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ICConline - octobre 2011

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Comment intervenir dans la lutte de classe ?

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Nous publions ici une discussion entre les camarades qui se sont impliqués dans l’intervention vis-à-vis des ouvriers en grève de Verizon aux Etats-Unis, certains étant militants du CCI, d’autres des sympathisants. Ils ont travaillé en étroite collaboration dès le début, de l’échange d’idées sur les axes dans l'écriture du tract qui allait être distribué, jusqu’à la diffusion du tract et aux discussions avec les ouvriers en grève, en passant par la réflexion après l’intervention que nous publions ici.

Nous ne soulignerons jamais assez l’importance de la nature collective de ce travail. Il est important pour les sympathisants puisqu’ils acquièrent une expérience « concrète » de comment intervenir réellement dans la lutte de classe dans un cadre collectif qui est le produit de discussions ouvertes. Il est important pour le CCI car il continue à écouter et à s’enrichir de la vision de jeunes – et même de pas si jeunes – générations d’éléments et de groupes en recherche d’une orientation politique, de façons nouvelles et créatives d’aborder différentes questions.

Camarade H : quand nous dénonçons les syndicats, cela peut vraiment être ressenti comme les attaques que livre contre eux l’aile droite de la bourgeoisie. Il peut être difficile pour des gens qui n’ont pas entendu avant les syndicats être attaqués par la gauche, de faire la distinction. En fait, on finit souvent par dire la même chose que l’aile droite (les syndicats vous prennent de l’argent, mais ne font rien pour vous, ils ne font que défendre leurs propres intérêts, etc.). Peut-être, étant donné le rapport entre les classes aux Etats-Unis, devrions nous donc moins insister sur notre attaque contre les syndicats – ou au moins ne pas en faire le cœur de notre intervention – et se concentrer à la place sur le développement des revendications de classe. Bien sûr, les syndicats vont les saboter, mais les travailleurs doivent peut-être apprendre cela au cours de la lutte. Il est possible qu'une dénonciation trop forte des syndicats ne puisse que renforcer la tendance à s’identifier à eux. Les ouvriers n’arrivent pas encore à voir la différence entre les syndicats et eux-mêmes. Quand ils entendent qu'il y a des attaques contre les syndicats, ils pensent qu’ils sont eux-mêmes attaqués. Peut-être qu’il n’y a pas de perspective immédiate aux Etats-Unis de prise en main de leurs luttes par les ouvriers ? En ce sens, Le Wisconsin était peut-être une véritable exception et nous avons vu comment les syndicats ont pris rapidement le contrôle de la situation là-bas. La chose la plus importante n’est-elle pas que les ouvriers soient réellement en train d’essayer de lutter, et nous devrions peut-être nous concentrer sur la volonté de lutter plutôt que sur la dénonciation des syndicats ? Cela ne veut pas dire qu’on donne un blanc-seing aux syndicats, mais on ne devrait pas donner l’impression que notre principal but est de détruire les syndicats.

Camarade A : personnellement, j’ai eu un moment vraiment difficile pour comprendre comment intervenir de façon adéquate, de manière à ce que, d’un côté, cela aide, développe et favorise la conscience de classe et que d’un autre, cela ne soit pas vraiment une dénonciation des syndicats que la grande masse des travailleurs ne comprend pas encore. Je ne sais pas non plus comment les ouvriers peuvent être d’accord pour faire ce qu’on a dit avant sans se poser la question de pourquoi tout cela devrait être fait en dehors du cadre syndical. C’est une énigme à laquelle je suis toujours confronté sur mon lieu de travail, où beaucoup de collègues sont d’accord avec les idées et les propositions, mais finissent toujours par dire quelque chose comme : c’est bien, allons proposer cela aux syndicats… en dernière analyse, les travailleurs ont besoin de sentir qu’ils peuvent faire ce qui précède (développer la lutte, etc.) sans les syndicats. C’est ce sentiment d’impuissance, mais aussi cette reconnaissance d’identité de classe encore inexistante, je pense, que la classe n’a pas encore surmontée et développée. Et cela, comme nous le savons, se produit dans les luttes elles mêmes. Je me demande si le tract n’aurait pas eu un impact tout différent si les trois premiers paragraphes n’avaient pas été là du tout, ou s’ils avaient été écrits à la fin, après avoir présenté ce que les travailleurs pouvaient réellement faire dans de telles circonstances.

