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Six ans après s'être constitué en organisation internationale centralisée, un an à peine après le surgissement en Pologne du plus puissant mouvement de classe depuis la vague révolutionnaire des années 20, le Courant Communiste International a réuni son 4ème congrès.
En cette période charnière de la vie de la société marquée par une accélération des évènements, sous le double impact de l'accélération de la crise économique du capitalisme mondial et des premiers pas de la reprise internationale des luttes ouvrières, ce congrès, le premier des années 80, "années de vérité" pour la société comme pour les révolutionnaires se fixait un double objectif :
1) apprécier la capacité du CCI à faire face à cette accélération de l'histoire qui tend à balayer impitoyablement les illusions et comportements illusoires que les deux classes fondamentales de la société et leurs organes respectifs sont parvenus à conserver jusqu'ici, en même temps qu'elle commence à indiquer le type d'attitude que ces deux mêmes classes et leurs organes seront désormais contraintes d'adopter.
2) voir quels enseignements nouveaux la lutte du prolétariat en Pologne a apporté pour comprendre le déroulement du processus révolutionnaire dans une période de crise économique mondiale et non de guerre impérialiste généralisée.
Dans ce but, le congrès a discuté des rapports et résolutions portant sur les questions suivantes :
Ces rapports et résolutions, que nous publions dans la "Revue Internationale" n°26 et dont nous convions ici les lecteurs à prendre connaissance ont ainsi pleinement mis en évidence l'accélération de l'histoire vers le développement des affrontements de classe qui décideront du sort de l'humanité : révolution communiste mondiale ou guerre impérialiste généralisée. Mais se faisant, ils ont également mis en évidence deux autres "vérités".
La première est que, si le CCI peut être satisfait aujourd'hui d'avoir su mettre à profit les années 70 pour se réapproprier de façon critique les apports du mouvement ouvrier sans lesquels il lui serait impossible d'aborder positivement les nouveaux problèmes que posera nécessairement la lutte de classe â venir; si le CCI peut être satisfait d'avoir au cours de ces mêmes années réussi à constituer et à fonctionner en tant qu'organisation internationale, c’est à dire au seul plan où peuvent être posés, analysés et résolus les problèmes de la révolution communiste comme l'a mis en évidence la lutte du prolétariat en Pologne; si enfin le CCI peut être satisfait d'avoir vu ses positions et analyses générales confirmées tout au long de ces années, il aurait tort de croire que désormais tout ira au mieux pour lui, avec le nouveau développement de la lutte de classe. Les difficultés à distinguer dans le travail d'analyse ce qui relève de l'immédiat, du local, du contingent, de ce qui relève du plus historique, du plus international; les difficultés à agir véritablement comme une organisation unique ayant des expressions locales qui se sont manifestées au cours de ces deux ans écoulés où le CCI s'efforçait de prendre place dans la reprise internationale de la lutte de classe, sont autant de faiblesses auxquelles notre organisation se doit de pallier sous peine de voir à terme, sa capacité de jouer un rôle d'avant-garde au sein des combats de classe, remise en cause.
La seconde vérité, est que, si les groupes révolutionnaires qui ont surgi ou se sont maintenus au lendemain de 68 ont pu se permettre sans autre conséquence grave, autrement que pour eux-mêmes, de rester fixés sur des positions invalidées par 60 ans d'histoire, ou de cultiver leur originalité, leurs spécificités, leur particularisme sectaire au détriment d'un travail de confrontation politique au plan international en vue du regroupement des révolutionnaires, désormais le maintien de telles positions et attitudes constitueront autant d'obstacles majeurs aux efforts redoublés de la classe ouvrière à se doter d'un parti communiste mondial indispensable à l'auto-émancipation de la classe ouvrière mondiale.
CAR L'EPOQUE DE L'APRES-68 A VECU, L'EPOQUE DE L'APRES-POLOGNE COMMENCE !
