On ne peut qu'être soulevés par des sentiments d'indignation et d’écœurement devant cette nouvelle manifestation, ce déchaînement de barbarie guerrière au Proche-Orient : 7000 frappes aériennes sur le territoire libanais, plus de 1200 morts au Liban et en Israël (dont plus de 300 enfants de moins de 12 ans), près de 5000 blessés, un million de civils qui ont dû fuir les bombes ou les zones de combats. D'autres, trop pauvres pour fuir les zones de combats qui se terrent comme ils peuvent, la peur au ventre… Des quartiers, des villages réduits à l'état de ruines, des hôpitaux débordés et pleins à craquer : tel est le bilan provisoire d'un mois de guerre au Liban et en Israël suite à l'offensive de Tsahal pour réduire l'emprise grandissante du Hezbollah en réplique d'une des nombreuses attaques meurtrières des milices islamistes au-delà de la frontière israélo-libanaise. Les destructions sont évaluées à 6 milliards d'euros, sans compter le coût militaire de la guerre elle-même. Au bout du compte, l'opération guerrière se solde par un échec qui est aussi un cuisant revers, mettant brutalement fin au mythe de l'invincibilité, de l'invulnérabilité de l'armée israélienne. C'est aussi un nouveau recul et la poursuite de l'affaiblissement du leadership américain. A l'inverse, le Hezbollah sort renforcé du conflit et a acquis une légitimité nouvelle, à travers sa résistance, aux yeux de l'ensemble des pays arabes.
Cette guerre aura constitué une nouvelle étape vers une mise à feu et à sang de tout le Moyen-Orient et vers l'enfoncement dans un chaos de plus en plus incontrôlable, à laquelle toutes les puissances impérialistes auront contribué, des plus grandes aux plus petites, au sein de la "prétendue communauté internationale". Pourquoi ces massacres, cette flambée de combats meurtriers ?
L'impasse de la situation au Moyen-Orient s'était déjà concrétisée depuis l'arrivée au pouvoir des "terroristes" du Hamas dans les territoires palestiniens (que l'intransigeance du gouvernement israélien aura contribué à provoquer en "radicalisant" une majorité de la population palestinienne) et le déchirement ouvert entre les fractions de la bourgeoisie palestinienne, entre le Fatah et le Hamas interdisent désormais toute solution négociée. Le retrait israélien de Gaza pour mieux isoler et boucler la Cisjordanie n'aura pas servi à grand-chose. Israël n'avait pas d'autre solution que de se retourner de l'autre côté dans le but de stopper l’influence croissante du Hezbollah au Sud-Liban, aidée, financée et armée par le parrain iranien. Le prétexte invoqué par Israël pour déclencher la guerre a été d'obtenir la libération de 2 soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbolllah : près de deux mois après leur enlèvement, ils sont toujours prisonniers des milices chiites, et les premières tractations sur ce sujet sont à peine ébauchées par l'ONU. L'autre motif invoqué : "neutraliser" et désarmer le Hezbollah dont les attaques et les incursions sur le sol israélien depuis le Sud-Liban serait une menace permanente pour la sécurité de l'Etat hébreu. La réalité aura été aussi disproportionnée que de chercher à tuer un moustique avec un bazooka. C'est une véritable politique de la terre brûlée à laquelle s'est livrée l'Etat israélien avec une brutalité, une sauvagerie et un acharnement incroyables contre les populations civiles des villages au Sud Liban, chassées sans ménagement de leurs terres, de leur maison, réduites à crever de faim, sans eau potable, exposées aux pires épidémies. Ce sont aussi 90 ponts et d'innombrables voies de communication systématiquement coupés (routes, autoroutes …), 3 centrales électriques et des milliers d'habitations détruites, l'aéroport de Beyrouth inutilisable, des bombardements incessants. Le gouvernement israélien et son armée n'ont cessé de proclamer leur volonté "d'épargner les civils" et des massacres comme ceux de Canaa ont été qualifiés "d'accidents regrettables" (comme les fameux "dommages collatéraux" dans les guerres du Golfe et dans les Balkans). Or, c'est dans cette population civile que l'on dénombre le plus de victimes, et de loin : 90% des tués !
Cette guerre n'a pu se déclencher sans le feu vert des Etats-Unis. Enlisés jusqu'au cou dans le bourbier de la guerre en Irak en Afghanistan, et après l'échec de leur "plan de paix" pour régler la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent que constater l'échec patent de leur tactique d'encerclement de l'Europe dont le Proche et le Moyen-Orient étaient stratégiquement des cartes-maîtresses. En particulier, la présence américaine en Irak depuis trois ans se traduit par un chaos sanglant, une véritable guerre civile effroyable entre factions rivales, des attentats quotidiens frappant aveuglément la population, au rythme de 80 à 100 morts par jour. Tous ces échecs et cette impuissance témoignent de l'affaiblissement historique de la bourgeoisie américaine dans la région, qui, par contrecoup, voit son leadership de plus en plus contesté dans le monde entier. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nouvelles pré-tentions impérialistes d'autres Etats s'affirment de plus en plus, à commencer par celles de l'Iran. Dans ce contexte, il était hors de question pour les Etats-Unis d'intervenir eux-mêmes alors que leur objectif dans la région est de s'en prendre à ces Etats dénoncés comme "terroristes" et incar-nation de "l'axe du mal", que constituent pour eux la Syrie et surtout l'Iran dont le Hezbollah a le soutien. L'offensive israélienne qui devait servir d'avertissement à ces deux Etats démontre la parfaite convergence d'intérêts entre la Maison Blanche et la bourgeoisie israélienne. D'ailleurs, les Etats-Unis au sein de l'ONU n'ont cessé de freiner et de saboter pendant plusieurs semaines les accords de cessez-le-feu pour permettre à l'armée israélienne d'enfoncer plus loin ses bases opérationnelles en territoire libanais, jusqu'au fameux fleuve Litani.
A part le fait qu'il n'est nullement question pour l'Etat hébreu de s'installer durablement au Sud-Liban, les méthodes et les problèmes auxquels sont confrontés les Etats-Unis et l'Etat d'Israël au Proche et au Moyen-Orient participent d'une même dynamique : mêmes contraintes de fuite en avant dans les aventures militaires pour préserver leurs intérêts impérialistes et leur statut de gendarme, même bourbier dans lequel ils ne peuvent que s'enliser toujours davantage, même incapacité à contrôler une situation de chaos grandissant que provoque leur intervention comme autant de boîtes de Pandore qui leur sautent au visage.
Civils et militaires au sein de la bourgeoisie israélienne se renvoient la responsabilité d'une guerre mal préparée. Israël fait l'expérience amère que l'on ne combat pas une milice disséminée dans la population comme on combat une armée officielle d'un Etat constitué (1). Le Hezbollah comme le Hamas n'était au départ qu'une de ces innom-brables milices islamiques qui se sont constituées contre l'Etat d'Israël. Elle a surgi lors de l'offensive israélienne au Sud-Liban en 1982. Grâce à sa composante chiite, elle a prospéré en bénéficiant du copieux soutien financier de régime des ayatollahs et des mollahs iraniens. La Syrie l'a également utilisée en lui apportant un important soutien logistique qui lui servait de base arrière lorsqu'elle a été contrainte en 2005 de se retirer du Liban. Cette bande de tueurs sanguinaires a su en même temps tisser patiemment un puissant réseau de sergents-recruteurs à travers la couver-ture d'une aide médicale, sanitaire et sociale, alimentée par de généreux fonds tirés de la manne pétrolière de l'Etat iranien. Aujourd'hui, elle se permet de payer les réparations des maisons détruites ou endommagées par les bombes et les roquettes pour lui permettre d'enrôler dans ses rangs la population civile. On a notamment pu voir dans des reportages que cette "armée de l'ombre" était composée de nombreux gamins entre 10 et 15 ans servant de chair à canon dans ces sanglants règlements de compte.
