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Internationalisme no 352 - 4e trimestre 2011

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Ils accusent la finance pour épargner le capitalisme!

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“Il va y avoir un krach et la chute sera violente”. “Absolument personne ne croit aux plans de sauvetage, ils savent que le marché est cuit et que la bourse est finie”. “Les traders se foutent de comment on va redresser l’économie”. “Cette crise économique est comme un cancer”. “Préparez-vous! Ce n’est pas le moment d’espérer que les gouvernements règlent les problèmes. Les gouvernements ne dirigent pas le monde, c’est Goldman Sachs qui dirige le monde. Cette banque se fiche des plans de sauvetage”. “Dans moins de 12 mois je prédis que les économies de millions de gens vont disparaître, et ce ne sera que le début...”. Ces propos ont été tenus lundi 26 septembre sur la BBC par le trader londonien Alesio Rastani. 1

Nous partageons évidemment la noirceur de la perspective tracée par cet économiste. Le capitalisme va continuer de plonger, la crise va s’aggraver et être de plus en plus ravageuse, et les mille souffrances de la misère vont s’abattre sur une frange toujours plus large de l’humanité. Cette déclaration d’Alesio Rastani vient surtout alimenter l’un des plus gros mensonges de ces dernières années: la planète serait en faillite à cause de la finance… et seulement à cause de la finance. “C’est Goldman Sachs qui dirige le monde”. Et toutes les voix altermondialistes, de gauche et d’extrême-gauche de s’écrier alors en chœur: “Quelle horreur! Voilà la cause de tous nos maux. Nous devons reprendre le contrôle de l’économie. Nous devons mettre au pas les banques et la spéculation. Nous devons lutter pour un Etat plus fort et plus humain!”.

Ce n’est pas une nuance ou une simple affaire de terminologie. Accuser le libéralisme ou accuser le capitalisme est fondamentalement différent. D’un côté, il y a l’illusion que ce système d’exploitation peut être réformé. De l’autre, il y a la compréhension que le capitalisme n’a pas d’avenir, qu’il doit être détruit de fond en comble et remplacé par une nouvelle société. Nous comprenons donc pourquoi la classe dominante, ses médias et ses experts déploient autant d’énergie à pointer du doigt l’irresponsabilité de la finance en l’accusant de tous les déboires économiques actuels.

“C’est la faute aux traders!” : le pitoyable procédé du bouc-émissaire

Depuis quatre ans, à chaque krach boursier éclate une affaire de trader véreux. En janvier 2008, le “scandale Jérôme Kirviel” fait la Une des journaux. Il est jugé responsable de la déroute de la Société générale (banque française) pour avoir perdu 4,82 milliards d’euros. La vraie raison, l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, est reléguée au second plan. En décembre 2008, l’investisseur Bernard Madoff est mis en examen pour une arnaque de 65 milliards de dollars et fait ponctuellement oublier la faillite du géant bancaire américain Lehman Brothers. En septembre 2011, le trader Kweku Adoboli est accusé d’une fraude de 2,3  milliards de dollars à la banque suisse UBS. Cette affaire tombe, par le “plus grand des hasards”, en pleine nouvelle déconfiture économique mondiale.

La ficelle tirée ici par les banques pour justifier leurs déboires est un peu trop grosse pour ne pas être vue. Mais cette propagande médiatique intense permet de focaliser toutes les attentions sur le monde pourri de la finance. L’image de ces requins de spéculateurs, sans foi ni loi, est en train de s’incruster dans nos esprits jusqu’à devenir obsédante et embrumer notre réflexion.

Alors, prenons un instant de recul et réfléchissons: comment ces faits-divers peuvent-ils expliquer en quoi que ce soit les menaces de faillite qui planent sur l’économie mondiale? Aussi révoltantes que puissent être ces magouilles de plusieurs milliards de dollars quand des millions de personnes meurent de faim à travers le monde, aussi cyniques et honteux puissent être les propos tenus par Alesio Rastani, il n’y a là rien qui justifie en profondeur l’ampleur de la crise économique mondiale qui touche actuellement tous les secteurs et tous les pays. Il n’y a là rien de nouveau. Le capitalisme est un système d’exploitation inhumain depuis sa naissance. Le pillage barbare et sanguinaire des populations d’Afrique et d’Asie au XVIII et au XIX ème siècles en constitue une preuve tragique. La voyoucratie des traders et des banques n’explique donc rien de la crise actuelle. Si les escroqueries financières entraînent aujourd’hui des pertes colossales et mettent parfois en péril l’équilibre des banques, c’est en réalité à cause de leur fragilité induite par la crise et non l’inverse. Si, par exemple, Lehman Brothers a fait faillite en 2008, ce n’est pas à cause de l’irresponsabilité de sa politique d’investissement mais parce que le marché de l’immobilier américain s’est effondré lors de l’été 2007 et que cette banque s’est retrouvée avec des monceaux de créances sans aucune valeur.

“C’est la faute aux agences de notation” : comment accuser le thermomètre en cas de fièvre

Les agences de notation sont, elles aussi, sous le feu croisé des critiques. Fin 2007, elles étaient taxées d’incompétence pour avoir négligé le poids des dettes souveraines des Etats. Aujourd’hui, elles sont accusées au contraire de trop pointer du doigt ces mêmes dettes souveraines de la zone euro (pour Moody’s) et des Etats-Unis (pour Standard & Poor’s).

Il est vrai que ces agences ont des intérêts particuliers, que leur jugement n’est pas neutre. Les agences de notation chinoises ont ainsi été les premières à dégrader la note de l’Etat américain, et les agences de notation américaines sont plus sévères envers l’Europe qu’envers leur propre pays. Et il est aussi vrai qu’à chaque dégradation, les financiers en profitent pour spéculer, ce qui accélère la dégradation des conditions économiques.

Mais la réalité, c’est que ces toutes agences sous-estiment volontairement la gravité de la situation; les notes qu’elles attribuent sont bien trop élevées au regard de la capacité réelle des banques, des entreprises et de certains Etats à pouvoir un jour rembourser leurs dettes. L’intérêt de ces agences est indéniablement de ne pas trop critiquer les fondamentaux économiques pour ne pas créer d’affolement. Quand elles décôtent, c’est qu’elles y sont contraintes pour conserver un minimum de crédibilité. Nier totalement la gravité de la situation de l’économie mondiale serait grotesque et personne n’y croirait; il est plus intelligent, du point de vue de la classe dominante, de reconnaître certaines faiblesses pour mieux amoindrir les problèmes de fond de son système. Tous ceux qui accusent les agences de notation aujourd’hui savent tout cela parfaitement. S’ils dénigrent la qualité du thermomètre, c’est pour éviter toute réflexion sur l’étrange maladie qui touche le capitalisme mondial, de peur que l’on ne s’aperçoive qu’il s’agit là d’une maladie dégénérescente et incurable!

“C’est la faute à la finance” : la confusion de la maladie et du symptôme

Ces critiques des traders et des agences de notation appartiennent à une entreprise de propagande beaucoup plus vaste sur la folie et l’hypertrophie de la finance. Comme toujours, cette idéologie mensongère s’appuie sur une parcelle de vérité. Car il faut bien l’avouer, le monde de la finance est effectivement devenu ces dernières décennies un monstre gigantesque, presque obèse, qui est peu à peu gagné par l’irrationalité.

Les preuves sont légions. En 2008, le total des transactions financières mondiales s’élevait à 2200000 milliards de dollars, contre un PIB mondial de 55000 milliards. 2 L’économie spéculative est donc environ 40 fois plus importante que l’économie dite “réelle”! Et ces milliards ont été au fil des ans investis de manière de plus en plus folle et auto-destructrice. Un exemple est à lui seul édifiant: la VAD (vente à découvert). De quoi s’agit-il? “Dans le mécanisme de vente à découvert, nous commençons par vendre une valeur que nous ne possédons pas pour la racheter plus tard. Le but du jeu est bien évidemment de vendre une valeur à un certain prix et de la racheter à un prix inférieur pour encaisser la différence. Comme nous le voyons, le mécanisme est complètement opposé à celui d’un achat suivi d’une vente”. 3 Concrètement, la VAD entraîne d’immenses flux financiers spéculatifs sur certaines valeurs en pariant sur leur baisse, ce qui parfois peut entraîner la faillite de la cible. C’est aujourd’hui ce qui fait scandale. De nombreux économistes et politiciens nous expliquent qu’il s’agit même là du principal problème, de LA cause de la faillite de la Grèce ou de la chute de l’euro. Leur solution est donc simple: interdire les VAD et tout ira de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est vrai que ces ventes à découvert sont une pure folie et qu’elles accélèrent la destruction de pans entiers de l’économie. Mais justement, elles ne font que “l’accélérer”, elles n’en sont pas la cause! Il faut que la crise économique fasse déjà rage pour que ces ventes soient avantageuses à une si grande échelle. Les capitalistes parient de manière croissante sur la baisse et non plus sur la hausse des marchés. Les investisseurs font “des coups” sur le très court terme, sans aucun souci de la pérennité des entreprises et des usines car, de toute façon, il n’y a presque plus de secteurs industriels sûrs et rentables sur le long terme. Et c’est là, qu’enfin, nous commençons à toucher du doigt le vrai cœur du problème: l’économie dite “réelle” ou “traditionnelle” est plongée dans un profond marasme depuis des décennies. Les capitaux fuient cette sphère qui est de moins en moins rentable. Le commerce mondial étant saturé de marchandises invendables, les usines ne tournent plus suffisamment et n’accumulent plus assez. Résultat, les capitalistes investissent leur argent dans la spéculation, le “virtuel”. D’où l’hypertrophie de la finance qui n’est qu’un symptôme de la maladie incurable du capitalisme: la surproduction.

