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ICConline - février 2018

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Divisions et confusion au sein du gouvernement britannique

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Le développement du populisme a touché de nombreux pays. S'il a pu être contenu dans certains, comme en France avec la défaite du Front national aux dernières élections présidentielles, il a causé de sérieux problèmes ailleurs, comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne par exemples. En Allemagne, après les élections fédérales de septembre 2017, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti qui a vu le jour seulement en 2013 et dont le programme consiste à réclamer la souveraineté allemande tout en exacerbant le sentiment de fierté nationale, est passé de 0 à 94 sièges. Il est devenu le troisième parti le plus important du pays. En Autriche, Sebastian Kurz s'est présenté lui-même comme une force pour le changement même si son parti est au pouvoir depuis 30 ans. Il pourrait être obligé de former une coalition avec le néo-Nazi Parti de la Liberté. Comme l'écrivait The Economist du 19 octobre 2017 : “l'Europe se demande si le jeune prodige de la politique autrichienne va repousser le soulèvement populiste ou si, au contraire, il se prépare à en prendre la tête”. En Espagne, dans le conflit qui oppose Madrid et la Catalogne, les divisions dans les rangs de la bourgeoisie se sont aggravées et ne permettent pas d'envisager une stabilité satisfaisante pour le Capital dans ce pays.

Les divisions qui existent au sein de la bourgeoisie sont naturelles pour une classe marquée par la concurrence à tous les niveaux, des entreprises individuelles à la guerre impérialiste. Cependant, lorsqu'elle doit faire face à une menace impérialiste, des difficultés économiques ou à la résurgence de la lutte de classe, la classe dominante a tendance à faire front commun dans l'intérêt national. Mais depuis les années 1990, la décomposition du capitalisme fait ressortir toujours plus la tendance à la division au sein de la bourgeoisie, y compris aujourd'hui une tendance à la perte du contrôle politique parmi les bourgeoisies même les plus expérimentées.

Le référendum de 2016 en Grande-Bretagne sur l'appartenance à l'UE a produit un résultat contraire à ce que les factions centrales de la bourgeoisie considéraient comme leur meilleur intérêt. La marée populiste internationale a été amplifiée par l'élection de Trump et les difficultés politiques spécifiques au gouvernement britannique ont été exacerbées par les élections générales de juin 2017. Convoquées à la base pour renforcer la majorité conservatrice au pouvoir et asseoir sa position dans les négociations sur le retrait britannique de l'UE, les élections ont engendré une perte de sièges et la nécessité de former une alliance avec le DUP d'Irlande du Nord. Loin d'améliorer la position du gouvernement britannique et de l'aider dans les négociations avec l'Europe, la perte de contrôle s'est manifestée dans les intrigues entre différentes factions, des divisions qui vont bien au-delà des “Pour” ou “Contre” le Brexit ou des “modérés” contre les “radicaux”, ainsi qu'un désordre général au sein d'une classe dominante qui semble ne pas avoir de plan cohérent et tend à improviser à chaque tournant. Ainsi, la bourgeoisie britannique fait face à de réelles difficultés dans les négociations sur le Brexit, apparaissant déjà comme incapable de reprendre les rênes et de tirer le meilleur d'une situation épineuse. Les conséquences économiques du Brexit seront aggravées par ce désarroi politique. Le contraste entre la puissance passée de la bourgeoisie anglaise et sa situation actuelle est dramatique. La longue expérience de cette classe dominante signifiait auparavant qu'elle était capable de s'unir durant les périodes de guerre impérialiste, de faire face aux crises économiques et d'adopter une stratégie appropriée pour contrer les luttes ouvrières.

En 1974, en pleine crise économique et avec une grève de mineurs qui était la dernière expression d'une vague de militantisme ouvrier, des élections furent convoquées avec comme résultat, un gouvernement travailliste qui se révéla beaucoup plus efficace dans sa gestion du conflit de classe grâce à l'ampleur des illusions existant sur le Labour et les syndicats. Dans les années 1980, alors que le gouvernement conservateur dirigeait les attaques sur les salaires, les emplois et les conditions de vie de la classe ouvrière, les Travaillistes dans l'opposition se sont présentés comme les amis des ouvriers. Avec l'aide des syndicats, le Labour a présenté des stratégies économiques capitalistes alternatives et, par divers biais, récupéré et/ou détourné le militantisme ouvrier. En plus d'avoir su utiliser de différentes manières le parti Travailliste contre le prolétariat, la bourgeoise britannique a très bien su gérer les antagonismes en son propre sein. En 1990, l'attitude de Margaret Thatcher envers l'Europe fut jugée inappropriée dans une période où les blocs dominés par les États-Unis et l'URSS étaient en train de se désintégrer. Les “éminences grises” on su écarter Thatcher sans tergiverser en dépit de son autorité.

