Le ramassis d’assassins qui compose
l’Etat algérien a encore laissé libre cours à sa folie meurtrière. En réprimant
sauvagement les manifestations qua connues la Kabylie entre le 22 avril et le 6
mai, le pouvoir algérien manifeste cet amour si cher de "l’ordre" qui
caractérise la classe bourgeoise dans tous les pays du monde. C’est près de 60
personnes tuées, des jeunes, des enfants encore pour la plupart, et plus de 600
autres blessées, parfois mutilées, pour avoir été tirées comme des lapins par
les unités anti-émeutes de la gendarmerie. Celle-ci a fait feu à balles réelles
sous le prétexte à peine croyable qu’il n’y avait plus de balles en
caoutchouc !
Quelles étaient les causes et les motivations de ces manifestations massives qui ont rapidement pris l’allure d’émeutes et de guerre de rues, d’attaques en règle des bâtiments publics et de gendarmeries notamment ? Les causes immédiates sont simples et brutales : un lycéen s’est fait lyncher dans un commissariat le 18 avril, et l’arrestation musclée de 3 autres lycéens dans la région de Béjaïa le 22 avril pouvait laisser penser qu’ils subiraient le même sort. Ce type de comportement des forces de "sécurité" a rapidement fait penser qu’il pouvait s’agir dune nouvelle provocation de la part des clans qui se partagent l’Etat, d’autant que "depuis trois semaines, la région était chauffée à blanc par de nombreux incidents" (Libération 30 avril 2001). De la même façon, le journal Le Monde du 30 avril faisait état que "la rumeur qui court en Kabylie, c’est qu’il s’agit dune provocation délibérée dune partie du pouvoir qui veut jeter de l’huile sur le feu dans la région, pour trancher des conflits internes en son sein".
De telles provocations ne sont pas impossibles et correspondent effectivement au mode de fonctionnement habituel de l’Etat algérien, dominé par les rivalités entre fractions de l’armée qui détient la réalité du pouvoir, de la sécurité militaire ou de la gendarmerie. En particulier les difficultés actuelles du président Bouteflika, pourtant mis en place par l’armée en remplacement de Zéroual en 1999, montrent qu’il na plus le soutien total de celle-ci. Par exemple, à la différence d’octobre 1988 où c’est l’armée qui avait noyé dans le sang les émeutes, faisant des centaines de victimes, cette fois, elle a laissé les forces de gendarmerie de l’Etat accomplir la sinistre besogne du maintien de l’ordre, tandis que des journaux contrôlés par les militaires n’hésitaient pas à accabler le président.
Par ailleurs, le projet de Bouteflika de "concorde civile" pour en finir avec une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts ces dix dernières années, est un lamentable échec. Tout au plus a-t-il permis à quelques leaders islamistes, assassins notoires, de reprendre place parmi leurs pairs dans le cadre "légal" de l’Etat, tout en aggravant les tensions avec l’armée qui ne veut pas être le dindon de cette farce réconciliatrice. On assiste ainsi ces derniers mois à une augmentation des tueries quotidiennes qui terrorisent la population civile, sans qu’il soit vraiment possible de savoir précisément qui, des GIA, de l’AIS ou de l’armée, se trouve derrière ces massacres.
Il est donc très probable que l’armée prépare déjà l’après-Bouteflika en le discréditant largement dans la population. Ce serait un régime de faveur en comparaison au traitement réservé au président Mohamed Boudiaf, purement et simplement liquidé le 29 juin 1992, alors que c’est l’armée elle-même qui lavait tiré de son exil pour le mettre à la tête du Haut Comité d'Etat, à la suite du coup d’Etat de janvier 1992 qui, en voulant empêcher la victoire du FIS aux élections législatives, a été le déclencheur de la guerre civile.
Si on ne peut écarter que des fractions de la bourgeoisie militaire algérienne aient joué un rôle dans les évènements récents, ce n’est pas pour autant la cause fondamentale du caractère massif et déterminé des manifestations. C’est bel et bien l’effroyable état de décomposition économique et sociale de l’Algérie qui pousse à la révolte des populations de plus en plus désespérées.