“C’est la faute au néolibéralisme” : comment enchaîner les exploités à l’Etat

Ceux qui luttent contre le néolibéralisme partagent ce constat d’état de délabrement de l’économie réelle. Pour eux, “c’est Goldman Sachs qui dirige le monde”. Ils luttent donc pour plus d’Etat, plus d’encadrement, plus de politique sociale. “Avec plus d’Etat pour encadrer la finance, nous pourrons construire une nouvelle économie, plus sociale et prospère.”

Le “plus d’Etat” ne permet en rien de régler les problèmes économiques du capitalisme. Répétons-le, ce qui mine fondamentalement ce système, c’est sa tendance naturelle à produire plus de marchandises que ses marchés ne peuvent en absorber. Depuis des décennies, il parvient à éviter la paralysie de son économie en écoulant sa surproduction dans un marché créé artificiellement par l’endettement. En d’autres termes, le capitalisme survit à crédit depuis les années 1960. C’est pourquoi aujourd’hui, les particuliers, les entreprises, les banques, les Etats, croulent tous sous une gigantesque montagne de créances et que la récession actuelle est nommée “la crise de la dette”. Or, depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers, que font les Etats, à travers leurs banques centrales, Fed et BCE en tête? Ils injectent des milliards de dollars pour éviter les faillites. Et d’où viennent ces milliards? De nouvelles dettes! Ils ne font donc que déplacer l’endettement privé vers la sphère publique et ainsi préparer de futures faillites d’Etat, comme nous le voyons avec la Grèce dès aujourd’hui.. 4

“Mais s’il ne règle pas la crise, l’Etat pourrait tout de même nous protéger, être plus social”, nous disent tous les chœurs de la gauche.

C’est oublier un peu vite que l’Etat est et a toujours été le pire des patrons. Ainsi, les nationalisations n’ont jamais été une bonne nouvelle pour les travailleurs. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’importante vague de nationalisations avait pour objectif de remettre sur pied l’appareil productif détruit en augmentant les cadences de travail. A l’époque, Thorez, secrétaire général du Parti communiste français et alors vice-président du gouvernement dirigé par De Gaulle, lança à la face de la classe ouvrière: “Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront”, ou encore: “Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale!”.

Les révolutionnaires communistes ont toujours mis en évidence, depuis l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le rôle viscéralement anti-prolétarien de l’État. “L’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste: l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble.” Friedrich Engels a écrit ces lignes en 1878, ce qui montre que, déjà à l’époque, l’Etat commençait à étendre ses tentacules sur l’ensemble de la société. Depuis lors, le capitalisme d’Etat n’a fait que se renforcer; chaque bourgeoisie nationale est en rang et au garde-à-vous derrière son Etat pour mener à bien la guerre commerciale internationale sans merci.

“Les Brics vont nous sauver” : les miracles économiques n’existent pas

Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (ou Brics) ont connu ces dernières années un succès économique retentissant. La Chine en particulier est considérée aujourd’hui comme la deuxième puissance économique mondiale, et nombreux sont ceux qui pensent qu’elle ne tardera pas à détrôner les Etats-Unis. Cette réussite flamboyante fait espérer aux économistes que ce groupe de pays pourrait devenir la nouvelle locomotive de l’économie mondiale. Les altermondialistes voient là une raison de se réjouir: la suprématie américaine de l’ultra-libéralisme étant vécue comme l’un des pires fléaux de ces dernières décennies, la montée en puissance des Brics permettrait l’avènement futur d’un monde plus équilibré et juste. Cet espoir commun de voir les Brics se développer, qu’expriment tous les grands bourgeois et les alter-mondialistes, n’est pas seulement comique, il révèle aussi qu’ils sont tous également profondément attachés au monde capitaliste.

Cet espoir va vite être déçu car il y a dans toute cette affaire de “miracle économique” un air de déjà-vu. L’Argentine et les tigres asiatiques dans les années 1980-1990 ou, plus récemment, l’Irlande, l’Espagne et l’Islande, ont été eux aussi mis en avant, en leur temps, comme des “miracles économiques”. Et comme tout miracle, cela s’est révélé être une supercherie. Tous ces pays devaient leur rapide croissance à un endettement totalement débridé. Ils ont donc connu le même sort: récession et faillite. Il en sera de même pour les Brics. Le président du fonds souverain China Investment Corp, Gao Xiping, vient d’ailleurs de déclarer: “Nous ne sommes pas des sauveteurs, nous devons nous sauver nous-mêmes”. Nous ne saurions être plus clairs !

La vérité, c’est que le capitalisme n’a ni solution, ni avenir

Le capitalisme ne peut plus être réformé. Etre réaliste, c’est admettre que seule la révolution peut éviter la catastrophe. Le capitalisme, comme l’esclavagisme et le servage avant lui, est un système d’exploitation condamné à disparaître. Après s’être développé et épanoui durant deux siècle, aux xviiie et xixe siècles, après avoir conquis la planète, le capitalisme est entré en décadence avec fracas en déclenchant la Première Guerre mondiale. La Grande dépression des années 1930 puis l’effroyable boucherie de la Seconde Guerre mondiale sont venues confirmer l’obsolescence de ce système. Mais depuis les années 1950, aucune crise aussi violente que celle de 1929 n’a éclaté. La bourgeoisie a appris à limiter les dégâts et à relancer l’économie; ce qui laisse croire aujourd’hui à certains que la nouvelle crise que nous traversons n’est qu’un énième et nouvel épisode de ces multiples tremblements et que la croissance ne tardera pas à revenir, comme elle le fait depuis 60  ans et plus.

En effet, chaque fois, la bourgeoisie n’est parvenue à relancer l’économie mondiale qu’en ouvrant toujours plus grandes les vannes du crédit. Elle n’est jamais parvenue à régler le problème de fond, la surproduction chronique ; elle n’a donc fait que repousser les échéances à coup de dettes et aujourd’hui, le système entier est étouffé sous les créances: tous les secteurs, tous les pays sont surendettés. Cette fuite en avant touche donc à sa fin. Est-ce à dire que l’économie va se bloquer, que tout va s’arrêter? Evidemment non. La bourgeoisie va continuer à se débattre. Concrètement, aujourd’hui, la classe dominante n’a le choix qu’entre deux politiques qui sont comme la peste et le choléra: austérité draconienne ou relance monétaire. La première mène à la récession violente, la seconde à l’explosion d’une inflation incontrôlable.

Dorénavant, l’alternance de courtes phases récessives et de longues périodes de reprise financées à coups de crédits est une époque définitivement révolue: le chômage va exploser et la misère comme la barbarie vont se répandre de façon dramatique. S’il y aura, de temps à autres, des phases de relance, ce ne seront que des “bouffées d’oxygène” de très courte durée auxquelles succéderont de nouveaux cataclysmes économiques. Tous ceux qui prétendent le contraire sont comme ce suicidaire qui, après avoir sauté du haut de l’Empire State Building, disait à chaque étage que “jusqu’ici, tout va bien”. La seule véritable incertitude est de savoir comment va s’en sortir l’humanité. Va-t-elle sombrer avec le capitalisme? Ou va-t-elle être capable de construire un nouveau monde de solidarité et d’entraide, sans classes ni Etat, sans exploitation ni profit? Comme l’a écrit Friedrich Engels il y a déjà plus d’un siècle: “La société bourgeoise est placée devant un dilemme: ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie”! Les clés de ce futur sont entre les mains de toute la classe ouvrière, de ses luttes unissant travailleurs, chômeurs, retraités et jeunes précaires.

