe indéniable de la faillite de la société capitaliste. Pour la classe ouvrière, ceci doit être un stimulant, non seulement pour résister aux effets de l'exploitation, mais pour lutter contre la société d'exploitation elle-même.

Lac / 6.1.07

(1) Lire la série d'articles sur les délocalisations dans Internationalisme n° 323, 325 & 328.

Situations territoriales: 

  • Lutte de classe en Belgique [4]

Massacres au Darfour: le capitalisme sème la mort

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 Depuis l'hiver 2003, un véritable génocide se déroule au Darfour, région de l'Ouest du Soudan et limitrophe du Tchad. On compte officiellement plus de 300 000 morts et 2,5 millions de personnes déplacées dans des camps où aucune sécurité n'est assurée, tandis que d'autres sont en errance dans une zone comprise entre le Tchad et le Soudan, mourant de faim et subissant les attaques des bandes armées plus ou moins contrôlées qui gangrènent la région. Les villages sont régulièrement pilonnés par l'aviation soudanaise et la population est soumise, avec l'appui du gouvernement qui les paie, aux exactions des "janjawids", milices sanguinaires apparues en 1988 au Darfour suite à la défaite de Khadafi au Tchad et du retrait de son allié tchadien, protégé par Khartoum, dans cette région.

Ces derniers violent femmes et enfants, pillent, brûlent les villages et les champs, attaquent le bétail, menant une politique de destruction systématique.

Ce n'est qu'en juillet 2004 que l'ONU, en la personne de Kofi Annan, commencera à "s'inquiéter" de la situation, mettant en avant un conflit "ethnique et racial". Et, malgré les déclarations de bonnes intentions, les pseudo-menaces de mesures de rétorsion, les conditions n'ont fait qu'empirer. Et ce ne sont pas les quelque 7000 soldats, sans moyens, sans directives claires, envoyés par l'Union Africaine, qui pouvaient les faire changer. En janvier 2005, l'ONU parle clairement de "crimes contre l'humanité" et appelle, avec sa deuxième résolution n°1593, la Cour pénale internationale à engager des poursuites à l'encontre des responsables des crimes commis. En août 2006, le Conseil de sécurité de l'ONU vote l'envoi de 17 000 soldats et 3000 policiers que refuse Omar al-Béchir, le président soudanais, qui la considère comme une "invasion".

Aujourd'hui, alors que l'Etat soudanais accentue sa pression militaire sur les mouvements rebelles, principalement l'Armée de libération du Soudan, dont la montée a été le prétexte au déchaînement de cette violence, les exactions sur la population redoublent. Et c'est à présent au Tchad, qui soutient les groupes rebelles à Khartoum sous l'œil bienveillant de la France, qui lui-même apporte une aide aux rebelles tchadiens, et en Centrafrique, que s'exportent les tueries, tandis que l'ONU se montre toujours aussi impuissante, malgré les "discussions très bonnes et constructives" d'Addis-Abeba.

En réalité, ce panier de crabes se contrefiche des populations et les tergiversations dont il est l'objet expriment avant tout les différences d'intérêt des uns et des autres. En fait de conflit racial, le Darfour est la résultante des dissensions entre les grandes puissances. Car le Soudan et son pétrole sont particulièrement courtisés par les pays développés, ce qui lui permet de continuer et d'accentuer sa politique de terre brûlée au Darfour. Il en est ainsi des Etats-Unis, qui ont imposé pour la galerie un de ces embargos sur les armes dont on connaît l'inefficacité, et de la Grande-Bretagne qui s'est carrément opposée à toute intervention militaire. La France encore, dont les accointances déjà existantes avec le Soudan l'ont amenée à fermer les yeux. Ce n'est qu'aujourd'hui avec les risques de déstabilisation du Tchad et du Centrafrique, deux de ses derniers bastions en Afrique, que le gouvernement souhaite "stabiliser le Darfour" pour éviter un effet domino. Autrement dit, tant qu'ils crèvent au Darfour, ce n'est pas important mais qu'ils ne viennent pas semer la pagaille dans les chasse-gardées françaises !