L 'ORGANISATION DES COMMUNISTES, CONTRAIREMENT À LA CONCEPTION DEFENDUE PAR DES COURANTS REVOLUTIONNAIRES SCLEROSES, N'EST PAS MONOLITHIQUE. LES DIVERGENCES QUI Y APPARAISSENT SONT UNE MANIFESTATION D'UN CORPS VIVANT ET LES DISCUSSIONS AUXQUELLES ELLES DONNENT LIEU NE RELEVENT PAS SEULEMENT DE SA VIE INTERNE OU "PRIVEE", MAIS CONCERNENT TOUTE LA CLASSE OUVRIERE.
C'EST EN CE SENS QUE NOUS PORTONS ICI À LA CONNAISSANCE DE NOS LECTEURS LES ELEMENTS D'UN DEBAT QUI SE POURSUIT DANS NOTRE ORGANISATION AUTOUR DE L'ANALYSE DE "LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION" (comme nous le faisons également dans la Revue Internationale n°26).
L'ARTICLE DU CAMARADE CHENIER, QUI EXPRIME UNE POSITION MINORITAIRE DANS LE CCI, CRITIQUE NOTAMMENT L'ANALYSE FAITE DANS LE n°68 DE RI SUR LES ELECTIONS DE MITTERRAND EN FRANCE. LA REPONSE QUI EST FAITE À CET ARTICLE, EN DEFENSE DE LA POSITION DE L'ORGANISATION, NE SE PROPOSE PAS DE REVENIR SUR LE FOND DE L'ANALYSE DE LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION (AMPLEMENT DEVELOPPEE DANS LES COLONNES DE RI ET DANS LA REVUE INTERNATIONALE) MAIS ABORDE ESSENTIELLEMENT LE PROBLEME DU CADRE ET DE LA METHODE D'ANALYSE AINSI QUE CELUI DE L'IMPACT DE LA CRISE POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE SUR SES ORIENTATIONS POLITIQUES FACE AU PROLETARIAT.
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Dans l'article "La crise politique de la bourgeoisie" paru dans le n° précédent de R.I., est défendue la thèse selon laquelle la prise en main du gouvernement par la fraction socialiste de l'appareil politique de la bourgeoisie française serait un "accident", un "faux pas" qui devrait "être mis au compte d'un certain nombre de faiblesses spécifiques à la bourgeoisie française qui ne concernent pas tellement son économie mais sa sphère politique". L'article justifie de cette manière les positions précédentes prises par notre presse qui avait notamment annoncé une défaite "voulue" de Mitterrand aux élections.
Au-delà du fait ponctuel de la victoire électorale du PS qui semble démentir l'analyse développée par notre organisation, il est nécessaire de réévaluer la logique qui se tient derrière l'article du camarade F.M. Jusqu'à présent, notre analyse de l'activité politique de la bourgeoisie tenait dans ce raisonnement :
"Face à la montée de la lutte de classe, la bourgeoisie sera de plus en plus contrainte de mettre ses partis de gauche dans l'opposition puisque c'est là où se situe leur rôle historique spécifique : encadrer et dévoyer les luttes prolétariennes". Dans l'absolu, cette hypothèse est évidemment correcte : la bourgeoisie face au prolétariat possède un atout fondamental qui réside dans la gauche et les syndicats. Ces organes sont les derniers remparts du capital et ils ne peuvent assumer leur rôle jusqu'au bout que s'ils maintiennent l'illusion qu'ils luttent eux aussi contre le système avec la classe ouvrière. Au gouvernement, ils ne peuvent, en période de crise économique, qu'organiser ouvertement l'austérité et ils perdent ainsi leur crédit auprès des travailleurs (sans que cela n'amène automatiquement ceux-ci à s'engager dans la voie révolutionnaire, comme le prétendent mensongèrement les trotskystes... C'est donc dans l'opposition que les partis de gauche sont THEORIQUEMENT les plus efficaces pour contrôler les mouvements de la classe ouvrière.
Mais il ne suffit pas de partir des besoins de la bourgeoisie pour bâtir une analyse des CAPACITES politiques de celle-ci. L'article de F.M. tente de faire coïncider la victoire de la gauche aux élections en France avec la thèse de la mise en place de la gauche dans l'opposition par la bourgeoisie au niveau MONDIAL. Cependant, cette thèse, telle qu'elle est défendue par l'article, comporte de nombreuses faiblesses.