D’après Pawel/29.09.2011 5


1 Source?: http ://www.dailymotion.com/video/xlcg84_alessio-rastani-c-est-goldman-sachs-qui... [2]

2 Source?: http?://www.jacquesbgelinas.com/index_files/Page3236.htm [3]

3 Source?: http?://www.abcbourse.com/apprendre/1_vad.html [4]

4 Le “plus d’Europe” ou le “plus de gouvernance mondiale” est évidemment tout autant une impasse?: qu’ils soient seuls ou à plusieurs, les Etats n’ont aucune solution réelle et durable. Tout juste leur union permet-elle de ralentir un peu l’avancée de la crise alors que leurs divisions l’accélèrent.

5 pour lire l’article en entier, voir https://fr.internationalism.org [5]

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Editorial

Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne : Occupy, le poids des illusions

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"Le  mouvement Occupy a lieu partout dans le monde. Nous sommes les 99%. Nous sommes un forum pacifique et non-hiérarchique. Nous convenons tous que le système actuel est antidémocratique et injuste. Nous avons besoin d’alternatives, vous êtes invités à nous rejoindre dans le débat et de les développer, à créer un avenir meilleur pour tous“. Ceci est la déclaration qui vous accueille sur le site Web de Occupy Londres. 1

Indéniablement, les appels, les rencontres et occupations d’espaces public partout dans le monde trouvent leur source d’inspiration dans le mouvement Occupy Wall Street, qui s’étend dans plus d’une centaines de villes aux Etats-Unis 2, ainsi que dans d’autres villes à travers l’Europe, et également à des villes en Asie et en Amérique-Latine. Nous avons aussi vu cette vague d’Occupy traverser la Belgique et les Pays-Bas. Le format général de ce mouvement a été l’occupation (pour une courte ou longue durée) d’une place public centrale, suivie par des discussions ouvertes, discours, témoignages, appelant à des manifestations et autres actions.

Que les gens prenant part aux mouvements Occupy aient des préoccupations sincères sur la santé du monde actuel, l’état de son économie et de sa politique, est incontestable. Les nombreux sites Web, pages Facebook et Twitter, les discussions ouvertes et les déclarations en témoignent. Des camarades du CCI ont visité différents sites du mouvement dans plusieurs pays et ils ont activement pris part aux discussions qui se déroulaient. Parmi les participants aux manifestations, on retrouvait aussi bien des gens qui travaillaient, que des chômeurs, retraités et étudiants. De nombreux orateurs exprimaient leurs frustrations, leur mécontentement, d’autres tentaient de développer des analyses. Des témoignages suivaient des "discours" classiques et un nombre croissant de participants voulait vraiment lancer une discussion collective entre eux. Les occupations fournissent en effet, quelque chose qui n’est pas disponible en grand nombre dans le monde - un espace public où les gens sont libres de venir et de discuter en assemblées générales (AG) dans un effort d’essayer de comprendre la situation actuelle du monde.

Comme les événements récents en Espagne et la Grèce l’ont démontré, les assemblées sont l’élément vital de l’auto-organisation des travailleurs. Elles sont le lieu où la confrontation politique, la clarification et la réflexion peuvent avoir lieu. Mais au stade actuel il ne faut surtout pas confondre le point de départ et la forme avec le stade final. La route est encore longue. L’exemple le plus clair en est les discussions intenses en Espagne entre ceux qui plaident pour la "démocratie réelle», c’est à dire une meilleure démocratie gouvernementale réformée et ceux mettant en avant une perspective prolétarienne: "Il y a eu quelques moments très émouvants où les orateurs étaient très excités et presque tous parlaient de révolution, de dénoncer le système, d’être radical (dans le sens d’ "aller à la racine du problème» comme l’un d’eux l’a dit).“3

Beaucoup de discussions autour des protestations Occupy s’articulent encore autour de deux thèmes principaux: comment "améliorer» la démocratie parlementaire, la reconquérir pour le peuple contre les riches, les banquiers, les élites et, deuxièmement comment amener la justice sociale c’est à dire une répartition plus équitable sous le capitalisme. Comme un de nos camarades en Grande-Bretagne rapporta: "J’ai finalement trouvé la réunion où il y avait une discussion sur la démocratie et où j’ai appris qu’ils n’ont pas vraiment la démocratie en Espagne ... Dans cette réunion, les politiciens étaient à blâmer presque pour tout. Il y a eu quelques voix dissidentes qui ont tenté de soulever la question de l’économie, de souligner que la démocratie au Royaume-Uni n’est pas meilleure. Et il y avait quelques contributions bizarres à la discussion, y compris l’idée que nous devrions faire participer le public dans la fonction publique dans le même sens qu’il soit appelé à faire partie d’un jury public  ...ou nous devrions obtenir de meilleurs gestionnaires dans le gouvernement comme en Chine ..."

Lors des discussions et discours, il y a eu des tentatives à certains endroits d’envoyer des délégations, entre autre à des manifestations ouvrières (électriciens en Grande-Bretagne, d’autres conflits ouvriers en Espagne, les métallurgistes en Belgique). Ceci à un moment où, aussi bien en Grande-Bretagne, en Belgique qu’aux Pays-Bas, malgré la peur et la colère engendrées par l’austérité, il n’y avait pas réellement de riposte ouvrière.

Il devient de plus en plus clair que l’énergie spontanée initiale du mouvement est en reflux un peu partout, comme le montrent les assemblées générales, de plus en plus transformées en chambres d’écho passives des “groupes de travail" et des “comités", dont beaucoup semblent être dominés par des militants professionnels, des militants gauchistes, etc.

En Belgique et en Hollande, le CCI a également apporté des contributions limitées aux discussions. Parmi celles-ci: (a) que la façon dont les politiciens se comportent n’est pas causée par le système électoral, que ce soit en Espagne, ou en Belgique ou aux Pays-Bas, mais par le fait qu’ils défendent le capitalisme; (b) sur le rôle de la crise, qui n’est pas seulement provoquée par les banquiers; (c) sur l’importance des assemblées générales et la référence aux principales expériences historiques.

Le mouvement Occupy en Belgique et aux Pays-Bas n’est pas seulement beaucoup plus limité en taille que les mouvements en Espagne et aux Etats-Unis, mais il a surtout beaucoup plus de peine à parvenir à un véritable débat collectif et à obtenir la profondeur dans sa quête d’analyses et de réponses aux questions actuelles.

Un bon nombre de groupes gauchistes en Belgique, aux Pays-Bas, comme en Angleterre, ont souvent essayé de surfer sur les vagues du mouvement afin de faire passer leur propre agenda à travers de nombreux discours et des groupes de travail. Ce ne fut pas très difficile, parce que les réunions avaient la forme d’une réunion ouverte à tous sans beaucoup de structure. En outre, le mouvement n’était pas assez mature pour contrer les tentatives de ces groupes de monopoliser le mouvement. Aussi par une aversion aveugle de la politique, il y avait une réticence à annoncer la couleur politique, un nombre se cachant derrière "une idéologie a-politique" engendrant rapidement le nivellement de nombreuses discussions vers des slogans, vers la désignation de "coupables» et une série de protestations sans perspectives. Cela signifiait que la teneur des débats a été la plupart du temps, à part quelques cas positifs, limitée à un mélange de contributions réformistes, a-historiques et mystiques.

Les mouvements Occupy ici, mais aussi dans de nombreux autres pays, ont été très sensibles à leur image dans les médias. En effet, l’absence d’une claire conscience qu’ils devaient prendre en main et organiser eux-même l’extension et la solidarité les ont placé dans une position de faiblesse. La réaction des médias a été assez prévisible: de titres dans le genre "le choc! l’horreur!" aux articles dans la presse plus libérale ou de gauche qui mettaient en avant que ces occupations stimulaient ou constituaient un coup de pouce pour un système démocratique pondéré. Dans l’ensemble, la plupart de la presse a essayé de mettre en évidence que les politiciens devraient "répondre» aux "préoccupations" de cette protestation légitime. Mais par l’absence d’une perspective d’élargissement du mouvement vers la classe ouvrière, le mécontentement et la colère, alimentés par les médias et comment ils présentaient l’occupation, devenaient un point de fixation.