La Syrie et l'Iran forment momentanément le bloc le plus homogène autour du Hamas ou du Hezbollah. En particulier, l'Iran affiche clairement ses ambitions de devenir la principale puissance impérialiste de la région. La détention de l'arme atomique lui assurerait en effet ce rôle. Depuis des mois, le gouvernement iranien ne cesse en effet de narguer les Etats-Unis en poursuivant son programme nucléaire. C'est pourquoi, l'Iran multiplie les provocations arrogantes et affiche ses intentions belliqueuses, déclarant même son intention de raser l'Etat israélien.
Le comble du cynisme et de l'hypocrisie est atteint par l'ONU qui pendant un mois qu'a duré la guerre au Liban n'a cessé de proclamer sa "volonté de paix" tout en affichant son "impuissance" (2). C'est un odieux mensonge. Ce "repaire de brigands" est le marigot où s'ébattent les plus monstrueux crocodiles de la planète. Les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité sont les plus grands Etats prédateurs de la planète. Les Etats-Unis dont l'hégémonie repose sur l'armada militaire la plus puissante du monde et dont les forfaits guerriers depuis la proclamation en 1990 "d'une ère de paix et de prospérité" par Bush Senior (les deux guerres du Golfe, l'intervention dans les Balkans, l'occupation de l'Irak, la guerre en Afghanistan …) parlent d'eux mêmes.
La Grande-Bretagne a accompagné jusqu'ici les principales expéditions punitives des Etats-Unis pour la défense de ses propres intérêts. Elle entend reconquérir ainsi la zone d'influence dont elle disposait à travers son ancien protectorat dans cette région (Iran et Irak, notamment). Elle entend maintenir sa présence dans la région, coûte que coûte, en espérant en empocher les dividendes dans les années à venir.
La Russie, responsable des pires atrocités lors de ses deux guerres en Tchétchénie, ayant mal digéré l'implosion de l'URSS et ruminant son désir de revanche, affiche aujourd'hui des prétentions impérialistes nouvelles en profitant de la position de faiblesse des Etats-Unis. C'est pour cela qu'elle joue la carte du soutien à l'Iran et plus discrètement celle du Hezbollah.
La Chine, profitant de son influence économique grandissante, rêve d'accéder à de nouvelles zones d'influence hors de l'Asie du Sud-Est, et l'Iran à qui elle fait les yeux doux fait également partie des Etats sur lesquels elle mise pour parvenir à ses fins. Chacune de leur côté, ces deux puissances n'ont cessé de chercher à saboter les résolutions de l'ONU dont elles étaient parties prenantes.
Quant à la France, le sang qu'elle a sur les mains n'est pas moins sale que les autres. Elle a non seulement participé pleinement aux massacres de la première guerre du Golfe en 1991, mais la carte pro-serbe qu'elle jouait dans les Balkans l'ont poussé à laisser froidement massacrer au sein des forces de l'ONU les populations bosniaques dans l'enclave de Srebrenica en 1993, à participer activement à la traque des talibans en Afghanistan (la mort de 2 soldats au sein des "force spéciales" de la COS vient de remettre en pleine lumière cette activité jusqu'ici fort discrète) (3).
Mais c'est surtout en Afrique que l'impérialisme français s'est illustré dans de sinistres besognes. C'est la France qui a provoqué les massacres inter-ethniques au Rwanda en encourageant la liquidation avec les méthodes les plus barbares des Tutsis par les Hutus, pour la défense de ses sordides intérêts impérialistes sur le sol africain.
La bourgeoisie française a gardé la nostalgie d'une époque où elle se partageait les zones d'influence au Moyen-Orient avec la Grande-Bretagne. Après la remise en cause contrainte et forcée de son alliance avec Saddam Hussein lors de la première guerre du Golfe en 1991 puis l'assassinant de son "protégé" Massoud en Afghanistan, ses espoirs de reconquête se concentrent précisément sur le Liban dont elle avait été brutalement chassée lors de la première guerre du Liban en 1982/83 par l'offensive de la Syrie contre le gouvernement libano-chrétien puis par l'intervention israélienne commandée par le "boucher" Sharon et téléguidée par l'Oncle Sam contraignant la Syrie jusque là dans le camp de l'ex-URSS à quitter le Liban et à se rallier au camp occidental. Elle n'a pas pardonné à la Syrie l'assassinat en février 2005 (attribué à Bachar al-Assad) de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, grand "ami" de Chirac et de la France. C'est pourquoi, malgré son désir de ménager l'Iran (qualifié de "grand pays et prêchant la négociation avec lui), elle s'est ralliée au plan américain sur le Liban, autour de la fameuse résolution 1201 de l'ONU, concoctant même le plan de redéploiement de la FINUL. En dépit des réticences de l'état-major qui a protesté que les opérations militaires de la France à l'étranger se trouveraient désormais "à flux tendu" (près de 15 000 hommes engagés sur différents et multiples fronts : Côte d'Ivoire avec l'opération Licorne, le Tchad, la RD du Congo, Djibouti, le Darfour, le Kosovo, la Macédoine, l'Afghanistan), le gouvernement français a franchi le Rubicon. Il a accepté de porter son engagement au Sud-Liban de 400 à 2 000 soldats au sein de la FINUL, moyennant certaines garanties : notamment la poursuite de son mandat de commandement général sur le déploiement des 15 000 hommes prévus jusqu'en février 2007, le recours à la force en cas d'agression. En effet, le souvenir de l'attentat contre l'immeuble Drakkar abritant le contingent français à Beyrouth en octobre 1983 qui s'était soldé par la perte de 58 parachutistes au cours d'une attaque de terroristes chiites reste cuisant et a déterminé le départ de la France du Liban. Cependant, les hésitations de la bourgeoisie française de passer du terrain diplomatique au terrain plus militaire n'ont pas disparu. La mission essentielle de la FINUL est de soutenir une très faible armée libanaise à peine reconstituée -15 000 hommes seulement- chargée de désarmer le Hezbollah. Cette mission s'annonce d'autant plus périlleuse que deux membres du Hezbolllah sont au sein du gouvernement libanais, que le Hezbollah lui-même auréolé du prestige d'avoir à lui seul fait échec à la puissante armée de Tsahal ne s'est jamais senti aussi fort et plein d'assurance (il a démontré sa capacité de lancer des roquettes et de menacer les villes du Nord d'Israël jusqu'à la signature du cessez-le-feu) et surtout que l'armée libanaise est déjà largement infiltrée par lui .D'autres puissances sont également en lice comme l'Italie qui, en échange du plus gros contingent des forces de l'ONU, se verra confier après février 2006 le commandement suprême de la FINUL au Liban. Ainsi, quelques mois à peine après le retrait de ses troupes d'Irak, Prodi après avoir âprement critiqué l'engagement de l'équipe Berlusconi en Irak, ressert le même rata au Liban, confirmant les ambitions de l'Italie d'avoir son couvert dans la cour des grands, au risque d'y laisser de nouvelles plumes.
L'échec patent d'Israël et des Etats-Unis représente un nouveau pas important dans l'affaiblissement de l'hégémonie américaine. Mais loin d'être un facteur d'atténuation des tensions guerrières, il ne fait qu'accroître celles-ci. Il constitue un encouragement pour décupler les prétentions impérialistes de tous les autres Etats. Il n'annonce aucune autre perspective qu'une déstabilisation et un chaos croissants.