Premièrement, l'article ne parvient pas à masquer le fait qu'il y a eu une sous-estimation des aspects spécifiques de l'appareil politique de la bourgeoisie française dans nos analyses antérieures. S'il y avait des faiblesses dans cet appareil, pourquoi ne pas en avoir tenu compte au moment où il s'agissait d'évaluer les possibilités politiques de la bourgeoisie avant les élections ? Par ailleurs, l'article évite de se poser la question pour les autres pays : va-t-on vers de tels types d'"accidents" en Italie ou en Grande-Bretagne ? En fait, en ce qui concerne la situation en France, il est faux de présenter l'élection de Mitterrand comme un "accident" dû à des faiblesses spécifiques. Bien au contraire, le Parti Socialiste a été reconstitué il y a dix ans pour suppléer à ces faiblesses dues à l'usure et à l'inadéquation de la tradition gaulliste. On peut dire que le centrisme giscardien a assuré l'intérim gouvernemental en attendant que le PS ait la force d'assurer ces tâches gouvernementales indépendamment du P.C.F., chose qui n'avait pas été possible au moment de l'Union de la gauche. La thèse de la "radicalisation" du PS après la rupture du Programme Commun est un non-sens et a été démentie par toute la stratégie du PS depuis 1979 où a notamment été développée la campagne sur Rocard destinée en fait à revaloriser le PS auprès des couches moyennes, des cadres qui constituaient l'électorat centriste; à la même époque, la CFDT pratiqua sa politique de "recentrage" préparant le terrain au PS.
Le fait que ce soit Mitterrand qui ait été finalement candidat est un point secondaire et il faut dire que ce personnage était bien plus digne de confiance pour l'ensemble de la bourgeoisie que l'ancien "gauchiste" Rocard, bien plus capable aussi de rassembler les suffrages "ouvriers"...
Tout cela montre la relative maîtrise de la situation par la bourgeoisie française permise par l'accalmie des luttes ouvrières depuis deux ans et non par une aggravation importante de sa crise politique comme l'envisage l'article. Certes, à terme, ce choix nécessaire de la bourgeoisie française risque de créer une situation explosive où le PCF et certains gauchistes comme Lutte Ouvrière se retrouveraient seuls pour casser les luttes de l'intérieur, mais pour l'instant, c'est le côté mystificateur de l'austérité "de gauche" qui risque momentanément de prendre le dessus et de paralyser la classe ouvrière. Qui peut dire qu'un nouveau gouvernement Barre aurait eu cette capacité ?
En fait, la mauvaise évaluation de la crise politique de la bourgeoisie en France provient d'une difficulté à définir les critères qui permettent de mesurer les capacités de la bourgeoisie face au prolétariat. Ce dernier ne lutte pas encore de façon unifiée au niveau mondial; il y a encore des niveaux de lutte différents suivant les pays.
Dans certaines zones, la bourgeoisie se doit de répondre au coup par coup (Pologne, Grande-Bretagne) car la lutte ouvrière est plus aigüe. Par contre, dans d'autres zones (Allemagne de l'Ouest, pays Scandinaves) la bourgeoisie peut déployer une stratégie politique plus "préventive". Enfin, dans des pays comme l'Italie ou l'Espagne, on assiste plutôt à une difficulté croissante de la bourgeoisie à mettre au point une réponse homogène et cohérente face au danger prolétarien. Toutes ces facettes de la politique de la bourgeoisie démontrent qu'il n'est pas possible aujourd'hui de raisonner dans un schéma figé qui voudrait que la bourgeoisie déploie au niveau MONDIAL une réponse politique UNIQUE qui serait "la gauche dans l'opposition". De plus, les exemples de la Pologne, de la Grande-Bretagne, sans parler de la France, tendent plutôt à montrer que l'instabilité politique de la bourgeoisie va s'aggraver au fur et à mesure que la classe ouvrière va intervenir sur le terrain social. Et cela, parce que la bourgeoisie doit répondre à des nécessités contradictoires qui tiennent à la place des partis de gauche, à la question de l'État, à la période historique que nous traversons.