Aussi la menace d’expulsion et comment se défendre contre la violence et la répression consécutives, sont évidemment une préoccupation importante dans les lieux où il y avait une occupation permanente. Dans de nombreux endroits, tels qu’à travers les Etats-Unis, la "réponse" des politiciens a pris la forme d’une répression sévère. Cependant, quand ils ont discuté dans les assemblées générales sur la façon de réagir aux menaces d’expulsion, la préoccupation majeure était de savoir comment les médias dépeignaient leur réactions. Une proposition d’aller aux travailleurs, soutenue par nos camarades sur place, ainsi qu’ un rappel par un autre participant que leurs objectifs vont au-delà d’un maintien indéfiniment de l’occupation, ne sont pas repris. En fait les deux propositions ont été considérées comme une distraction.

Nous craignons que le plus grand danger aujourd’hui est que les mouvements Occupy se trouvent piégés dans une dynamique de recherche désespérée introspective et laissent ainsi les gauchistes et les médias décider de l’avenir du mouvement.

 

Lac & Ward / 20.11.2011

 

1 https://Occupylsx.org [6]

2 https://en.internationalism.org/node/4571 [7]

3 https://en.internationalism.org/icconline/2011/september/indignados [8]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [9]

Rubrique: 

Mouvement "Occupy"

En Egypte, les dirigeants changent, la lutte des travailleurs demeure

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Le “mouvement de la Place Tahrir” du Caire, en Egypte, qui a fait chuter le régime de Moubarak, a inspiré les exploités du monde entier, en Espagne, en Grèce, en Israël et même aux Etats-Unis. Le courage et la détermination des manifestants ainsi que l’ampleur des rassemblements ont impressionné et donné confiance en la capacité des masses à se dresser ensemble, comme un seul homme, face aux puissants. Mais la force la plus importante dans ce mouvement a été la classe ouvrière. Les grèves dans tout le pays les 8, 9 et 10 février ont en effet constitué le facteur décisif dans la destitution du président Moubarak.

Cela dit, il faut aussi avoir conscience des limites objectives de cette lutte. Contrairement à ce que nous ont raconté la bourgeoisie et tous ses médias aux ordres, ce mouvement n’a jamais été une “révolution”. Qui est aujourd’hui au pouvoir? L’armée! Et à la tête de l’Etat, ses décisions sont tout ce qu’il y a de plus réactionnaire, répressives et anti-ouvrières. Elle a ainsi adopté presque immédiatement une nouvelle loi interdisant les grèves. Les travailleurs vivant en Egypte l’ont d’ailleurs instantanément compris. Ils ne sont pas laissés berner par ce changement de masque du régime, ils ont poursuivi la lutte pour défendre leurs conditions de vie. Depuis le début de septembre, il y a même une nouvelle vague de mécontentement et de contestation.

Des dizaines de milliers d’ouvriers du textile ont fait grève un peu partout dans le pays ainsi qu’une grande partie des 100.000 médecins, la moitié des 200.000 techniciens de la santé des hôpitaux, 4.000 dockers de l’un des ports du canal de Suez, plus de 50 % des 1,7  million d’enseignants du pays. Cette grève des enseignants est très significative de la colère immense qui traverse le pays puisqu’il s’agit de leur première grève nationale depuis 1951 et qu’ils sont allés jusqu’à occuper un certain nombre de bâtiments gouvernementaux. Au Caire, 45.000  chauffeurs d’autobus, mécaniciens et contrôleurs de billets ont aussi été en grève. Certains ont rejoint les manifestations des enseignants au siège du gouvernement.

La vague de luttes spectaculaire qui avait fait trembler tout le pays début 2011 s’était presque totalement éteinte quelques semaines après le départ de Moubarak et l’annonce des nouvelles mesures envisagées par les nouveaux maîtres militaires. Mais toutes les promesses n’ayant évidemment jamais été tenues, la colère explose aujourd’hui de nouveau. Al-Masry Al-Youm a ainsi écrit le 15 septembre: “Les revendications économiques et politiques non satisfaites ont maintenu la fureur des ouvriers d’Egypte” et “Selon les analystes, la récente réapparition de grèves très étendues, reflète une désillusion profonde par rapport au processus de transition démocratique, avec des travailleurs qui sentent de plus en plus que l’amélioration de leurs conditions économiques et politiques ont été de vaines promesses de la révolution.” En guise “d’amélioration de leurs conditions économiques”, les masses ont vu l’inflation exploser, avec, par exemple, une hausse des prix des produits alimentaires de 80 % depuis janvier!

Un des principaux pièges qui attend la classe ouvrière en Egypte, c’est l’illusion de pouvoir être défendue par de nouveaux syndicats autonomes. Depuis le départ de Moubarak, il y a eu au moins 130 créations de syndicats. Ce n’est pas inattendu puisque les syndicats officiels étaient partie intégrante de la machine d’Etat. Mais vieux ou jeunes, les syndicats seront toujours contre les luttes ouvrières. Ces nouveaux syndicats “indépendants” se sont déjà révélés les dignes successeurs des anciens en arrêtant prématurément les grèves et en sapant le développement du mouvement avec une propagande pour “un capitalisme plus démocratique”. Il y a eu récemment de grandes manifestations pour “réclamer la Révolution”. L’acteur Sean Penn, notamment, était sur la place Tahrir. Ces manifestations, tout en s’opposant à l’actuel gouvernement, réclament… un calendrier pour des élections! Le danger pour la classe ouvrière, c’est qu’elle soit prise dans ce type de bataille entre factions militaire et démocratique.

La dernière vague de grèves montre une force qui pourrait se développer, pour autant qu’elle ne soit pas détournée vers l’impasse démocratique.

 

Car/01.10.2011

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [9]

Rubrique: 

Le "printemps arabe"

L'occupation de Wall Street par les manifestants : c'est le système capitaliste lui-même qui est l'ennemi

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Les lecteurs ont sans doute suivi les événements autour du mouvement Occupation de Wall Street (OWS). Depuis la mi-septembre, des milliers de manifestants occupent Zuccotti Park à Manhattan, à quelques blocs de Wall Street. Les manifestations se sont maintenant étendues à des centaines de villes à travers l’Amérique du Nord. Des dizaines de milliers de personnes ont pris part à des occupations, à des manifestations et à des assemblées générales qui ont montré une capacité d’auto-organisation et de participation directe à des activités politiques jamais vues aux Etats-Unis depuis de nombreuses décennies. Les exploités et la population en colère ont fait entendre leur voix, montré leur indignation contre les maux du capitalisme. L’impact international de l’OWS à travers le monde ne doit pas non plus être sous-estimée: des manifestations ont eu lieu dans les centres les plus importants du capitalisme mondial, brandissant des slogans et des expressions de ras-le-bol qui font écho à ceux jaillis à travers l’Europe et l’Afrique du Nord. (…).

Le CCI a pu participer à ces événements à New York, où plusieurs militants et sympathisants proches ont fait un certain nombre de voyages pour aller à Zuccotti Park parler avec les occupants et participer aux assemblées générales. Par ailleurs, des sympathisants du CCI nous ont envoyé des comptes-rendus sur leurs expériences dans ces mouvements dans leurs villes. Une discussion animée a également commencé sur le forum de discussion de notre site. 1 Cet article est une contribution à ce débat, et nous encourageons nos lecteurs à se joindre à la discussion.

Comment répondre aux attaques du capitalisme? Le combat pour trouver un terrain de classe

D’abord, nous devons reconnaître que le mouvement actuel d’occupation provient de la même source que toutes les révoltes sociales massives auxquelles nous avons assisté au cours de l’année 2011. Des mouvements en Tunisie et en Egypte à l’apparition des Indignés en Espagne, aux occupations en Israël et aux mobilisations contre l’austérité et l’anti-syndicalisme dans le Wisconsin et dans d’autres Etats, la frustration et le désespoir de la classe ouvrière, en particulier des jeunes générations durement frappées par le chômage. 2

Ainsi, nous voyons une continuité directe entre OWS et la volonté croissante de la classe ouvrière de se battre contre les attaques du capitalisme, à l’échelle internationale. Il est clair qu’OWS n’est pas une campagne bourgeoise pour faire dérailler et récupérer la lutte de classe. (…). Néanmoins, nous devons aussi reconnaître qu’il existe des tendances différentes dans le mouvement et qu’une lutte se déroule en leur sein. Les tendances dominantes ont une attitude très réformiste et les tendances les plus prolétariennes ont de grandes difficultés à trouver le terrain de classe de leur lutte.

