"Un vent de panique provoque un lundi noir à la Bourse de Paris", "Tempête boursière", "Les digues cèdent sur la planète finance", "Nouveau krach d'un système détraqué", "Les Bourses européennes connaissent leur plus forte chute depuis le 11 septembre 2001" [1]... Ce début d'année 2008 commence en fanfare. Presque toutes les bourses du monde, de l'Europe à l'Asie, ont connu de violentes turbulences, perdant en l'espace d'une seule journée de 4 à 7% ; certaines ont même dû être fermées en cours de séance pour limiter les dégâts.
Les unes après les autres, les banques publient des résultats jugés "médiocres" pour l'année 2007. Les pertes liées à la crise des subprimes n'en finissent pas de surprendre par leur ampleur. Les banques américaines sont évidemment très touchées : entre autres exemples, le bénéfice de la Bank of America a plongé de 29 % en 2007, celui de Wachovia a fondu de 98 % au quatrième trimestre ! Tous les continents sont touchés. Après les banques allemandes WestLB et Commerzbank, c'est aujourd'hui le tour de la deuxième banque chinoise, Bank of China, d'annoncer des pertes de plusieurs milliards de dollars. Le gouvernement britannique a dû intervenir directement pour sauver Northernrock de la faillite.
Jusqu'à présent, nous refaisant le coup du nuage de Tchernobyl, les autorités et les médias nous assuraient que les banques françaises avaient été plus responsables, qu'elles n'avaient pas trempé leurs mains dans la spéculation sauvage, etc. Et... patatras... voilà qu'AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Richelieu Finance publient à leur tour des résultats en berne. Côté mensonge, la palme du ridicule et du grotesque revient sans nul doute à la Société Générale et à son patron Daniel Bouton. Pour justifier 7 milliards d'euros de perte, ce dernier, lors d'une conférence surréaliste, a expliqué sa déconfiture par "l'extraordinaire talent de dissimulation" de Jérôme Kerviel, un trader de 31 ans, soulignant "l'incroyable intelligence de cet opérateur de base" dont les "motivations sont totalement incompréhensibles". Connaissant les procédures de contrôle sur le bout des doigts, il aurait créé une "entreprise dissimulée à l'intérieur (des) salles de marché" de la SG, accusant 4,9 milliards d'euros de perte à lui tout seul contre "seulement" 2 milliards de dépréciations d'actifs liées à la profonde crise des subprimes ! Le mensonge est énorme et tous les spécialistes ont évidemment émis "des doutes" quant à la validité de cette thèse. Mais la direction de la banque, Sarkozy et le gouvernement ne lâchent pas leur scénario. Même le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, apporte sa petite participation au gros mensonge "Ce qui se passe à la Société Générale est différent et n'est pas symptomatique d'une crise systémique". Voilà le but de la manœuvre ! Nier la réalité de la crise, faire croire qu'il ne s'agit que d'un accident de parcours, d'une simple fraude.
Pourtant, cette crise est bien là. Elle n'a rien de virtuelle et ses conséquences commencent déjà à se faire ressentir pour la classe ouvrière. Les banques annoncent les unes après les autres des "restructurations nécessaires", autrement dit des vagues de licenciements : 4000 suppressions de postes aux Caisses d'Epargne, 2400 chez Indymac Bancorp (société de crédit américaine), 1000 chez Morgan Stanley (banque américaine) ; entre 17 000 et 24 000 chez Citygroup (1re banque mondiale) ; de 5 à 10 % des effectifs chez Merrill Lynch (banque d'investissement) et Moody's (agence de notation financière). Et il ne s'agit là que des premières annonces d'une vague de licenciements qui va toucher dans les mois à venir l'ensemble du secteur bancaire.
"Cette dérive boursière est [...] plutôt une bonne nouvelle pour certains. Cela permet d'assainir le marché."[2] Ce discours, les médias nous en rebattent les oreilles. Les convulsions boursières et les difficultés des banques auraient même un aspect moral : les spéculateurs ayant commis quelques excès seraient aujourd'hui punis par le marché et tout serait simplement en train de revenir à la normale. Mensonges ! Derrière la très médiatique crise financière actuelle, se cache, à peine voilée, une profonde crise de l'économie réelle.
La folle spéculation de ces dix dernières années prend racine dans les difficultés des entreprises à vendre leurs marchandises. Le capitalisme est rongé par une maladie mortelle et congénitale à laquelle il n'existe nul remède : la surproduction[3]. La seule solution du capitalisme est de créer artificiellement des débouchés par un recours massif à l'endettement et au crédit. Pour faire face à la crise asiatique en 1997, puis à la récession de 2001, la bourgeoisie a ouvert en grand les vannes du crédit. Jamais les taux n'ont été aussi bas, les banques ne vérifiant même plus la solvabilité des emprunteurs ! Cet été, le revenu des ménages pauvres américains était pour 80% lié au crédit, c'est à dire qu'ils achetaient leur télévision, leur nourriture, leurs vêtements... en s'endettant ! Les prêts à risques nommés subprimes en sont venus à représenter, en juillet 2007, 1500 milliards de dollars de dettes ! Une montagne... mais une montagne qui a commencé à s'éroder puis à craquer. Tous ces ménages endettés ont été incapables de rembourser leurs prêts arrivant à échéance. L'économie réelle, faite pour les ouvriers de vagues de licenciements, de hausse du chômage et de paupérisation, a rappelé l'économie virtuelle à la triste réalité. Effet domino, les banques ont accumulé les pertes qu'elles annoncent aujourd'hui... à coups de milliards de dollars. Mieux encore, profitant des taux d'emprunts extrêmement bas, les banques, les magnats de la finance et même les entreprises s'étaient mis à leur tour à s'endetter pour spéculer, se vendant et se revendant entre eux les subprimes contractés par les familles ouvrières. Autour des prêts à risques, ce ne sont donc pas 1500 milliards mais des dizaines de milliers de milliards de dollars qui ne seront finalement jamais remboursés[4] !
C'est donc bien la crise de l'économie réelle qui est la cause de la frénésie spéculative de ces dix dernières années comme des secousses financières actuelles. Mais aujourd'hui, comme un boomerang, les difficultés des banques vont rejaillir sur toute la vie économique : "Les historiens le savent bien : les crises bancaires sont les plus graves, en ce qu'elles affectent le centre névralgique des économies, en l'occurrence le financement de l'activité et des entreprises.»[5] Prises dans la tourmente, les banques ne vont plus pouvoir continuer de prendre le risque de prêter à tout va, sans être sûres de la solvabilité des emprunteurs. Les entreprises comme les ménages vont ainsi avoir plus de mal à s'endetter, ralentissant du même coup l'activité économique. Comme l'écrit La Tribune : "Dans la zone euro, où les PME dépendent à plus de 70 % des banques pour se financer, l'impact récessionniste est certain"[6]. C'est ce que les spécialistes appellent le "credit crunch". Cet impact sur l'économie réelle commence d'ailleurs déjà sérieusement à se faire ressentir. En particulier, lors du dernier trimestre 2007, l'économie mondiale a fortement ralenti, laissant entrevoir ce que nous réservent 2008 et 2009. Un journal comme Le Monde, pourtant habituellement "réservé", ne cache plus aujourd'hui la réalité de cette tendance récessionniste : "L'indice Baltic Dry Index (BDI), qui mesure le prix du transport maritime des matières premières, est un bon indicateur du niveau d'activité du commerce... et de l'économie mondiale. Il vient de battre quatre records de baisse en une journée [...] Si les prédictions de l'indice Baltic Dry sont avérées, le ralentissement mondial a déjà commencé et sera douloureux"[7]. Par le fret maritime naviguent toutes les marchandises du monde ; son ralentissement est donc en effet très significatif de la mauvaise santé actuelle de l'économie mondiale. Les premières victimes en seront évidemment les ouvriers. Ford, par exemple, annonce déjà, comme un signe avant-coureur, la suppression de 13 000 emplois (venant s'ajouter aux 44 000 déjà supprimés en 2006).
Face à cette nouvelle crise, la bourgeoisie apporte encore et toujours sa sempiternelle et unique "solution" : encore plus de crédits, encore plus de dette. Le président américain, George Bush a ainsi annoncé un plan exceptionnel de 140 milliards de dollars et la FED (banque centrale américaine), une baisse de 75 points de ses taux directeurs. Toutes ces mesures ne pourront en rien enrayer l'accélération actuelle de la crise, tout juste la différer un peu.
En 1997, en injectant près de 120 milliards de dollars, la bourgeoisie était parvenue à circonscrire la crise en Asie. En 2001, l'éclatement de la bulle Internet avait été compensé par la création d'une nouvelle bulle, la bulle immobilière. Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une crise régionale située à la périphérie (la crise asiatique) ou d'un problème pouvant être limité à un secteur secondaire (la bulle Internet). C'est le cœur même du capitalisme qui est touché : l'Amérique, l'Europe, et les banques. La crise est donc bien plus grave, ses conséquences sur nos conditions de vie seront bien plus dramatiques.