La difficulté, voire l'incapacité de la bourgeoisie à déterminer une stratégie d'ensemble homogène au niveau mondial face à la classe ouvrière ne vient pas d'un manque de volonté contre-révolutionnaire de sa part, mais d'une incapacité historique liée à l'effritement de ses appareils contre-révolutionnaires de gauche qui sont seuls capables de s'opposer à terme à la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. L'affaiblissement des syndicats, des capacités mystificatrices des partis staliniens et socialistes dû à la lente mais sûre reconstitution de la classe ouvrière comme force historique entrave les capacités politiques de la bourgeoisie. Ce phénomène est d'ailleurs un des facteurs essentiels qui a permis au prolétariat de repousser l'éclatement d'une troisième guerre mondiale.
Une des premières contradictions de la bourgeoisie vient justement de sa difficulté à maintenir la gauche dans l'opposition lorsque la crise économique s'approfondit : les partis de gauche, pour justifier leur existence auprès de la classe ouvrière, sont contraints d'aller au pouvoir. En effet, l'échec répété des luttes revendicatives qu'ils contribuent d'ailleurs à saboter sape leur influence puisqu'ils ne peuvent même plus se prévaloir de "victoires économiques" ! Par ailleurs, les partis de gauche sont les mieux placés idéologiquement pour tenter de recrédibiliser la société en crise et son État... Une fois au pouvoir, ils se retrouvent dans de nouvelles contradictions et sont contraints de revenir dans l'opposition pour ne pas se couper totalement du prolétariat lorsque celui-ci reprend sa lutte, etc...
Il y a donc une exacerbation des contra dictions internes des partis de gauche qui sont de moins en moins capables de définir une orientation homogène. C'est cela qui est à la base des scissions et des éclatements au sein de la gauche depuis ces dix dernières années... Tout cela se répercute sur l'ensemble de l'appareil étatique de la bourgeoisie... C'est ce processus qui est "oublié" dans l'article du camarade F.M. qui n'envisage la bourgeoisie que comme un corps homogène, conscient et machiavélique (sauf en France !) capable de surmonter ses contradictions face au prolétariat alors que ce dernier les accentue !
Enfin, si pour la bourgeoisie, il se sera de plus en plus difficile de répondre à la question : comment arrêter les luttes de la classe ouvrière, comment battre le prolétariat ? Il est vital pour les révolutionnaires d'aider la classe ouvrière à évaluer les faiblesses de la bourgeoisie afin de savoir déterminer les perspectives politiques les plus claires possibles ! L'article de F.M. conclue trop vite à un affaiblissement de la bourgeoisie en France dû au ’ sacrifice prématuré d'une carte importante dans l'encadrement du prolétariat"', il n'est pas du tout évident que le PS va s'affaiblir dans les usines, outre le fait que le PS n'était pas jusqu'à présent une force fondamentale d'encadrement du prolétariat, sa présence au pouvoir risque d'accroître son impact idéologique auprès de certaines franges ouvrières estimant que leur adhésion au PS peut favoriser leurs revendications face aux patrons, cette illusion est d'ailleurs savamment entretenue par une frange importante du milieu gauchiste (trotskystes de l'OCI, de la L.C.R., certains maoïstes, le PSU ...), milieu totalement oublié par l'article de F.M. !
S'il est vrai qu'à moyen terme, les contradictions au sein de la gauche risquent d'augmenter surtout s'il y a des luttes puissantes, la solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française .pouvait jouer aujourd'hui face aux nécessités sociales et économiques compte-tenu de l'accalmie sociale de ces dernières années; cette attitude peut paraître un pari sur la “paix sociale". Mais, la bourgeoisie pouvait-elle faire autrement ?