Camarade H : tous ces questionnements et ces sentiments sont très justes, Je pense souvent, que notre intervention se réduit à la chose suivante : les ouvriers ont besoin de se rassembler pour décider par eux-mêmes ce qu’il faut faire. Au delà de quelques choses très générales, et de beaucoup sur ce qu’il ne faut pas faire, nous ne pouvons pas réellement par principe dire aux travailleurs ce qu’il faut faire, ou réellement comment lutter, en dehors de quelques leçons de base de l’histoire. C’est réellement une situation difficile pour toute la Gauche communiste. Les ouvriers doivent le trouver par eux-mêmes. En tant que telle, notre intervention apparaît souvent comme négative, c’est-à-dire : « Nous ne savons pas exactement quelle est la réponse mais les syndicats ne l’ont sûrement pas, pourquoi n’allez-vous pas discuter entre vous de ce qu’il faut faire alors que les syndicats ne s’en occupent pas ?» . En même temps, les syndicats semblent avoir des réponses concrètes qui ne se dévoilent être des illusions que très lentement. Cela demandera du temps et de l’expérience pour que les ouvriers brisent l’étreinte du syndicat. En ce moment même, les tentatives absurdes d’éléments de la bourgeoisie de détruire les syndicats ne semblent que renforcer ce mythe syndical. Les syndicats sont capables de jouer la carte de la victimisation. Ce n’est pas le meilleur moment pour faire une intervention qui condamne les syndicats en des termes aussi austères. En Europe ou ailleurs, c’est peut-être une autre histoire. J’entends bien la frustration qu’éprouve A. par rapport à l’accord que les travailleurs semblent donner à quelques uns de nos concepts de base, mais pensent encore qu’ils peuvent les réaliser à travers le syndicat. C’est comme quand vous avez une liste de doléances contre la société et qu’un type quelconque en costume cravate vous dit d’écrire à votre député. C’est comme s’ils ne comprenaient pas que le cadre que vous mettez est fondamentalement différent. De fait, ils ne comprennent pas. Ce n’est que l’expérience qui leur apprendra. Nous ne pouvons réellement qu’espérer avoir semé des germes de doute, le creuset d’un paradigme différent parmi les éléments les plus ouverts et qui pensent à plus long terme, de façon à préparer le terrain pour la prochaine lutte. Nous n’en sommes encore qu’à un tout premier stade du retour à la lutte, un retour qui ne balise que très lentement le terrain de classe.

Camarade J : J’ai énormément apprécié votre aide pour l’intervention. Je pense que j’ai appris beaucoup et j’ai aussi été surprise par l’ouverture à la discussion et encouragée par la solidarité qu’ont montré les autres travailleurs. En même temps, je suis vraiment d’accord avec ce que dit H. Pour le moment, les ouvriers pensent encore en termes « les syndicats se battent pour nous ». Je pense que dix ans d’endoctrinement peuvent éroder ce que les ouvriers ont appris de la dernière grève, surtout quand la majeure partie de la classe ne lutte pas et que, - bien que la solidarité ait été appréciée comme nous l’avons vu – la classe ouvrière a encore peur et reste conservatrice dans toutes ses tentatives de se défendre, et jusqu’à ce qu’il y ait des luttes plus fréquentes, il y a peu de chance probablement que nous convaincrons beaucoup de monde de notre position sur les syndicats, mais nous pouvons sans doute convaincre les ouvriers du fait que :

- la crise ne mène nulle part et il y aura davantage de luttes dans le futur ;

- chaque travailleur mérite de jouer un rôle actif dans ces luttes et de discuter de ce que sont exactement les revendications, et de comment se battre pour elles ;

- d’autres travailleurs sont intéressés par notre lutte et veulent nous aider et on peut donc discuter avec eux aussi ;

- ce que font les syndicats ne marche pas à long terme et ce que nous devons faire avec cette lutte, c’est d’en discuter, en dehors de la boîte, avec d’autres ouvriers, discuter des luttes des autres ouvriers – pour construire une espèce d’identité de classe ;

- ce n’est pas tel ou tel patron mais le système capitaliste tout entier qui attaque, pas seulement les ouvriers de Verizon (ou d’autres) mais la classe ouvrière toute entière et nous devons répondre en nous battant en tant que classe.

 Camarade A : il y a un tas de choses que nous pouvons dire aux ouvriers et J. en a cité quelques-unes ici, mais je suis d’accord avec le fait que nous ne devons pas mettre en avant la dénonciation des syndicats quand on va dans les piquets de grèves, dans les marches de protestation ou dans les manifestations et autres formes de lutte. Je ne pense pas que nous devions cacher ou mentir à propos de nos positions, mais ce ne doit pas être la première chose qui sorte de notre bouche. Ce ne devrait pas être en première ligne de notre tract. Je pense que pour la presse, c’est une autre histoire. L’audience est différente. Quand nous intervenons dans un piquet, nous allons vers les ouvriers ; toutefois, quand quelqu’un achète un journal ou prend le temps d’aller sur le site, il prend l’initiative d’en savoir plus sur nos positions. En théorie, notre presse n’est lue que par les éléments les plus avancés de la classe alors qu’un tract est beaucoup plus largement distribué. Je suis d’accord avec J. qu’à ce stade, il est probablement plus important d’intervenir sur la question de la crise, en mettant en avant la perspective marxiste qui dit qu’il n’y a pas de solution à cette pagaille au sein du capitalisme, quoi que que fassent les ouvriers dans les syndicats, ils ne vont pas au-delà de l’horizon des alternatives bourgeoises, qui ne sont en réalité pas du tout des alternatives. Les travailleurs ont besoin de voir que réformer le système n’est pas possible, qu’aucune fraction de la bourgeoisie n’a de réponse : le futur est sinistre sans leur action indépendante. En théorie, la remise en question de l’hégémonie syndicale devrait suivre.

Discussion répercutée par le CCI ( 24 septembre 2011)

Géographique: 

  • Etats-Unis [1]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [2]

La crise économique déchaîne sa colère sur la classe ouvrière

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Nous publions ci-dessous la traduction d’un article réalisé par Internationalism, organe de presse du CCI aux Etats-Unis.