Le Moyen et le Proche-Orient offrent aujourd'hui un concentré du caractère irrationnel de la guerre où chaque impérialisme s'engouffre de plus en plus pour défendre ses propres intérêts au prix d'une extension toujours plus large et plus sanglante des conflits, impliquant des Etats de plus en plus nombreux. La Syrie et l'Iran sont désormais sur le pied de guerre. En retour, cette situation pousse les Etats-Unis et Israël à organiser une riposte encore plus terrible et meurtrière. Le ministre de la défense israélien a ainsi clairement laissé entendre que le cessez-le-feu n'était qu'une trêve pour redisposer ses forces pour préparer un deuxième assaut où il promet de liquider définitivement le Hezbollah.
L'extension des zones d'affrontements sanglants dans le monde est une manifestation du caractère inéluctable de la barbarie guerrière du capitalisme. La guerre et le militarisme sont bel et bien devenus le mode de vie permanent du capitalisme décadent en pleine décomposition. C'est une des caractéristiques essentielles de l'impasse tragique d'un système qui n'a rien d'autre à offrir à l'humanité que de semer la misère et la mort.
Des protestations grandissantes contre la guerre apparaissent. L'an dernier, de grandes manifestations s'étaient déroulées à Tel-Aviv et à Haïfa pour protester contre la hausse du coût de la vie et accusant le gouvernement pour sa politique d'augmentation démesurée des budgets militaires au détriment des budgets sociaux et de provoquer également une hausse exorbitante de l'inflation. L'échec de la guerre aujourd'hui ne peut que favoriser l'expression grandissante du mécontentement social.
Dans les territoires palestiniens, la colère des fonctionnaires non payés depuis plusieurs mois (avec le gel des crédits de l'Union Européenne depuis l'élection du Hamas) s'exprime aussi de plus en plus.
Cependant, des millions de personnes parmi les prolétaires et la population civile qu'elle soit d'origine juive, palestinienne, chiite, sunnite, druze, kurde, maronite chrétienne ou autre, sont prises en otages et subissent une terreur quotidienne.
Quelle solidarité avec les populations victimes de l'horreur guerrière ? La bourgeoisie proclame à l'instar de l'hebdo Marianne du 12 août qu'il faut revendiquer que "nous sommes tous sionistes, nationalistes palestiniens et patriotes libanais" . Au contraire, les révolutionnaires doivent clamer haut et fort le cri de ralliement du prolétariat : "Les prolétaires n'ont pas de patrie". La classe ouvrière n'a aucun intérêt national ni aucun camp à défendre. Ces intérêts nationaux sont toujours ceux de la bourgeoisie qui l'exploite. S'opposer à la guerre, c'est s'opposer à tous les camps capitalistes. Seul le renversement du capitalisme pourra mettre un terme au déchaînement de la barbarie guerrière. La seule solidarité véritable au sein du prolétariat envers ses frères de classe exposés aux pires massacres, c'est de se mobiliser sur son terrain de classe contre ses propres exploiteurs. C'est de se battre et de développer ses luttes sur le terrain social contre sa propre bourgeoisie nationale. Comme elle l'a fait dans les grèves qui ont paralysé l'aéroport de Londres à Heathrow et les transports à New York en 2005, comme les travailleurs de l'usine Seat à Barcelone en début d'année, comme la mobilisation des futurs prolétaires contre le CPE en France ou les ouvriers de la métallurgie à Vigo en Espagne. Ces luttes qui témoignent d'une reprise des combats de classe à l'échelle internationale constituent la seule lueur d’espoir d'un futur différent, d'une alternative pour l'humanité à la barbarie capitaliste.
Wim / 28.08.2006
(1) Les critiques qui se sont multipliées sur la manière dont la guerre a été menée et son impréparation affectent même le haut état-major militaire israélien. Un journaliste pouvait ainsi déclarer que l'armée que l'on surnomme partout "la grande muette" était devenue "la grande bavarde".
(2) Ce cynisme et cette hypocrisie se sont pleinement révélés sur le terrain, à travers un épisode des derniers jours de la guerre : un convoi composé d'une partie de la population d'un village libanais, avec nombre de femmes et d'enfants tentant de fuir la zone de combats est tombé en panne et a été pris sous la mitraille de Tsahal. Les membres du convoi ont alors cherché refuge auprès d'un camp de l'ONU tout proche. On leur a répondu qu'il était impossible de les abriter, qu'ils n'avaient aucun mandat pour cela. La plupart (58 d'entre eux) sont morts sous la mitraille de l'armée israélienne et sous les yeux passifs des forces de la FINUL (selon le témoignage au journal télévisé d'une mère de famille rescapée).
(3) L'insistance inaccoutumée des médias sur cet épisode qui survient "opportunément" vise avant tout à habituer la population à accepter l'idée qu'il y ait d'autres morts de soldats et de nombreuses futures victimes au cours des opérations militaires auxquelles vont participer les forces françaises au Sud-Liban au sein de la FINUL.
Les trois parties précédentes de cette série ont mis en évidence comment le P.O.B., dès sa constitution, a connu un développement rapide en nombre et en influence. Le succès de la lutte parlementaire et syndicale dans l’obtention de réelles réformes va favoriser de plus en plus la disparition de l’idée même de révolution, au profit de la seule recherche de réformes. Les faiblesses se transformaient en doctrine. Le P.O.B., comme les autres partis sociaux-démocrates, était gangrené par l'opportunisme et le réformisme, malgré le combat quotidien de la gauche marxiste contre cette dégénérescence. Et cela d’autant plus que la bourgeoisie cherchait activement à contrôler la social‑démocratie pour encadrer la classe ouvrière en plein développement, qui constituait une menace de plus en plus grande pour son pouvoir (1).
Au début du 20ème siècle, la constitution du marché mondial est achevée et, avec elle, la concurrence entre les différentes nations capitalistes est exacerbée. La guerre économique que se livrent les nations ne pourra que déboucher sur un conflit militaire et mondial. La première guerre mondiale illustre d'une manière particulièrement sanglante ce début de l'agonie du capitalisme mondial. Ayant épuisé sa mission historique, le système capitaliste a rendu possible et nécessaire l’avènement d’un autre mode de production, la société communiste. A partir de là, la tâche de l’heure pour le prolétariat est de lutter pour le renversement du capitalisme, seule issue réaliste des luttes pour ses intérêts immédiats. L’entrée en décadence du mode de production capitaliste met violemment le prolétariat et ses organisations devant le choix "guerre ou révolution".
Porté par les avancées théoriques du mouvement ouvrier au 19ème siècle, encore au début du 20ème siècle, le P.O.B, comme ses congénères du monde entier, assure la classe ouvrière qu'il s'opposera par tous les moyens à la boucherie mondiale qui s'annonce en souscrivant aux déclarations des congrès de la IIème Internationale. Car, bien que gangrenée par le réformisme et l’opportunisme, la IIème Internationale, sous l’impulsion de ses minorités révolutionnaires, s’était très tôt prononcée contre les préparatifs guerriers et la menace de guerre. Ainsi, en 1907, au Congrès de Stuttgart, confirmé par les Congrès de Copenhague en 1910 et de Bâle en 1912 et jusqu’aux derniers jours de juillet 1914, elle s’était élevée contre la propagande guerrière et les visées militaristes de la classe dominante. L'internationalisme dominait le ton des résolutions. Mais l’entrée en guerre le 4 août 1914 constitue une catastrophe sans précédent pour le mouvement ouvrier. Parallèlement à un matraquage idéologique nationaliste intense de la part de la bourgeoisie, l’élément décisif qui va l’entraîner dans cette tuerie ignoble est la félonie des principaux partis ouvriers sociaux-démocrates. Leurs fractions parlementaires votent les crédits de guerre au nom de l’Union Sacrée, poussant les masses ouvrières à s’entretuer pour les intérêts des puissances impérialistes, dans une hystérie chauvine des plus abjecte. Finalement une fois mis devant le choix, seuls les Bolcheviks russes et les socialistes serbes ont voté contre les crédits de guerre. Les syndicats eux-mêmes déclarent toute grève interdite dès le début de la guerre.