Il y a encore aujourd'hui des manœuvres de ce type au sein de la bourgeoisie britannique et particulièrement dans les rangs du parti Conservateur mais, loin de conduire à des politiques cohérentes ou, pour le moins, à la position dominante d'une faction, les dissensions qui agitent la classe dominante montrent tous les signes d'un développement accru des tensions. La Grande-Bretagne fut l'un des pays les plus durement touchés par les secousses économiques de 2008 et l'effritement au sein des Tories contribue à empirer la situation. Cependant la faiblesse de la bourgeoisie ne représente pas nécessairement une opportunité pour le prolétariat.

La position de nombreux gauchistes est résumée par le Socialist Workers Party quand il affirme : “Les Tories sont à terre mais pas encore éliminés. C'est à cette tâche que nous devons nous atteler” (Socialist Worker du 4 juillet 2017). Ils constatent les problèmes qui agitent le parti conservateur et déclarent: “Nous avons besoin d'une résistance telle qu'elle nous permettra de nous débarrasser de Theresa May et du reste de la bande” (4 octobre 2017). Ceci est le prélude à un gouvernement travailliste, bien que “Un gouvernement dirigé par Corbyn ne ferait pas de la Grande-Bretagne un pays socialiste. Mais des millions de personnes se sont réjouis de ses promesses de taxer les riches, de re-nationaliser les industries et d'investir plus d'argent dans les services publics” (3 octobre 2017). Cela signifie que beaucoup ont des illusions sur les Travaillistes et l'une des fonctions du gauchisme est de renforcer les illusions sur ce parti fondamental du capitalisme d’État britannique.

Car, 21 octobre 2017

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Situation internationale

Le nationalisme kurde: un autre pion dans les conflits impérialistes (Partie I)

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Afin de comprendre la signification de l’escalade des événements qui ont suivi le referendum de septembre 2017 sur l’indépendance kurde en Irak et les réactions des gouvernements de la région et du monde entier, nous devons revenir sur les développements historiques qui ont eu lieu depuis plus d’un siècle. Cet article est publié en même temps que “La nouvelle Turquie” d’Erdogan : une illustration majeure de la sénilité du capitalisme [1] (en anglais) ; nous vous recommandons de lire les deux articles à la suite.

Le point de départ du nationalisme kurde

Comme nous l’avons développé dans l’article cité ci-dessus et dans un article traitant du conflit impérialiste au Proche-Orient [2] dans la Revue Internationale n° 117, à la fin du XIXème siècle, l’Empire ottoman est entré dans un long processus de déclin et de désintégration. Déjà, avant la Première Guerre mondiale, lors des guerres balkaniques, la Bulgarie, l’Albanie, la Thrace occidentale (et Salonique) sont sorties de l’Empire ottoman. La seconde phase de fragmentation advint après que l’Empire ottoman a pris le parti de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale : les puissances européennes, la France, la Grande- Bretagne et la Russie, élaborèrent un plan pour diviser à leur profit les composantes restantes de l’Empire ottoman. En 1916, sur la base du traité secret Sykes-Picot, la France devait recevoir le Liban et la Syrie, la Grande-Bretagne devait contrôler l’Irak (sauf Mossoul), la Jordanie, la Palestine et l’Égypte, ainsi que la Péninsule arabique (aujourd’hui Arabie Saoudite). La Russie tsariste devait mettre la main sur la plupart des régions du nord du Kurdistan et le Tsar espérait aussi utiliser les Arméniens pour ses ambitions. Cependant, à la suite de la révolution en Russie de 1917, le pouvoir soviétique a renoncé à toute ambition impérialiste. En 1920, d’après le traité de paix de Sèvres (à Paris), ce qui restait du territoire turc devait être partagé entre les puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne. De vastes zones devaient être transférées à la Grèce, un État indépendant de la Turquie était prévu pour l’Arménie en Turquie orientale et les Kurdes devaient recevoir un statut autonome dans le sud-est. Seule une petite partie du centre de la Turquie devait rester turque. Le général Mustapha Kemal refusa le traité et commença à organiser la résistance militaire. Les Arméniens et les Grecs furent rapidement vaincus, le sultanat aboli et Kemal devint le chef du nouvel État “croupion” turc. Après le dépeçage de l’Empire ottoman et la mise en place de nouvelles entités “nationales” (Syrie, Jordanie, Irak) par les puissances coloniales, la population kurde, qui vivait dans un Kurdistan ottoman depuis plusieurs siècles, fut divisée sur le territoire de cinq États (Turquie, Irak, Syrie, Iran, Arménie/ Russie). Aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, la population kurde vit encore dans un tiers du territoire turc, dans la partie nord de l’Irak (Mossoul, Kirkouk, Erbil, etc.), dans la partie occidentale de l’Iran, dans le nord-est de la Syrie et un petit nombre en Arménie.(1) La façon dont les résidus de l’ancien Empire ottoman ont été partitionnés par les deux vainqueurs de la Première Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne, montre qu’il n’y avait aucun espace pour la création d’un État kurde viable. En même temps, les germes du nationalisme kurde sont apparus dans ce processus. En fait, la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran ont toujours eu peur et ont toujours combattu les aspirations des Kurdes à la formation d’un État kurde souverain. Ce spectre a hanté en particulier les États turc et irakien, car tout État séparé aurait entraîné une large amputation du territoire de ces pays (30% dans le cas de la Turquie). Au cours du siècle dernier, tous les gouvernements turcs ont averti qu’ils ne toléreraient jamais la formation d’un État kurde en dehors du territoire turc.