A l’heure où, en Europe, tous les médias affirment que la principale cause à la crise de l’Euro est la faiblesse de sa banque centrale, la BCE, que celle-ci devrait copier son homologue américain, la Fed, et émettre elle-même sans limite sa propre monnaie, cet article de nos camarades vivant aux Etats-Unis démontre qu’en réalité, de l’autre côté de l’Atlantique, la même crise économique et la même impuissance de la bourgeoisie à trouver une réelle solution à cette crise, font rage.

Les événements de juillet et août se sont produits à la suite les uns des autres si rapidement que la classe dominante a paru avoir le vertige devant leur vitesse et leur profondeur : la crise du plafond de la dette, la rétrogradation de la note américaine de AAA à AA+ par Standard & Poor's, les hauts et les bas et la volatilité des bourses, les nouvelles de l’insolvabilité de pays comme l’Espagne et l’Italie et le FMI dans une impasse par rapport à ce qu’il faut faire, la fuite de capitaux avec les bons du trésor américain transformés en or. La classe dominante est à court d’argument pour rassurer une classe ouvrière de plus en plus incertaine quant à ses espoirs d’un meilleur futur. Comble de l’infortune, ses options sur comment répondre à une crise économique qui ne fait que s’aggraver se réduisent de plus en plus. Que se passe-t-il ?

La crise du crédit qui a suivi l’éclatement de la bulle immobilière en 2008 a été une menace si sérieuse de blocage de l’activité économique que la bourgeoisie a été obligée de monter des plans de récupération sous la forme de « plan de relance économique » et de consolider l’industrie financière en absorbant les actifs toxiques des banques et de se porter caution. Le petit répit accordé par ces mesures est à la base de la soi-disant « récupération » qui s’est déroulée ces deux dernières années. Du point de vue de la classe ouvrière, comme elle continue à subir le poids de la crise, il est évident qu’il n’y a pas de fin ni de solution à la détérioration de ses conditions de vie et de travail. Comme le capitalisme ne peut plus tirer sur sa corde, et que les mesures employées par la classe dominante pour ralentir les pires effets de la crise s’épuisent, la classe ouvrière ne peut attendre que des attaques encore plus brutales contre elle.

 Comment s’en sort la classe ouvrière ?

 Vendredi 2 septembre, le gouvernement faisait un rapport sur l’embauche alors que le Bureau des Statistiques du Travail publiait des données pour le mois d’août. Le New York Times faisait la Une de l’édition du samedi 3 septembre avec : « zéro job, mauvais signal pour l’économie américaine avec la croissance récente ». Ce qu’on peut réaliser sombrement en lisant les données, c’est que les nouvelles personnes qui rentrent sur le marché du travail ne seront pas intégrées et que les sans- emploi continueront à être au chômage dans un futur prévisible : c’est la première fois que cela arrive depuis les années 1940. Il faut se rappeler que le taux officiel du chômage, stable à 9,1 %, est basé sur le nombre de gens qui ont activement recherché un travail au cours des quatre semaines précédentes. Cela n’inclut pas les ouvriers découragés qui ont laissé tomber la recherche d’un travail, ni ceux qui sont employés à temps partiel mais voudraient travailler à plein temps. En ajoutant tous ceux là, le taux de chômage grimpe immédiatement à 16,1%, et même ce chiffre est une donnée très peu actualisée, parce qu’il recense dans les employés la population non civile qui est intégrée dans l’armée.

Ce qui est aussi vraiment inquiétant, c’est le caractère à long terme du chômage dans la récession actuelle. Les suppressions d’emploi n’ont pas seulement été pires depuis le début de la dernière récession que dans les précédentes, mais cela prend beaucoup plus longtemps pour trouver un travail. La « croissance zéro » qui vient d’être publiée confirme que l’économie est dans un état de mauvaise santé chronique. Si l'on examine la composition de la classe ouvrière aux Etats-Unis, le gros des chômeurs est constitué par la population noire qui subit un chômage de 16,2 à 16,7%, ce qui est encore une confirmation de la maladie chronique du capitalisme, totalement incapable de relever le niveau de vie misérable de secteurs de la population qui ont été historiquement désavantagés. Les ressortissants d'origine latino-américaine suivent avec un taux de chômage de 11,3%. Une autre donnée très parlante est celle qui concerne le chômage des jeunes, qui atteint 25,4%. Dans le contexte d’une impasse économique et où il n’y a pas d’embauche, cela crée des conditions inédites dans lesquelles les parents qui bénéficient encore d’une pension ou de l’aide sociale vont se faire du souci pour la stabilité financière des enfants quand leurs parents partiront à la retraite.