En défense de la souveraineté des assemblées générales

Peut-être l’aspect le plus positif de la revendication de OWS a-t-il été l’émergence des assemblées générales (AG) comme des organes souverains du mouvement qui représente une avancée par rapport aux mobilisations dans le Wisconsin, qui, malgré leur spontanéité initiale, ont été rapidement prises en charge par les appareils syndicaux et par la gauche du Parti Démocrate. 3 L’émergence des AG dans OWS représente une continuité avec les mouvements en Espagne, en France et ailleurs, et est la preuve de la capacité de la classe ouvrière de prendre le contrôle de ses luttes et d’apprendre des événements dans d’autres parties du globe. En effet, l’internationalisation des AG, comme forme de lutte, est l’une des caractéristiques les plus impressionnantes de la phase actuelle de la lutte des classes. Les AG sont, par-dessus tout, une tentative de la classe ouvrière pour défendre son autonomie en impliquant l’ensemble du mouvement dans les décisions prises et en veillant à ce que les discussions soient les plus larges possibles.

Cependant, malgré leur importance dans ce mouvement, il est clair que ces AG n’ont pas été en mesure de fonctionner sans de considérables distorsions et sans les manipulations des activistes professionnels et des gauchistes qui ont largement contrôlé les différents groupes de travail et comités qui étaient censés être nominalement responsables des AG. Ce poids a constitué une difficulté grave pour le mouvement dans le maintien d’une discussion ouverte et il a travaillé à empêcher que les discussions ne s’ouvrent à ceux qui n’occupaient pas, pour atteindre l’ensemble de la classe ouvrière. Le mouvement du 15 Mai en Espagne a également rencontré des problèmes similaires. 4

Au début de l’occupation, en réponse aux demandes persistantes des médias pour que le mouvement identifie ses objectifs et ses exigences, un comité de presse a été formé dans le but de publier un Occupy Wall Street journal. Un de nos camarades était présent à l’AG quand le premier numéro de ce journal, qui avait déjà été rédigé et diffusé auprès des médias par le comité de presse, a été critiqué. Le sentiment dominant de l’AG a été l’indignation devant le fait que ce journal ait été produit et diffusé auprès des médias, alors que son contenu ne reflétait pas le consensus du mouvement, mais semblait refléter un point de vue politique particulier. La décision a été prise de retirer la personne responsable de la production et de la diffusion du journal du comité de presse. Cette action a montré la capacité de l’AG d’affirmer sa souveraineté sur les comités et sur les groupes de travail. Il s’agit d’une expression embryonnaire du “droit de révocation immédiate”, à l’encontre d’un membre fautif du comité de presse, qui a été rapidement révoqué pour avoir outrepassé les limites de son mandat.

Cependant, une semaine plus tard, lors d’une AG (…), des occupants du parc Zuccotti, notre camarade a trouvé une atmosphère totalement différente. (…). L’AG n’a pratiquement pas eu de discussion constructive.(…). Cette AG n’a jamais abordé la question de l’avenir du mouvement. Elle n’a même pas envisagé la question de savoir comment développer une stratégie et formuler des tactiques pour étendre le mouvement au-delà de ses limites actuelles et comment s’opposer à sa disparition presque certaine de Zuccotti Park.

Lors de cette AG, l’un de nos camarades a tenté de proposer que les occupants envisagent l’avenir en s’adressant, au-delà des limites du parc, à la classe ouvrière de la ville, auprès de qui ils étaient susceptibles de recevoir un accueil chaleureux. Il a été répondu à notre camarade que son intervention était hors sujet (…). Comment, alors, expliquer la tendance des groupes de travail, des comités et des animateurs à assurer progressivement leur contrôle sur le mouvement, au fur et à mesure que le temps passe?

Le danger de l’anti-politique

Dès le début, le mouvement OWS s’est caractérisé par un certain esprit “anti-politique” qui a servi à étouffer la discussion, empêcher la polarisation des idées contradictoires et le développement des revendications de classe. Cela a été rendu possible par les gauchistes, les célébrités politiques et les politiciens de tous bords qui ont pu intervenir et parler au nom du mouvement, et ont permis aux médias de présenter le mouvement comme la première étape d’une “aile gauche” du Tea Party. 5

Le refus de presque tous les manifestants d’OWS d’aborder la question des objectifs et des exigences, ce qui représente à notre avis une réticence générale à examiner la question du pouvoir, se présente un peu comme une énigme pour les révolutionnaires. Comment pouvons-nous comprendre ce phénomène, qui a également été présent dans d’autres mouvements des indignés et Occupy à l’échelle mondiale? Nous pensons que cela découle, dans une large mesure, des facteurs suivants:

Le poids, encore présent, des campagnes idéologiques autour de la mort du communisme

S’il est vrai que la principale force sociale derrière ces mouvements semble être la jeune génération de travailleurs, dont beaucoup sont nés après l’effondrement du stalinisme en 1989, il reste une crainte réelle de la part de la classe ouvrière de se réapproprier la question du communisme. Alors que Marx a souvent été intégré dans un processus de réhabilitation pour sa critique du capitalisme, il y a toujours une grande peur d’être associé à un système que beaucoup continuent à croire qu’il a “déjà été essayé et qu’il a échoué” et qui va à l’encontre de l’objectif d’établir “une véritable démocratie”. (…).

La prédominance de la jeune génération

En général, ces mouvements sont animés par la jeune génération des travailleurs. Bien que les travailleurs plus âgés, touchés par la destruction massive d’emplois qui s’est produite aux Etats-Unis depuis 2008 soient également présents dans les mouvements, sociologiquement, la force motrice de ces manifestations est constituée de prolétaires qui ont entre vingt et trente ans. La plupart sont instruits, mais beaucoup n’ont jamais connu dans leur vie un emploi stable. Ils sont parmi les plus profondément touchés par le chômage massif de longue durée qui hante désormais l’économie américaine. Peu d’entre eux ont une expérience du travail associé, si ce n’est d’une manière précaire. Leur identité n’est pas enracinée dans leur lieu de travail ou dans leur catégorie d’emploi. Bien que ces qualités sociologiques soient susceptibles de les rendre plus ouverts à une large solidarité abstraite, elles signifient également que la plupart d’entre eux n’ont pas l’expérience des luttes de défense des conditions de vie et de travail avec des exigences et des objectifs propres. Ayant été en grande partie exclus du processus de production, ils connaissent trop peu la réalité concrète pour défendre autre chose que leur dignité d’êtres humains! La nécessité de développer des exigences spécifiques et des objectifs n’est donc pas si évidente.(…). Un autre aspect qui ne peut être ignoré est le poids du discours politique post-moderniste, en particulier sur ceux qui sont passés par le cursus du système universitaire américain, qui instille la méfiance “traditionnelle” envers une politique de classe et son rejet.

Cela dit, nous ne pouvons pas “demander à l’enfant de se comporter en homme”. La simple existence d’assemblées générales est une victoire en soi, et ces AG constituent d’excellentes écoles où les jeunes peuvent développer leur expérience et apprendre à combattre les forces de la gauche de la bourgeoisie. Tout cela est vital pour les luttes à venir.

Le contexte spécifiquement américain

OWS reste obstinément coincé dans le contexte de la politique et de l’histoire des Etats-Unis. Les racines de la crise internationale et les mouvements sociaux dans d’autres pays sont rarement mentionnés. La croyance dominante du mouvement continue d’être que les immenses problèmes auxquels le monde est confronté sont tous, sous une forme ou une autre, la conséquence des comportements contraires à l’éthique des banquiers de Wall Street, aidés et encouragés par les partis politiques américains. (…). Enfin, il faut identifier le problème principal qui est que “le capital financier non réglementé” a servi à maintenir des illusions sur la nature finalement altruiste de l’Etat bourgeois américain.

De toute évidence, l’éthique anti-politique du mouvement OWS a servi à l’empêcher d’aller au-delà du niveau du mouvement lui-même et a finalement seulement servi à reproduire le genre de domination politique qu’il craignait à juste titre. Cela devrait servir de leçon pour les mouvements futurs. Alors que le mouvement a le droit d’être sceptique par rapport à tous ceux qui cherchent à parler pour lui, la classe ouvrière ne peut se dérober devant la discussion ouverte et la confrontation des idées. Le processus de polarisation, de travailler sur des objectifs et des exigences concrets, aussi difficile soit-il, ne peut être évité si le mouvement va de l’avant.(…). Il y a un fort risque que les principales fractions de la bourgeoisie puissent orienter ce mouvement dans une direction qui serve leurs propres intérêts contre la renaissance de la droite dans leur lutte de cliques. Cependant, en dernière analyse, l’incapacité totale de la bourgeoisie à résoudre sa crise mortelle signe la fin des illusions sur le “rêve américain”, remplacé par le cauchemar de l’existence, sous le capitalisme.