Historiquement, les régions kurdes ont toujours été en retard par rapport aux autres régions. Des proportions importantes de ces populations vivent dans les montagnes, où le développement économique est beaucoup plus lent qu’ailleurs. La structure sociale est dominée par les chefs tribaux et les clans. En dehors du pétrole, qui a été découvert au début des années 1920, il n’y a pratiquement pas de matières premières et, depuis plus d’un siècle, il n’y a pas eu véritablement d’industrialisation. En conséquence, une grande partie de la population survit grâce à l’agriculture, en migrant plus loin ou en cherchant du travail en Europe ou ailleurs. Alors que les quatre pays ayant des minorités kurdes (Turquie, Irak, Syrie et Iran) ont tous un intérêt commun (empêcher la formation d’un État kurde séparé et indépendant) la situation des Kurdes et l’intensité des conflits entre les Kurdes et ces pays n’ont jamais été les mêmes. A l’intérieur de chaque zone à dominante kurde, les factions de la bourgeoisie kurde luttant pour les intérêts kurdes ont toujours été profondément divisées, soit en raison de leur domination sociale par divers clans ou tribus, soit en raison de leurs intérêts économiques et sociaux opposés. En particulier, les factions de propriétaires fonciers n’ont jamais manifesté la moindre sympathie pour les populations les plus pauvres et leurs doléances économiques et sociales. Durant toute cette période, les forces nationalistes kurdes ont eu recours systématiquement à la violence contre les autres groupes kurdes ou contre les Arméniens.(2) Les groupes nationalistes kurdes ont régulièrement essayé d’imposer l’identité kurde aux minorités vivant dans les zones à majorité kurde. Toute la région kurde est “cernée” par d’autres pays et n’a pas d’accès à la mer, ce qui rend les Kurdes entièrement dépendants de la “bonne volonté” et des négociations avec les autres pays. Ceux-ci peuvent à leur tour exercer un chantage et extorquer des taxes élevées pour autoriser le transit du pétrole kurde par pipeline ou en camion à travers le territoire turc. Au niveau économique, un État kurde indépendant ne sera jamais viable.

Les premières aspirations à l’indépendance kurde

Les aspirations à l’indépendance se sont exprimées pour la première fois au moment de l’apparition des fissures dans l’Empire ottoman, avec Ubeydullah, en 1880, qui exigeait l’autonomie politique ou l’indépendance pure et simple pour les Kurdes et la reconnaissance d’un État kurde. Les dirigeants ottomans ont rapidement et facilement écrasé cette révolte. Avant la proclamation de la république turque en 1923, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les puissances coloniales française et anglaise ont fait semblant d’offrir leur aide aux Kurdes dans leur lutte pour l’indépendance alors qu’en réalité, elles avaient divisé la région de telle sorte qu’il n’y ait pas de place pour un État kurde. En 1925, à peine deux ans après la formation de la république turque, a lieu le premier soulèvement kurde significatif, organisé par Sheik Saïd, à forte connotation religieuse. L’État turc, qui avait acquis de l’expérience dans l’expulsion et la déportation des populations grecques et arméniennes, lança une sévère répression et déporta massivement les Kurdes. Entre 1927 et 1930, il y eut à nouveau des soulèvements kurdes répétés dans la région du Mont Ararat. Le régime kémaliste dénonça ces soulèvements, principalement du fait de leur coloration religieuse, qui lui permettait de justifier sa “politique laïque”. En 1930, l’Iran et la Turquie signèrent un traité dans lequel l’Iran acceptait de fermer ses frontières, empêchant ainsi l’exode des réfugiés et des combattants kurdes armés. Après les soulèvements dans la province de Dersim entre 1936 et 1938, qui furent tous écrasés dans le sang avec de nombreux massacres, il y a eu une période d’accalmie pendant plus de vingt ans, au cours de laquelle il n’y a presque pas eu de tentative armée kurde pour obtenir plus de libertés de la part de la Turquie. Pourtant, en 1960, quand l’armée organisa un coup d’État en Turquie, une des justifications en était le danger représenté par les velléités d’indépendance kurde. Une fois de plus, l’usage de la langue, de l’habillement, du folklore et des noms kurdes fut interdit. La répression sans trêve mena à la réémergence du nationalisme dans les années 1960 et 1970. Dans les années 1970, un nouveau groupe se fit le porteur du nationalisme kurde : le Partiya Karkeren Kurdistan (PKK) ou Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. Le PKK prétendait s’opposer aux autorités locales et aux propriétaires terriens dominés par des clans et leurs chefs. Le PKK finance ses activités par des dons, des souscriptions et, nonobstant son verbiage gauchiste, par le recours au chantage, à l’extorsion de fonds, le trafic de drogues et d’armes, et, plus récemment, par le trafic de réfugiés. A partir de 1984, le PKK a initié une guérilla insurrectionnelle jusqu’au cessez-le-feu de 1999.(3) En 1999, son dirigeant Ocalan a été arrêté et condamné à mort.(4) Suite à l’appel d’Ocalan, demandant au PKK d’arrêter la lutte armée en Turquie, le PKK a suspendu ses activités militaires jusqu’en 2004. Cela a conduit à des attaques militaires répétées de l’armée turque contre le PKK dans le nord de l’Irak, jusqu’en 2011. Comme nous le verrons, ce n’est qu’en 2012 que les zones kurdes connaîtront une courte période de calme relatif, à cause des mouvements militaires stratégiques d’Erdogan ! Si l’on regarde en arrière, on voit que les gouvernements turcs ont pratiqué une politique d’alternance entre des concessions limitées et, plus souvent, une très dure répression, avec des vagues de résistance militaire croissante de la part des forces armées kurdes, à savoir le PKK.