Cette économie continue à perdre des emplois dans le secteur gouvernemental, alors que la manufacture et le commerce de détail, qui avaient bénéficié d’un petit répit l’année dernière, perdent aussi des emplois. Cette tendance va se poursuivre, car le seul secteur où les emplois sont en augmentation est l’agriculture ; or, la saison des récoltes touche à sa fin. Ces données sont assez décourageantes, mais pour les « veinards » qui ont encore un travail, aller au travail devient de plus en plus une activité très semblable à de la torture, avec une oppression, un contrôle et une intensification de l’exploitation intolérables. Les enseignants ont été tout particulièrement accusés et vilipendés du fait de leur salaire « privilégié » et de leurs avantages sociaux, mais leurs conditions de travail se sont particulièrement détériorées depuis le début de la crise. Il n’est pas étonnant qu’on trouve dans les statistiques publiées par le Bureau du Travail que le nombre de démissions est presque équivalent au nombre de licenciements, avec le plus grand nombre de démissions dans le secteur de l’éducation ! Cela amène à penser que les conditions de travail sont tellement exténuantes qu’un travailleur peut choisir la perspective de l’instabilité financière plutôt qu’une pression insupportable au travail ! Confrontés à la réalité de la crise, les économistes bourgeois abaissent maintenant leurs perspectives pour la croissance.

 Comment s’en sort le capitalisme et que fera la classe dominante ?

Ces convulsions de l’économie ne sont ni le résultat de la cupidité des entreprises ni de la spéculation boursière, comme on nous l’a dit en 2008, quand elles ont commencé à se manifester. Les causes ne se trouvent pas dans l’imprudence des « consommateurs » qui contractent des dettes qu’ils ne peuvent pas rembourser. Pas plus qu’elles ne sont la cause des querelles incessantes à Washington entre factions de la classe dominante américaine divisée par le dilemme de ce qu’il faut faire face à la plus grave récession de l’histoire des Etats-Unis. Ces facteurs aggravent sûrement la situation, mais plutôt que d’en être la cause, ils sont des symptômes d’un malaise pour lequel la classe dominante n’a aucun remède. Comme nous l’avions écrit dans la Revue Internationale n°133 : « Pendant quatre décennies, …, l'ensemble de l'économie n'a conservé un semblant de fonctionnement que grâce à des politiques capitalistes d'État monétaires et fiscales…. Pendant toutes ces années de crise et d'intervention de l'État pour la gérer, l'économie a accumulé tant de contradictions qu'aujourd'hui, il existe une menace réelle de catastrophe économique ». (Les Etats-Unis, locomotive de l’économie mondiale… vers l’abîme.1 2e trimestre 2008)

La monstrueuse dette publique des Etats, le déficit du budget fédéral, la dette privée nationale, le déficit commercial énorme, sont tous le résultat de l’intervention capitaliste d’Etat au cours des quatre dernières décennies pour maintenir à flot son économie malade. Tout cela a conduit le capitalisme aujourd’hui au point auquel il a dépassé ses possibilités de freiner son endettement. Les multiples contradictions accumulées au cours des quatre dernières décennies ont toutes mûri à la fois et la classe dominante est incapable de s’y confronter avec un projet cohérent. Les plans d’austérité risquent d’affaiblir une économie déjà bien malade, encourager la consommation devient difficile et exacerbe le risque de banqueroute. Pomper de l’argent dans le marché financier – comme la politique de la banque centrale appelée « Quantitative Easing » d’inonder le marché financier avec du liquide via l’achat direct de dettes du Trésor, à hauteur de 600 milliards comme cela a été le cas la dernière fois – va entraîner une dépréciation de la monnaie en circulation et relancer l’inflation. La classe dominante va encore devoir continuer à s’appuyer sur l’appareil d’Etat pour intervenir massivement dans l’économie et administrer le même remède qui est déjà un véritable poison. Mais toutes ces manipulations financières et monétaires ne font que repousser le jour des règlements de compte à un petit peu plus tard. La banque centrale, par exemple, peut commencer à vendre des titres du Trésor des Etats-Unis arrivant prochainement à échéance et à acheter ceux à échéance plus tardive pour tenter d’accroître la demande d’investir dans des actions à plus long terme. De cette manière, leurs prix vont monter et les taux d’intérêt sur ces titres tomber, ce qui fera que les Etats-Unis paieront moins cher pour rembourser leurs dettes. Mais cela ne peut qu’encourager la spéculation sur des actifs encore plus à risque, puisque les investisseurs recherchent les plus gros profits à la Bourse et que les titres du Trésor ne seront pas d’un grand rapport.

On trouve aussi un exemple de l’incohérence croissante de la classe dominante américaine dans le discours du président de la Banque centrale, Ben Bernanke, le 26 août à Jackson Hole, dans le Wyoming, quand il a dit que l’état actuel de l’économie ne s’est pas détérioré au point d’avoir un troisième tour du « Quantitative Easing ». Quelques jours plus tard, les statistiques produites par le Bureau du Travail allaient de nouveau accroître la pression sur le capitalisme américain pour qu’il actionne davantage la planche à billets. Mais celà ne va pas guérir le patient en phase terminale, le capitalisme dans les affres de la mort. Pourquoi ?