Seule la classe ouvrière offre un avenir à l’humanité

Avec toutes ses faiblesses, nous devons reconnaître les leçons profondes que les protestations d’OWS contiennent pour la poursuite du développement de la lutte des classes. L’apparition des AG, probablement pour la première fois depuis des décennies sur le sol de l’Amérique du Nord, représente une avancée majeure pour la classe ouvrière car elle cherche à développer son combat au-delà des limites tracées par la gauche bourgeoise et par les syndicats. Cependant, nous devons affirmer qu’un mouvement qui se replie sur lui-même plutôt que de chercher l’extension en direction de l’ensemble de la classe est voué à l’échec, que cet échec soit le résultat de la répression, de la démoralisation ou d’un encadrement derrière les campagnes de la bourgeoisie de gauche. (…).

Par ailleurs, aux Etats-Unis, les campagnes persistantes de l’aile droite pour écraser les syndicats ont effectivement eu pour effet de revitaliser dans une certaine mesure le carcan syndical aux yeux des travailleurs et elles ont encore plus désorienté ce secteur de la classe ouvrière. 6 En fait, dans la mesure où ce secteur de la classe ouvrière a participé au mouvement d’OWS, celle-ci s’est largement faite sous la bannière syndicale, mais avec des syndicats qui ont systématiquement œuvré à isoler leurs membres des occupants. Il était clair que, sous l’influence des syndicats, les ouvriers étaient là pour soutenir les occupants, mais non pour les rejoindre! C’est dans le mouvement de la lutte de la classe ouvrière pour défendre ses conditions de vie et de travail que les organes qui peuvent réellement mettre en œuvre la transition vers une société de producteurs associés – les conseils ouvriers – peuvent émerger.(…).

Dans une première étape, nous pensons que le mouvement d’OWS s’est laissé piéger sur le terrain idéologique bourgeois, cependant, celui-ci a déjà un immense mérite, car il donne un aperçu de la façon avec laquelle la classe ouvrière peut prendre le contrôle de sa propre lutte.

 

D'après Internationalism/19.10.2011

 

 

1 https://en.internationalism.org/forum/1056/beltov/4515/occupy-wall-stree... [10] # comment-3866.

2 Voir tous nos articles sur le mouvement indignado https://en.internationalism.org/icconline/2011/september/indignados [8]

3 Bien que contrairement au Wisconsin, où, pour l’instant la menace d’une grève générale a été brandie, OWS représente une mobilisation beaucoup moins “massive”, car, à part pour un petit groupe de manifestants, la mobilisation n’est pas régulière.

4 https://en.internationalism.org/iccon [11]. Voir “Real Democracy Now !’?: A dictatorship against the mass assemblies , article line/2011/special-report-15M-spain/real-democracy-now.

5 Voir Pierre Beinhart, “Occupy Protests” Seismic Effects” pour une déclaration sur la façon avec laquelle la gauche bourgeoise pense qu’OWS pourrait être utilisée pour faire les choux gras d’Obama. https://news.yahoo.com/occupy-protests-seismic-effect-062600703.htm [12].

6 Voir notre article sur la récente grève de Verizon.

Géographique: 

  • Etats-Unis [13]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [9]

Ni un Etat, ni deux, un monde sans frontières !

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Les manifestations de rue massives en Israël semblent, pour l’instant en tout cas, être en net recul. La question sociale, qui a été bruyamment soulevée autour des questions du logement, de l’inflation et du chômage, est une fois de plus mise sur la touche pour mettre en avant la question nationale.

Dans la Cisjordanie occupée, il y a eu des affrontements entre les soldats israéliens et des Palestiniens qui manifestaient leur soutien à la candidature de l’Autorité de la libération de la Palestine pour qu’elle soit acceptée à l’ONU en tant qu’Etat membre.

A Qalandia, un check-point israélien majeur entre la Cisjordanie et Jérusalem, les troupes israéliennes ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les lanceurs de pierres palestiniens. Les affrontements ont duré plusieurs heures et environ 70 Palestiniens ont été blessés par des granulés de caoutchouc et d’acier ou ont souffert d’inhalation de gaz lacrymogène. Ce scénario s’est joué dans de nombreux endroits. D’après des témoins et un rapport militaire, des soldats israéliens ont abattu un Palestinien, près du village d’Ousra, en Cisjordanie, lors d’un incident entre les villageois et les colons israéliens.

Un peu plus tôt, en septembre, un assaut violent contre l’ambassade d’Israël en Egypte a déclenché des raids aériens israéliens sur Gaza, qui ont causé la mort d’un certain nombre de gardes-frontières égyptiens.

Par contre, les tentatives du gouvernement pour détourner l’attention des manifestants de leurs revendications économiques et politiques en brandissant la “question palestinienne” et le sentiment anti-Israël ont rencontré peu de succès. D’après un article de Nadim Shehadi dans le New York Times (25 septembre), “même la récente attaque contre l’ambassade israélienne au Caire a été vue par beaucoup comme une diversion contre la poursuite des manifestations de la place Tahrir”. Il y avait des indices laissant soupçonner une collusion entre le gouvernement et la police dans l’attaque, qui a également coïncidé avec une visite au Caire du Premier ministre turc Erdogan, avide de promouvoir un nouvel axe anti-Israël au Moyen-Orient entre la Turquie et l’Egypte. En tout cas, le pillage de l’ambassade a certainement contribué à détourner l’attention d’une nouvelle vague de mécontentement populaire contre le régime, qui a de nouveau conduit à une vague de grèves ouvrières.

Un ou deux Etats?

Parmi ceux qui affirment être opposés au système capitaliste actuel, beaucoup soutiennent que, tant que la question nationale ne sera pas réglée en Israël et Palestine, il ne pourra jamais y avoir de lutte de classe “normale” dans la région, réunissant les travailleurs et les opprimés, indépendamment de la nationalité et de la religion, contre les capitalistes de tous les pays.

Il existe différentes approches sur la façon dont la question israélo-palestinienne pourrait être résolue: une partie de la gauche s’est montrée plus que disposée à appuyer une action militaire contre Israël (par des groupes palestiniens nationalistes, laïques et islamiques, et, logiquement, par les Etats qui leur ont fourni des armes et des ressources, comme l’Iran, la Syrie, la Libye de Kadhafi ou l’Irak de Saddam Hussein). Le fait qu’une telle politique soit combinée avec la rhétorique de la “révolution arabe” et celle d’une future “Fédération socialiste du Moyen-Orient” ne modifie pas fondamentalement son caractère militariste. Une telle vision a été mise en avant par George Galloway, du SWP et par d’autres. Cette approche a souvent été liée à l’idée d’une “solution à un Etat”: une Palestine démocratique laïque avec des droits pour tous. Comment un tel régime idyllique pourrait-il émerger d’un massacre impérialiste est une question à laquelle seuls pourraient répondre ceux qui sont formés à la sophistique trotskiste.

D’autres, à gauche, et une foule de libéraux, privilégient la “solution à deux Etats”, avec les nations israélienne et palestinienne qui se “déterminent toutes deux” et respectent mutuellement leurs droits nationaux. Dans cette vision, il y a beaucoup de nuances différentes: officiellement, les Etats-Unis sont en faveur d’une solution à deux Etats, sur la base de négociations, qu’ils supervisent avec l’ONU, l’UE et la Russie. Mais Washington met actuellement son veto à la candidature de la Palestine à l’ONU parce qu’elle dit qu’elle n’est pas basée sur des conditions mutuellement convenues. Le fait que les Etats-Unis soient de plus en plus incapables de faire plier l’intransigeance du gouvernement de droite d’Israël avec ses propositions, en particulier avec leur appel à un gel de la colonisation dans les territoires occupés, joue également un rôle majeur dans la position actuelle de l’Amérique.

En attendant, Mohamed Abbas, le président de l’autorité palestinienne, soulignant que les négociations n’existent simplement pas, va de l’avant avec la proposition que la Palestine devienne un Etat parce que cela va lui donner un certain nombre d’avantages tactiques, comme la possibilité de traduire Israël devant la Cour pénale internationale. Mais l’opposition à cette stratégie vient d’un certain nombre de partisans du nationalisme palestinien, à la fois laïques et islamiques, qui soulignent à juste titre qu’un Etat fondé sur quelques morceaux de terrains divisés et dominés par les militaires israéliens et le Mur ”anti-terroriste” n’est rien de plus qu’un Etat symbolique. Les islamistes, dont la plupart ne reconnaissent même pas l’existence d’Israël, veulent poursuivre la lutte armée pour un Etat islamique dans l’ensemble de la Palestine historique (bien qu’en pratique, ils soient prêts à examiner diverses étapes intermédiaires). A ce niveau, l’Islam militariste et le trotskisme militariste préconisent les mêmes méthodes pour la réalisation de leurs différents plans pour un système à un seul Etat. 1

Les communistes sont contre l’Etat-nation

A notre avis, ce sont toutes de fausses solutions. Le conflit Israël- Palestine, qui a traîné en longueur pendant 80 ans, est un exemple concret qui montre pourquoi le capitalisme ne peut pas résoudre les différentes “questions nationales” dont il a hérité en partie des anciens systèmes sociaux, mais qu’il a en grande partie lui-même créées.