En Belgique, déjà à la veille de la guerre, le vieil appareil social‑démocrate est totalement pourri par l'opportunisme et le réformisme, comme l’illustre la fin du discours du président du P.O.B., E. Vandervelde, à la chambre en décembre 1911: "Le jour où la Belgique serait attaquée, nous la défendrions. Nous nous battrions comme les autres et peut-être avec plus d’ardeur que les autres". Ou encore le même Vandervelde qui estimait en 1913 que la France avait à défendre ses institutions républicaines contre l'Allemagne impériale. Quel contraste avec son message d'internationalisme socialiste à l'époque de gloire du P.O.B.: "Il arrivera un moment où les ouvriers que vous avez enfermés dans les casernes trouveront qu'ils sont vraiment trop bêtes de tirer contre d'autres ouvriers, un moment où les prolétaires se diront : cet homme, cet Allemand, ce Français, c'est un ouvrier comme nous-mêmes. C'est un compagnon de travail et de misère ; nous l'aimons infiniment mieux que les gros capitalistes qui nous exploitent ; pour des hommes comme Jaurès ou comme Liebknecht, nous avons beaucoup plus de fraternelle sympathie que pour un Woeste et Helleputte par exemple" (Chambre des députés, séance du 17.12.1894) et "Il viendra un moment", lance Vandervelde, "où vous n'obtiendrez plus que ces gens (les ouvriers, ndlr) soient assez bêtes pour vous défendre, pour garder vos propriétés, pour être vos chiens de garde !" (Chambre des députés, séance du 17.12.1894). Rappelons que la Charte de Quaregnon de 1894 (programme du P.O.B.) affirme que "les socialistes de tous les pays doivent être solidaires, l'émancipation des travailleurs n'est pas une œuvre nationale, mais internationale". Qu'est-il advenu des manifestations anti- militaristes massives, comme celle d'août 1897 à l'appel du P.O.B., lorsque des dizaines de milliers de personnes défilent derrière le slogan: "le socialisme brise le dernier fusil!","A bas la guerre, sabres et canons"?
Dès l’éclatement de la guerre, les "sociaux‑chauvins" servent en Belgique comme dans les principaux pays industrialisés, d’agents recruteurs pour la boucherie impérialiste et trahissent définitivement la classe ouvrière. Le P.O.B. considérait donc qu'une guerre entre les alliances serait une guerre de "défense de la démocratie" contre les "monarchies militaires". Et l'argument que les socialistes belges s'engageaient uniquement dans une "guerre défensive" suite à la violation de la "neutralité" belge par l'impérialisme allemand, n'avait d'utilité que pour la propagande de la droite, et allait mystifier le centre jusqu'en 1917. Cet argument était fallacieux: outre l'engagement plein et entier des sociaux démocrates belges dans l'union sacrée dès le début de la guerre, les déclarations des chefs du P.O.B. avant '14 mettaient en évidence qu'ils étaient prêts à trahir, oubliant toutes les leçons et analyses du mouvement ouvrier sur l'impérialisme, la guerre et l'internationalisme prolétarien. Il est évident que la neutralité belge ne pouvait être qu'une fiction juridique dans le monde impérialiste de 1914. Les "pays neutres" avaient en réalité une "neutralité" de façade. En conquérant un empire colonial et en prenant une part active aux luttes d'influence pour le contrôle du marché mondial, le capitalisme belge s'était placé de plain-pied sur le terrain des antagonismes impérialistes. Louis de Brouckère écrivait à ce sujet: "On a voté l'annexion du Congo, on croyait tenir la colonie. On s'aperçoit aujourd'hui que c'est la colonie qui nous tient. Nous sommes entrés dans la ronde des "puissances mondiales". Et les grands ne nous lâcheront pas. Il nous faut suivre leur mouvement, armer quand ils le disent, dépenser quand ils le disent."(2). L'argument que la Belgique, considérée à part, mena une guerre défensive, ne fut pas ignoré de Lénine. "Admettons, écrivait Lénine en 1915, que tous les Etats qui ont intérêt à respecter les traités internationaux aient déclaré la guerre à l'Allemagne, en exigeant de ce pays qu'il évacue et dédommage la Belgique. En l'occurrence, la sympathie des socialistes serait allée, bien entendu, aux ennemis de l'Allemagne. Or, le fait est justement que la guerre menée par la “ Triple (et Quadruple) Entente” ne l'est pas pour la Belgique; cela est parfaitement connu, et seuls les hypocrites le dissimulent. Sur le terrain de la guerre actuelle des gouvernements actuels, il est impossible d'aider la Belgique autrement qu'en aidant à étrangler l'Autriche ou la Turquie, etc. ! Que vient faire alors ici la “ défense de la patrie ” ??" (3). Donc, le cas belge ne pouvait modifier en rien le caractère général de la guerre. Il fournit seulement à l'un des deux blocs impérialistes l'occasion d'embellir ses mobiles de guerre en invoquant la barbarie de l'adversaire et le droit international.
En plus, le P.O.B. n'est sûrement pas le dernier à se bousculer au portillon de la "défense du sol natal". Du coup, les députés socialistes votent les 200 millions de crédits de guerre tout en applaudissant. Le P.O.B. soutient désormais l'union sacrée pour la guerre. Le P.O.B. avait d'ailleurs le triste privilège d'être le premier parti socialiste à adhérer à un gouvernement d'unité nationale. En tant qu'agent recruteur de la bourgeoisie, il engage les ouvriers belges à tirer sur les ouvriers allemands, et son ténor, E. Vandervelde, dès le 4 août 1914, jour de l'invasion par l'armée allemande de la Belgique, est "bombardé" ministre d'Etat dans le gouvernement de guerre. Ainsi il décrète: "la lutte de classe est suspendue, le peuple entier se consacre à la défense du territoire et de la liberté" (4). Puis en 1916, il devient Ministre de l'Intendance civile et militaire dans le Gouvernement belge siégeant au Havre. Dans ce contexte, il montera au front sur demande du roi pour exhorter le patriotisme quelque peu défaillant après de longues années de carnage sans fin, et pour faire la chasse aux déserteurs et aux ouvriers internationalistes. Pendant quatre ans, Vandervelde, comme président de l'Internationale et du P.O.B., sera un pion propagandiste de poids pour la cause des alliés. En tant que président de l'Internationale, il lance un appel aux socialistes russes à mettre provisoirement de côté leur lutte contre le tsarisme et à défendre la démocratie européenne contre le militarisme prussien (en fait l'inverse de l'appel de la résolution de Bâle de 1912). Avec lui, il y a E. Anseele, ministre à partir de 1916, qui se distinguera comme un véritable faucon, propagandiste de la guerre jusqu'à la victoire finale. Mais également un tas d'anciens opposants à la politique opportuniste, tel Jules Destrée, furent des hérauts des plus passionnés de ce qu'on a appelé le socialisme de guerre. Son patriotisme sans retenue ni nuance le convertira en défenseur acharné de la démocratie bourgeoise. Ainsi il fera des déclarations ronflantes au parlement rejetant la thèse que "les ouvriers n'ont pas de patrie" pour proclamer ensuite "le devoir des peuples de défendre l'intégrité territoriale de leurs pays" (5). Il fut d'ailleurs chargé de mission en Italie, alors neutre, afin d'y combattre "le caractère émollient et pernicieux pour le prolétariat des théories neutralistes" (6). Mais il y avait aussi Louis de Brouckère et De Man, trahissant l'opposition marxiste, qui se sont engagés volontairement dans l'armée belge. Leur exemple fut suivi par plusieurs opposants, y inclus dans les Jeunes Gardes Socialistes (JGS). C'est dire que le mouvement socialiste est unanime en ce qui concerne la défense du territoire, et qu'il a pris fait et cause pour les Alliés.