Comme nous l’avions écrit dans la Revue Internationale n°144 : « Le apitalisme souffre par nature d'un manque de débouchés car l'exploitation de la force de travail de la classe ouvrière aboutit forcément à la création d'une valeur plus grande que la somme des salaires versés, vu que la classe ouvrière consomme beaucoup moins que ce qu'elle a produit. »2 (Face à la crise capitaliste, il n'existe aucune voie de sortie, 1er trimestre 2011). Les travailleurs et les capitalistes ne peuvent constituer un marché suffisant pour redémarrer le processus de production capitaliste. Or, il faut un marché pour valoriser la part de plus-value extraite de l’exploitation de la classe ouvrière et destinée à la reproduction du capital. La valeur d’échange entre capitalistes perd de vue le fait que le capital doit augmenter, pas consommer, sa plus-value. Pour les ouvriers qui représentent un marché solvable, la contradiction la plus puissante – et mortelle – du capitalisme tient en ce la lutte du capital contre la tendance à la baisse du taux de profit, résultat de la concurrence, pousse vers l’amélioration de la technologie, remplaçant ainsi des ouvriers et augmentant la productivité sans élévation correspondante des salaires. Il en résulte une contraction de la demande, puisque la capacité de consommation des ouvriers est de plus en plus réduite. Les discours actuels sur la consommation anémique, le manque d’investissements, la baisse de la productivité, sont l’expression de cette contradiction fondamentale du capitalisme. Dans ces conditions, le capitalisme ne peut pas et ne peut avoir de solution à sa crise. En opprimant et en imposant des plans d’austérité brutaux contre la classe ouvrière, la bourgeoisie risque de hâter le moment où les ouvriers du monde entier s’affronteront directement au capitalisme et le relégueront aux poubelles de l’histoire.

Ana (4 septembre)

 

1 https://en.internationalism.org/ir/133/editorial [3]

2 https://en.internationalism.org/ir/144/economic-crisis [4]

Géographique: 

  • Etats-Unis [1]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [5]

Les ouvriers de Guayana (Venezuela) luttent contre le chavisme

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Nous publions ci-dessous la traduction d'un article d'Internationalismo, organe de presse du CCI au Venezuela.

 Que se passe-t-il au Guayana ?

 Soumettre les ouvriers de Guayana1 à des conditions de vie précaires est devenu une priorité pour la bourgeoisie nationale et plus particulièrement pour sa fraction chaviste au pouvoir, tel que cela a déjà été fait avec les travailleurs de l’industrie pétrolière. Il en est ainsi parce que la réduction des coûts, surtout de la main-d’œuvre dans les industries de base de la région, celles du fer, de l’acier, de l’aluminium, etc., est une nécessité impérative pour affronter la concurrence internationale, à cause de l’aggravation de la crise du système capitaliste.

Pour atteindre cet objectif, les ouvriers de la province de Guayana, à l’instar de ce qui est arrivé aux ouvriers de l’industrie pétrolière, ont été soumis à une campagne où ils ont été accusés de faire partie d’une « aristocratie ouvrière » qui gagne des salaires et des primes que l’industrie ne peut plus payer sous peine d’être acculée à la faillite. Le chemin proposé est celui de du nivellement par le bas, c'est-à-dire, la baisse brutale des salaires et des primes, comme ce fut le cas là aussi pour les travailleurs du pétrole.

Cependant, avec les ouvriers de Guayana, la bourgeoisie, en ce qui concerne la lutte, a face à elle un problème autrement plus aigü : le risque pour la bourgeoisie est bien plus grand à cause de leur grande concentration et de leurs traditions de lutte, d’ailleurs menée souvent contre l’État. La vaste concentration d’activités industrielles, de service et commerciales en lien avec ce grand conglomérat industriel, renforce d’autant la puissance de la riposte de la classe ouvrière contre les attaques à ses conditions de vie.2

Quelle stratégie déploie l’État ?

L’État vénézuélien a échafaudé la stratégie dite « Plan Guayana Socialiste », réalisant ainsi le slogan trotskiste du « contrôle ouvrier de la production ». Ce faisant, l’État a voulu convaincre les travailleurs que c’est eux-mêmes qui contrôleraient la production, et que, par conséquent, le renforcement des industries dépendrait de leurs efforts et de leurs sacrifices. Ils ne devaient donc dorénavant plus faire grève puisque l'industrie se trouve, selon la propagande officielle, entre leurs propres mains. La défense de ce Plan représenterait un pas vers le « Socialisme du 21e Siècle », autrement dit le « grand truc » manipulé par Chavez et sa coterie.

Il est bon de rappeler que ce Plan a été précédé de l’échec d’un autre plan pour développer la cogestion chez ALCASA, entreprise étatique de fabrication d’aluminium. L’objectif de ce plan, dirigé par le sociologue Carlos Lanz Rodriguez, était de faire croire aux travailleurs :

  • que l’État dirigé par Chavez mène une « politique orientée vers le socialisme ». Déjà par rapport à un tel « cap », les travailleurs de Guayana avaient flairé qu'un tel « socialisme » n’était pas très différent du contrôle que l’État capitaliste exerçait lors des gouvernements précédents.

  • que cogestion signifie « changement dans les rapports de production ». Le seul « changement » qui s’est produit, c’est que les ouvriers devaient se laisser « auto-exploiter » pour consolider la gestion de l’Etat-patron capitaliste,

  • que « justice serait faite » en ce qui concerne les rapports salariaux. Nous savons très bien que la seule chose que ce régime ait mené à bien, c’est l’accroissement de la précarisation de la force de travail,

  • enfin, qu’on accomplirait la réalisation d’une « humanisation de la journée de travail et la réduction du temps de travail, contre la division du travail et le despotisme dans l’usine ». Pour ce qui est de l’humanisation, cil s'agit d'un cocktail d’emprisonnements, d’accusations devant les tribunaux, de gaz lacrymogènes, de coups de feu, de morts et de blessés ; et, pour couronner le tout, maintenant, c'est le vaste déploiement de bandes armées, de sicaires essayant de terroriser les ouvriers.