Quant à la Chine, vendeuse particulièrement active d'armes dans le monde, elle a trouvé là une aubaine pour l'écoulement de son matériel militaire.

Et même si l'ONU envoie sa soldatesque "pacificatrice" au Darfour, on peut être sûr que ce ne sera que pour ouvrir une période de déstabilisation bien pire, car chacun des protagonistes n'aura pour but que de venir défendre ses propres intérêts, à travers le soutien à des bandes rebelles.

Voila une fois encore la réalité de ce monde capitaliste en pleine putréfaction, où l'humanité n'est que l'otage et le jouet des luttes intestines et des guerres entre cliques armées qui se multiplient sur la planète, soutenues par les puissances, petites ou grandes, qui elles-mêmes s'entredéchirent derrière leurs discours mensongers et cyniques.

Mulan / 24.11.2006

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Oaxaca: La combativité ouvrière dévoyée par l'illusion démocratique

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La répression que l'Etat a déchaînée contre la population d'Oaxaca met à nu la férocité sanguinaire de la démocratie. Oaxaca s'est transformée depuis cinq mois en une véritable poudrière, dans laquelle les corps paramilitaires et policiers ont été le bras armé de la terreur étatique. Les perquisitions de domiciles, les séquestrations et la torture sont utilisées au quotidien par l'Etat pour rétablir « l'ordre et la paix ». Le résultat des exactions policières n'est pas un « résultat nul », comme le prétend le gouvernement, il se solde en réalité par des dizaines de « disparus », de prisonniers et par au moins trois morts (sans compter la vingtaine de personnes qui ont été abattues entre mai et octobre de cette année par les gardes blancs).

Il y a six ans, la classe dominante proclama que l'arrivée au pouvoir de Fox augurait d'une « période de changements », mais la réalité a mis en évidence que quels que soient les partis ou les personnes qui accèdent au gouvernement, le capitalisme ne peut offrir aucune amélioration... et il est plus évident que jamais que le système actuel ne peut offrir que plus d'exploitation, de misère et de répression. L'ensemble de la classe ouvrière doit tirer, en profondeur, les leçons de ce qui se passe à Oaxaca, doit comprendre que la situation de violence et de répression qui se développe n'est pas le fait d'un gouvernement en particulier ou d'un fonctionnaire, mais qu'elle est dans la nature du capitalisme lui-même, et doit aussi critiquer les faiblesses et difficultés dans lesquelles les travailleurs se trouvent piégés. Il est nécessaire de faire un bilan général sur la signification des mobilisations actuelles pour pouvoir tirer ces leçons et ainsi permettre que les prochaines luttes soient mieux préparées.

La bourgeoisie utilise le mécontentement à son profit

Les manifestations actuelles à Oaxaca sont sans aucun doute les expressions du mécontentement qui existe chez les travailleurs contre l'exploitation et l'ignominie du capitalisme. Les mobilisations dans cette région expriment le mécontentement face à la dégradation persistante des conditions de vie, elles sont le fruit d'une profonde colère et révèlent un vrai courage et de réelles dispositions à la lutte ; elles ont cependant été manœuvrées par la bourgeoisie, qui est parvenue à ce que les objectifs, les méthodes et l'organi-sation des actions restent hors du contrôle des travailleurs.