Mais malgré tout ce chauvinisme et cette propagande de guerre mystificatrice, dès l'été de 1916, des mouvements de masse significatifs, notamment en Allemagne, sont apparus pour exprimer la colère des ouvriers contre les souffrances, les privations et la misère qu'entraînait la guerre. Entre autres, éclate en 1917 une mutinerie dans une grande partie de l'armée française. Des soldats partant en congé chantent l'Internationale dans les trains et revendiquent la paix. Les unités les plus difficiles sont prises sous les feux de leurs propres canons et 55 "mutinés" doivent paraître devant le tribunal de guerre et seront exécutés. (7)
Le véritable début de la vague révolutionnaire se situe au mois de février 1917, en Russie. A Petrograd, on assiste à l'explosion de tout le mécontentement accumulé dans les rangs ouvriers - ainsi que dans d'autres couches pauvres de la population - contre le ravitaillement en vivres de jour en jour plus défectueux de la capitale de Russie et la surexploitation imposée par l'économie de guerre. Les soldats professionnels qui sont appelés a écraser l'insur-rection se rallient. Les événements révolutionnaires de Russie eurent bien entendu un retentissement énorme dans tous les prolétariats d'Europe et du monde, mais d'abord parmi ceux des pays impliqués directement dans le carnage inter-impérialiste. Ils engendrèrent partout des manifestations et de vibrantes protestations de sympathie en faveur de l'Octobre rouge, et la Belgique n'y fit pas exception, provoquant en outre, sur le front, des élans de fraternisation entre soldats d'armées adverses.
Dès le développement de la révolution russe en 1917, la direction du P.O.B. s'engage contre la menace bolchevique. Et si au début, comme la plupart des partis sociaux-démocrates, le P.O.B. par l'intermédiaire de Vandervelde, de Brouckère et Colon avait envoyé du Havre au comité de Petrograd un télégramme saluant la victoire sur le tsarisme (8/3/17), E. Vandervelde condamne les ouvriers révolutionnaires de Russie pour soutenir ouvertement Kerenski et la contre-révolution, "la politique des bolcheviks ferait le jeu du roi de Prusse", "le bolchevisme est la négation du socialisme". De Man et de Brouckère iront avec Vandervelde en Russie en mai-juin 1917 pour contrer les aspirations pacifistes et exhorter la Russie à poursuivre la guerre sainte contre l'Allemagne au lieu d'écouter ceux qui les invitaient à retourner leurs armes contre leur propre bourgeoisie, et pour contrer la montée du bolchevisme! Quel contraste avec le mouvement de solidarité lors de l'insurrection en Russie en 1905 où Huysmans, au nom de l'Internationale, fait un appel au soutien à la Révolution Russe, entre autre par l'achat et l'envoi d’armes.
C'est cependant en Allemagne, le siège du plus puissant mouvement ouvrier, que les répercussions décisives se produisirent. Après un temps d'incubation durant l'année 1917, la révolte ouvrière grossit tout au long de 1918, pour atteindre son point d'incandescence au début du mois de novembre. Des drapeaux rouges flottent sur la flotte de guerre allemande, qui est à l'ancre à Kiel. Partout des conseils d'ouvriers et de soldats sont fondés, aussi à Bruxelles, où le 10 novembre 1918 des soldats allemands se révoltent contre leurs officiers. Ils occupent la Kommandantur, élisent un Conseil Révolutionnaire de soldats et font appel à la solidarité des ouvriers et des syndicats belges. Mais ceux-ci, où Jacquemotte jouait pourtant un rôle déterminant, ne bougèrent pas. Parce que le P.O.B. interdit aux ouvriers belges de se solidariser. Bien qu'il n'y ait pas de menace immédiate en Belgique, les événements en Russie et en Allemagne et la création du conseil révolutionnaire de soldats à Bruxelles ont fait impression. La bourgeoisie se rend compte dès à présent que les ouvriers en uniforme sortant des tranchées ne se contenteront plus de la situation d'avant guerre. Alors, ces mêmes socialistes (tel Joseph Wauters) vont discuter sous le couvert du Comité National de Secours alimentaire à Bruxelles avec E. Francqui de la Société Générale, l'industriel E. Solvay ou le libéral P. E. Janson, de la préparation d'un gouvernement d'union nationale, chargé de relancer à moindre frais pour éviter la contagion des mouvements révolutionnaires, résultant dans les pourparlers avec le roi au château de Lophem le 12 novembre. Les socialistes sont désignés à des postes ministériels importants: Vandervelde devient ministre de la Justice, Anseele des travaux publics et de l'industrie, et Joseph Wauters du travail. Le roi est d'accord avec Anseele que pour reconstruire la Belgique dans le calme et dans l'ordre, tous les partis doivent enterrer la hache de guerre et adhérer à un gouvernement d'unité nationale, qui doit accéder à quelques revendications importantes des ouvriers: ainsi le Suffrage Universel sera accordé, l'article 310, dirigé contre les grèves syndicales sera rayé du code pénal, des concessions importantes sur la journée des huit heures seront faites, et une retraite de 700 francs est introduite.
En fait, un programme de réformes "coupe-feu", ne laissant la place qu'à des émeutes pseudo-révolutionnaires (8). Car effervescence sociale il y avait. Elle s'exprimera avec force entre 1919 et 1921, dans une multitude de grèves sauvages (1919: 160.000 grévistes et 1920: 290.000 grévistes). Les socialistes font tout pour briser les grèves. Wauters entre autre, en instaurant les commissions paritaires, Louis Bertrand en proposant un arbitrage obligatoire lors de conflits sociaux, et Destrée en contestant le droit de grève aux fonctionnaires. Fin 1921, le mouvement prendra une forme symbolique. Une grève dans la métallurgie à Seraing s'étend aux mineurs et à d'autres ouvriers, et se radicalise après que la direction syndicale et le bourgmestre socialiste Merlot ont essayé de ménager une conciliation. Les grévistes se révoltent contre la direction syndicale qui refuse de soutenir le mouvement. Pour la première fois dans l'histoire du P.O.B., des prolétaires sont montés à l'assaut d'une maison du Peuple du P.O.B., illustrant ainsi le tournant historique du P.O.B. et de l'appareil syndical.
Finalement, deux autres exemples de la politique du P.O.B. au gouvernement après la guerre accentuent son passage à la bourgeoisie. D'abord il participe pleinement à la politique d'annexionnisme des cantons de l'Est et des colonies allemandes du Burundi et du Rwanda, et Vandervelde fut un des co-signataires du traité de Versailles (28/6/1919), choses qui étaient complètement impensables à la veille de la guerre. Puis, dans la même année 1919, il se solidarise avec la répression orchestrée par la social-démocratie allemande du SPD contre les ouvriers insurgés de Berlin. De plus, il accepte que le gouvernement belge, par l'envoi d'un corps expéditionnaire militaire dans la Ruhr, participe à la mission de "pacification" de cette région industrielle.