Les Kurdes en Irak : 100 ans de déportations et de massacres

Sur le territoire irakien, les conditions étaient différentes. Forts de leur expérience en Inde et dans les autres colonies, les Britanniques ont concédé quelque autonomie à la région kurde dans le nord de l’Irak, et ont reconnu ses aspirations nationalistes avec l’arrière-pensée de devancer les efforts nationalistes kurdes sur le sol irakien. En plus de leur politique de “diviser pour mieux régner” et de leur soutien aux éléments réactionnaires kurdes, les Britanniques, face à une résistance à grande échelle, ont également développé une politique de terreur avec des bombardements aériens, Churchill approuvant l’utilisation de gaz toxiques. Entre-temps, la Constitution irakienne provisoire de 1921 accordait des droits égaux à deux minorités ethniques (les Arabes et les Kurdes) et les Britanniques ont appliqué la même politique de “diviser pour mieux régner” : les tribus kurdes du pays ont bénéficié d’une juridiction particulière et d’avantages fiscaux spéciaux ; on leur garantissait informellement des sièges au Parlement et elles étaient en dehors de la juridiction des tribunaux nationaux. Les propriétaires kurdes en retour devaient collecter les taxes pour les dirigeants britanniques.

En 1932, l’Irak accéda à l’indépendance. Tout au long des années 1950, Bagdad a réprimé les droits politiques kurdes, interdit les partis politiques nationalistes, détruit les villages kurdes, militarisé la région et imposé le repeuplement (en particulier dans les régions riches en pétrole). En 1961, les Kurdes irakiens ont commencé à se révolter contre Bagdad. Le parti Baas, arrivé au pouvoir en 1963, lança une sévère répression. Le gouvernement irakien et les dirigeants kurdes signèrent un accord de paix en 1970. Aucune des promesses (autonomie gouvernementale kurde, reconnaissance du caractère bi-national de l’Irak, représentation politique au gouvernement central, reconnaissance officielle de la langue kurde, liberté d’association et d’organisation) n’a été tenue. Au cours des années 1970, les Kurdes irakiens ont cherché à obtenir une plus grande autonomie et même une indépendance totale vis-à-vis du régime du Parti Baas ; mais en même temps, les deux principaux groupes kurdes, autour de Talabani et Barzani, s’affrontaient continuellement. Les deux groupes faisaient partie de la même classe dominante et n’ont jamais été séparés par une frontière de classe. Tous deux pourraient un jour se battre en étant soutenus l’un par le gouvernement de Téhéran et l’autre par celui de Bagdad, et inversement le lendemain. Déjà, dans les années 1960, l’Iran pesait de façon importante dans les mouvements autonomistes kurdes d’Irak. Téhéran et Bagdad avaient un conflit frontalier dans le Chatt-el-Arab et l’Iran fournissait des armes et de l’argent au groupe kurde irakien dirigé par Barzani. A la suite d’un rapprochement entre Bagdad et Moscou en 1972 et de la nationalisation de l’industrie pétrolière, les États-Unis tentèrent de se servir des Kurdes irakiens pour déstabiliser l’Irak. Lors de l’affrontement militaire de 1974-75, au nord de l’Irak, entre les troupes kurdes emmenées par Barzani et l’armée irakienne, l’aviation iranienne détruisit un avion irakien. A la suite d’un marché au sujet de la frontière entre l’Iran et l’Irak, l’Iran cessa son soutien aux Kurdes. De nouveau, une vague de répression et de déplacements forcés eut lieu. Les Peshmergas se retirèrent en Iran, des dizaines de villages kurdes furent détruits. Entre 1972 et 1982, les affrontements entre les organisations kurdes atteignirent leur sommet.