Fort heureusement, nous disent tous les économistes à la solde de la classe dominante, l'Asie et ses taux de croissance fantastiques vont soutenir, malgré tout, la croissance mondiale... Mais là aussi, la réalité est tout autre. Certains experts commencent déjà, à contre cœur, à le reconnaître devant l'évidence des faits : "Mais il faut bien constater que la Thaïlande a annoncé hier un ralentissement de ses exportations en décembre, tout comme Singapour ou encore Taiwan. La Banque mondiale admet que des canaux de contagion de la crise aux pays émergents existent : l'exposition des banques aux subprimes, (...) et (...) l'impact sur l'économie d'une récession aux États-Unis."[8]. La Chine va particulièrement souffrir de la baisse de ses exportations de par la récession américaine. Bref, l'Asie, comme tous les continents, va être touchée par cette nouvelle accélération de la crise économique mondiale. Et là-bas, cela se traduira par une augmentation considérable de la pauvreté et de la famine.
Dans les mois et les années à venir, sur toute la planète, le prolétariat va être confronté à une dégradation considérable de ses conditions d'existence. La bourgeoisie n'aura de cesse d'attaquer et d'attaquer encore. Mais depuis plusieurs années maintenant, les prolétaires ont démontré leur capacité à développer leurs luttes. Face à cette nouvelle aggravation de la crise et à la dégradation de leurs conditions de vie, ils ne peuvent que continuer à amplifier leurs combats et forger leur solidarité de classe.
[1]) Respectivement la Tribune, le Figaro, les Echos, Libération, le Monde du 21 au 23 janvier.
[2]) La Tribune du 22 janvier.
[3]) Pour une explication plus détaillée de l'économie capitaliste, lire notre article "Qu'est-ce que la décadence ?" sur www.internationalism.org [1].
[4]) Ainsi, après les subprimes, d'autres types de crédit arrivent peu à peu à échéance et, là aussi, la douche risque d'être froide. Par exemple, pour les Credit Default Swap (CDS, sorte de crédit à mi-chemin entre le prêt classique et l'assurance), le "total des encours mondiaux en CDS s'est très rapidement développé à partir du début des années 2000 pour atteindre 45 000 milliards de dollars en 2007 (plus de 3 fois le PIB américain). Ces actifs sont considérés comme ayant de grandes ressemblances avec le marché des subprimes. Si les entreprises venaient à faire faillite, les même causes produiraient les même effets, sur une échelle beaucoup plus grande" (Commission pour la libération de la croissance française, dite Commission Attali).
[5]) La Tribune du 22 janvier.
[6]) Idem.
[7]) Le Monde du 21 janvier.
[8]) La Tribune du 22 janvier
Au delà des vœux mielleux du Président pour 2008, la bourgeoisie française s'apprête à taper aussi fort qu'elle le pourra sur la classe ouvrière. Prise à la gorge par l'aggravation brutale de la crise économique mondiale, elle doit maintenant s'attaquer définitivement à tous les "avantages acquis". Et cela d'autant plus que, depuis plus de vingt ans, elle n'a pas été en mesure d'imposer à la classe ouvrière une politique de démantèlement de "l'État providence" à la hauteur des nécessités du capital national.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements de la plupart des pays d'Europe occidentale ont mis en place ce qu'on a désigné "l'État providence" : couverture des dépenses de santé, indemnisation du chômage, pensions de retraite. Ce n'est nullement par philanthropie que la classe exploiteuse a mené une telle politique mais bien pour rationaliser l'exploitation de la classe ouvrière. La santé gratuite (ou à faible coût) pour les salariés était destinée à garantir l'entretien d'une force de travail à qui on demandait des efforts considérables afin de reconstruire une économie en ruines du fait de la guerre. L'indemnisation du chômage, sous couvert de "solidarité", ne coûtait pas très cher à la bourgeoisie à une époque de plein emploi. Quant à la prise en charge des pensions de retraite pour les vieux travailleurs (en général après 65 ans), elle ne coûtait pas très cher non plus du fait de l'espérance de vie des ouvriers à cette époque, espérance de vie affectée pour beaucoup d'entre eux par les terribles épreuves de la guerre. Une des meilleures illustrations de la rationalité parfaitement capitaliste de ces mesures c'est qu'elles ont été mises en place aussi bien par des gouvernements dirigés par des partis de gauche (comme en Grande-Bretagne) que par des gouvernements contrôlés par la droite, comme en Allemagne ou en France (où le général De Gaulle était le chef du gouvernement).
Cependant, depuis le début des années 1980, les bourgeoisies des principales puissances européennes concurrentes de la France, telles l'Angleterre et l'Allemagne se sont attachées à démanteler "l'Etat providence". La raison en est simple, à la fin des années 1960/début des années 1970, la crise économique mondiale du capitalisme entre dans une nouvelle phase d'approfondissement. Finie la période du "miracle économique" de l'après-guerre. A nouveau, une réalité implacable s'impose : faire en sorte que chaque capitalisme soit le plus compétitif possible sur l'arène de la guerre commerciale mondiale. Pour la bourgeoisie de tous les pays, il s'agit de faire baisser autant que possible le coût du travail. Autrement dit, la classe ouvrière doit commencer à se serrer la ceinture. La bourgeoisie se doit d'imposer dorénavant une austérité grandissante. Mais pour cela, elle lui faut d'abord s'attaquer à la résistance des ouvriers qui avaient déjà commencé à réagir face à la dégradation de leurs conditions de vie. Ainsi, les années 70 ont vu se développer une très forte combativité ouvrière dans le plus vieux pays capitaliste du monde, la Grande-Bretagne, dont l'économie était une des plus affectées par la crise mondiale. La bourgeoisie anglaise a confié à madame Thatcher la sinistre besogne de casser les reins d'un des prolétariats les plus combatifs du monde. La "Dame de fer", comme l'avait surnommée la bourgeoisie, s'y est employée avec zèle, notamment en provoquant et en entraînant les mineurs britanniques dans une lutte extrêmement longue et dure. Cette lutte sera finalement défaite par la capacité de la bourgeoisie à l'enfermer dans un complet isolement corporatiste avec une contribution de premier ordre des syndicats. La défaite infligée à ce secteur très important de la classe ouvrière dans ce pays, accompagnée d'autres défaites majeures dans d'autres secteurs comme celui de l'imprimerie, a permis à la bourgeoisie britannique d'avoir les mains libres pour lui imposer une austérité sans précédent et de démanteler "l'État providence".
Dans la majorité des pays occidentaux développés, cette politique d'austérité était brutalement déployée par des gouvernements de droite, le rôle de la gauche consistant, dans l'opposition, à saboter les luttes défensives de la classe ouvrière. Mais en France, du fait de toute une série d'archaïsmes de l'appareil politique de la classe dominante[1], l'arrivée à contretemps de la gauche au pouvoir, avec l'élection de Mitterrand en 1981, allait durablement freiner la capacité de la bourgeoisie de ce pays à mener des attaques aussi fortes et profondes que ses principaux concurrents. Les partis de gauche (partis socialiste et communiste) ne pouvaient pas du jour au lendemain faire au gouvernement, sous peine de se discréditer brutalement, exactement le contraire de tout ce qu'ils avaient annoncé pendant des années dans l'opposition. De ce fait, il a fallu attendre plusieurs années pour que se mette en place progressivement en France une réelle politique d'austérité (rebaptisée "rigueur" pour les besoins de la cause)[2]. Quant à la politique de "libéralisation" de l'économie développée dès la fin des années 1970 dans les principaux pays européens, elle a dû attendre plus longtemps encore. Cette politique pour la bourgeoisie présentait un double avantage. En premier lieu, elle plaçait les ouvriers travaillant dans les secteurs étatisés de l'économie non plus directement en face du seul Etat capitaliste, mais en face d'une multitude de patrons, ce qui favorisait la division et l'éparpillement des luttes. En second lieu, elle permettait d'introduire des modèles de gestion des entreprises plus concurrentiels. Il est plus facile de licencier dans ces secteurs que dans celui du secteur public. En France, c'est finalement le gouvernement de gauche Jospin, au cours des années 1990, qui privatisera franchement des secteurs entiers de l'économie française poussée par des accélérations de la crise économique mondiale. Dans ce domaine pourtant si important pour la bourgeoisie, la France capitaliste aura pris un retard certain.
Ainsi, malgré les effets ravageurs de la crise, le capital français a dû supporter, au moins jusqu'à présent, que les ouvriers en France partent à la retraite à 60 ans (une des principales promesses de Mitterrand en 1981 qu'il a dû satisfaire) quand l'âge de départ se situe à 65 ans et plus chez ses principaux concurrents, tout en continuant également, malgré les nombreuses attaques déjà effectuées sur ce plan, a maintenir un minimum de couverture de santé pour la classe ouvrière.
C'est fondamentalement cette incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques décisives contre "l'État providence" qui explique la situation de son économie plombée à la fois par un déficit de l'État de plus en plus catastrophique et un déficit croissant de son commerce extérieur. Au moment où, du fait de l'aggravation de la crise, le chômage pèse de manière croissante sur les finances publiques et que s'amenuisent les cotisations sociales, l'État est incapable de boucler ses budgets. Ses dépenses pèsent sur le prix des marchandises produites (à travers notamment des impôts) ce qui les rend de moins en moins compétitives sur le marché mondial. Lorsque le premier ministre Fillon déclarait, il y a quelques mois, que l'État français était en faillite sur un ton volontairement alarmiste, il ne faisait que traduire ouvertement cette urgence pour le capital français.
L'incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques anti-ouvrières à un niveau suffisant ne résulte pas seulement de ses archaïsmes politiques qui ont provoqué la venue de la gauche au pouvoir en 1981. Elle résulte aussi de la capacité de la classe ouvrière en France à réagir aux attaques à laquelle elle est confrontée. Cela fait plusieurs dizaines d'années que la bourgeoisie se rappelle la surprise et l'angoisse qu'elle a vécue au moment de la grève ouvrière massive de mai 1968. Cette lutte massive représentait l'expression la plus forte de la reprise de la lutte ouvrière internationale après des dizaines d'année de contre-révolution. Pratiquement tous les pays d'Europe furent touchés par cette nouvelle vague de lutte internationale mais c'est en France, et de loin, que le prolétariat exprima au plus haut point sa combativité et sa capacité de lutter. Tout au long de la période qui nous sépare de 1968, cette capacité du prolétariat français allait se manifester. Que l'on se souvienne des luttes dans la sidérurgie à la fin des années 1970. Enfin, il y a à peine plus d'un an, la lutte exemplaire des jeunes générations contre le CPE venait rappeler à nouveau, si nécessaire, cette réalité. Cette force de la classe ouvrière en France a entravé la capacité de la bourgeoisie française à démanteler totalement "l'Etat providence".
Ce n'est donc pas par hasard si Sarkozy déclarait il y a quelques mois : "Je veux en finir avec l'esprit de mai 68". Ce cri du cœur que veut la bourgeoisie, et le plus rapidement possible, c'est casser totalement la Sécurité sociale, réduire les pensions de retraite en dessous même du minimum vital. C'est "dégraisser" comme le disent si bien les bourgeois, toutes les administrations et autres fonctions publiques de centaines de milliers de prolétaires fonctionnaires qui y travaillent. C'est flexibiliser au maximum le travail. C'est-à-dire mettre chaque travailleur à la disposition de ses exploiteurs. Mais plus encore que ses prédécesseurs de droite comme de gauche qui se sont succédés depuis 1968 à la tête de l'Etat, le gouvernement Sarkozy devra faire face à la capacité de réaction croissante de la classe ouvrière. Au moment où la lutte de classe se développe dans de nombreux pays du monde le prolétariat français aujourd'hui placé à la pointe de cette vague de luttes se trouve en mesure de faire face aux nouvelles attaques déjà programmés et annoncées par l'Etat bourgeois.
Face à la nouvelle accélération brutale de la crise économique, tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont fondamentalement qu'une seule politique : attaquer toujours davantage la classe ouvrière[3]. La seule limite à l'exploitation de la classe ouvrière, c'est la capacité de résistance des prolétaires et de refus des "sacrifices" que la bourgeoisie et ses gouvernements, de gauche comme de droite, cherchent à leur imposer. La crise met ainsi à nu l'antagonisme fondamental et irréductible entre la classe exploiteuse et la classe exploitée. En conséquence, pour la bourgeoisie, la seule feuille de route, c'est d'attaquer toujours plus fort. Pour la classe ouvrière, le seule perspective, c'est le développement des luttes.
Tino (24 janvier)[1]) Archaïsmes qui sont résumés dans la formule : "la France a la droite la plus bête du monde".
[2]) Il n'est pas inutile de rappeler que le Premier ministre socialiste qui a opéré le "tournant de la rigueur" n'était autre que Laurent Fabius, chef de file actuel de la "gauche" du PS.
[3] La gauche et les gauchistes quand ils proposent "de prendre l'argent dans la poche des riches", ne mettent en avant qu'une pure mystification idéologique car l'idée de relance de la production par la "consommation populaire" est une parfaite aberration dans le système capitaliste car la part de profit réinjecté dans l'économie s'amenuiserait alors que c'est une nécessité pour le fonctionnement du système capitaliste car ce qui caractérise le capitaliste, ce n'est nullement son train de vie c'est de réinvestir ses profits dans la production.
La journée de mobilisation nationale des fonctionnaires appelée par tous les principaux syndicats le 24 janvier a rassemblé la moitié moins de grévistes (20 à 25 %) et de manifestants (300 000 dont 25 000 à Paris) que la précédente le 20 novembre dernier. Et pour cause : alors que le 20 novembre avait servi d'enterrement de première classe à la grève des cheminots et des traminots (voir RI n° 385, décembre 2007), cette fois les syndicats avaient pris soin d'isoler et de canaliser la combativité restant forte chez les salariés pour lesquels les "négociations" sur les régimes spéciaux s'enlisent depuis plus de deux mois en les faisant manifester en catimini à Paris 2 jours avant. Ainsi, sans aucune publicité médiatique ni syndicale, le 22 janvier, entre 16 000 (selon la police) et 50 000 (selon les syndicats) cheminots, traminots, gaziers et électriciens ont défilé entre la gare d'Austerlitz et les Invalides, derrière 5 fédérations syndicales, CGT en tête. Leur mot d'ordre était clairement "défendre la future retraite de leurs enfants" et un agent de service de l'EDF déclarait nettement "Je défends ici l'avenir de mes enfants". En même temps, la colère était très forte chez les cheminots qui en plus des régimes spéciaux se retrouvaient sous le coup d'une nouvelle annonce de 1500 suppressions d'emplois dans le secteur du fret (transport des marchandises) de la SNCF. Seuls FO et SUD, reprenant leur posture radicale lors de la grève d'octobre-novembre n'y participaient pas mais appelaient leurs adhérents à rejoindre le cortège des fonctionnaires le 24. Une nouvelle fois, la division syndicale était au service de la division des ouvriers. La "Journée nationale d'action" du 24 regroupant la fonction publique d'Etat, les collectivités territoriales et divers services publics (en particulier les hôpitaux, les agences de l'ANPE ou la Poste) était dominée par le secteur de l'enseignement (où le taux de grévistes atteignait 40 %), concernés par 11 200 suppressions de poste sur les 22 900 prévus dans l'ensemble du secteur public à la rentrée 2008 et par les heures administratives supplémentaires (et non rémunérées) qu'on leur impose désormais. Mais dans le privé, les "négociations" sur les nouveaux contrats de travail sous le signe de la "flexisécurité" signés avec l'instance patronale du Medef par 5 syndicats sur 6 (à l'exception de la CGT) constituent pour 11 millions de salariés une déréglementation complète dans le prolongement de la réforme du Code du travail adopté en douce en décembre dernier : en cas de licenciement, il s'agira "rupture de contrat à l'amiable" pour éviter de passer par les tribunaux, de généraliser des CDD "de mission" limités à 36 mois ; de périodes d'essai porté de 1 à 2 mois pour les ouvriers et employés, de 2 à 4 mois pour les cadres. Et les syndicats osent parler de "compromis équilibrés" et de "contreparties gagnantes" pour... quelques mois de prolongation de droits à une mutuelle complémentaire de santé en cas de "rupture de contrat amiable" ! Les syndicats sont non seulement à l'avant-garde de la bourgeoisie non seulement pour saboter et diviser la riposte des ouvriers mais aussi pour faire passer les attaques de la bourgeoisie. La collusion entre les syndicats, le gouvernement et le patronat est manifeste. Face à l'usure grandissante des appareils syndicaux, une duperie supplémentaire est organisée pour enfumer la conscience des ouvriers et bloquer la dynamique de leur réflexion : la négociation sur "la représentativité des syndicats" qui viennent de s'ouvrir ne peut servir qu'à occuper le terrain et faire diversion en alimentant la querelle entre les "syndicats représentatifs" accrochés à leurs intérêts de boutique et les "syndicats émergents" tels que l'UNSA et Sud-Solidaires qui se posent en nouvelles forces d'encadrement des ouvriers. Les ouvriers ne doivent compter que sur eux-mêmes pour développer leurs luttes et non pas sur les syndicats qui y feront toujours obstacle, quel que soit leur image et leur statut, officiel ou non.
La répression de la classe ouvrière caractérise tous les régimes capitalistes ("démocratie" ou "dictature") : c'est toujours par la terreur que la classe bourgeoise impose son ordre social à la classe exploitée. En Russie, la structure criminelle du système social, économique et politique explique la permanence et la brutalité de la répression que subit la classe ouvrière de la part de l'État. Toute l'économie est quadrillée par les "monopoles" contrôlés par le clan des "hommes en uniforme" qui s'accaparent les grandes sociétés ainsi que les postes de gouverneurs des régions. L'économie est asservie dans l'unique but de produire un maximum de revenus à la camarilla de la classe dominante. La plupart des patrons et des bureaucrates d'État, gangsters membres de l'ex-KGB, savent, parce qu'ils peuvent perdre leur position du jour au lendemain au gré de la lutte à mort entre fractions, que leur temps au pouvoir est compté. C'est pourquoi, afin de se faire un maximum d'argent en un minimum de temps, ils usent de tous les moyens possibles pour tirer un maximum de profit de la classe ouvrière, depuis le légalisme du "droit du travail" révisé en 2001 qui rend pour ainsi dire illégal tout mouvement de grève de plus de 24 heures, la condamnation systématique des grèves par les cours de justice jusqu'à la violence de la police ou des milices armés contre les ouvriers combatifs.
Bravant cette répression, les luttes ouvrières qui ont surgi lors de la dernière période font voler en éclats le mythe entretenu par les médias d'une majorité satisfaite de sa situation et toute entière derrière un Poutine adulé. "Si le mois de novembre doit rester dans les mémoires, ce ne sera pas en raison de la campagne électorale ou des intrigues politiques au Kremlin, mais à cause du surgissements des luttes ouvrières."[1]
Une vague de grèves, première manifestation de la combativité ouvrière depuis près d'une décennie, a, depuis le printemps, balayé le pays de la Sibérie Orientale au Caucase, touchant de multiples secteurs tels la région du pétrole de Khanty-Mansiysk dans le Grand Nord, des chantiers de construction en Tchétchénie, une usine de la filière bois à Novgorod, un hôpital dans la région de Tchita, le service de maintenance des logements à Saratov, les fast-food à Irkoutsk, l'usine automobile General Motors-AvtoVAZ à Togliatti, ou encore une grosse usine métallurgique en Carélie. Le renforcement des mesures répressives au cours de l'été pour endiguer la montée des luttes est largement resté sans effets.
En novembre, les dockers du port de Tuapse en Mer Noire (les 4-7 novembre), puis ceux du port de St-Pétersbourg (13-17 novembre) sont entrés en grève alors que les ouvriers des Postes cessaient le travail pour la première fois depuis 2001 (le 26 octobre), de même ceux du GouP TEK (secteur de l'énergie). Les conducteurs des Chemins de fer russes (R.ZH.) menacent de faire grève pour la première fois depuis 1988. "La grande vague de grèves qui a déferlé sur la Russie ne se calme pas. D'une entreprise à l'autre, les arrêts de travail succèdent aux blocages, tandis que certaines sociétés qui travaillent encore sont menacées de grèves (...) L'automne de cette année 2007, que le pouvoir en pleine campagne des législatives tente de présenter comme l'aboutissement du processus de stabilisation et d'une ère de prospérité, a été marqué par la montée en puissance de la "conscience prolétaire"."[2] Si pour le moment les grèves restent limitées à une entreprise ou une région particulière, elles manifestent la riposte de la classe ouvrière à la dégradation galopante de ses conditions de vie. Les inégalités insupportables dans la société, le luxe le plus insolent étalé par les oligarques et les managers d'entreprises alors que la majorité des ouvriers peine à s'offrir trois repas par jour, exacerbent le mécontentement. Surtout, si la question des salaires se trouve au cœur des luttes et forme l'aiguillon de la combativité ouvrière, c'est parce que les salaires sont dévorés par le développement faramineux de l'inflation et l'augmentation de 50 à 70 % des prix alimentaires, alors même qu'une nouvelle hausse de 50 % est attendue au cours de l'hiver !
Face à cette situation, la Fédération des syndicats indépendants de Russie, héritière de l'ancienne confédération soviétique et pro-gouvernementale, par définition hostile à toute lutte, est trop discréditée pour jouer efficacement son rôle d'encadrement de la lutte du prolétariat au profit de la classe dominante. Elle est même vue "comme l'adversaire le plus énergique du mouvement des ouvriers" [3]. C'est pourquoi, avec l'aide de centrales occidentales, une partie de la bourgeoisie russe cherche à exploiter les illusions existant chez les ouvriers sur les syndicats "libres" et "de lutte" pour que se développent de nouvelles structures comme le syndicat cheminot RPLBJ, la confédération Zachita Truda ou le Syndicat interrégional des travailleurs de l'automobile, fondé à l'initiative du Comité syndical de Ford et regroupant des syndicats indépendants de plusieurs grandes entreprises.
C'est celui-ci qu'on a vu à l'œuvre dans la grève de l'usine Ford à Saint-Pétersbourg, en novembre-décembre, où la majorité des 2200 ouvriers s'est mobilisée pour une augmentation de 30 % des salaires [4]. Cette lutte a contribué à rompre le black-out sur les luttes ouvrières en Russie.
La direction a d'abord organisé le lock-out de l'usine avec l'aide des OMON [5]. Sous l'impulsion du syndicat, les ouvriers se sont massés quotidiennement par centaines dans un piquet aux portes de l'entreprise sans autre perspective que de "tenir" face à la direction refusant toute négociation. Après un mois, la grève s'effilochant, les ouvriers, épuisés, ont dû reprendre sans rien avoir obtenu, en se pliant aux conditions de la direction : la promesse de négociations après la cessation de la grève.
C'est en isolant ainsi les ouvriers sur "leur" usine et en restreignant les expressions de solidarité des autres secteurs à l'envoi de messages de sympathie et au soutien financier à la caisse de grève que ces nouveaux syndicats indépendants ont infligé cette dure défaite aux ouvriers.
Toute l'expérience de la classe ouvrière depuis des décennies montre qu'il n'existe pas de syndicalisme au service de la lutte ouvrière, qu'il est une arme de la classe dominante et les syndicats des organes de l'Etat capitaliste dont la fonction est de contrecarrer les besoins d'unité, de solidarité, d'extension et, dans l'avenir, d'internationalisation de la lutte ouvrière. Ce qui importe pour la classe ouvrière ce n'est pas de reconstruire de nouveaux syndicats. Son avenir, elle devra le forger en développant la confiance en ses propres forces et ses propres moyens de lutte, les seuls qui lui permettent de construire un rapport de force en sa faveur face à la bourgeoisie : les assemblées générales et la lutte unie et solidaire de toute la classe ouvrière.
[1]) Moscow Times, 06.12.07.
[2]) Vremia Novostieï, cité par Courrier international n° 892.
[3]) Moscow Times, 29.11.07
[4]) Les salaires sont de 550 euros en moyenne.
[5]) Police anti-émeutes.
En 2007, l'Allemagne a connu le plus grand nombre de jours de grèves accumulés (dont 70% à cause des grèves du printemps contre « l'externalisation », c'est-à-dire la délocalisation, de 50 000 emplois dans les télécoms) depuis 1993, au lendemain de la réunification. Ce pays a été non seulement vanté ces dernières années pour son dynamisme économique mais aussi comme modèle de « concertation sociale ».
C'en est bien fini. La grève des cheminots qui s'est achevée début janvier après dix mois de conflit l'illustre bien. Alors que le nombre d'employés des chemins de fer a été réduit de moitié en 20 ans et que les conditions de travail se sont dégradées comme jamais auparavant dans ce secteur, leurs salaires ont été de plus bloqués depuis 15 ans, faisant du travail des cheminots en Allemagne un des métiers les plus mal payés (en moyenne moins de 1500 euros mensuels). Pendant ces dix mois, les cheminots allemands ont subi toutes sortes de manœuvres, de menaces et de pressions :
Malgré cela, les cheminots n'ont pas reculé et ont en définitive imposé un rapport de force à la bourgeoisie allemande.
Le conflit s'est achevé sur une augmentation de 11% de salaire toutefois réservé au seul secteur des « roulants » de la Deutsche Bahn. De plus, cela non seulement était bien loin des 31% revendiqués par les ouvriers mais cette augmentation est déjà rognée par un ensemble de conventions salariales sur 19 mois dont la réduction de 41 à 40 heures de travail hebdomadaire pour les 20 000 conducteurs de train à partir de ... février 2009. Mais il est significatif que l'Etat ait lâché ces maigres concessions pour servir de soupape face à une montée générale des revendications sur les salaires.
La combativité montante du prolétariat en Allemagne s'est illustrée de la manière la plus éclatante à Bochum lorsque le constructeur finnois de téléphonie mobile Nokia a annoncé pour fin 2008 la fermeture de son site à Bochum qui emploie 2300 ouvriers et qui représente avec les travailleurs intérimaires et les entreprises sous-traitantes la perte de 4000 emplois pour cette ville. Le 16 janvier, au lendemain de cette annonce, les ouvriers ont refusé de prendre leur poste de travail et des ouvriers de l'usine voisine d'Opel, d'autres de chez Mercedes ou ThyssenKrupp, des sidérurgistes de l'entreprise Hoechst à Dortmund, des métallos venus de Herne, des mineurs de la région ont afflué aux portes de l'usine Nokia pour leur apporter leur soutien et leur solidarité. Le 22 janvier, ce même sentiment de solidarité avec les ouvriers de Nokia était au cœur d'une manifestation de 15 000 personnes réunissant à nouveau les ouvriers des entreprises de toute la région défilant dans les rues de Bochum.. Les ouvriers renouent ainsi avec leurs expériences passées de combativité. En 2004, les ouvriers de l'usine Daimler-Benz à Brême s'étaient ainsi mis spontanément en grève en refusant le chantage à la concurrence entre les sites de production de la direction par solidarité à l'égard des ouvriers de Stuttgart de la même entreprise menacés de licenciements. Quelques mois plus tard, d'autres ouvriers de l'automobile, précisément déjà ceux d'Opel à Bochum, avaient déclenché spontanément une grève à leur tour face à une pression de la direction du même type. C'est justement pour enrayer ces manifestations de solidarité ouvrière par rapport aux ouvriers de Nokia à Bochum, et pour les dévoyer, que gouvernement, élus locaux ou régionaux de tout bord, église, syndicats et représentants du patronat allemand, ont orchestré une grande et bruyante campagne nationale "dénonçant" le caractère sans scrupule de Nokia et accusant le constructeur finnois d'avoir « scandaleusement abusé » l'Etat allemand et avoir profité de ses subventions. Tous jurent, la main sur le cœur, qu'ils avaient misé ces fonds pour l'emploi et qu'aujourd'hui encore ils veulent défendre bec et ongles « leurs » ouvriers contre ces patrons déloyaux[1].
La perspective est à un développement de la lutte des classes. Ce développement des luttes ouvrières dans un pays aussi central, avec toute l'expérience historique et le rôle central qu'il détient pour le prolétariat d'Europe ne peut être qu'un catalyseur puissant pour les combats que mènent les ouvriers sur tout le continent. C'est pour cette raison que la bourgeoisie fait mine de se poser à Bochum en défenseur et protecteur de « ses » ouvriers»: afin d'étouffer les réelles manifestations de la solidarité ouvrière qui se sont exprimées là et tenter d'empêcher qu'elles ne se propagent.
WA (27 janvier)[1] L'hypocrisie de l'argument est d'autant plus grande que la classe ouvrière de ce pays est particulièrement exposée aux attaques incessantes de bourgeoisie nationale (âge de la retraite repoussée jusqu'à 67 ans, plans de licenciements, coupes dans toutes les prestations sociales de l'Agenda 2010, ...).
Nous publions ci-dessous notre réponse à une note envoyée par un lecteur du Brésil (T), qui nous demande notre avis sur un article qu'il a reçu et dont nous publions quelques extraits. Cet article traite de luttes et de mobilisations ouvrières au Venezuela en septembre dernier, luttes particulièrement révélatrices de la vraie nature anti-ouvrière du chavisme.
L'article que T nous a renvoyé est écrit en anglais[1]. Nous en traduisons ci-dessous quelques extraits :
"Des travailleurs du pétrole affrontent la
police pour le renouvellement de leurs conventions collectives.
Cent cinquante ouvriers de la raffinerie de Puerto La Cruz, accompagnés des
travailleurs du complexe pétrochimique Jose, se sont dirigés vers les bureaux
de la Corporation
vénézuélienne du Pétrole (CVP) à Urbaneja, pour transmettre un document à
Rafael Ramirez, ministre de l'Énergie et président de la compagnie pétrolière
d'État PDVSA, qui était réuni avec la commission de négociation de la Fédération unitaire des
travailleurs des pétroles du Venezuela (FUTPV). Ils furent stoppés par le
Groupe d'intervention immédiate de la police d'Anzoategui.
Lors de cet affrontement de trois heures, 40 ouvriers furent
arrêtés, trois d'entre eux blessés, dont un qui reçut une balle dans le dos...
Ayant eu connaissance de cette répression policière, 4000 travailleurs des
entreprises Petroanzoátegui, Petrocedeño, et du Projet San Cristobal, ont
immédiatement arrêté leur travail.
"... Dans une déclaration de solidarité avec les ouvriers du pétrole d'Anzoategui, dénonçant la violence policière, la Fédération UNT-Zulia a dit : "Nous pensons que cette situation a dégénéré à cause de l'intransigeance de PDVSA qui a laissé traîner les discussions sur la convention pendant des mois, en faisant des offres en dessous des attentes des travailleurs, en imposant arbitrairement une commission de négociation (de la FUTPV) pour discuter sur la convention alors qu'elle n'avait pas été élue par les travailleurs".
"C-CURA (Courant de classe, unitaire, révolutionnaire et autonome) a fait un appel pour qu'il y ait un changement dans la commission de négociation..., parce que, autrement, ils "radicaliseront" leurs actions. Mais, des appels similaires, faits par C-CURA et Fedepetrol, à des actions radicales et à des arrêts de travail généraux pour "paralyser" l'industrie pétrolière à "l'heure zéro" le 6 août, n'ont mobilisé que 1500 travailleurs au plus dans tout le pays. Hier, la Fédération de travailleurs de UNT-ZULIA, a déclaré : "Nous pensons que certaines situations [dans l'industrie pétrolière] sont le résultat des manœuvres des secteurs droitiers au sein du chavisme pour créer des conflits dans le pays et déstabiliser ainsi le processus de réforme constitutionnel". Mais les travailleurs d'Anzoategui ont rejeté ces accusations en brandissant une pancarte avec l'inscription : "Nous ne sommes pas des guarimberos, nous sommes des travailleurs du pétrole" (la guarimba est une forme de protestation dont le seul but est de provoquer la violence pour atteindre des objectifs politiques). Les travailleurs du pétrole d'Anzoategui ont annoncé qu'ils continueront leurs manifestations de rue et qu'ils resteront vigilants, malgré les promesses de Ramirez sur une meilleure convention collective dans les deux prochaines semaines.
Notre réponse
Cher camarade T,
Nous voulons saluer l'envoi de ton courrier. Nous allons y répondre brièvement, en profitant de cette occasion pour évoquer la situation de la lutte de classe au Venezuela.
La lutte menée en septembre-octobre dernier par les ouvriers du pétrole de l'entreprise d'État PDVSA, la plus importante du pays, s'est soldée par un certain nombre de travailleurs blessés et plusieurs arrestations. La cause immédiate de la lutte a été le retard de plus de 8 mois dans la discussion de la convention collective qui régit les salaires et les conditions de travail des ouvriers de ce secteur. L'entreprise, en accord avec les syndicats, la plupart contrôlés par des tendances favorables au chavisme, a retardé la discussion sur les salaires. La lutte des ouvriers a contraint plusieurs dirigeants syndicaux à se "radicaliser" contre la compagnie PDVSA et le gouvernement, pour ne pas être totalement discrédités face aux travailleurs.
En fin de compte, les syndicats et PDVSA ont fini par signer une misérable augmentation salariale de 12 000 bolivars par jour (3,8 euros), ce qui fut rejeté par les ouvriers qui exigeaient une augmentation de 30 000 bolivars. Il faut savoir que le salaire mensuel d'un ouvrier du pétrole est à peu près de 1 320 000 bolivars (autour de 420 euros), ce qui correspond à un peu plus d'une journée d'alimentation de base pour une famille de 5 personnes. Et pourtant, les ouvriers du pétrole sont une des catégories les mieux payées du pays !
Nous pensons, cependant, que cette lutte a représenté un gain politique et moral pour les ouvriers du pétrole et pour le prolétariat vénézuélien dans son ensemble.
En premier lieu, les travailleurs du pétrole ont repris la lutte sur leur terrain de classe, après avoir été un des secteurs les plus frappés par les coups de la bourgeoisie (20 000 employés de PDVSA avaient été licenciés en 2003 sans la moindre indemnisation). Les ouvriers, du moins lors de ces mobilisations, ont réussi à se placer sur le terrain de leurs revendications, malgré le forcing permanent de la bourgeoisie pour mettre n'importe quelle lutte ouvrière ou sociale sur le terrain de la polarisation sur le projet de réforme de la constitution.
Mais surtout, la lutte a mis à nu le caractère bourgeois et anti-ouvrier du gouvernement Chavez : comme les gouvernements qui l'ont précédé (que le chavisme accuse de tous les maux sociaux), celui de Chavez riposte de la même manière : répression, bombes lacrymogènes, plomb et prison contre les ouvriers qui "osent" lutter pour une vie plus digne.
Ces luttes ont été précédées par d'autres en mai dernier, qui ont mobilisé les ouvriers du pétrole pour la réintégration de plus de 1000 ouvriers des entreprises pétrolières récemment nationalisées, que le gouvernement "socialiste" de Chavez voulait jeter à la rue : voilà une expression authentique et importante de la solidarité ouvrière à laquelle ont aussi participé les familles des ouvriers.
Comme nous l'avons dit, les travailleurs sont restés insatisfaits de cet accord. Le mécontentement est toujours latent et il peut se réveiller à tout moment. Il est important d'ajouter que la même réaction que celle qui a eu lieu chez les ouvriers du pétrole, commence à se développer avec une certaine force dans d'autres secteurs. Les médecins, les instituteurs et des travailleurs dans d'autres secteurs publics ont commencé à se mobiliser pour des revendications salariales ; lors d'une récente assemblée des médecins à Caracas, travaillant pour le ministère de la Santé, ceux-ci se sont déclarés "prolétaires de la santé".
Il est important de dire que les gouvernants et les opposants ont tout essayé pour diviser et polariser le mouvement, en réussissant leur coup dans pas mal de cas. Et, en plus, le gouvernement mobilise ses organisations (cercles bolivariens, conseils communaux, service de contrôle social, et même, quand il leur semble nécessaire, ses bandes armées) pour intimider et même agresser physiquement les travailleurs.
Par ailleurs, presque quotidiennement, apparaissent des expressions d'indignation des masses paupérisées (en grande partie sympathisantes ou soumises au clientélisme gouvernemental), qui protestent contre le manque de logements, la criminalité, le manque de services sociaux, etc., et dernièrement contre de la rareté des produits tel que le lait, le sucre, l'huile, etc. Dans certains cas, elles ont été réprimées. Voilà bien une situation qui apparaît clairement à l'opposé de ceux qu'on appelle la "bolibourgeoisie", ou bourgeoisie bolivarienne, qui étale son opulence [2].
Voilà le véritable visage du "socialisme du xxie siècle" promu par Chavez et acclamé par la gauche, les gauchistes et les alter-mondialistes qui se pâment en regardant ses discours à la télévision : comme tout régime bourgeois, il est bâti sur l'exploitation des masses ouvrières. La seule différence, c'est la logorrhée "révolutionnaire" pour essayer de mystifier les prolétaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
L'aggravation de la crise capitaliste obligera la classe ouvrière du Venezuela à lutter contre l'État, tel que les ouvriers du pétrole, de la santé et de l'éducation l'ont fait. C'est ainsi, sur son terrain de classe, que le prolétariat pourra sortir du piège de la polarisation politique qui l'entrave, en s'intégrant dans la lutte du prolétariat mondial pour la construction du véritable socialisme.
Nous espérons avoir répondu à tes questions.
[1]) Venezuelanalysis.com.
[2]) Lors d'un récent "Allo, Président", show TV dominical animé par Chavez lui-même, celui-ci n'a pas pu faire autrement que de critiquer les "révolutionnaires" dorés paradant en 4x4 tous terrains (qui dépassent les 100 millions de $), et qui boivent du whisky de 18 ans d'âge... Ce que Chavez ne dit pas, c'est qu'il tire bien profit, pour lui, sa famille et son clan, des recettes pétrolières. La "révolution bolivarienne", qui avait levé le drapeau de la lutte contre la corruption, aime bien barboter dans ses eaux croupies.
Le 27 décembre 2007, Benazir Bhutto était assassinée. Son retour de Dubaï en octobre dernier avait déjà été l'occasion d'un attentat qui la visait et avait fait 139 morts. Bien sûr, cette égérie défunte de la "démocratie" s'est vue offrir un panel circonstancié d'hommages venant de la presse bourgeoise internationale. Son "charisme" et son "courage extraordinaire", sa "résistance à l'hégémonie militaire" ont fleuri la une de la plupart des journaux occidentaux et des pays arabes modérés. Mais c'est aussi l'inquiétude qui a marqué les réactions tant des éditoriaux journalistiques que des hommes politiques : "ouverture vers l'abîme", "vers le chaos politique" et "l'implosion du Pakistan", etc. L'ONU s'est réunie en urgence, pour se replier dans l'impuissance tout aussi précipitamment. Et les Etats-Unis, par la voix du département d'Etat, condamnaient "des gens qui là-bas (...) essayent d'interrompre la construction d'une démocratie" et Bush exhortait " le Pakistan à honorer la mémoire de Benazir Bhutto en poursuivant le processus démocratique pour lequel elle a donné courageusement sa vie". Bref, selon la bourgeoisie, Benazir Bhutto incarnait à elle seule le salut d'un Pakistan qui fait face à une instabilité grandissante. Son retour avait soulevé toute une vague d'espérances sur la possibilité de mettre un frein à l'anarchie qui gangrène un État dont l'armée est de plus en plus infiltrée par les islamistes radicaux et qui est détenteur de l'arme nucléaire.
Ainsi, en 2007, on a dénombré 800 morts, principalement du fait d'attentats suicides. Les talibans font des percées régulières en territoire pakistanais, en particulier au nord-ouest où des soldats sont tués ou enlevés par centaines. Pas plus les 90 000 hommes de troupe massés à la frontière que les dix milliards de dollars alloués à l'Etat pakistanais n'ont permis un contrôle de la situation. Les conflits religieux entre Chiites et Sunnites, qui à eux seuls ont fait 4000 morts en 15 ans, sont une source chaque jour plus ouverte de violence, conflits auxquels les tensions toujours plus exacerbées entre ethnies viennent faire du Pakistan une nouvelle poudrière. L'assassinat de Benazir Bhutto est venu jeter une nouvelle dose de haine sur le feu des dissensions entre Sindis (ethnie de la famille Bhutto) et Pendjabis (dont le territoire a été le théâtre de l'attentat contre l'ex-premier ministre).
De plus, des millions d'Afghans se sont réfugiés au Pakistan, ce qui vient rajouter à l'instabilité du pays, et même si environ 2,3 millions d'entre eux ont été rapatriés en 2005, plus d'un million restent encore.
Le climat de suspicion et de guerre larvée est généralisé dans toute la classe politique, exprimant de façon aiguë les mœurs de gangsters de la bourgeoisie : par exemple, immédiatement après l'assassinat, c'est la main d'Al Qaïda qui était désignée mais, dans le même temps, les militaires proches du pouvoir étaient eux aussi considérés comme des organisateurs potentiels de l'attentat.
En clair, le Pakistan est un pays à la limite d'une explosion politique, militaire et socio-ethnique. Le régime de Musharraf y a sa part de responsabilité : corruption généralisée, accointances avec les talibans, double langage avec les Etats-Unis. Il ne plaît d'ailleurs à personne : de moins en moins aux islamistes depuis le massacre de la Mosquée rouge l'an dernier, comme à des secteurs de plus en plus larges d'une armée divisée entre les partisans islamistes et les clans anti-américains, aux occidentaux depuis la mise en place de l'état d'urgence à l'automne 2006, pour mieux préparer sa réélection à la présidence, jusqu'aux Etats-Unis eux-mêmes pour lesquels il manque totalement de fiabilité en tant "qu'allié". Et c'est pourtant à présent sur ce seul homme politique qu'ils vont être contraints de s'appuyer dans le conflit en Afghanistan.
Lorsque les Etats-Unis ont lancé leur invasion de l'Afghanistan en 2003, se servant de la destruction du World Trade Center et de la cause de la "guerre contre le terrorisme" comme prétexte, le soutien du Pakistan leur était nécessaire. L'Amérique lui avait promis qu'elle soutiendrait les tribus hostiles à l'Alliance du Nord, ennemie traditionnelle et barrière à l'influence pakistanaise en Afghanistan, mais cette promesse a fait long feu du fait de l'influence gagnée par l'Alliance du Nord dans la situation qui a prévalu après la défaite des talibans. Cependant, l'aide du Pakistan aux Etats-Unis n'avait été initialement obtenue que sous la menace de Bush de bombarder le pays à un tel point qu'il le renverrait "à l'âge de pierre" ! s'il ne lui donnait pas "volontairement" son soutien pour la guerre en Afghanistan. Cette menace a d'ailleurs été récemment plus ou moins rappelée par le démocrate Barack Obama dans la campagne présidentielle actuelle, sous-entendant que les Etats-Unis pouvaient toujours bombarder les bastions d'Al Qaïda au Pakistan sans permission ; ce à quoi le président Musharraf a répondu qu'il considérerait de telles attaques comme des attaques ennemies !
Aussi, c'était afin d'essayer de trouver un appui plus fiable au sein de l'Etat, tout en donnant un vernis plus "démocratique" à l'alliance avec le Pakistan, et pour tenter de ralentir les forces centrifuges qui font ravage, que l'Amérique avait fait appel à Benazir Bhutto. Issue d'une famille de politiciens pakistanais de longue date, vieille routarde de la politique puisque par deux fois premier ministre, bénéficiant d'une aura internationale de défenseur patenté de la "démocratie", la dirigeante du Parti du Peuple Pakistanais était de plus connue comme une "fidèle des Etats-Unis" [1].
C'est donc en tant que telle que son retour au pays avait été organisé et arraché à Musharraf par l'Administration américaine dans l'objectif de constituer une coalition incluant des "modérés", mieux à même de soutenir la politique américaine en Afghanistan et au Pakistan.
Quels que soient les commanditaires de cet assassinat, la disparition de Benazir Bhutto est donc un échec cuisant pour la Maison Blanche dans sa croisade contre le terrorisme. Déjà englués dans le chaos irakien et loin de sortir du bourbier afghan, les Etats-Unis se trouvent une nouvelle fois devant une aggravation de leur affaiblissement sur la scène internationale.
Que l'Amérique se trouve en butte à une difficulté supplémentaire par rapport au Pakistan ne signifie pas pour autant que ce dernier puisse profiter en quoi que ce soit d'une telle situation. Celle-ci ne peut que s'aggraver et s'accélérer. Le problème de fond n'est d'ailleurs pas en soi Musharraf. Il s'agit d'une question plus large qui touche aux origines mêmes de la fondation en 1947 de l'État pakistanais, tiraillé en tous sens, proie de multiples tensions guerrières ainsi que de nombreuses pressions internes et externes.
Le conflit congénital entre le Pakistan et l'Inde vient au premier plan. C'est ce conflit qui a poussé l'État pakistanais à se doter (sous l'impulsion de Bhutto père) de l'arme nucléaire. Rappelons que les dissensions indo-pakistanaises sur le Cachemire et la course aux armements nucléaires entre ces deux pays ont conduit à la menace de guerre en 2002, et le risque réel d'utilisation de l'arme atomique. Ce n'est que sous une puissante pression des Etats-Unis que le danger de guerre a été enrayé, ces derniers craignant que ce conflit ne vienne entraver leur propre perspective militaire. Mais aucun des problèmes entre Islamabad et New-Delhi n'a été résolu. La course aux armements entre les deux États a pris de telles proportions qu'ils sont devenus les deux principaux canaux de transfert d'armes vers le tiers-monde en 2006, tandis qu'ils alimentent chacun de leur côté attaques terroristes et attentats aveugles, excitant le nationalisme le plus répugnant, au plus grand mépris des populations qu'ils prétendent "libérer" du joug de l'adversaire.
Mais c'est aussi dans le cadre de l'affrontement entre les blocs de l'Est et de l'Ouest, aux temps de la Guerre froide, que le Pakistan a joué un rôle important dans la guerre impérialiste. Ainsi, durant les années 1980, le Pakistan était stratégiquement important pour l'aide accordée par le bloc de l'Ouest aux Moudjahidines, qui combattaient l'URSS en Afghanistan. A l'époque, ces islamistes n'avaient pas que Dieu mais aussi des missiles Stinger américains de la CIA de leur côté.
Globalement, la situation stratégique du Pakistan n'est pas à son avantage et rend ses positions très complexes. Ce pays détient en effet des frontières importantes avec l'Afghanistan, tout comme avec l'Iran, la Chine et l'Inde.
Contraint par la force de soutenir les Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme", il ne peut en même temps rien gagner de cette loyauté, car il est pris dans une convergence d'intérêts entre l'Inde, son ennemie intime, et les Etats-Unis, le Big Boss qui lui impose son diktat. D'autre part, son autre "protecteur", la Chine, a de son côté des appétits impérialistes qui la poussent au conflit avec l'Inde mais aussi avec l'Amérique, ce qui le met donc en porte à faux vis-à-vis de Washington. Le tout sur fond d'une guerre avec l'Afghanistan qui ronge littéralement le pays par tous les bouts et d'une guerre larvée mais permanente avec l'Inde.
Quel que soit le résultat des élections de février, le Pakistan ne peut échapper à une instabilité et à un chaos croissants qui font planer une menace supplémentaire sur l'équilibre de toute cette région du monde.
Wilma (21 janvier)[1]) Démise par deux fois de ses fonctions pour corruption, impliquée dans l'assassinat de son propre frère devenu en 1992 un rival potentiel, pour ne citer que ces deux exemples, il va sans dire que sa carrière politique a montré qu'elle n'avait rien à envier en matière de coups tordus à des Nawaz Sharif et Pervez Musharraf.
Le Kenya, longtemps réputé "havre de paix" ou "safari exotique" par excellence, promu aux films à grand spectacle hollywoodiens, vient de sombrer dans un des chaos les plus horribles dont le continent africain détient le triste monopole. "Longtemps réputé être l'une des démocraties les plus stables d'Afrique, le Kenya attire près d'un million de touristes par an. Cette image a volé en éclats en l'espace d'une seconde pour un couple d'Américains implorant un billet d'avion. ‘Nous venons de voir une femme brûlée vive sous nos yeux. Nous devons impérativement partir', plaide l'homme. (...) Car le Kenya compte, aux yeux des Occidentaux. Seul pays d'Afrique jugé suffisamment paisible pour abriter plusieurs agences des Nations Unies, il accueille aussi les sièges de centaines d'ONG, de multinationales, de banques et médias. Son économie à croissance rapide semblait pouvoir être le moteur de la prospérité de la région" (Courrier International du 16 janvier 2008)
En effet, suite à la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de décembre dernier qui opposait le président sortant (Mwai Kibaki) à son rival (Raila Odinga), le premier a vite proclamé sa "victoire" et le second a immédiatement répliqué en se disant, lui aussi, "victorieux". Alors que ces deux politicards avaient pu gouverner le pays ensemble en 2002 sans aucune référence à leur appartenance ethnique, cette fois-ci, chacun a mobilisé cyniquement son "ethnie" en vue de déclencher les tueries en cours qui ont déjà fait près de 1000 morts et plus de 250 000 déplacés. Et beaucoup de maisons brûlent encore, avec, dans certains cas, leurs propres occupants à l'intérieur ; bref on assiste à d'abominables massacres de masse que les médias appellent "guerre ethnique" ou "génocide".
Parce qu'ils sont totalement discrédités et incapables de satisfaire les besoins des populations, les candidats manipulent les foules et font des promesses intenables pour se faire élire et, quand ils échouent, ils décident alors de régler leurs comptes par classes exploitées interposées qu'ils instrumentalisent odieusement.
Voilà donc une illusion de plus qui s'est effondré : le Kenya, îlot des "démocraties paisibles" est devenu soudain un cauchemar, pas seulement pour les populations victimes de la barbarie qui s'y déroule, mais aussi pour toutes ces institutions internationales de la bourgeoisie qui cautionnent ou épaulent les auteurs des crimes. A vrai dire, on ne voit pas comment un pays comme le Kenya, chroniquement sous-développé, entouré de pays en conflits permanents dans lesquels il est impliqué, Etat lui-même survivant en permanence avec de sanglants conflits intérieurs depuis son indépendance en 1963, puisse devenir une "démocratie paisible", ne serait-ce que momentanément !
Tout cela n'est que mensonge et propagande de la bourgeoisie visant à mystifier le monde et la classe ouvrière en particulier dans le but de l'empêcher de prendre conscience de la cause fondamentale du chaos : l'enfoncement du Kenya et de tout le continent africain dans la crise mortelle du capitalisme. La décomposition sociale se traduit par une extrême misère pour la population dont plus de la moitié est sous-alimentée, avec un chômage massif sans allocation, un manque chronique de soins pour la masse des malades dont plus de deux millions atteints du Sida, sans aucun soin, soigneusement parqués loin des caméras des touristes dans les immenses et sordides bidonvilles autour de Nairobi.
A l'heure où nous écrivons, le bain de sang continue et, pendant ce temps-là, les représentants de l'ONU, de l'Union africaine (UA) et des grandes puissances impérialistes, comme la sous-secrétaire d'Etat américaine (chargée des affaires africaines), font leurs ballets diplomatiques habituels en lançant hypocritement des appels cyniques à la "retenue".
En clair, les puissances impérialistes portent une lourde responsabilité dans la tragédie qui se déroule au Kenya, en particulier les Etats-Unis et la Grande-Bretagne : "(...) Ils se sont comportés comme les parrains des gouvernements successifs, qu'ils ont submergé de compliments- et d'aide (16 milliards de dollars en quarante ans). Le fait que la stagnation économique, l'inégalité de répartition des terres et des richesses - et la corruption - règnent en maître ne les a jamais gêné. Au contraire : ils n'en ont chanté que plus haut les louanges de ce "havre de quiétude, de liberté et de démocratie". Jusqu'à George W. Bush qui a, tout naturellement embrigadé- militairement- le gouvernement de Kibaki dans sa guerre contre le terrorisme" (Jeune Afrique, janvier 2008)
Une telle situation d'aggravation brutale d'affrontements meurtriers au Kenya n'est pas anodine. Il faut en effet se souvenir que le premier heurt direct entre la première puissance mondiale et Ben Laden avait eu lieu au Kenya en 1998, lorsque l'ambassade américaine de Nairobi avait été détruite par des attaques terroristes revendiquées par le leader des groupes islamiques d'Al Qaïda. Depuis cette date, les Etats-Unis avaient dès lors fait du Kenya une de leurs bases avancées dans la guerre qu'ils mènent contre les islamistes, d'abord au Soudan, puis en Somalie et plus largement sur l'ensemble du continent.
Ancienne colonie britannique durant 80 ans (de 1887 à 1963) avant d'obtenir son "indépendance" par les armes et dans un bain de sang de la population, le Kenya n'est jamais sorti du sous-développement (tout comme le reste du continent africain), avec ce que cela implique comme misère absolue pour la population. Quant au Kenya "indépendant", il s'agit d'un leurre, car ce pays n'a jamais été autre chose qu'un pion de l'ancienne puissance coloniale britannique avant de devenir progressivement l'allié "privilégié" de l'impérialisme américain dans la Corne de l'Afrique. Aussi, les évènements qui frappent ce pays ne sont pas isolés et momentanés, mais sont les prémisses de l'ouverture vers une situation et d'un chaos à la "rwandaise" ou à "l'ivoirienne", c'est-à-dire avec des massacres plus massifs de type génocidaire et le partage du pays en zones de guerre sous la coupe en règle de bandes criminelles qui s'entre-tuent épisodiquement et terrorisent les populations.
En définitive, le Kenya vient de rejoindre le triste "club" des pays, comme ses voisins soudanais et somalien, où règne une barbarie permanente amplifiée par les rivalités des grandes puissances impérialistes qui cherchent à les contrôler. Face à cette nouvelle horreur qui se développe, est masquée hypocritement la responsabilité des pays développés, "démocratiques", qui arment et financent ces cliques sanguinaires, exécuteurs en sous-main de leur sale besogne sur le terrain.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d'un article de World Revolution n°258 d'octobre 2002 (organe du CCI en Grande-Bretagne) traitant de la dynamique d'un groupe de discussion qui s'est constitué aux Midlands en 2000. Cet article rappelle la nécessité de ce type de formation pour la clarification de la conscience au sein de la classe ouvrière. Le Groupe de discussion des Midlands (GDM) implique depuis 8 ans des personnes de Leicester et Birmingham provenant de milieux politiques divers (de la Gauche communiste, du conseillisme, de l'anarchisme, du mouvement écologiste et du gauchisme). Le but de ce groupe était de discuter de l'alternative prolétarienne au capitalisme à l'instar d'autres groupes de discussion qui existent ou ont existé au Mexique, en Inde, en France, en Espagne, en Suisse et en Australie.
Les cercles de discussion ne peuvent s'appréhender que dans le contexte du développement historique de la conscience de classe. Ils sont partie prenante de l'effort du prolétariat pour développer sa conscience de classe en essayant de comprendre la signification et les implications des crises du capitalisme dans le cadre des positions politiques du prolétariat.
Dans le contexte historique actuel, c'est-à-dire celui d'un chaos impérialiste et économique grandissant, il est important de souligner que le processus de développement de la conscience de classe se révèle de plus en plus difficile, en particulier depuis l'effondrement du bloc de l'Est. Le travail des cercles de discussion est de ce fait d'une grande importance pour le développement futur de la compréhension par le prolétariat de son propre rôle historique.
Le GDM est apparu au départ comme Groupe de Discussion de Leicester (GDL) avec des éléments qui avaient discuté dans la région tout en ayant un contact de longue date avec le Courant Communiste International. Ces discussions avaient été favorisées par des questionnements sur la guerre au Kosovo. Afin de donner à ces discussions une forme plus systématique et fructueuse, le CCI suggéra qu'il devienne un cercle de discussion. Les premières discussions du GDL portèrent sur un article du CCI qui tirait les leçons politiques d'un groupe de discussion qui avait existé à Zurich, en Suisse, dans les années 1990. Cet article mettait en avant qu'un cercle est un rassemblement ouvert mais non permanent d'ouvriers qui se rencontrent pour discuter et clarifier des questions politiques. Ces cercles sont des lieux que le prolétariat crée afin de pousser en avant sa conscience, surtout dans les moments où il n'existe aucun parti et aucun Conseil Ouvrier... Nous les considérons comme une expression concrète de la classe. Ils expriment la conscience de la classe, démontrant qu'ils ne sont pas prêts à subir la crise et la banqueroute du capitalisme sans faire preuve de résistance ; ils montrent la volonté de se défendre contre les attaques du système capitaliste. En même temps, ils sont l'expression d'une tentative de recherche de moyens de lutte et de développement d'une perspective révolutionnaire..." (World Revolution n° 207, "Les cercles de discussion dans la classe ouvrière : un phénomène mondial"). Puisqu'un cercle n'est pas une organisation se regroupant autour d'une plate-forme politique, il ne peut être une entité permanente ou stable. C'est un moment de clarification politique, permettant aux militants, à travers la participation à un processus de discussion collective, de rechercher où ils en sont politiquement en se situant du point de vue de la classe exploitée et par rapport aux courants historiques existant déjà au sein du milieu prolétarien marxiste internationaliste.
Un élément central des discussions du GDM fut la détermination à mieux comprendre les principales questions théoriques et historiques du mouvement ouvrier et de combiner cet aspect avec le souci de se référer et de discuter des événements nationaux et internationaux au fur et à mesure qu'ils se déroulaient. C'est ainsi qu'après le 11 septembre 2001, le cercle a également discuté les tracts et communiqués publiés par le CCI et d'autres groupes de la Gauche communiste. Lors d'une réunion particulière, le groupe a considéré ces attaques comme une expression de l'aggravation des tensions impérialistes. Cette préoccupation de dénoncer la guerre impérialiste d'un point de vue prolétarien a été une grande force du groupe. Tous les participants ont clairement manifesté leur opposition à la guerre au Kosovo et en Afghanistan ainsi qu'à toutes les guerres impérialistes.
La publication dans le journal World Revolution (WR) n° 257 de la présentation d'une discussion sur la Commune de Paris, montre la profondeur et la qualité de ces discussions. Entre autres choses, le GDM a discuté du mouvement anti-capitaliste, de la Révolution russe (que le groupe considère comme prolétarienne, bien qu'il y ait des désaccords sur le rôle des bolcheviks et sur les raisons de sa dégénérescence), de la conscience de la bourgeoisie en se centrant sur le rôle des partis de gauche contre la classe ouvrière.
Dès le début, le GDM a fait de la Gauche communiste un point de référence. Il a invité les groupes de la Gauche communiste à participer à ses réunions. Cela a permis aux participants de profiter non seulement d'une meilleure compréhension des positions des différents groupes mais aussi de gagner en expérience dans la discussion avec des organisations politiques du prolétariat. Le CCI est intervenu dans les réunions du groupe depuis sa fondation et la Communist Workers Organisation (CWO) est aussi intervenue plus récemment.
Le GDM a pleinement rempli son rôle central, celui de la clarification. Mais il a dû mener un grand débat politique pour y arriver. En particulier il a dû se confronter à des confusions sur sa propre nature et sur le rôle qu'il devait jouer.
Le GDM a basé initialement son travail sur les leçons de l'expérience plus large de la classe ouvrière, notamment celle du cercle de discussion de Zurich. Cependant, la pleine assimilation de ces leçons a été entravée par des confusions au sein du groupe sur ses relations avec le CCI. Certains éléments, alors qu'ils voyaient, au début, la nécessité d'un débat ouvert, ont commencé à voir la fonction du GDM comme étant un lieu pour la discussion des positions du CCI. Cette vision tendait à considérer le groupe comme une sorte d'antichambre du CCI. Le CCI a fermement rejeté cette vision et a souvent insisté sur la nécessité pour le groupe de discuter l'histoire plus globale du mouvement ouvrier et des positions des autres organisations communistes.
Le CCI a toujours défendu la vision suivant laquelle les cercles de discussion sont des lieux de clarification et non des appendices, la "propriété privée" ou la "chasse gardée" des organisations politiques prolétariennes. Ces cercles de discussion doivent agréger quiconque recherche la clarification. Les seules raisons justifiant l'exclusion du débat de tel ou tel individu (ou groupuscule d'individus) doivent être basée sur certains principes élémentaires de comportement prolétarien : les manœuvres de sabotage ou les tentatives de prise de contrôle de ces cercles de discussion (de même que le mouchardage)..
Des éléments issus du milieu gauchiste ont participé aux réunions du GDM, ce qui a permis une confrontation politique avec les positions de l'idéologie bourgeoise. Loin d'être une diversion, de telles discussions ont amené à une clarification sur la nature et le rôle du gauchisme.
Ainsi, comme ce fut le cas avec le GDM, les cercles de discussion peuvent être très hétérogènes. Mais il n'y a rien de dommageable à cela. Chercher à imposer des critères (autres que ceux du comportement politique cités ci-dessus) pour la participation aux cercles de discussion signifierait affaiblir leur force fondamentale : leur nature ouverte permettant un débat contradictoire. De tels critères impliqueraient, en effet, un accord préalable sur des positions politiques - (c'est-à-dire un certain niveau de clarification), ce qui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. Toute tentative d'imposer de tels critères amènerait à geler le processus de clarification. L'évolution politique de ceux qui participent à la discussion ne peut être que le résultat de la confrontation entre différentes positions. Le CCI, pour sa part a toujours fait confiance à la capacité de jugement et au "bon sens" de tous ceux qui ont accepté de discuter loyalement avec lui, sans ostracisme et sans préjugés (y compris ceux qui ont milité dans des partis bourgeois).
Cependant, si un cercle de discussion ne peut être la "propriété" d'une organisation, il n'est pas non plus un groupe politique ou une organisation en tant que telle[1].
Cela ne veut pas dire que les organisations politiques prolétariennes ne doivent pas stimuler l'émergence de tels groupes et intervenir en leur sein afin de contribuer à la clarification la plus efficace. Les principes animant l'intervention du CCI sont "l'intervention organisée, unie et centralisée au niveau international, pour contribuer au processus qui mène à l'action révolutionnaire de la classe ouvrière". (Positions de base du CCI). Il est du devoir du CCI et des autres organisations politiques prolétariennes de prendre la parole au sein des cercles de discussion afin de permettre aux participants de mieux connaître les groupes historiques de la Gauche communiste et de prendre position, en développant la culture du débat.
Le GDM a dû aussi faire face à un certain nombre de tensions personnelles dans ses rangs. Cependant, suite à une discussion franche, tous les participants sont tombés d'accord sur le fait que les intérêts du groupe étaient prioritaires et que la personnalisation de la discussion était à rejeter.
Une fois ces difficultés résorbées, le groupe a pu s'épanouir et les débats s'enrichir. Au début de 2002, le GDM a tenu une réunion sur l'opposition prolétarienne à la guerre impérialiste. Cette réunion a attiré des individus qui n'étaient jamais venus auparavant, accompagnés de la CWO et du Socialist Party of Great Britain (SPGB) (voir WR n° 252). La plupart de ces éléments ont par la suite participé aux discussions du GDM.
Le Groupe de discussion des Midlands a exprimé, en Grande-Bretagne, l'effort le plus large possible du prolétariat pour développer sa conscience. La dynamique que les participants ont été capables de maintenir a révélé toute la vitalité politique de ce groupe. Tous les éléments qui l'ont animé ont entrepris un réel processus de clarification politique. Cela ne veut pas dire que chacun a déjà une conscience parfaitement claire des enjeux de la situation historique. Mais cela veut dire que les participants sont plus clairs sur ce qu'ils défendent, sur la façon dont ils envisagent leur avenir politique.
Certains éléments du GDM (une toute petite minorité) ont fini par demander leur adhésion au CCI, tandis que le groupe de discussion continue à se rencontrer régulièrement en menant une politique d'ouverture vers d'autres éléments à travers des informations sur le site libcom.org et la participation à des réunions de groupes anarchistes. Les éléments du groupe viennent également régulièrement à nos réunions de Birmimgham. Pour notre part, nous continuons de participer aux réunions du groupe de discussion.
[1]) Voir l'article sur notre site Internet "L'organisation du prolétariat en dehors des périodes de lutte ouverte"
Links
[1] http://www.internationalism.org
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/36/france
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/38/allemagne
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/120/pakistan
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/benazir-bhutto
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/parvez-musharraf
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/assassinat-bhutto
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/geographique/afrique
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/decomposition
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/lutte-proletarienne