Si dans un premier temps, la grande presse algérienne et française (surtout Le Monde et Marianne) a mis en avant la spécificité culturelle berbère, il lui a bien vite fallu reconnaître que "les demandes économiques et sociales ont pris le pas sur la revendication identitaire" (Le Monde 30 avril 2001), revendication identitaire qui existait surtout dans la tête de journalistes toujours plus prompts à évoquer la poésie ancestrale du "peuple berbère" que les misérables conditions de vie que connaissent les ouvriers et leurs familles aujourd’hui, beaucoup plus à l’aise avec les intellectuels qui s’étaient affirmés dans le "printemps berbère" de 1980 qu’avec ces masses anonymes et violentes. Pourtant, déjà en 1980, le mouvement de protestation qui était effectivement parti sur la base identitaire donnée par les étudiants berbères n’avait trouvé sa force réelle que par le soutien du "personnel de l'hôpital de Tizi-Ouzou" et des " ouvriers de la Sonelec (usine de matériel électrique) et de l'usine de textile proche de Dra Ben Khedda" (Le Monde Diplomatique, décembre 1980).
La situation matérielle et morale des ouvriers algériens s’est constamment dégradée ces vingt dernières années : "près de 40% des 30 millions d’algériens vivent aujourd’hui au dessous du seuil de pauvreté" (Le Monde du 13 mars 2001) et "un actif sur trois est au chômage, le revenu par habitant s’est effondré de 3600 dollars à 1600 dollars en dix ans" (Le Nouvel Observateur du 10 au 16 mai 2001) tandis qu "en matière de santé [] on observe un retour en arrière de trente ans dans l’accès aux soins. Le taux de mortalité infantile grimpe en flèche. Et nous avons un million d’enfants mal nourris" (Djillali Hadjadj, auteur de Corruption et démocratie en Algérie, interrogé dans Marianne n° 211). Cela n’empêche pas la classe dominante d’augmenter de 25% le 15 février dernier le lait, aliment de base pour les enfants.
Sans aucun espoir de travail ou de vie sociale acceptable, subissant une pression politique (corruption généralisée, brutalité policière, actes terroristes) et morale étouffantes (dans leur sexualité par exemple et dont le pendant est le développement de la prostitution, y compris la prostitution institutionnelle qu’est le mariage forcé), les jeunes sont atteints de plein fouet par l’idéologie du "no-future", de ce pessimisme propre à la bourgeoisie en décomposition, quelle communique à l’ensemble de la société et qui se traduit par une recrudescence importante des suicides. En même temps qu’ils réclamaient du travail et des logements, beaucoup de jeunes criaient "nous sommes déjà morts" dans les manifestations de Tizi-Ouzou.
Les jeunes générations n’ont d’autre choix que l’exil vers un hypothétique Eldorado économique qu’ils situent quelque part en Europe, ou bien rester et se résigner au chômage, aux expédients et à la contrebande pour survivre, pour ceux qui auront la force de résister aux sirènes islamistes. Et pour ceux qui protesteraient, l’Etat leur expliquera à coup de balles explosives en pleine tête, quelle est la voix du salut d’Allah.
Les partis d’opposition, quant à eux, attendent de l’extérieur des solutions miracles. En cela ils confirment, si besoin était, qu’ils ne défendent en rien les intérêts de la classe ouvrière, dont la force est en elle-même, dans son unité. Le sauveur est évidemment Dieu pour le Front Islamique du Salut qui entend lutter contre "l’aliénation de l’Islam" (déclaration du 30 avril). Pour le Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït-Ahmed, c’est de la communauté internationale que viendra la lumière. Il a donc multiplié les appels aux dignes représentants de la paix que sont l’ONU, Georges W. Bush et l’OTAN. Quant au Parti des Travailleurs (PT), adorateur trotskiste du capitalisme d’Etat, il s’oppose au "démantèlement des bases matérielles de la nation" et lance de vibrantes suppliques au président Bouteflika : "le président de la République est le premier responsable devant le nation. Il doit prendre des mesures politiques d’urgence à même d’éviter le pire, ordonner l’arrêt immédiat de la répression, décréter le tamazight langue nationale. Les président doit exercer ses pouvoirs constitutionnels avant qu’il ne soit trop tard."