Pendant la guerre Iran-Irak (1980-88), l’Iran essaya de monter les Kurdes irakiens contre Bagdad. Ce dernier riposta en 1988 : dans le conflit contre les combattants kurdes du Patriotic Union of Kurdistan (PUK) et les troupes iraniennes en mars 1988, Bagdad ordonna le massacre des Kurdes de la ville de Halabja, où des armes chimiques furent utilisées indistinctement. Entre 1986 et 1989, les troupes et milices irakiennes ont tué entre 50 000 et 180 000 Kurdes, dont beaucoup de civils. Environ 1,5 million de personnes ont été déplacées.

Après la première Guerre du Golfe en 1991 et la victoire rapide des troupes américaines contre Saddam Hussein, les troupes kurdes espéraient plus d’indépendance. C’est dans ce processus entièrement dominé par l’impérialisme que certains groupes politiques, notablement le Groupe Communiste Internationaliste (GCI) ont vu un soulèvement “révolutionnaire” et prolétarien. Comme dans le Rojava aujourd’hui, la classe ouvrière était totalement absente et cela montre plutôt la faiblesse du GCI qui soutient des mouvements nationalistes et des pions sur l’échiquier impérialiste.(5)

Au cours de cette période, l’OTAN a mis en place des zones d’exclusion aérienne au-dessus de régions kurdes, ce qui leur a apporté une certaine protection contre Bagdad et a contraint Saddam Hussein à leur concéder une autonomie relative. Le gouvernement régional kurde a été fondé en 1992. De nouveau, entre 1994 et 1998, les groupes kurdes du nord de l’Irak se sont affrontés à plusieurs reprises, tandis que Bagdad et Ankara intervenaient aussi militairement.

Après l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, la région fut déclarée autonome avec quelques libertés de gouvernement. Cette autonomie limitée (plus importante en Irak qu’en Turquie) aurait été impensable sans l’invasion américaine de 2003. Ces structures étatiques contrôlées par les Kurdes sont toujours actives aujourd’hui.

Cent ans d’histoire des populations kurdes montrent que les Kurdes en Irak ont subi le plus de massacres et de déplacements forcés, ont été les plus coincés dans les luttes entre factions bourgeoises rivales, qui ont pris part ou ont été utilisées par Bagdad ou Téhéran. La Turquie a également utilisé l’influence kurde irakienne en Turquie pour saper la position du PKK.

La constellation kurde en Iran

Bien qu’en 1920 la Grande-Bretagne ait “arraché” un mandat en Iran à la Société des Nations, l’Iran, contrairement à l’Irak ou à la Syrie, n’était pas un “nouveau venu” dans la région. Après les convulsions de la Première Guerre mondiale, un chef de tribu kurde, Ismail Agas (alias Simko), réussit à rallier autour de lui les nationalistes kurdes du triangle formé par la Turquie, l’Iran et l’Irak. Il reçut le soutien de Kemal en Turquie et, en 1920, il combattit sous le drapeau turc avec le soutien de Kemal contre les troupes de Téhéran.(6) Jusque dans les années 1930, Téhéran s’est débrouillé pour attacher la population kurde à l’État iranien à travers les structures tribales encore très présentes en Iran. Malgré les tentatives conjointes de l’Irak, de l’Iran et de la Turquie pour réprimer les velléités nationalistes kurdes dans la région, les nationalistes kurdes ont commencé à se mobiliser dans la petite ville de Mahabad. Comme dans les autres pays, les aspirations nationalistes étaient portées surtout par les chefs tribaux, qui n’avaient aucun intérêt aux “réformes sociales”. En 1942, la Russie essaya d’infiltrer le milieu kurde en Iran. En décembre 1945, la République de Tabriz du peuple azéri était proclamée avec le soutien de la Russie. Une “République kurde” a été proclamée en janvier 1946, qui a été écrasée par Téhéran en décembre 1946, après que la Russie eût abandonné son soutien en échange de concessions pour l’exploitation du pétrole. Contrairement à d’autres pays, les Kurdes d’Iran étaient libres de publier des informations culturelles et historiques dans leur propre langue. Cependant, dans les années 1960, le régime iranien commença à supprimer de nombreux droits civils. Comme nous l’avons montré plus haut, l’Iran est intervenu à plusieurs reprises en Irak pour encourager ou “freiner” les Kurdes irakiens au gré de ses propres intérêts. Après la proclamation de la République islamique le 1er avril 1979, les milices kurdes et chiites (Pasdaran) se sont affrontées. La prééminence accordée à la religion chiite dans la Constitution iranienne est considérée comme une pierre dans le jardin de la population kurde sunnite. Le gouvernement iranien fait face depuis 2004 à une guérilla larvée de la part du Parti pour une Vie Libre au Kurdistan (PJAK). Le PJAK est étroitement lié au PKK de Turquie. Face à l’existence de plusieurs groupes ethniques en Iran, Téhéran est déterminé à empêcher toute évolution des Kurdes vers un processus d’autonomie.