En s’opposant au slogan du “droit de tous les peuples à l’autodétermination nationale” durant la Première Guerre mondiale, Rosa Luxemburg a fait valoir que, dans un monde désormais dépecé par les puissances impérialistes, aucune nation ne peut défendre ses intérêts sans s’aligner sur les plus grands Etats impérialistes, tout en cherchant, dans le même temps, à satisfaire ses propres appétits impérialistes. Le nationalisme n’est pas, comme Lénine et d’autres l’ont soutenu, une force potentielle qui pourrait affaiblir l’impérialisme, mais fait partie intégrante de ce dernier. Cette analyse a certainement été confirmée par l’histoire du conflit au Moyen-Orient. Il est bien connu que, depuis sa création, le sionisme ne pouvait faire la moindre conquête sans le soutien de l’impérialisme britannique et, plus tard seulement, il s’est tourné contre l’Angleterre pour se mettre au service des Etats-Unis plus puissants. Mais le mouvement national palestinien n’a pas été moins obligé de chercher le soutien des puissances impérialistes: l’Allemagne et l’Italie fascistes avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, la Russie stalinienne et ses satellites arabes pendant la guerre froide, la Syrie, l’Irak, l’Iran et d’autres depuis l’effondrement de l’ancien système des blocs. Les alliances ont changé au fil des années, mais la constante est que les nationalismes juif et arabe ont agi comme des agents locaux de rivalités impérialistes plus larges et mondiales. Ceux qui préconisent la défaite militaire d’Israël ou des solutions plus pacifiques, présidées par l’ONU, sont toujours enfermés dans cette logique.

Dans le même temps, un soutien à des solutions nationales, dans une période de l’histoire où la classe ouvrière et ses exploiteurs n’ont pas d’intérêts communs, même pas celui de la nécessité de s’opposer aux précédentes classes dominantes réactionnaires, est directement nocive pour la lutte de la classe exploitée. En Israël, la lutte des travailleurs pour défendre leur niveau de vie est constamment accueillie avec l’argument que le pays est en guerre, qu’ils doivent accepter les sacrifices et que les grèves ne peuvent que saper les besoins de la défense nationale. En Egypte et dans d’autres pays arabes, les travailleurs qui résistent à leur exploitation s’entendent dire, en permanence, que leur véritable ennemi est le sionisme et l’impérialisme américain. Les luttes ouvrières massives de 1972 en sont une illustration très claire: à la suite de la répression des grèves à Helwan par le gouvernement de Sadate, “les gauchistes (maoïstes, militants palestiniens, etc.) ont réussi à détourner toute la question vers des fins nationalistes. Ainsi, les demandes de libérer les travailleurs emprisonnés ont été combinées avec des déclarations de soutien à la guérilla palestinienne, avec des demandes pour la mise en place d’une économie de guerre (y compris un gel des salaires) et pour la formation d’une “milice populaire” pour défendre la “patrie” contre l’agression sioniste. Ainsi, le grief principal était que le gouvernement n’avait pas été assez décisif dans ses préparatifs de guerre; quant aux travailleurs, ils ont été exhortés à ne pas mener la lutte contre leurs exploiteurs, mais à former les hommes de troupe d’un impérialisme “populaire” égyptien contre son rival israélien” (“Lutte de classe au Moyen-Orient”, World Revolution no 3, avril 1975).

D’autre part, les récents mouvements de protestation montrent que lorsque la question sociale se pose dans la lutte ouverte, les arguments des nationalistes peuvent être remis en question. Le refus des manifestants de la place Tahrir, en Egypte, de subordonner leur lutte contre le régime de Moubarak à la lutte contre le sionisme, les avertissements prémonitoires par des manifestants israéliens que le gouvernement Netanyahou utiliserait un conflit militaire pour faire dérailler leur mouvement, et surtout leur détermination à poursuivre leurs revendications, même quand les affrontements militaire eurent lieu sur les frontières, montrent que la lutte des classes n’est pas quelque chose qui peut être reporté en attendant qu’une solution idéale au problème national ait été mise en œuvre. Au contraire, c’est dans le cadre de la lutte de classes elle-même que les divisions nationales peuvent être mises à jour et affrontées. En Israël, des slogans inspirés des mouvements dans le monde arabe, bruyamment clamés, comme “Moubarak, Assad, Netanyahu”, des appels à l’unité de lutte entre arabes et juifs, ont été des exemples concrets et positifs de cette possibilité, même si le mouvement est resté hésitant par rapport à l’éventualité de prendre directement en charge la question de l’occupation.

Il serait naïf de s’attendre à ce que ces mouvements récents naissent libres de toute idée nationaliste car, pour la majorité de ceux qui y ont pris part, l’internationalisme signifie plutôt une sorte de trêve ou de fête d’amour entre nations. Ceux qui luttent n’ont par encore pris pleinement conscience de ce que le combat internationaliste implique réellement: la guerre de classe à travers les divisions nationales, la lutte pour un monde sans Etats-nations.

C’est à peine nécessaire de mentionner le terrible engrenage de vengeance, de méfiance et de haine que le conflit israélo-arabe a créé et renforce chaque jour. Mais, dans le même temps, le capitalisme fournit d’amples preuves, non seulement de sa faillite économique, mais aussi de son incapacité à concilier les intérêts nationaux. Dans la prison de l’Etat-nation, que soit préféré l’idéal d’une solution à un ou à deux Etats, il n’y a tout simplement aucune possibilité de délivrer les millions de Palestiniens de la misère des camps de réfugiés ou de rendre la masse des Israéliens capables de vivre sans la peur constante de la guerre et des attaques terroristes. La vision d’une communauté humaine sans frontières, qui est la seule réponse à la crise mondiale du capitalisme, va aussi apparaître comme la seule solution réaliste au conflit israélo-arabe. Et cette vision ne peut prendre corps que dans le cadre de mouvements sociaux massifs qui évoluent vers une authentique révolution des exploités et des opprimés. Tous les Etats bourgeois, réels ou potentiels, seront l’ennemi d’une telle révolution: ils seront le premier mur à devoir être démantelé sur le chemin de la liberté.

 Amos/01.10.201

 

1 Il est important de souligner que certains sionistes de droite ont également conclu qu’un Etat serait préférable, mais que ce serait bien sûr un Etat juif dans lequel la minorité arabe serait soit expulsée, soit y resterait pour toujours comme des citoyens de seconde classe.

Géographique: 

  • Moyen Orient [14]

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Conflit israélo-palestinien

Energie nucléaire, capitalisme et communisme: l'homme et la nature (I)

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L’ampleur de la catastrophe en cours à Fukushima révèle une fois de plus l’exploitation prédatrice de la nature par le capitalisme. L’espèce humaine a toujours été amenée pour vivre à transformer la nature. Mais le Capital pose aujourd’hui un nouveau problème: ce système ne produit pas pour satisfaire les besoins de l’humanité mais pour le profit. Il est prêt à tout pour cela. Laissé à sa seule logique, ce système finira donc par détruire la planète.

Au sein de cette nouvelle série, nous allons donc retracer brièvement l’histoire des rapports entretenus par l’Homme à la nature pour mieux comprendre les dangers actuels mais aussi les nouvelles possibilités énergétiques qui pourraient s’ouvrir à l’Homme dans la société future, le communisme.