L’élément le plus positif est sans doute le surgissement de comités de quartiers, expression confuse de la volonté de la population de prendre ses affaires en main. C’est la réunion générale des délégués de ces assemblées, tenue à Iloula le 17 mai, qui est à l’origine des nouvelles manifestations de ces derniers jours (le 20 mai et la "marche noire" du 21 mai). Il ne faut pas se faire d’illusion sur le niveau de conscience immédiat qui pourrait se manifester dans ces assemblées, très marquées par le poids des traditions. En même temps, la possibilité de jonction entre ces assemblées et les ouvriers qui entrent sporadiquement en grève générale (comme le 19 mai dans la région de Béjaïa) serait de toute évidence un élément favorisant la réflexion dans la classe ouvrière, condition nécessaire pour dépasser le stade dune révolte aveugle vouée à la répression armée ou à la récupération par les partis bourgeois.
Bien sûr les chausse-trappes seront nombreuses, mais comment pourrait-il en être autrement, compte tenu des conditions extrêmement défavorables dans lesquelles la classe ouvrière devra mener la lutte en Algérie ? Le poids de l’illusion démocratique, en particulier, sera un obstacle important dans cette prise de conscience. En faisant de la corruption la cause de la misère, les partis démocratiques, en Algérie, comme en France, masquent que c’est la crise du capitalisme, en poussant jusqu’à l’extrême l’économie de pénurie, qui génère bureaucratisme et corruption (on sait que l’économie algérienne repose essentiellement sur la rente pétrolière qui représente 97% de ses exportations et qu’en retour elle importe à plus de 90% des produits alimentaires de subsistance). Les ouvriers en France ont une responsabilité particulière vis-à-vis de leurs frères de classe de l’autre côté de la Méditerranée, en dénonçant la corruption qui règne largement ici aussi ; en faisant preuve de la plus grande solidarité dans les luttes entre tous les ouvriers, qu’ils soient "d’origine" française ou des pays du Maghreb ; en montrant que les enfants des ouvriers algériens dont la bourgeoisie s’était abondamment servie lors de la reconstruction d’après-guerre connaissent ici aussi chômage et exclusion. Si en France la gendarmerie et les forces spéciales n’interviennent pas systématiquement de façon violente, c’est que dans l’immédiat les forces d’encadrement social que sont les syndicats, les associations, les partis, et tout le cirque démocratique se révèlent bien plus efficaces pour maintenir la domination de classe. Mais sur le fond, bourgeoisies française et algérienne sont de même nature et défendent les mêmes intérêts, comme l’épisode de l’organisation de la fuite du général tortionnaire Khaled Nezzar la récemment illustré[1] [1]. A nous, ouvriers, de prendre en main nos grèves, de renforcer notre unité, de regrouper nos forces, pour redonner une perspective politique seule à même de saper le pouvoir de ces Etats criminels bien plus sûrement que ne pourront jamais le faire les émeutes du désespoir.
BTD (23/05/2001)[1] [2] Lors de sa visite en France le 25 avril dernier, Le Canard Enchaîné du 2 mai 2001 a noté que le ministre français des Affaires Etrangères, Hubert Védrine, a été particulièrement "soft" avec le régime algérien que la France tient à bout de bras : "l’histoire entre la France et l’Algérie ne prédispose pas la France à distribuer des bons et des mauvais points, à dire ce qu’il faut faire, à donner des leçons, à condamner" (déclaration du 29 avril Le Monde 30/04/2001)
Face au déchaînement des massacres impérialistes, comme ceux qui se déroulent aujourd'hui encore au Moyen-Orient, les révolutionnaires ont toujours dénoncé le poison nationaliste inoculé par tous ceux qui, au nom d'une prétendue "juste cause", appellent les prolétaires à soutenir un camp belligérant contre un autre.