Ces mouvements nationalistes et ces manœuvres impérialistes sont bien souvent des loups parés de la peau de mouton des “intérêts” ouvriers ou révolutionnaires. Cette imagerie radicale adoptée par les éléments kurdes et iraniens repose en fait sur une convergence entre le stalinisme iranien et le nationalisme kurde, les deux répondant aux besoins de la bourgeoisie. Le groupe de guérilla Komala, lié au Parti Communiste d’Iran [3], s’est montré suffisamment “radical” pour tromper pendant un moment le groupe révolutionnaire Bureau International du Parti Révolutionnaire. Sur fond de près d’un siècle de tentatives ratées pour gagner plus d’autonomie ou pour créer un État kurde indépendant, le referendum tenu récemment en Irak a été organisé dans le contexte de rivalités impérialistes de plus en plus complexes et imbriquées de cette région.

Nous regarderons de plus près trois facteurs qui ont déclenché les revendications renouvelées d’indépendance dans la région, le développement en Irak, en Syrie et en Turquie même.

Enver, novembre 2017

 

1 Il y a entre 24 et 27 millions de Kurdes, environ : la moitié vivent en Turquie, un peu plus de 4 millions en Irak, 5 à 6 millions en Iran, autour de 1 million en Syrie ; on estime à environ 700 000 le nombre de Kurdes vivant en Europe de l’Ouest ; ils sont environ 400 000 dans l’ex-URSS.

2 Kurds in Turkey atone for their role in the Armenian genocide [4], Fréderike Geerdink, PRI.

3 Avec environ 700 000 soldats, la Turquie avait la deuxième armée de l’OTAN, après les États-Unis. Environ 300 000 soldats et membres des forces de police ont combattu dans les zones kurdes, contraignant 2500 villages à être évacués ou laissés en ruines ; environ 3 millions de Kurdes ont été déplacés. Les montagnes inhospitalières du Kurdistan sont devenues le refuge du plus grand nombre de réfugiés.

4 Sa condamnation à mort a été commuée en prison à vie en 2002.

5 A lire sur le site internet du CCI : Comment le Groupe Communiste Internationaliste crache sur l'internationalisme prolétarien [5] (2007).

6 Simko était un chef de tribu et n’avait aucune sympathie pour la culture et la population urbaines. Il a été assassiné en Iran en 1924.

 

Géographique: 

  • Irak [6]
  • Turquie [7]

Rubrique: 

Situation internationale

Le nationalisme kurde: un autre pion dans les conflits impérialistes (Partie II)

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Nous publions ci-dessous la deuxième partie de notre article sur le nationalisme kurde.

L’Irak s’enfonce dans l’abîme

Nous avons montré dans d’autres articles comment toute la spirale du chaos impérialiste avait été déclenchée dans les années 1980, suite à l’effondrement du régime du Shah en 1979 qui, jusque-là, avait été avec la Turquie un poste avancé du bloc de l’Ouest contre la Russie. Les États-Unis ont réagi entre autres en encourageant la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988), ce qui a conduit à des tensions croissantes entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Au Proche-Orient, dès les années 1980, les conflits n’étaient plus marqués par la confrontation entre les deux blocs, mais exprimaient de plus en plus une plongée dans le “chacun pour soi” impérialiste. Du Liban dans les années 1980 à l’Afghanistan, plusieurs zones de conflit ont émergé, où la guérilla locale et les forces terroristes combattaient la Russie impérialiste (avec le soutien des États-Unis) ou contre les États-Unis avec le soutien de l’Iran. Des conflits et des fronts ont émergé dans lesquels les rivaux régionaux et les terroristes sont devenus actifs avec le soutien d’autres États. La tentative initiale de la politique américaine de “combattre les flammes de la guerre avec la guerre” a mis de l’huile sur le feu au lieu d’éteindre l’incendie.