Les conflits qui se développent au sein de la bourgeoisie ont pu détourner le mécontentement social et l'utiliser à leur profit, transformant une lutte pour des revendications salariales en mouvement sans perspectives, dans la mesure où il a été détourné par une des fractions de la bourgeoisie, démocratisante », contre une autre composée des vieux caciques. Face à ces mobilisations, le système a clairement montré sa nature sanguinaire, mais cette utilisation par l'Etat de la terreur va plus loin que la répression à l'encontre des manifestants d'Oaxaca. L'incursion des forces militaires et policières n'a pas pour principal objectif l'extermination de l'Assemblée populaire du peuple d'Oaxaca (APPO), mais cherche fondamentalement à étendre la terreur en tant qu'arme d'avertissement et de menace à l'ensemble des travailleurs. La terreur étatique s'est déchaînée en combinant les forces de répression de l'Etat et celles du gouvernement fédéral, mettant au grand jour que même quand il y a des luttes entres les différentes bandes de la bourgeoisie, celles-ci parviennent à s'entendre pour mener à bien leur tache répressive ; supposer qu'il est possible de « dialoguer » avec un secteur du gouvernement, c'est alimenter l'espoir illusoire qu'il pourrait exister un secteur de la bourgeoisie qui soit « progressiste » ou « éclairé ». Donner comme objectif principal au mouvement de mobilisations le retrait d'Ulises Ruiz (1) du gouvernement d'Oaxaca, c'est donner l'illusion que le système capitaliste pourrait s'améliorer en se démocratisant ou en changeant les hommes à sa tête. Limiter la réflexion à la contestation d'Ulises Ruiz, dévouer la mobilisation à cet objectif ne participe en rien au développement de la conscience mais au contraire alimente la confusion et donne le faux espoir que les ex-ploités pourraient avoir un « meilleur gouvernement ».

Le mot d'ordre de l'APPO d'unifier les forces contre Ulises Ruiz n'est en rien un renforcement de la réflexion collective et de l'action consciente, c'est au contraire l'extension de la confusion et la soumission de la force sociale aux intérêts d'une des fractions de la bourgeoisie contre une autre.

La démonstration la plus évidente de cette confusion grandissante quand aux objectifs et de son dévoiement vers le soutien indirect d'une des fractions de la classe dominante se révèle dans la mise en second plan de la question salariale à la base du mouvement pour laisser comme première revendication la destitution du gouverneur de la région. Cette manœuvre a permis au syndicat et au Gouvernement fédéral de réduire la question salariale à un simple problème technique d'apport adéquat de ressources à une région par le biais d'une planification des finances publiques, permettant ainsi d'isoler le problème et de le présenter comme une question « locale », sans lien avec le reste des salariés.

Dans le même sens, les méthodes de lutte préconisées, les piquets, les blocages, les marches épuisantes et les affrontements désespérés n'ont pas permis d'alimenter la solidarité ; au contraire, elles ont isolé le mouvement en l'isolant et en le réduisant ainsi à être une cible facile pour la répression.

APPO : un corps étranger au prolétariat

La composition sociale de l'APPO (constituée par des organisations « sociales » et des syndicats) montre que cette organisation, et donc les décisions qu'elle prend, échappe aux mains du prolétariat. Parce qu'elle est fondamentalement dominée par des secteurs non salariés (ce qui est déjà une manifestation de sa faiblesse) et surtout parce qu'elle a abandonné la discussion et la réflexion aux syndicats et aux groupes de l'appareil de gauche de la bourgeoisie (c'est-à-dire liés directement ou indirectement aux intérêts de certaines fractions de la classe dominante), cette structure montre sa nature non prolétarienne. C'est ce qui permet que soit diluée la force potentielle des travailleurs dans l'action, cette force qui ne peut s'exprimer dans une structure qui, bien que se présentant sous la forme de soi-disant assemblées ouvertes, exprime dans la pratique sa véritable essence, celle d'un front interclassiste conduit par la confusion et le désespoir des couches moyennes. L'appel réalisé le 9 novembre 2006 pour la transformation de l'APPO en structure permanente (l'Assemblée étatique des peuples d'Oaxaca) le démontre bien, en définissant la Constitution de 1917 de la bourgeoisie mexicaine comme « document historique qui ratifie la tradition émancipatrice de notre peuple... » et appelant donc à la défendre, comme elle appelle bien sûr à défendre le « territoire et les ressources naturelles ». Son radicalisme se réduit à la défense de l'idéologie nationaliste, qui est un véritable poison pour les travailleurs. L'appel contient en outre une authentique falsification de l'internationalisme prolétarien, quand il proclame la nécessité « d'établir des liens de coopération, de solidarité et de fraternité avec tous les peuples de la terre pour l'édification d'une société juste, libre et démocratique, une société véritablement humaine »... par le biais du combat pour « la démocratisation de l'ONU » !