Enfin, il faut noter que la question essentielle des revirements du PCF, des difficultés de celui-ci à définir une stratégie anti-prolétarienne pour le futur n'est pas abordée sérieusement par l'article de F.M., alors que cette question est une des clés pour l'avenir de la lutte de classe en France !
Pour toutes ces raisons, l'orientation de l'article de F.M. semble marquée par une incapacité à saisir la complexité de l'activité politique de la bourgeoisie et à interpréter correctement les faits réels.
9.6.81 Chénier
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Nous tenons avant tout à nous excuser auprès de nos lecteurs de ne pouvoir répondre à tous les aspects soulevés par l'article de Chénier à cause du manque évident de place dont nous disposons dans un journal de 8 pages. De ce fait, nous allons nous attaquer à quelques questions qui nous ont paru fondamentales dans son article, et en premier lieu à :
L’ABSENCE DE CADRE ET DE METHODE D’ANALYSE
Chénier nous dit :
D'un côté, il claironne l'incapacité historique de la bourgeoisie, de l'autre il nous "démontre" la préméditation concertée de l'arrivée du PS au pouvoir. Par ailleurs, cet article conclut : -"La solution du PS au pouvoir était la meilleure carte que la bourgeoisie française pouvait jouer aujourd'hui..."; mais aussi :
Là, par contre, il semble que cette carte de la bourgeoisie (la gauche au pouvoir) soit à la fois la meilleure aujourd'hui et la pire puisque les perspectives qu'elle annonce sont catastrophiques.
Voilà quelques-unes des contradictions que nous ne demanderons pas à Chénier de résoudre (la "dialectique" en a secouru bien d'autres avant lui), mais qui pour nous prouvent à l'évidence ce qui est la lacune principale de sa position l'absence d'un cadre d'analyse cohérent.
En effet, il nous présente la situation comme une somme d'éléments disparates, contradictoires, sans que l'on puisse trouver un lien réel entre eux, | dans laquelle la bourgeoisie, mais surtout sa fraction de gauche est tantôt forte, tantôt faible, et cela qu'elle soit dans l'opposition ou au pouvoir; c'est selon!
À ne vouloir trouver que des contradictions à la bourgeoisie, Chénier finit par tomber sur celles de sa propre vision.
Pour nous, toute analyse marxiste s'appuie sur un cadre qui n'englobe pas seulement de vastes périodes comme l'ascendance et la décadence du capitalisme, ou même des périodes importantes marquées par un renversement dans le rapport de forces entre les classes comme une période révolutionnaire et une période contre-révolutionnaire, mais également des périodes plus réduites, délimitées par des modifications sensibles à l'intérieur d'un même rapport de forces. C'est dans ce sens, qu'avec FM (confer article : la crise politique de la bourgeoisie française, RIn°86) nous affirmons que, depuis la reprise prolétarienne de 1968-70, les "années de vérité” (années 80) ont succédé aux "années d'illusion", et qu'à la tendance générale de la "gauche au pouvoir" a succédé celle de la "gauche dans l'opposition".
Il ne s'agit pas là d'une "thèse" ou d'un "schéma" abstrait, comme le croit Chénier, mais bien d’une analyse générale basée sur la réalité et l'évolution de la crise économique, de la lutte de classe et sur les nécessités vitales de la bourgeoisie dans cette réalité. C'est ce cadre qui nous permet de déterminer une tendance générale valable pour une période donnée et pour une majorité de pays ; et c'est l'importance et la nécessité d'un tel cadre que ne semble pas voir Chénier.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement aujourd'hui ?
Il est vrai, d'un côté, que la politique de "gauche au pouvoir" entraîne provisoirement, une certaine "adhésion" des ouvriers ; mais en même temps, par l'obligation qu'elle a de gérer la crise, cette même gauche ne peut, à terme, que se décrédibiliser et se démasquer à leurs yeux.
A l'opposé, la "gauche dans l'opposition" présente, quant à elle, l'inconvénient de ne pas fournir d'alternative "réaliste" ; mais, par contre, par le radicalisme de son opposition, elle peut, plus facilement, assumer son rôle d'encadrement et de sabotage des luttes.