Les organisations politiques du prolétariat meurent souvent vaincues, en trahissant, en passant dans le camp de l'ennemi. Tel fut aussi le cas du P.O.B.. Mais des fractions de l'organisation - les gauches - auront la force de ne pas laisser tomber les bras devant la pression de la classe dominante et assumeront la continuité de ce que ces organisations contenaient de prolétarien. En ce sens, se réclamer de la continuité qui traverse les organisations politiques prolétariennes, c'est se réclamer de l'action des différentes fractions de gauche, qui seules ont eu la capacité d'assurer cette continuité. Mais ce combat n'était pas mené n'importe où. Il se déroulait au sein des organisations qui regroupaient les éléments les plus avancés de la classe ouvrière. Des organisations prolétariennes, qui avec toutes leurs faiblesses ont toujours été un défi vivant à l'ordre établi.
"Rejetant loin de nous les demi-mesures, les mensonges et la paresse des partis socialistes officiels caducs, nous, communistes, unis dans la 3ème internationale, nous nous reconnaissons les continuateurs directs des efforts et du martyre héroïques acceptés par une longue série de générations révolutionnaires, depuis Babeuf jusqu'à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Si la 1ère Internationale a prévu le développement à venir et a préparé les voies, si la 2ème Internationale a rassemblé et organisé des millions de prolétaires, la 3ème Internationale est l'Internationale de l'action des masses, l'Internationale de la réalisation révolutionnaire." ("Manifeste du Congrès de fondation de l'Internationale Communiste aux prolétaires du monde entier!" mars 1919).
Lac / 05.08.2006
(1) Le lent et difficile combat pour la constitution des organisations ouvrières, Internationalisme n° 324; Réforme sociale ou révolution?, Internationalisme n° 325; La percée du réformisme et de l'opportunisme, Internationalisme n° 326
(2) Louis De Brouckère, Socialisme et lutte de classe, n° 14, juillet 1914
(3) Lénine, Le socialisme et la guerre, L'exemple de la Belgique, 1915
(4) Vandervelde, Le parti ouvrier belge 1885-1925 p.68
(5) Discours de Furnémont et de Destrée, Annales parlementaires, 1912-13, p.661,665,942
(6) Jules Destrée, Les Socialistes et la Guerre européenne, Paris, 1916, p. 75
(7) Les mutins de 1917 appartiennent à la mémoire du prolétariat international, pas à celle de la nation!, Internationalisme n° 247, décembre 1998
(8) Léo Picard, Geschiedenis van de socialistische arbeidersbeweging in België, Tussen de twee oorlogen, p.493
Avec l’automne, voici le retour du carnaval électoral, cette fois-ci sur le plan communal ; et avec lui, le cortège inépuisable de bluff, de magouilles politiciennes, de mensonges, d'illusions. Une fois de plus on nous appellera à remplir notre ‘devoir de citoyen’, à participer par notre vote au choix d’une bonne gestion du système, cette fois-ci sur le plan communal, à nous mobiliser pour la ‘défense de la démocratie’. En réalité, les dés sont pipés d'avance : c'est toujours la bourgeoisie qui gagne les élections. Sur ce terrain pourri, les ouvriers n'ont rien à défendre. L'expérience est déjà faite depuis longtemps pour les prolétaires : que la gauche ou la droite l'emporte, tel candidat ou tel autre, cela signifie pour eux la même politique d'attaques incessantes de toutes les conditions de vie ouvrière.
C'est pourquoi, aujourd'hui encore, les révolutionnaires appellent les ouvriers à déserter toute participation électorale au nom de la défense de leurs intérêts immédiats et historiques. Ce n'est qu'en développant leurs luttes sur leur propre terrain de classe, contre la misère, sur les lieux de travail, dans les grèves et manifestations qu'ils peuvent réellement exprimer leur colère.
Cette attitude des révolutionnaires n'est pas spécifique aux élections communales qui se dérouleront en octobre en Belgique. C'est depuis le début du siècle précédent que, contrairement au 19ème, les ouvriers n'ont plus aucune possibilité d'utiliser les élections pour défendre leurs intérêts.
Au 19ème siècle, tout au long de la période ascendante du capitalisme, la lutte ouvrière contre l'exploitation et l'oppression de la bourgeoisie passe nécessairement par une lutte pour des réformes, par d'âpres batailles revendicatives pour conquérir et arracher des améliorations possibles, réelles et durables des conditions de travail et d'existence des ouvriers sur le terrain économique et politique. A cette époque, le parlement pouvait être utilisé comme une tribune grâce à laquelle la classe ouvrière pouvait faire entendre sa voix, s'aménager une place dans un capitalisme encore florissant. De ce fait, tout en combattant les illusions sur la possibilité de parvenir au socialisme par des voies démocratiques, pacifiques, réformistes, les révolutionnaires étaient néanmoins partie prenante du combat pour l'obtention du suffrage universel. Ils appelaient les ouvriers dans certaines circonstances à participer aux élections et au parlement bourgeois pour favoriser l'obtention de telles réformes en jouant sur les oppositions entre fractions progressistes et réactionnaires de la classe dominante qui s'y affrontent.
A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle par contre, le capitalisme ayant désormais étendu sa domination à l'ensemble de la planète, il ne peut plus être un système progressiste. Il ne peut plus parvenir à surmonter les contradictions économiques qui l'assaillent, il ne peut plus résoudre ses crises cycliques de surproduction car il se heurte aux limites d'un marché mondial de plus en plus saturé. Tous les rapports sociaux de production, propriété privée, salariat, nation, qui avaient constitué le cadre à partir duquel le capitalisme a pu se généraliser à toute la planète et qui avaient permis un formidable développement des forces productives, se transforment en autant d'entraves à ce développement.
Le capitalisme entre définitivement dans une crise historique permanente. Il ne peut désormais survivre qu'à travers un cycle infernal de crise, guerre, reconstruction, nouvelle crise plus aiguë..., entraînant avec lui l'ensemble de l'humanité dans une barbarie et une misère toujours plus grandes.
Ces contradictions insurmontables qui assaillent le capitalisme depuis le début du 20ème siècle acquièrent de par leur intensité, leur durée, leur généralisation à tous les pays, une dimension qualitativement nouvelle. Elles placent la classe ouvrière devant la nécessité et la possibilité d'oeuvrer directement au renversement du capitalisme.
Désormais, la survie du capitalisme, compte tenu de l'âpreté de la concurrence entre les différentes fractions nationales de la bourgeoisie qui se disputent les débouchés de plus en plus rares sur le marché mondial, implique une intensification de l'exploitation et des attaques contre toutes les conditions de vie ouvrière. Désormais, il est hors de question pour la bourgeoisie d'accorder dans quelque domaine que ce soit, économique ou politique, des réformes réelles et durables à la classe ouvrière. C'est l'inverse qu'elle lui impose : toujours plus de sacrifices, de misère, d'exploitation et de barbarie.
Dans ces conditions, il n'est plus possible pour le prolétariat de se défendre sur le terrain des institutions bourgeoises. Sa seule tâche est maintenant de se préparer à affirmer sa propre perspective révolutionnaire afin de détruire ce système agonisant de fond en comble.
Pour y parvenir, il doit rejeter toutes ses méthodes de lutte passées, devenues désormais caduques : la lutte dans les syndicats et sur le terrain électoral. Ces moyens qui, au 19ème siècle, lui avaient permis de s'affirmer et de se constituer en classe sont devenus des armes de la bourgeoisie, des forces de mystification qui ne servent qu'à désarmer les ouvriers, à les détourner du terrain réel de leurs luttes contre le capital.