A l’époque de la première Guerre du Golfe en 1991, les États-Unis voulaient et sont parvenus à éviter une partition de l’Irak, même au prix de laisser le pouvoir à Saddam Hussein. Lors de la seconde Guerre du Golfe en 2003, les États-Unis ont prétendu que Saddam avait acquis l’arme nucléaire. Après la rapide victoire américaine et l’élimination de Saddam Hussein, il y eu un profond remaniement du pouvoir.

Après l’occupation de l’Irak, les Américains ont imposé une administration directe et ils ont désarmé la plupart des partisans de Saddam Hussein. Beaucoup appartenaient à l’armée et à la police et ont joué un rôle-clé dans la formation de l’État islamiste (EI). Au lieu de les intégrer dans l’appareil répressif qu’ils mettaient en place, les Américains les ont exclus et ont ainsi fait germer ce qui est devenu l’EI.

Le clan à dominante sunnite autour de Saddam a été évincé et remplacé par des gouvernements dirigés par les Chiites, qui à leur tour, ont favorisé l’accroissement de l’influence iranienne en Irak. En outre, une politique répressive contre la population sunnite a aiguisé la division au sein de la population irakienne, facteur supplémentaire qui a conduit beaucoup de gens dans les bras de l’EI. Au même moment, les Kurdes au nord de l’Irak se voyaient accorder une sorte de relation privilégiée avec Bagdad, alors que la violence terroriste se répandait partout en Irak.

Quand l’EI a conquis de vastes zones de l’Irak en juillet 2014, en particulier la deuxième plus grande ville d’Irak, Mossoul, les peshmergas kurdes, qui agissaient plus ou moins comme une force d’État dans le nord de l’Irak, ont été les premiers à se mobiliser contre lui, alors que de larges pans de l’armée irakienne s’étaient enfuis. Les Américains et d’autres États occidentaux ont accru leur soutien militaire à la fois à Bagdad et aux peshmergas kurdes.(1) En bref, les Américains (et autres pays occidentaux) ont fourni des armes et une formation militaire. Principalement, les avions américains ont bombardé les positions de l’EI, pendant que les peshmergas servaient de chair à canon.(2) Ni les États-Unis, ni aucune autre puissance occidentale ne voulait engager un grand nombre de soldats sur le terrain à cause des fiascos antérieurs en Afghanistan et en Irak et à cause de l’impopularité généralisée de la guerre.

L’échec global des États-Unis à stabiliser la situation en Irak (et en Afghanistan) a permis la résurgence des ambitions nationalistes kurdes en Irak. La nécessité pour la coalition menée par les États-Unis de soutenir et d’armer les peshmergas kurdes a conduit ces derniers à entrer en conflit avec tous les gouvernements de la région.

La guerre en Syrie : un autre facteur obligeant la Turquie à attaquer les Kurdes

La guerre en Syrie qui a débuté en 2011 est devenue un autre facteur nourrissant les ambitions kurdes. La stratégie turque visant à accroître son influence dans la région nécessitait des liens plus forts avec la Syrie. Jusqu’en 2011, la Syrie et la Turquie avaient réussi à améliorer leurs relations. Mais peu de temps après les débuts de la guerre en Syrie, Assad, de plus en plus assiégé, réagit en faisant un geste stratégique astucieux : l’armée syrienne a “abandonné” en 2012 le territoire kurde en Syrie aux Kurdes, sachant que cela mettrait la Turquie sous pression pour contrecarrer toute avancée kurde. Au même moment, la Turquie tolérait les “éclaireurs” de l’EI qui géraient des agences de recrutement en Turquie, Erdogan voulant tirer les marrons du feu de la lutte de l’EI contre les Kurdes en Syrie. A cause des pressions occidentales, et suite à la publication par des journalistes de la tolérance secrète des Turcs envers la contrebande d’armes ou la révélation selon laquelle les agences d’État turques les livraient directement et facilitaient le passage de terroristes de Turquie vers la Syrie, Erdogan a été contraint de proclamer son opposition à Assad et à s’engager dans un combat déterminé contre l’EI. En rétorsion, l’EI a commencé à viser des cibles en Turquie, là même où auparavant cette organisation avait bénéficié d’une totale “liberté de mouvement”.