Ce plan est un échec parce qu'en général, les travailleurs, devant les résultats désastreux pour leurs intérêts, n’ont pas gobé les belles paroles avec lesquelles Carlos Lanz voulait introduire le poison de la soumission à l’État capitaliste au sein des ouvriers et le renoncement à leurs revendications. Et c’est ainsi que la résistance des travailleurs de l’aluminium a réussi à briser la vitrine que l’État vénézuélien avait soigneusement installée pour montrer les magnificences de son « Socialisme du 21e siècle » aux autres travailleurs du pays.

Le « Plan Guayana Socialiste » : est-ce l’œuvre des travailleurs ?

 Le nouveau « Plan Guayana Socialiste », qui consiste fondamentalement à :

  • Essayer de convaincre les ouvriers, encore une fois, du fait que les entreprises seraient sous leur contrôle et que leur exploitation va disparaître.

  • Faire payer à l’ensemble de la classe ouvrière de Guayana la grave situation financière et la détérioration des infrastructures des industries de base, ce qui veut dire qu’on exige des sacrifices pour restaurer leur compétitivité ; autrement dit, qu’il faut accepter une dégradation des conditions de vie.

  • Et, par conséquent, les ouvriers devraient renoncer à lutter pour leurs revendications.

Ce plan a été présenté comme le résultat de la participation de quelque « 600 travailleurs représentants de la classe ouvrière de Guayana » à des « tables rondes de travail » dirigées par les actuels « travailleurs-directeurs » des entreprises de base, Elio Sayago et Rada Gameluch, entre autres. Ce groupe de travailleurs, choisis entre ceux qui avaient participé à un stage d’endoctrinement sur le « Socialisme du 21e Siècle » et sur le « développement endogène » y ont été aussi convaincus du fait qu’il fallait combattre ceux qui s’opposent à ce Plan parce qu’ils feraient partie de « l’aristocratie ouvrière ».

Par la suite, on a essayé de mystifier les travailleurs en les polarisant entre ceux qui soutiennent les syndicats, quelle que soit leur tendance (même le syndicat du parti officiel chaviste, le Parti Socialiste Uni de Venezuela), et ceux qui soutiennent le prétendu « contrôle ouvrier ».

Quels sont les obstacles sur le chemin du prolétariat pour retrouver son identité de classe ?

L’État fait feu de tout bois pour créer des divisions au sein des travailleurs. En créant, en premier lieu, une polarisation entre les dirigeants défendus par les syndicats et les représentants du soi-disant « contrôle ouvrier ». Et aussi, entre les travailleurs qui feraient partie de la supposée « aristocratie ouvrière », qui ne défendraient que leurs « intérêts égoïstes », qui ne chercheraient « qu’à préserver ou améliorer leur salaire » et, de l’autre coté, ceux qui encouragent les travailleurs à se joindre aux défenseurs de la patrie, à ceux qui défendent les nationalisations comme une étape décisive vers le « Socialisme du 21e Siècle », à ceux qui ne sont pas égoïstes et qui se sacrifient pour « la patrie de Bolivar ».

Dernièrement, l’État a déployé une armada constituéel de bandes armées, de mafias et d'hommes de main les plus divers pour semer la terreur au sein des travailleurs. Ceci est la conséquence du fait que les pressions judiciaires sur les travailleurs envoyés devant les tribunaux, n’ont pas suffi pour que les ouvriers cessent leurs actions en défense de leurs intérêts, mais c’est plutôt le contraire qui s’est produit. L'inefficacité de ce qu’on appelle la « criminalisation de la protestation » a été mise en évidence lorsque l’État a été obligé de libérer certains détenus pour amadouer la colère des ouvriers, une colère qui a amené des syndicats et des syndicalistes pro-gouvernementaux, surtout ceux du courant de Maspero (dirigent syndicaliste « officiel »), à soutenir la lutte pour la libération du dirigeant syndical Ruben González, favorable pourtant au « processus », emprisonné pendant quelques mois. L’État a voulu aussi, avec cette mesure, montrer son visage « ouvriériste » et cacher son penchant vers la « dictature totalitaire ».

Cette action a eu comme effet celui de redorer le blason de certains syndicats qui peuvent ainsi mieux exercer leur contrôle sur la classe ouvrière, en essayant, surtout, de tenir celle-ci enfermée dans le corset corporatiste, dans une lutte pour le défense de telle ou telle clause des conventions collectives ou dans la lutte contre la corruption, dont la puanteur délétère rend insupportable l’atmosphère dans le travail.