Parmi ceux-là, et à côté des organisations de l'extrême-gauche trotskiste, on trouve des prétendus "révolutionnaires" du milieu anarchiste, tel le groupe "Alternative Libertaire" qui vient aujourd'hui apporter sa petite contribution à la mystification nationaliste et à l'embrigadement de la classe ouvrière derrière les drapeaux de la bourgeoisie palestinienne.
Alors que le fonds de commerce du courant anarchiste a toujours été celui de l'antimilitarisme et de l'appel radical à la destruction de l'Etat, voilà ce qu'on peut lire dans un article intitulé "Le sionisme n'a pas d'avenir" du numéro 91 d'Alternative Libertaire : "Nous ne serons pas de ceux qui renvoient dos à dos Etat israélien et Autorité palestinienne" parce qu'"en Palestine il y a un Etat qui occupe militairement les 'territoires occupés' et il y a une population qui subit cette occupation (...) En ce sens, nous soutenons la revendication du peuple palestinien à un Etat indépendant sur l'ensemble des territoires occupés, y compris les colonies de peuplement et Jérusalem Est" (souligné par nous).
Ainsi, une chose sont les principes affichés par les anarchistes, autre chose est la position réelle qu'ils adoptent face à la guerre. Cette position ne souffre d'aucune ambiguïté. C'est celle défendue depuis la première boucherie impérialiste de 1914-18 par tous les va-t'en-guerre qui, au nom de la défense nationale contre l'envahisseur, au nom de la résistance contre l'occupation des armées ennemies, ont appelé les prolétaires à prendre les armes et à se faire massacrer sur les champs de bataille pour une cause qui n'est pas la leur : celle de la défense de l'Etat national, c'est-à-dire de l'Etat capitaliste.
La vieille marchandise frelatée de la lutte des peuples opprimés contre un impérialisme oppresseur que nous servent les gauchistes de tous bords depuis des décennies, on la retrouve aujourd'hui chez les anarchistes. Mais cette position n'est pas un scoop.
C'est justement parce que les anarchistes ne se situent pas du point de vue des intérêts de la classe ouvrière qu'ils sont incapables de comprendre qu'en Palestine comme en Israël, il existe deux classes aux intérêts antagoniques. Dans la société divisée en classes, le prolétariat doit refuser de faire cause commune avec sa propre bourgeoisie nationale qu'elle soit palestinienne ou israélienne. Les prolétaires d'Israël ou de Palestine ne sont utilisés que comme chair à canon pour la défense des intérêts impérialistes de leurs propres exploiteurs.
Tout appel à la "défense nationale" est une position nationaliste bourgeoise. Ainsi, le prétendu "antimilitarisme" d'Alternative Libertaire se révèle aujourd'hui pour ce qu'il est réellement : une mystification anti-ouvrière, un pur mensonge. La prise de position d'Alternative Libertaire sur la guerre au Moyen-Orient révèle que ce groupe du courant anarchiste est un va-t'en-guerre au même titre que tous les autres groupes "radicaux" de l'extrême gauche capitaliste.
Quant à sa revendication d'un Etat palestinien "indépendant", elle révèle que la position classique des anarchistes appelant à la destruction de l'Etat, n'est là aussi qu'une simple position... de principe.
Pour justifier son grand écart, A. L. est contraint de faire une petite contorsion rhétorique en affirmant que "sans nous faire d'illusion, ni sur le fait qu'un tel Etat ne sera sans doute pas synonyme de justice sociale, et qu'il sera difficilement autre chose qu'un satellite économique des puissances occidentales et des intérêts capitalistes d'Israël. Mais, à court terme, quelle autre solution politique pourrait permettre une réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine ?".