En même temps, plus l’EI conquérait du territoire en Irak et en Syrie, plus les Kurdes commençaient à gagner de l’importance comme outil des puissances occidentales intervenant d’une manière ou d’une autre en Irak et en Syrie. Vers la fin de l’année 2013, les Kurdes syriens avaient réussi à établir une “zone libre” (libre du contrôle d’Assad ainsi que de l’EI), appelée Région autonome du Rojava. Quand les forces de l’EI ont commencé à assiéger la ville frontalière de Kobane, dominée par les Kurdes, le 15 septembre 2014, la détermination de la Turquie à empêcher la marche vers l’autonomie kurde ne laissait aucun doute quant aux priorités turques. Bien que l’armée turque ait été présente en force le long de la frontière turque à portée de Kobane, l’armée turque n’est pas intervenue pour protéger les Kurdes contre l’EI. Ce n’est qu’après les intenses bombardements américains et le nombre important de victimes kurdes, tant civiles que militaires, que l’EI a été défait à Kobane en février 2015, par les YPG, le PKK d’autres milices et des peshmergas kurdes du nord de l’Irak. Cet épisode illustre le sort des Kurdes : leur ville, Kobane, dans les mains kurdes, mais en ruines, et les forces kurdes, entièrement dépendantes du soutien américain contre une Turquie impitoyablement déterminée. Pour les Kurdes de Syrie, la question est maintenant de savoir comment les États-Unis se positionneront à leur égard, car sans assistance militaire en leur faveur, ils ne pourront pas tenir. Kobane et l’idée d’une “révolution du Rojava” posent beaucoup de problèmes au milieu anarchiste [8] aujourd’hui, liés au tournant “libertaire” du PKK.

Afin de “contenir” et d’attaquer les enclaves kurdes sur le territoire syrien, la Turquie a commencé à occuper des parties du territoire syrien occidental entre août 2016 et mars 2017 (opération “Bouclier de l’Euphrate”). Ces opérations militaires turques vont à l’encontre des intérêts d’Assad, de la Russie et de l’Iran. En réponse, malgré l’amélioration des liens entre la Russie et la Turquie, la Russie a offert une sorte de “protection” aux Kurdes, afin d’éviter qu’ils ne soient anéantis par l’armée turque et afin de défendre les intérêts d’Assad.

En Syrie occidentale, les troupes russes se sont déplacées dans une autre zone située le long de la frontière syro-turque, faisant barrage aux forces turques et américaines dans la région. En août 2017, les Unités de Protection du Peuple kurde (YPG), ont conclu un accord avec les forces russes, visant à fournir un tampon entre elles et les troupes turques dans et autour de la ville d’Afrin au nord-ouest de la Syrie. Le fait que l’armée turque, dans sa détermination à éliminer les enclaves kurdes, “se débrouille seule”, contre les intérêts de tous les autres requins de la région, a également renforcé les zones de frictions entre les États-Unis et la Turquie.(3) Certains groupes kurdes en Syrie sont devenus méfiants vis-à-vis des plans de la coalition dirigée par les États-Unis.

La phase suivante du conflit a commencé (celle de poser les revendications), maintenant que le “califat” de l’EI a été éradiqué de la région et sera juste capable de lancer des attaques terroristes ici et là sans aucun contrôle sur le territoire. Alors que les États-Unis ont encore besoin des Kurdes comme chair à canon pour lutter contre ce qui reste de l’EI dans la région, après l’expulsion de l’EI de l’Irak, les Kurdes d’Irak ont estimé que le moment était venu de proclamer leur indépendance.

Enver, novembre 2017

 

1 En Syrie, le plus grand parti kurde est le Parti de l’Union démocratique (PYD) ; son bras militaire est les Unités de défense du peuple (YPG) et les Unités de défense des femmes (YPJ). À l’automne 2015, les unités de défense kurdes ont conclu une alliance avec d’autres milices dans les Forces démocratiques syriennes (SDF). La branche militaire du PKK est HPG.

2 L’Allemagne a formé quelques 14 000 combattants peshmergas. L’Allemagne a également livré environ 32 000 armes de petit calibre, 20 000 grenades à main et beaucoup d’autres armes. Les États-Unis ont payé directement les “salaires” de 36 000 peshmergas. Ceux-ci ont alors commencé à devenir les mercenaires de différents impérialismes, américain et autres. Les avions britanniques Tornado ont soutenu des combattants kurdes et la Grande-Bretagne leur a fourni des missiles antichars, des radars et d’autres équipements militaires ainsi que des “conseillers” et des forces spéciales britanniques. Selon Downing Street, tout cela est fait pour des raisons “humanitaires” (Daily Mail, du 15 août 2014).

3 Les premiers échanges de tirs ont eu lieu entre les troupes américaines et les troupes soutenues par la Turquie près de Manbij en Syrie, qui a été un point focal pour les tensions latentes entre les factions soutenues par les États-Unis et la Turquie.

 

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Situation internationale

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Links
[1] https://en.internationalism.org/icconline/201712/14538/erdogans-new-turkey-prime-illustration-capitalisms-senility [2] https://fr.internationalism.org/french/rint/117_conflits.htm [3] https://en.internationalism.org/wr/293_wpiran.html [4] https://theworld.org/stories/kurds-turkey-atone-their-role-armenian-genocide [5] https://fr.internationalism.org/icconline/2007/gci [6] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/59/irak [7] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/257/turquie [8] https://fr.internationalism.org/icconline/201502/9192/anarchistes-et-guerre-imperialiste