La création de l'APPO n'a pas été une avancée pour le mouvement des travailleurs, sa création est au contraire liée à la l'écrasement de leur mécontentement authentique. L'APPO est apparue comme une véritable « camisole de force » pour contenir la combativité prolétarienne. Les groupes staliniens, maoïstes, trotskistes et les syndicats qui la composent ont su dénaturer le courage et les expressions de solidarité de la classe ouvrière en imposant une orientation et une action à mille lieues de ses intérêts et de ceux du reste des exploités. Les comparaisons qu'ose faire l'APPO entre sa structure et celle des soviets, sa prétention à être un « embryon du pouvoir ouvrier », sont de véritables attaques lancées contre les authentiques traditions du mouvement ouvrier.

L'organisation authentiquement prolétarienne se distingue en ce sens que les objectifs qu'elle se donne sont directement liés à ses intérêts de classe, c'est-à-dire à la défense de ses conditions de vie. Elle ne se donne pas pour but la défense de « l'économie nationale », de l'économie étatisée et encore moins la démocratisation du système qui l'exploite. Elle cherche avant tout à défendre son indépendance politique par rapport à la classe dominante, indépendance qui lui permet d'assumer la lutte contre le capitalisme.

C'est en ce sens que les luttes revendicatives des travailleurs contiennent la préparation à la critique radicale de l'exploitation : elles expriment la résistance aux lois économiques du capitalisme et leur radicalisation ouvre la voie à la révolution. Ce sont des moments qui font partie de la préparation aux combats révolutionnaires que devra livrer le prolétariat, elles sont en ce sens le germe de la lutte révolutionnaire.

La conscience et l'organisation sont les armes de travailleurs pour affronter le capitalisme

En tant que classe internationale et internationaliste, le prolétariat doit assimiler dans tous les pays les expériences de ses combats passés. Il lui est donc indispensable, pour impulser le développement de sa conscience, de prendre à son compte par exemple les leçons de la mobilisation développée par les étudiants et travailleurs en France au printemps 2006 contre le Contrat de premier emploi (CPE). La leçon essentielle de ce mouvement a été sa capacité d'organisation, qui a permis de maintenir un tel contrôle de la lutte qu'il empêcha les gauchistes et les syn-dicats de détourner le mouvement de son objectif central, le re-trait du CPE. Les combats qu'ont livrés les travailleurs de Vigo en Espagne à la même époque vont dans le même sens, défendant leurs revendications salariales et l'extension de la lutte par le contrôle de leurs assemblées contre le sabotage syndical.

La défense de ses conditions de vie, l'autonomie organisationnelle et la réflexion massive atteintes par ces mouvements sont des leçons pour l'ensemble du prolétariat, qu'il doit mettre en avant pour livrer ses combats.

D'après Revolucion Mundial, organe du CCI en Mexique/ 18.11.2006

(1) Gouverneur de l'Etat d'Oaxaca, appartenant à l'ancien parti dirigeant du Mexique, le PRI, corrompu et clientéliste.

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Plan Baker: La politique impérialiste américaine dans l’impasse

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  La bourgeoisie de tous les pays les plus développés, chacune pour la défense de leurs propres intérêts impérialistes,  y compris aux Etats-Unis a salué la sortie du plan Baker sur la politique extérieure américaine, élaboré par un groupe d'étude comprenant de hauts responsables politiques américains :  conservateurs et démocrates. Après l'échec cuisant du président Bush et de son administration aux dernières élections américaines pour renouveler les chambres des représentants, provoqué essentiellement par l'échec total de la politique  impérialiste des Etats-Unis en Afghanistan et plus encore en Irak, la bourgeoisie américaine se devait de tenter de réagir. L'enlisement toujours plus grand de son armée  en Irak, l'absence totale de perspectives, et un chaos s'agrandissant sans cesse ne sont que des manifestations de l'affaiblissement accéléré de la première puissance impérialiste. Dans une impasse totale, la bourgeoisie américaine travaillait très officiellement depuis plusieurs mois à une nouvelle orientation qui se voulait plus crédible et mieux adaptée à la défense de ses intérêts impérialistes.  Telle est la raison de la constitution de la commission d'enquête sur  l'Irak, qui vient,   sous les feux des projecteurs et des médias, de publier son rapport. 