Le désastre du réacteur nucléaire de Fukushima au Japon au mois de mars dernier a réouvert le débat sur le rôle de la puissance nucléaire dans les besoins que connaît l’énergie mondiale. Beaucoup de pays, y compris la Chine, ont annoncé qu’ils allaient revoir ou temporairement arrêter leur programme de constructions de centrales tandis que la Suisse et l’Allemagne sont allées plus loin et prévoient de remplacer leur capacité nucléaire. Dans le cas de ce dernier pays, 8 des 17 centrales du pays seront fermées cette année avec un arrêt de toutes en 2022 et seront remplacées par des sources d’énergie renouvelables. Ce changement a provoqué de puissants avertissements de la part de l’industrie nucléaire et certains grands utilisateurs d’énergie de problèmes de réserves et de grosses augmentations des prix. Depuis ces dernières années, on avait vu des rapports sur la renaissance de l’industrie nucléaire avec 60 centrales en construction et une 493e planifiée selon le groupe industriel World Nuclear Association . 1 En Grande-Bretagne, il y a eu un débat sur les risques et les bénéfices du nucléaire comparé à celui des plus profitables énergies vertes. George Monbiot, par exemple, a annoncé non seulement sa conversion au nucléaire comme la seule voie réaliste pour éviter le réchauffement global de la planète 2 mais allant jusqu’à attaquer ses anciens collègues du mouvement anti-nucléaire d’ignorer la question scientifique du risque réel de la puissance nucléaire. 3

En réalité, le problème du nucléaire ne peut être compris comme une question purement technique ou comme une équation déterminée par les différents coûts ou bénéfices du nucléaire, de l’énergie fossile ou des énergies renouvelables. Il est nécessaire de s’arrêter et de regarder l’ensemble de la question de l’utilisation de l’énergie dans la perspective historique de l’évolution de la société humaine et des différents modes de production qui ont existé. Ce qui suit se veut être une esquisse nécessairement brève d’une telle approche.

L’utilisation de l’énergie et le développement humain

L’histoire de l’humanité et des différents modes de production est aussi l’histoire de l’énergie. Les premières sociétés de chasseurs-cueilleurs vivaient principalement de l’énergie humaine comme de celle des animaux et des plantes produites par la nature avec une intervention plutôt modérée, même si certains usages impliquaient l’utilisation du feu pour la déforestation en vue de cultures ou pour abattre les arbres. Le développement de l’agriculture au néolithique marqua un changement fondamental dans l’utilisation de l’énergie par l’humanité et dans ses relations avec la nature. Le travail humain fut organisé sur une base systématique pour transformer la terre, avec des forêts nettoyées et des murs érigés pour élever les animaux domestiques. Les animaux commencèrent à être utilisés pour l’agriculture et donc dans certains processus productifs comme les moulins à grains. Le feu servait à réchauffer et faire la cuisine et pour des processus industriels comme la fabrication de poteries et la fonte des métaux. Le commerce se développa également, reposant à la fois sur la puissance du muscle et de l’animal mais aussi exploitant la force du vent pour traverser les océans.

La révolution néolithique transforma la société humaine. L’augmentation des sources de nourriture qui en résulta conduisirent à une augmentation significative de la population et à une plus grande complexité de la société, avec une partie de la population allant graduellement de la production directe de nourriture vers des rôles plus spécialisés liés aux nouvelles techniques de production. Certains groupes furent aussi libérés de la production pour prendre des rôles militaires ou religieux. Ainsi, le communisme primitif des sociétés de chasseurs-cueilleurs se transforma en sociétés de classe, les élites militaires et religieuses soutenues par le travail des autres.

Les accomplissements des sociétés dans l’agriculture, l’architecture et la religion requéraient tous l’utilisation concentrée et organisée du travail humain. Dans les premières civilisations, ils furent le résultat de la cœrcition massive du travail humain, qui trouva sa forme typique dans l’esclavage. L’utilisation par la force de l’énergie d’une classe assujettie permit à une minorité d’être libérée du travail et de vivre une vie qui exigeait la mobilisation d’un niveau de ressources bien supérieur à celui qu’un individu aurait pu réaliser pour lui-même. Pour donner un exemple: une des gloires de la civilisation romaine était les systèmes de chauffage des villas qui faisaient circuler de l’air chaud sous les sols et dans les murs; rien de comparable n’a été vu par la suite durant des siècles où même les rois vivaient dans des bâtiments qui étaient si froids qu’on raconte que le vin et l’eau gelaient sur les tables l’hiver. 4 Ces systèmes étaient le plus souvent construits et entretenus par des esclaves et consommaient de grandes quantités de bois et de charbon. La chaleur dont profitait la classe dominante venait de l’appropriation de l’énergie humaine et naturelle.

La relation entre l’humanité et la nature

Le développement des forces productives et des sociétés de classe qui était à la fois la conséquence et l’aiguillon de ces dernières changea la relation entre l’homme et la nature comme il avait changé la relation entre les gens. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs étaient immergées dans la nature et dominées par elle. La révolution de l’agriculture poussa à contrôler la nature avec les cultures et la domestication des animaux, le défrichement des forêts, l’amendement des sols par l’utilisation de fertilisants naturels et le contrôle des apports d’eau.

Le travail humain et celui du monde naturel devinrent des ressources à exploiter mais aussi des menaces devant être dominées. Il en résulta que les Hommes – exploités et exploiteurs – se détachèrent de la nature et les uns des autres. Vers le milieu du 19e siècle, Marx montra l’intime inter-relation entre l’humanité et la nature qu’il vit comme la “vie des espèces”: “Physiquement, l’homme ne vit que de ces produits naturels, qu’ils apparaissent sous forme de nourriture, de chauffage, de vêtements, d’habitation, etc. L’universalité de l’homme apparaît en pratique précisément dans l’universalité qui fait de la nature entière son corps non-organique, aussi bien dans la mesu­ re où, premièrement, elle est un moyen de subsistance immédiat que dans celle où, [deuxième­ ment], elle est la matière, l’objet et l’outil de son activité vitale. La nature, c’est-à-dire la natu­ re qui n’est pas elle-même le corps humain, est le corps non-organique de l’homme. L’homme vit de la nature signifie: la nature est son corps avec lequel il doit main­ te­ nir un processus cons­ tant pour ne pas mourir. Dire que la vie physique et intellectuelle de l’homme est indis­ so­ lu­ blement liée à la nature ne signifie pas autre chose sinon que la nature est indissoluble­ ment liée avec elle-même, car l’homme est une partie de la nature.”.5 Le capitalisme, le travail salarié et la propriété privée déchire tout cela, détournant la production du travail ouvrier en “une puissance autonome vis-à-vis de lui” et transformant la nature qui “s’oppose à lui, hostile et étrangère.”.6

L’aliénation, que Marx voyait comme une caractéristique du capitalisme dont la classe ouvrière faisait l’expérience de façon très aiguë, avait émergé en fait avec l’apparition des sociétés de classe mais s’accélérait avec la transition vers le capitalisme. Tandis que l’humanité toute entière est affectée par l’aliénation, son impact et son rôle n’est pas le même qu’il s’agisse de la classe exploitante ou de la classe exploitée. La première, en tant que classe qui domine la société, pousse vers l’avant le processus d’aliénation tout comme elle anime le processus d’exploitation et ressent rarement ce que cela provoque, même si elle ne peut échapper aux conséquences. La seconde ressent l’impact de l’aliénation dans sa vie quotidienne comme un manque de contrôle sur ce qu’elle fait et ce qu’elle est mais absorbe en même temps la forme idéologique que prend l’aliénation et le répète en partie dans ses relations humaines et dans sa relation avec le monde naturel.

Le processus a continué depuis que Marx l’a décrit. Au siècle dernier, l’humanité aliénée s’est entredévorée dans deux guerres mondiales et a vu l’effort systématique effectué pour anéantir des parties d’elle-même dans l’holocauste de la Seconde Guerre mondiale et lors des “nettoyages ethniques” des vingt dernières années. Elle a également exploité et détruit la nature brutalement au point que le monde naturel et toute vie menacent de s’éteindre. Cependant, ce n’est pas une humanité vue comme une abstraction qui a fait cela mais la forme particulière de société de classe qui est arrivée à dominer et menacer la planète: le capitalisme. Ce ne sont pas non plus tous ceux qui vivent dans cette société qui en portent la responsabilité: entre les exploiteurs et les exploités, entre la bourgeoisie et le prolétariat, il n’y a pas d’égalité de pouvoir. C’est le capitalisme et la classe bourgeoise qui ont créé ce monde et qui en portent la responsabilité. Cela peut déranger ceux qui veulent nous mettre tous ensemble dans le même sac pour le “bien commun”, mais l’histoire a montré que notre conclusion est correcte..

 North/19.06.201

 

1 Financial Times du 6 juin 2011, “Nuclear power : atomised approach”.

2 Guardian du 22 juin 2011, “Why Fukushima made me stop worrying and love nuclear power”.

3 Guardian du 5 avril 2011, “The unpalatable truth is that the anti-nuclear lobby has misled us all”.

4 Fernand Braudel, Civilisation and Capitalism 15th – 18th Century, Volume one?: The Structures of Everyday Life, p.299. William Collins Sons and Co. Ltd, London.

5 Marx, manuscrits philosophiques et ­ économiques de 1844, “Le travail aliéné” (www.marxists.org [15])

6 Ibid.

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L'homme et la nature

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