Ainsi, aujourd'hui la classe ouvrière n'a pas le choix. Ou bien elle se laisse entraîner sur le terrain électoral, sur le terrain de l'Etat bourgeois qui organise son exploitation et son oppression, terrain où elle ne peut être qu'atomisée, donc sans force pour résister aux attaques du capitalisme en crise. Ou bien, elle développe ses luttes collectives, de façon solidaire et unie, pour défendre ses conditions de vie. Ce n'est que de cette façon qu'elle pourra développer sa force de classe, s'unifier et s'organiser en dehors des institutions bourgeoises pour mener le combat en vue du renversement du capitalisme. Ce n'est que de cette façon qu'elle pourra, dans le futur, édifier une nouvelle société débarrassée de l'exploitation, de la misère et des guerres.
Internationalisme
Le policier britannique qui a annoncé l’arrestation de nombreux suspects dans le dernier complot à la bombe a dit que le groupe avait planifié "un meurtre de masse à une échelle inimaginable, sans précédent".
S’il avait en effet planifié la destruction d’avions avec leurs passagers au-dessus de villes américaines, il s’agit à coup sûr d’un plan en vue d’un meurtre de masse. Les méthodes de Ben Laden et des "djihadistes" qui l’admirent sont celles de la barbarie. Les victimes de leurs attentats sont d’abord et avant tout les exploités et les opprimés, les ouvriers, les pauvres. A New York, Madrid, Londres, Bombay, Beslan, en Irak chaque jour, la “résistance islamique" massacre ceux qui vont au travail, ceux qui essayent de survivre jour après jour dans une société hostile. Les méthodes des "djihadistes" sont en fait les mêmes que celles des puissances "infidèles" auxquelles ils prétendent s'opposer –les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et autres.
Et tout comme les gouvernements de l’Ouest cherchent à mélanger l’islamophobie et le racisme contre ceux qui sont identifiés comme musulmans, la réponse des djihadistes est de prêcher le racisme contre les "kafirs", en particulier contre les Juifs, faisant revivre les pires mensonges de l’hitlérisme. Ces idéologies sont utilisées pour justifier le massacre de masse des non-musulmans (dans lequel les musulmans meurent aussi par milliers, comme en Irak aujourd’hui). Les djihadistes sont le véritable miroir de Bush et Blair et de leur "guerre au terrorisme".
Mais voilà où nous voulons en venir: les atrocités terroristes contre les innocents ne sont ni “inimaginables” ni "sans précédent". Les détenteurs du pouvoir qui condamnent cette dernière atrocité annoncée en provoquent de loin de plus importantes, parce qu’ils ont une puissance de feu de loin supérieure. Ce sont les djihadistes "démocratiques", en charge des Etats principaux du monde, ceux qui sont responsables de massacres de civils à une échelle bien plus grande –en Irak, en Afghanistan, au Liban, en Tchétchénie … Les guerres déclenchées par les puissances "démocratiques" sont le modèle suprême de la terreur : comment peut-on qualifier différemment l’emploi de la force militaire massive pour intimider des populations entières ? La dévastation du Liban par Israël est-elle différente, ou la campagne des Etats-Unis de 2003 "frapper et surprendre", ou encore de la même façon le "bombardement par zones" de l’Allemagne par Churchill à la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
La guerre impérialiste, c’est la terreur contre l’humanité. Et les Etats qui la paient sont tout autant adeptes des méthodes de l’ombre qu’utilisent les "terroristes" qu’ils le sont de la terreur ouverte et massive des bombardements aériens. Qui a entraîné Ben Laden pour combattre les Russes, sinon l’Amérique "démocratique"? Qui s’est servi des cliques de Protestants pour provoquer des assassinats et des attentats en Ulster ? La Grande-Bretagne "démocratique". A qui appartiennent les "pères fondateurs" terroristes comme Menahem Begin? A l’Israël anti-terroriste. Et grâce à ses espions et à ses informateurs, l’Etat "démocratique" peut encore faire un usage subtil des bandes terroristes, même lorsqu’elles sont de "l’autre côté". Malgré les polémiques officielles contre les "théories de la conspiration", il existe une confirmation grandissante que l’Etat américain a permis à Al Qaïda de mener à bien ses attaques en septembre 2001 ; le but –qui avait déjà été émis ouvertement par les théoriciens "Neo-Con"- était de créer un nouveau Pearl Harbour pour justifier une énorme offensive impérialiste en Afghanistan et en Irak. Et il est tout aussi capable de fabriquer des complots terroristes quand rien n’existe réellement. En effet, que la menace soit réelle ou inventée, l’Etat utilisera toujours les activités des terroristes pour renforcer son arsenal de lois répressives, son vaste appareil d’information et de surveillance.
Après le 11 septembre, Bush a proposé un faux choix : avec nous ou avec les terroristes. Aujourd’hui, des millions de gens ont vu ce que Bush voulait, mais ils n’ont pas échappé à ce faux choix. Beaucoup de jeunes qui voient que le monde dans lequel nous vivons va au désastre sont dévoyés vers le terrorisme comme seule "alternative". Mais c’est une fausse alternative, une impasse tout aussi désastreuse, les transformant en agents recrutés dans une marche au suicide vers la guerre impérialiste. C’est une évidence du conflit qui s’étend à travers le Moyen-Orient, un conflit qui rebondit aussi sur les Etats-Unis et l’Europe.
Mais face à l’inexorable décadence de la société actuelle, qui s’enfonce dans la guerre et le chaos, il existe un autre côté : celui de la classe exploitée, le prolétariat, la grande majorité d’entre nous, qui n’a aucun intérêt à être plongée dans les conflits fratricides et les massacres inter-impérialistes.
Face à l’effondrement accéléré du capitalisme qui, dans chaque région du globe, a prouvé qu’il mettait en danger la survie même de l’humanité, il y a une guerre encore valable à mener : la guerre de classe, unissant les ouvriers de tous les pays et de toutes les couleurs contre les gangsters qui dominent la planète mais qui en perdent de plus en plus le contrôle.
La bataille entre les classes que beaucoup disent être dépassée, est une fois encore en train de surgir. Un certain nombre d’évènements récents nous le montre :
- dans les assemblées et les manifestations des étudiants français, massivement en grève dans les collèges, les lycées et les universités, toutes couleurs et croyances confondues ; un mouvement qui, comme en 1968, a ébranlé le pouvoir, surtout lorsqu’un nombre grandissant de salariés ont commencé à rejoindre les étudiants ;
- dans la grève sauvage des ouvriers de la poste de Belfast : officiellement "loyalistes" et "catholiques", ils ont marché ensemble sans autorisation dans les rues "ennemies", en opposition au schisme national et aux gangs paramilitaires des deux camps ;
- dans la grève d’Heathrow l’an dernier, où les porteurs ont manifesté en solidarité avec les ouvriers de Gate Gourmet, unis au-delà des divisions raciales et sexuelles par leur indignation commune face aux méthodes grossièrement tyranniques de la direction, et rejetant ainsi toute la législation syndicale.
Ces expressions de la solidarité de la classe ouvrière sont les lignes de force de la vraie communauté de l’humanité, une communauté faite de l’activité humaine pour les êtres humains et non plus pour la religion ou l’Etat.
World Revolution / 14.8.06
Nous publions ci-dessous l’énoncé des principes de base d’un nouveau groupe prolétarien en Turquie, Enternasyonalist Komünist Sol (EKS, Gauche Communiste Internationaliste). Sur le site-web du CCI nous avons publié leur tract à l'occassion du 1er Mai, tract que nous avons aidé à diffuser. Pour contacter EKS, écrire à [email protected] [7].