Sur ces deux évaluations, il semble que nous soyons d'accord avec le camarade Chénier.
Qu'est-ce qui nous différencie donc ? Si chacune des deux formules présente à la fois des avantages et des inconvénients, cela ne signifie pas qu’elles soient interchangeables à tout moment. C'est le contexte mondial (niveau de la crise et de la lutte de classe) qui détermine laquelle des deux présente le plus d'avantages et le moins d'inconvénients pour la bourgeoisie. Et cela ne se détermine pas sur une période de quelques mois, mais sur une période de quelques années et, est valable pour l'ensemble des pays capitalistes avancés.
Par contre, Chénier nous dit que ce qui prédomine aujourd'hui, de plus en plus, c'est la crise politique de la bourgeoisie, ce qui la mène à agir dans le désordre, au cas par cas, au coup par coup.
Ainsi, si une politique peut être valable à un moment donné, la bourgeoisie peut en changer si la conjoncture l'exige. De plus, les spécificités nationales déterminent la politique des bourgeoisies nationales. La gauche donc, qu'el- le soit au pouvoir ou dans l'opposition peut être, tantôt une force, tantôt une faiblesse, pour la bourgeoisie.
Contrairement à une vision aussi simpliste, nous affirmons qu'il existe, aujourd'hui, une tendance générale pour la bourgeoisie qui est la gauche dans l'opposition parce que la réalité de la crise économique et la reprise globale de la lutte de classe à l'échelle mondiale, font que les différentes bourgeoisies sont de plus en plus confrontées aux mêmes problèmes.
De ce fait, les aspects spécifiques, qui existent toujours dans chaque pays, tendent, contrairement à ce que dit Chénier, à rester au second plan dans la situation d'accélération des antagonismes de classe que nous vivons. La tendance générale que nous avons définie prédomine et reste valables pour la majorité des pays ; et les spécificités nationales s'inscrivent en général dans cette tendance.
Il est vrai, comme nous l'avons dit à propos de la France, que ces spécificités ("les faiblesses spécifiques de la bourgeoisie française") peuvent, à certains moments, prévaloir localement et temporairement. Mais ce sont des cas minoritaires et exceptionnels.
Les spécificités aujourd'hui ne peuvent en aucun cas déterminer une tendance générale de la situation : est-ce que l'écrasement du prolétariat chilien en 1973 aurait dû nous mener à croire que s'ouvrait une période de défaite pour le prolétariat mondial, alors que 1968 avait marqué la reprise mondiale des luttes ouvrières ?
LA CRISE POLITIQUE
Mais, abstraction faite des contradictions, de l'absence de méthode et du simplisme, la vision de Chénier nous propose donc comme fondement de la situation : la crise politique, pour ne pas dire la décomposition accélérée de la bourgeoisie mondiale et son incapacité a répondre aux problèmes cruciaux qui se posent à elle, notamment la lutte de classe.
À cela nous pouvons répondre : - OUI, soixante ans de décadence, qui s'achèvent par une crise mortelle du système, sont responsables d'un affaiblissement historique de la bourgeoisie;
Mais :
C'est pour cela que nous pouvons affirmer que, face au danger prolétarien, la bourgeoisie est capable de taire ses divisions les plus fondamentales et agir dans le même sens. Et si elle est capable de le faire à l'échelle mondiale, elle l'est d'autant plus au niveau national.
Pour nous donc, c'est la vision de Chénier qui mène à ne pas saisir "la complexité de la réalité", à ne pas saisir les capacités encore énormes de la bourgeoisie, à ne pas voir le pourquoi des difficultés de la classe ouvrière dans sa reprise. C'est une telle vision, qui, poussée au bout de sa logique, et si par malheur elle était reprise par la classe ouvrière, l'empêcherait de voir les embûches qui se dressent devant elle, les pièges que lui tend la bourgeoisie, et la mènerait inexorablement à la défaite.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_87_i.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[3] https://fr.internationalism.org/tag/vie-du-cci/debat
[4] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[5] https://fr.internationalism.org/tag/personnages/chenier