Pour les vrais révolutionnaires dont le seul drapeau est celui de l'internationalisme prolétarien, la question ne se pose pas en terme de "réconciliation entre les habitants actuels de la Palestine".
La notion d'"habitants" de tel ou tel territoire national est une notion interclassiste qui ne sert qu'à dissoudre la classe ouvrière dans la masse du "peuple national" où se confondent toutes les classes de la société. Encore une fois, en Palestine, comme dans tous les pays, les "habitants" sont divisés en bourgeois et prolétaires, appartenant à deux classes ennemies aux intérêts irréconciliables. Toute volonté de réconcilier ces deux classes est une pure illusion qui ne peut conduire qu'à l'union sacrée, à l'union nationale entre exploiteurs et exploités et à la défense de la paix sociale, c'est-à-dire à enchaîner les prolétaires au char du capital national.
La seule "identité" que les prolétaires de Palestine et de tous les pays ont à défendre, ce n'est pas une quelconque identité nationale, mais leur identité de classe.
La seule "autonomie" qu'ils doivent revendiquer, ce n'est pas celle d'un Etat "indépendant", mais leur autonomie de classe en refusant de se laisser diluer dans le "peuple" ou les "habitants" de Palestine.
La seule "réconciliation" pour laquelle ils doivent se battre sur leur propre terrain contre leur propre bourgeoisie nationale, c'est celle de la fraternisation avec les prolétaires du camp impérialiste ennemi en refusant de prendre les armes contre leurs frères de classe.
La seule "unité" pour laquelle ils doivent se mobiliser, ce n'est pas l'unité de tel ou tel "peuple" derrière des frontières et un quelconque drapeau national, mais celle de leur unité et de leur solidarité de classe internationale qui, contrairement à la bourgeoisie, n'a pas d'intérêts particuliers, nationaux, à défendre. Contre l'unité nationale, que préconisent toutes les cliques bourgeoises et leurs valets gauchistes et anarchistes, les prolétaires de Palestine, d'Israël et de toutes les nations du monde doivent faire leur le mot d'ordre du Manifeste communiste, seul capable de mettre fin à la guerre et aux massacres : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!".
Mais le développement de l'unité du prolétariat mondial dont dépend la perspective de renversement du capitalisme, de l'abolition des frontières nationales et de la destruction de tous les Etats ne peut se réaliser à court terme. Parce que le prolétariat est une classe historique, la dernière classe exploitée et révolutionnaire de l'histoire, son émancipation ne peut se réaliser que sur le long terme, à travers des avancées et des reculs, des victoires éphémères et des défaites sanglantes.
C'est justement cette vision historique et à long terme qui manque aux anarchistes.
Or, tant que le prolétariat mondial, et notamment ses bataillons les plus expérimentés de la vieille Europe occidentale, n'aura pas développé ses luttes révolutionnaires et renversé le capitalisme, les guerres et les massacres continueront à se déchaîner au Moyen-Orient comme dans d'autres régions de la planète. Tant que survivra la domination bourgeoise, il n'y a pas de solution ni "à court terme", ni locale à la barbarie guerrière. La paix dans le capitalisme ne peut être que la paix des tombes.
Mais les anarchistes d'Alternative Libertaire ne s'en tiennent pas là.
Ils sèment l'illusion qu'il serait possible aujourd'hui, au terme d'un siècle de décadence du capitalisme, de construire un Etat national en Palestine, un Etat qui ne serait pas impérialiste au même titre que l'Etat d'Israël. Ainsi, dans un article d'Alternative Libertaire n°93 (janvier 2001), signé de l'illustre Alain Bihr[1] [4] affirmant que : "Tous ceux qui luttent pour l'émancipation humaine en général ne peuvent que se déclarer hostiles à tout principe national, à la division de l'humanité en Etats-Nations." et qu'ils "se garderont toujours d'épouser la cause de quelque nationalisme que ce soit". Mais immédiatement après cette belle déclaration de principe, Monsieur Bihr, qui n'est pas à une contradiction près, réintroduit brillamment par la fenêtre le poison du nationalisme qu'il a rejeté par la porte. Qu'on en juge : "Est-ce à dire que, dans le conflit israélo-palestinien, il faille renvoyer les deux camps dos à dos, tenir la balance égale entre les deux ? Oui... si toutefois la balance était égale entre eux. Or, elle ne l'est pas : de ces deux principes nationaux et nationalistes qui s'affrontent, l'un est oppresseur et l'autre opprimé".