Les positions de EKS sont des points d’accord fondamentaux d'adhésion. Elles ont été écrites rapidement, en vue de l’évolution d’un groupe, qui à l'origine se rassemblait pour publier et diffuser des tracts à l'occasion de manifestations spécifiques, vers une formation politique. Et en tant que tels, elles sont sujettes à des changements futurs. Elles prennent position sur ce que nous considérons comme les quatre positions de base des révolutionnaires aujourd’hui:
1) Le rejet du parlementarisme et de la social-démocratie;
2) Le rejet du syndicalisme;
3) Le rejet de toutes les formes de nationalisme et la défense de l’internationalisme;
4) La lutte communiste, et la nature du communisme.
Elles ne nous définissent ni comme un groupe "marxiste" ni comme un groupe "anarchiste". Bien que la plupart de nos membres se considèrent comme des communistes, nous n'écartons pas un travail commun dans la même organisation politique que des anarchistes qui partageraient les positions de classe fondamentales de la classe ouvrière. Nous pensons que dans la situation actuelle en Turquie, où quasiment personne ne défend des positions révo-lutionnaires, ce serait une immense erreur d'exclure des gens, qui fondamentalement ont les mêmes positions que nous aujourd'hui, sur la base d'arguments historiques à propos de choses qui se sont passées au début du siècle dernier. Ceci ne signifie pas, cependant, que ce sont des questions que nous ne discutons pas, ni que nous n'essayons pas de les éclaircir d'avantage.
Enternasyonalist Komünist Sol.
1) Le rejet du parlementarisme et de la social-démocratie
L'idée que l'ordre existant puisse être changé au travers du parlement ou de moyens démocratiques est l'obstacle majeur auquel le mouvement ouvrier se confronte à chaque pas qu'il fait. Bien que cette illusion ait été consciemment créée par la classe dominante, elle est aussi défendue et proposée comme solution par les groupes gauchistes, qui sont incapables de comprendre la nature de classe du parlement, basé sur l'idée que la classe ouvrière est liée à la nation. Mais en réalité, ce n'est qu'un cirque qui tente d'imposer l'idée qu'un mouvement de classe est à la fois dénué de sens et inutile, afin de mobiliser le prolétariat derrière les intérêts de la bourgeoisie. Et la social-démocratie ne se prive pas de prendre part elle-même à ce cirque. Si la social-démocratie défend l'idéologie des droits et libertés démocratiques, et le changement de l'équilibre actuel en faveur de la classe ouvrière au travers de réformes, qui ne sont plus possibles dans le capitalisme, c'est parce que sa position est un outil pour créer un point intermédiaire entre la classe dominante et la classe ouvrière, ce qui revient à défendre les intérêts de la bourgeoisie. Non seulement la social-démocratie ne constitue pas un obstacle pour la classe dominante mais elle est aussi anti-classe ouvrière, et adopte une position contre-révolutionnaire lorsque les mouvements du prolétariat surgissent, et constitue une idéologie de collaboration avec la classe ennemie, au service de la bourgeoisie.
2) Le rejet du syndicalisme
Tout comme le parlement, les syndicats organisent également les ouvriers comme étant une partie du capital. En plus, à cause de leur position au cœur de la classe ouvrière, ils constituent le premier obstacle à la lutte du prolétariat. Quand la classe ouvrière semble être passive, et que sa lutte face au capital n'est pas évidente, radicalisée ou généralisée, les syndicats organisent la classe ouvrière comme capital variable, et comme esclaves salariés, et généralisent également l'illusion qu'il y a des façons aussi honorables que justes de vivre de cette manière. Non seulement les syndicats sont incapables d'entreprendre des actions révolutionnaires, mais ils sont aussi incapables de défendre les conditions de vie des ouvriers ici et maintenant. C'est la raison principale de l'utilisation par les syndicats de tactiques bourgeoises, pacifistes, chauvines et étatiques. Quand le mouvement de la classe ouvrière se radicalise et se développe, les syndicats mettent en avant des slogans démocratiques et révolutionnaires, et tentent de cette façon de manipuler le mouvement, comme si les intérêts de la classe ouvrière n'étaient pas l'émancipation du travail salarié elle-même, mais sa poursuite sous différentes formes. Les méthodes du syndicalisme de base et de l'autogestion sont utilisées à différents endroits et dans différentes situations, ne débouchant sur rien d'autre que l'acceptation volontaire par les ouvriers eux-mêmes de la domination du capital. En réalité, la seule chose que font les syndicats est de diviser les ouvriers entre différents groupes sectoriels, et de rabattre les intérêts de la classe comme un tout derrière les slogans sociaux-démocrates.
3) Le rejet de toutes les formes de nationalisme, et la défense de l'internationalisme
Le nationalisme est un slogan fondamentalement utilisé par la bourgeoisie pour organiser la classe ouvrière dans le cadre des intérêts capitalistes. Prétendre que chaque membre d’une nation, indépendamment de sa position de classe, serait prétendument sur la même barque, ne sert qu’à détruire le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière en rassemblant à un niveau idéologique deux classes anta-goniques. C'est dire que, de ce point de vue chaque personne doit travailler pour "sa" propre nation, sa propre classe capitaliste, et la lutte pour les intérêts de classe propres aboutirait au naufrage du bateau. Contrairement à ce que prétend toute la gauche, que ce soit dans le nationalisme Turc ou Kurde, leurs caractéristiques ne diffèrent pas.
La réalité fondamentale niée par ceux qui parlent de luttes de libération nationale contre l'impérialisme est que la caractéristique de la lutte de la classe ouvrière pour sa libération se situe au-delà de toutes les nations. La libération de la classe ouvrière ne peut se réaliser que sous l'étandard de la lutte de classe, contre toute forme de lutte de libération nationale, de démagogie et de guerre impérialiste. Les gens qui à l'heure actuelle parlent d'un "front national" contre les impérialistes et d'indépendance nationale, entrent en surenchère avec les libéraux qu'ils prétendent combattre, pour en fait nier les contradictions de classe. Le nationalisme Kurde, soi-disant opposé au nationalisme Turc, qu'il alimente en retour, accomplit une division complète de la classe ouvrière en jouant le même rôle que le nationalisme Turc pour les travailleurs dans sa propre région.
4) La lutte communiste, et la nature du communisme
Le communisme n'est pas une belle utopie qu'on pourra atteindre un jour, ni une théorie dont la nécessité est scientifiquement prouvée, c'est le mouvement de la lutte des ouvriers pour leurs propres intérêts. Dans ce sens, le communisme n'a aucun rapport avec la définition qu'en donnent les gauchistes. Il est plutôt né de la lutte des ouvriers pour leurs intérêts quotidiens, et est l'expression de leur besoin d'émancipation de l'esclavage salarié, du capital et de l'Etat. En conséquence, il est la négation de toutes les divisions entre intellectuels et ouvriers, entre buts absolus et intérêts immédiats, entre conscience "trade-unioniste" et "conscience socialiste", entre buts et moyens. Dès que les ouvriers commencent à lutter pour leurs propres intérêts, de façon autonome des syndicats et des partis autoproclamés ouvriers, alors le communisme fleurit dans cette lutte. De la même manière, l'organisation communiste est formée organiquement à l'intérieur de cette lutte, et est née de l'union internationale des interventions des minorités les plus radicales et les plus déterminées dans la lutte de classe, qui exprime l'antagonisme entre prolétariat et capital.
WR / 06.2006
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/5/56/moyen-orient
[2] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/belgique
[3] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/seconde-internationale
[4] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/situation-sociale-belgique
[5] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/mystification-parlementaire
[6] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/terrorisme
[7] mailto:[email protected]
[8] https://fr.internationalism.org/tag/heritage-gauche-communiste/lorganisation-revolutionnaire