Par ailleurs, il y a la volonté de piéger les ouvriers dans les luttes intestines entre les mafias syndicales et celles qui défendent le dit « contrôle ouvrier », qui à leur tour font partie des différentes camarillas du pouvoir autour du gouverneur de la province de Bolivar [où se trouve l’agglomération Ciudad-Guayana], les maires, les militaires et des secteurs du capital privé, qui y mènent tous leurs juteuses petites affaires, contribuant ainsi à l’écroulement des industries de base, expression de la décomposition régnante dans tous les secteurs et dans tous les coins du pays.

Que faire pour contribuer au processus de prise de conscience ?

Pour les représentants de l’État, qu’ils s’appellent gouverneur, maire, ministre, directeur d’entreprise, syndicaliste, le mot d’ordre parait être : « si tu ne peux pas les convaincre, mystifie-les ». Cependant, là où se concrétise l’intervention des représentants de différents organismes de l’Etat, en défense de leurs intérêts personnels ou pour le compte de leurs mafias, que ce soit par la répression directe ou par le biais de tueurs, c’est le chaos sanglant qu’est devenue, sous le capitalisme en décomposition, la forme des rapports que le patronat entretient avec les ouvriers.

Pour les minorités révolutionnaires, il s’agit de montrer le chemin vers la prise de conscience de la classe ouvrière. En premier lieu, contre le chantage qui consiste à dire que les ouvriers qui luttent contre la réduction de leurs salaires ou la perte de leurs primes feraient partie d’une aristocratie sans conscience de classe. Nous devons y opposer, d’un coté, que la lutte pour les revendications immédiates fait partie du processus de prise de conscience du prolétariat. Par ce biais, la classe s’unifie, elle réussit à bien définir quel est son ennemi de classe, que celui-ci soit un patron privé ou l'État-patron, elle réalise quel est son rôle dans la société en tant que seule classe capable de mettre fin au chaos capitaliste. D’un autre coté, il n’agit pas en vérité, de lutter pour un « salaire juste » -c’est l’État qui détermine en réalité cette « justesse »-, mais de lutter contre le salariat qui est l’essence même du système dexploitation capitaliste.

Si la poudrière prolétarienne qui existe au Guayana n’a pas encore explosé, cela est dû en grande partie à la polarisation et à la confusion des propositions de toutes sortes faites par les différents « représentants » syndicaux ou professionnels de l’État, chacun défendant son fief, s'efforçant chacun par tous les moyens que les discussions au sein des assemblées servent à annuler toute action que le prolétariat uni devra prendre pour en finir avec le chaos qui règne dans la région. Nous devrons, en conséquence, reconquérir les discussions dans les assemblées et mettre en avant, avant toute chose, l’unification nécessaire des luttes.

Quelles perspectives ?

La classe ouvrière de Guayana n’a pas cessé de lutter. Il arrive souvent que devant l'entrée principale de l’une des grandes entreprises, une assemblée soit organisée pour riposter face à telle ou telle attaque contre les conditions de vie imposées. Et il est souvent arrivé que ces assemblées sont parvenues à neutraliser les attaques du pouvoir, lequel essaye par tous les moyens d’opposer les intérêts « de la collectivité » aux luttes ouvrières, comme ce fut le cas lorsqu’on a envoyé les « conseils communaux » contre les assemblées.

Le surgissement de minorités au sein de la classe ouvrière qui tentent de renouer le fil du mouvement historique de la classe se renforce avec la persévérance et l’amplitude des luttes. Ces minorités luttent contre une vision déformée du socialisme, non seulement sous sa version trotskiste et leur soutien critique au chavisme, mais aussi sous sa version ultraréactionnaire du « Socialisme du 21e siècle », ornement d’un nationalisme exacerbé, enrobé de haine anti-yankee et d’un fondamentalisme quasi-religieux qui se concrétise dans ce « Socialisme bolivarien ».

Les nouvelles générations ouvrières de Guayana essayent de mener leur propre expérience de lutte et d’apprendre des générations précédentes d’ouvriers de la région, qui affrontèrent avec détermination l’État pendant les années 60 et 70 du siècle dernier. Malgré les entraves que la bourgeoisie met en travers des ouvriers de Guayana, ceux-ci sont en train de montrer aux autres ouvriers qu’ils sont aussi déterminés à mener la bataille contre le capitalisme chaviste derrière le masque du « socialisme » avec lequel il se camoufle.

Internacionalismo (juillet 2011)

 

1 L’agglomération industrielle de Ciudad-Guayana est située dans la province de Bolivar au Venezuela, sur l’Orénoque, avec une population proche du million d’habitants dont une grande partie est formée de familles ouvrières.

2 Lire « ‘Guayana est une poudrière’ : le prolétariat à la recherche de son identité de classe à travers la lutte [6] », (mai 2010)

 

Géographique: 

  • Vénézuela [7]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [2]

Les « primaires » du PS, un bon filon pour toute la bourgeoisie

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Le dimanche 16 octobre 2011, vers 19h, alors même que les chances de victoire de sa pouliche Martine Aubry étaient déjà définitivement enterrées, Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris déclarait à la presse : “Ces primaires sont une victoire pour la démocratie.” Evidemment, cette petite phrase cache une réelle déception par ce que les professionnels de la communication appellent un « discours positif ». Mais pas seulement. Il y a derrière ces quelques mots désabusés, une vérité fondamentale dont leur auteur n'a sans doute pas bien mesuré l'importance.

A quoi ont servi les primaires, finalement ? A unir le PS ? On en doute, et nos doutes risquent fort de s'envoler très vite, sitôt les embrassades de ce dimanche oubliées. A moderniser l'image du PS ? C'est sûrement vrai même si ce n'est là qu'affaire de paillettes. A montrer la diversité existant au sein du PS ? Sûrement pas : après tout le parti n'a pas attendu les primaires pour voter son programme, censé être donc repris par tous.

Alors à quoi ont servi ces débats soporifiques, cette organisation gigantesque, ces millions de pièces de un euro versés par les « citoyens électeurs » ? A la base, à désigner le candidat qui représentera le PS aux présidentielles. Mais bien au-delà, les primaires ont aussi servi, tout comme aux Etats-Unis par exemple où le système existe depuis longtemps pour les deux grands partis de pouvoir, à remettre une couche, toute fraîche et brillante, à la mystification démocratique. Ce n’est d‘ailleurs pas tant l’intérêt pour les idées d’un PS qui n’a rien à dire que ce souffle démocratique est venu presque faire la pige à la coupe du monde de rugby, mais la mobilisation de près de trois millions de personnes exaspérées par Sarkozy et dont la perspective essentielle est de ne plus le voir à la tête du pays.

Mais cela, c'est en définitive au service de toute la classe bourgeoise. C'est bien pour cela que la droite a patiemment et sagement attendu la proclamation des résultats avant de sortir ses armes lourdes et entrer en campagne. L'UMP avait-elle à ce point besoin de connaître l'identité de son adversaire pour s'adonner, comme elle l'a fait deux jours après, à la démolition en règle du programme socialiste, particulièrement sur la question économique où Hollande ne brille certainement pas plus que les autres par l’innovation ou le scoop qui viendrait renverser la vapeur de l’enfoncement inéluctable dans la crise ? Comme on vient de le dire, le programme socialiste est connu depuis longtemps. Qu'il y ait des nuances entre François Hollande et Martine Aubry, certes, on veut bien l'admettre. Mais c’est le programme d’un parti de la bourgeoisie, qui ne pourra faire de toutes façons qu’une politique d’austérité, emballée sous forme de cadeau aux ouvriers, comme à l’époque où Martine Aubry faisait avaler la réforme sur les 35 heures comme une avancée sociale sans précédent. On connaît la suite : aux embauches promises ont succédé des cadences de travail de plus en plus exténuantes et des licenciements massifs, une précarisation généralisée et des suppressions de postes tous azimuts.

Si la droite a laissé se dérouler les primaires sans intervenir autrement que par de molles critiques, voire au contraire des réflexions sur l'intérêt de procéder de même dans son camp, c'est parce qu'en sa qualité de fraction bourgeoise responsable, elle avait tout intérêt à ce que la classe ouvrière se retrouve embringuée en partie dans ces primaires socialistes et surtout focalisant l’attention sur le suspense de leurs résultats de façon à donner du grain à moudre à l’idée qu’il faudra se mobiliser dans les présidentielles de 12012. Le discours plus « radical », anti-pouvoir des banques et altermondialiste (ou « démondialiste » comme il l’a rebaptisé) de Montebourg comme sa rhétorique sur la nécessité dune opération « mains propres » et des 17% des voix du premier tour qui en a fait l’arbitre le plus courtisé. L'idée même que des primaires apportent un surcroît de pouvoir au « peuple » en maîtrisant une étape supplémentaire en amont du processus électoral, ont permis de ramener vers les urnes et de ranimer surtout les illusions d’un électorat de gauche qui se lassait de l’image de corruption donné par l’ensemble de la classe politique et des querelles internes entre les éléphants du parti social-démocrate. La publicité tapageuse des médias pour ces « primaires » pendant un mois où elles ont servi d’écran de fumée pour masquer les attaques s’est révélée très intéressante pour toute la bourgeoisie : elle a permis d’occuper la scène plus tôt sur le terrain électoral et elle redore le blason d'une démocratie passablement terni, même cl'argument de l'alternance : alors même que de plus en plus d'électeurs doutent , à juste titre de la pertinence du choix entre droite et gauche, la bourgeoisie cherche à lui faire croire que, non, en dépit de l’évidence, tout n’est pas joué d’avance et que c'est à lui de choisir !

Maintenant, suite au battage médiatique des primaires, et à son réel succès, l’anti-Sarkozysme a pris une meilleure consistance et va pouvoir tenir le haut du pavé jusqu’en mai prochain. L'occupation du terrain médiatique par la campagne présidentielle permettra de détourner au mieux les consciences ouvrières de la réalité catastrophique de la situation qui amènera le pouvoir, qu'il soit de droite ou de gauche, porté désormais par Hollande, à taper toujours et encore plus fort sur la force de travail. Hollande l'a dit lors de la campagne des primaires : « Je vais redresser la situation mais ça va être dur. » S'il est élu, on peut lui faire confiance pour qu’il ne redresse rien du tout mais pour qu’il tienne la seconde partie de sa promesse. En résumé, que le PS revienne ou pas au gouvernement, on a vu qu’il restait plus que jamais un fidèle serviteur du capitalisme et un des ses meilleurs propagandistes.

GD (19 octobre)


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