Ainsi, il existerait un "bon" et un "mauvais" nationalisme, un nationalisme "oppresseur" et un nationalisme "opprimé" que le prolétariat devrait défendre. Ce type d'argument suranné, c'est celui que nous ont servi pendant des décennies les fractions de l'extrême gauche du capital, trotskistes, maoïstes et autres guérilleristes du "tiers-monde", lorsqu'à l'époque de la guerre froide ils envoyaient les prolétaires à l'abattoir au nom des prétendues "luttes de libération nationale" dont le seul objectif consistait à ramener les "pays opprimés" par l'impérialisme américain sous la tutelle du bloc impérialiste russe.
Cette position nationaliste bourgeoise dont se revendique Alternative Libertaire sous la plume de Monsieur Bihr, tourne le dos à la position qu'ont toujours défendue les révolutionnaires depuis le début du siècle. Comme l'affirmait Rosa Luxembourg dans sa brochure La crise de la social-démocratie, dans le capitalisme décadent, "La politique impérialiste n'est plus l'essence d'un pays ou d'un groupe de pays. Elle est le produit de l'évolution mondiale du capitalisme à un moment donné de sa maturation. C'est un phénomène international, un tout inséparable qu'on ne peut comprendre que dans ses rapports réciproques et auquel aucun Etat ne saurait se soustraire."
Ainsi, depuis la Première Guerre mondiale, dans tous les conflits inter impérialistes qui ravagent la planète, les vrais révolutionnaires n'ont aucun camp, aucune nation, aucun Etat à défendre. A l'aube de ce nouveau siècle où le capitalisme étale la barbarie sanglante dans laquelle il continue à enfoncer l'humanité, où des secteurs du prolétariat sont poussés à s'entretuer derrière la folie meurtrière et les appétits impérialistes de leur bourgeoisie nationale, toute organisation politique qui adopte une autre position que celle de la défense intransigeante de ce principe internationaliste se rend complice des crimes perpétrés par le capitalisme et démasque son appartenance au camp bourgeois des massacreurs du prolétariat, quelles que soient ses justifications idéologiques.
En ce sens, un groupe comme Alternative Libertaire est bien de la même veine que les groupes trotskistes. Sa nature bourgeoise ne doit faire aucun doute pour quiconque se situe du point de vue des intérêts de la classe ouvrière.
Camille
[1] [5] Alain Bihr est un universitaire, docteur en sociologie, qui, tout en se présentant comme un révolutionnaire et un défenseur de la classe ouvrière, s’est distingué par la contribution qu’il a apporté (dans ses ouvrages et ses articles publiés dans Le Monde Diplomatique) aux campagnes menées par la bourgeoisie occidentale sur la fin de la classe ouvrière après l’effondrement des régimes dits socialistes d’Europe de l’Est (voir à ce sujet notre article Le prolétariat est toujours la classe révolutionnaire dans la Revue Internationale n° 74).
Après
la parution de nos deux livres "La Gauche communiste d'Italie"
et "La Gauche hollandaise", le CCI vient de publier une
nouvelle brochure de contribution à l'histoire de la gauche communiste :
"La Gauche communiste de France".
Avec
cette brochure, le CCI entend poursuivre le travail de réappropriation
par les nouvelles générations de révolutionnaires de l'histoire dont
elles sont issues.