 L'Impérialisme américain ne pourra pas enrayer son affaiblissement sur l'arène mondiale. Ce plan aborde toute la politique impérialiste des Etats-Unis. Il part d'un constat, visible par tous, de l'absence totale de possibilités de réussite de la politique de guerre américaine en Irak. Mais bien plus encore, il souligne la montée en puissance de la résistance de la politique anti-américaine  et anti-israélienne, partout, au Proche et au Moyen-Orient. Ce rapport semble ainsi prendre le contre-pied de la politique suivie depuis plusieurs années par les Etats-Unis dans toute cette partie du monde. Il préconise un retrait progressif des troupes américaines d'Irak et le renforcement  massif de l'armée irakienne  qui devrait passer sous la direction du premier ministre Nouri Kamal Al-Maliki.  Alors que les attentats se succèdent tous les jours de manière de plus en plus meurtrière,  avec un gouvernement totalement impuissant et une armée américaine retranchée dans des camps fortifiés, une telle proposition apparaît  immédiatement pour ce qu'elle est : irréaliste, inapplicable et en dehors de toute réalité. Ceci est à ce point la vérité que le plan Baker se garde bien de préciser la date butoir d'un retrait des troupes américaines d'Irak.  Tel est également le cas de toutes les autres propositions avancées par ce rapport. Ce qui frappe également à la lecture du rapport, ce sont les propositions de renouer un dialogue officiel avec la Syrie et l'Iran. Le rapport précise même: "L'Iran doit recevoir des propositions incitatives, telle que le rétablissement des relations avec les Etas-Unis, et dissuasives pour stopper le flots d'armes à destination des milices irakiennes. Le pays doit être intégré au Groupe d'étude sur l'Irak.» (Courrier International du 14 décembre 2006) Cette proposition du rapport est tellement irréaliste qu'elle montre clairement l'impasse totale des Etats-Unis en Irak, et pire encore, leur incapacité croissante à limiter la montée des exigences syriennes et iraniennes. L'impossibilité pour l'armée américaine de résoudre la situation  en Irak pousse même la bourgeoisie américaine à envisager d'associer l'Iran dans une tentative de maîtriser le chaos irakien. Cette alternative politique ne pourrait se  traduire que par des exigences accrues de l'Iran, en matière de développement de son arme nucléaire, mais également sur le terrain, dans l'ensemble du Proche et du Moyen-Orient. Autant d'exigences et de pas en avant de l'impérialisme iranien que ni Israël, ni les Etats-Unis eux mêmes, ne seraient en mesure de supporter. Il est fort possible que, dans les mois à venir, la tonalité des discours américains en matière de politique internationale soient plus mesurés et  fassent plus appel à une « collaboration internationale », dans ce que la bourgeoisie appelle sa lutte contre le terrorisme international. Au cas fort improbable où celle-ci passerait, un chaos tout aussi important se développerait dans tout le Proche et Moyen-Orient. Le ton est d'ailleurs donné par la déclaration du roi d'Arabie Saoudite Abdallah au vice président américain Dick Cheney, en visite il y a quelques semaines à Riyad:  «L'Arabie Saoudite a fait savoir à l'administration Bush qu'en cas de retrait des troupes américaines le royaume pourrait apporter un soutien financier aux Sunnites en Irak dans n'importe quel conflit qui les opposerait aux Chiites.» (Courrier International du 13 décembre 2006)  En Irak, les Etats-unis sont totalement coincés. Aucune des options envisagées sur le plan militaire n'est satisfaisante pour l'impérialisme américain.  La montée en puissance de la contestation de la suprématie américaine non seulement par l'Iran, mais également par des puissances impérialistes telles que la France, l'Allemagne ou encore la Russie, ne  peut pousser dans l'avenir les Etats-Unis, par delà l'évolution de leur politique en Irak, que dans une fuite en avant guerrière, toujours plus meurtrière et barbare. De la part de ce capitalisme en pleine décomposition, les actes militaires  les plus destructeurs et les plus irrationnels, sont encore et plus que jamais devant nous.

Rossi

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