Au
cours de la période de contre-révolution qui a suivi la première
vague révolutionnaire de 1917-23, les fractions de gauche qui, dans les
différents pays, ont tenté de préserver les acquis prolétariens face
à la dégénérescence de l'Internationale et à la trahison des partis
communistes, se sont inspirées mutuellement. La terrible contre-révolution,
qui s'est abattue sur le prolétariat mondial à partir de la fin des
années 20, a provoqué une dispersion tragique des forces qui ont tenté
de maintenir le cap de la perspective communiste. Mais même dans une
telle situation, c'est le mérite de la Gauche italienne d'avoir conçu
son effort comme un effort du prolétariat international et d'avoir su
reprendre à son compte les apports des autres secteurs nationaux du
prolétariat. Cet effort s'est particulièrement concrétisé en France
où le surgissement des courants de gauche devait bien peu aux courants
politiques issus du Parti communiste lui-même et beaucoup plus à la présence,
comme réfugiés politiques, d'éléments provenant d'autres pays. La
Gauche communiste qui s'est développée en France à partir de 1944,
tout en se considérant comme un courant de la Gauche communiste
internationale impulsée par la Gauche italienne, a poursuivi l'effort
de cette dernière, s'est inspirée de sa méthode, pour intégrer
pleinement les acquis des différents courants de la Gauche communiste
issue de la Troisième internationale. Ce travail de synthèse a été
critiqué par certaines organisations qui se revendiquaient
exclusivement de tel ou tel courant de la Gauche communiste (Gauche
italienne ou Gauche germano-hollandaise). En qualifiant "d'éclectique"
la méthode de la Gauche communiste de France, dont est issu le CCI, ces
organisations faisaient surtout la preuve qu'elles avaient oublié une
des leçons fondamentales de l'histoire du mouvement ouvrier : la
participation de l'ensemble des secteurs nationaux du prolétariat (et
non d'un seul d'entre eux) à l'élaboration de ses positions politiques
et de son programme. C'est en se basant sur l'ensemble des acquis
historiques du mouvement ouvrier, et non seulement sur certains d'entre
eux, que pourra se constituer le futur parti mondial du prolétariat.
En
ce sens, la publication de cette nouvelle brochure s'inscrit dans un
double objectif :
Enfin, on ne peut clore cette courte présentation sans évoquer le nom de Marc Chirik qui fut présent aux différents moments de l'histoire du mouvement ouvrier retracés dans cette brochure. Dans cette période historique qui fut celle de la pire contre-révolution de l'histoire, très peu d'individus ont eu la force de résister, de se maintenir sur les positions de classe pour transmettre les acquis révolutionnaires aux nouvelles générations ouvrières. Ceux qui y sont parvenus ne sont qu'une poignée. Marc Chirik fut de ceux-là. C'est même durant ces années d'épreuves qu'il a forgé et renforcé ses positions politiques en combattant d'abord au sein du PCF, puis dans l'Opposition trotskiste et enfin dans la Gauche italienne. Pendant la guerre, c'est sous son impulsion que se forme le Noyau français de la Gauche communiste qui deviendra, à la fin de 1944, la Fraction française de la Gauche communiste et finalement la Gauche communiste de France dont les publications sont L'Etincelle et Internationalisme. Toute sa vie, Marc Chirik a poussé à la discussion politique et théorique entre les groupes révolutionnaires en vue de leur rapprochement et de leur regroupement.
A
travers le CCI, dont il est l'un des principaux fondateurs, Marc
restera, jusqu'au bout, fidèle à cette ligne politique.
C'est
pour cette raison que, dix ans après sa disparition, nous lui dédions
cette brochure.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/ri313/edito_Algerie_emeutes.htm#_ftn1
[2] https://fr.internationalism.org/ri313/edito_Algerie_emeutes.htm#_ftnref1
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/229/algerie
[4] https://fr.internationalism.org/ri313/Alternative_Libertaire.htm#_ftn1
[5] https://fr.internationalism.org/ri313/Alternative_Libertaire.htm#_ftnref1
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel