Avec la "libération" de Kaboul, la bourgeoisie tente aujourd'hui de donner un autre visage à la guerre en Afghanistan. Grâce aux bombardements de l'aviation américaine, qui ont permis la prise de la capitale par les troupes de l'Alliance du Nord, le régime des talibans s'est effondré.
Avec cette victoire de l'opération "Liberté Immuable", on cherche aujourd'hui à nous faire croire que les massacres et les bombardements massifs auraient été le prix que la population afghane devait payer pour un avenir meilleur. La preuve : les femmes afghanes, enfin libérées du joug du régime islamiste, vont enfin pouvoir enlever le voile ! Comme si cette formidable "victoire" de la civilisation pouvait les empêcher de pleurer leurs morts, leur faire oublier l'atrocité des massacres, des bombardements, de l'exode et de la misère sans nom que femmes, hommes et enfants vont continuer à subir quelle que soit la clique bourgeoise qui va succéder aux talibans. On veut nous faire croire que ce pays va enfin pouvoir connaître la paix après plus de vingt ans de guerre permanente. On nous présente le régime honni des mollahs, qui aurait fait le lit du terrorisme, comme le seul responsable de la barbarie et de l'oppression de cette population exsangue.
Mensonges ! En Afghanistan, comme au Moyen-Orient, comme au Kosovo et dans toutes les expéditions militaires menées au nom des droits de l'homme, les populations civiles ont toujours été les otages des conflits impérialistes entres les différents Etats et fractions bourgeoises. C'est le capitalisme mondial qui est le vrai responsable de la barbarie guerrière.
La chute des talibans ne parviendra pas à nous faire oublier l'enfer du pilonnage des villes afghanes, la fuite éperdue de dizaines de milliers d'êtres humains qui s'entassent comme du bétail dans des camps de réfugiés, le blocage de l'aide humanitaire aux frontières, les massacres de civils par les bandes armées des différentes cliques rivales. Cette victoire ne porte avec elle aucune perpective de paix ni à court ni à long terme. Au contraire, les conflits ethniques vont continuer à s'accentuer, aggraver la déstabilisation du pays et de toute la région. Avec la libération de Kaboul, c'est déjà à un chaos inextricable que l'on assiste et qui ne peut que continuer à se développer quelles que soient les "solutions" négociées sous l'égide de l'ONU ou sous la houlette des grands requins impérialistes qui ont pris pied dans la région sous le prétexte hypocrite de l'aide "humanitaire".
La guerre au nom de la paix, ce n'est pas nouveau. C'est un refrain que la classe dominante nous a servi maintes fois tout au long du 20e siècle.
Lors des deux guerres mondiales qui ont ensanglanté le 20e siècle, la coalition des grands vainqueurs avait justifié l'holocauste au nom de la démocratie contre le fascisme, de la civilisation contre la barbarie. Bilan : plus de 60 millions de morts, des villes ouvrières comme Dresde et Hambourg entièrement rasées sous les bombardements des "libérateurs" anti-nazi, deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki faisant près de 100 000 morts.
Aujourd'hui, c'est encore au nom d'une soi-disant "juste cause", la lutte contre le terrorisme, que la civilisation capitaliste prétend avoir libéré le peuple afghan de l'oppression des talibans dont le pouvoir a été mis en place en 1996 par les Etats-Unis eux-mêmes pour y défendre leurs propres intérêts dans la région contre les autres cliques locales (notamment l'Alliance du Nord de Massoud devenue pro-russe après le retrait de l'URSS du bourbier afghan).
Les massacres des populations civiles, les destructions provoquées par les bombardements intensifs nous montrent le vrai visage de cette "civilisation" et de cette "démocratie" qui ont toujours déchaîné la guerre au nom de la paix, au nom de la libération des peuples opprimés par les "forces du mal".
En Afghanistan comme au Moyen-Orient, la seule paix que peut apporter cette nouvelle opération de police de l'oncle Sam, c'est la paix des tombes. Quant aux intentions "humanitaires" des grandes puissances européennes, elles ne sont rien d'autre que celles de charognards qui cherchent à empêcher le shérif américain de s'emparer à lui tout seul de cette zone stratégique située aux portes de l'Asie.
La curée impérialiste à laquelle se livrent aujourd'hui les grandes puissances montre que l'après-talibans ne sera pas synonyme de "paix". Au contraire, la seule perspective, c'est celle de nouveaux conflits armés et de l'enfoncement de toute la région dans un chaos sanglant.
La paix est impossible dans le capitalisme décadent. La guerre est devenue depuis près d'un siècle le mode de vie permanent de ce système moribond et les périodes de "paix" n'ont jamais servi qu'à préparer de nouvelles guerres toujours plus meurtrières.
Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme à révélé qu'il avait épuisé toutes ses possibillités d'expansion sur la planète. En entrant dans sa crise permanente de surproduction, il ne peut engendrer que la guerre qui est le théâtre des rivalités entre les différentes nations, petites ou grandes.
Et plus le capitalisme s'enfonce dans cette crise sans issue, plus les guerres se multiplient et révèlent la faillite de ce système qui n'a plus rien à offrir à l'humanité qu'une misère et une barbarie croissantes.
Le seul moyen de mettre fin à cette spirale infernale, c'est de détruire le capitalisme avant qu'il ne détruise toute la planète. Seule la classe ouvrière, en développant ses luttes contre les effets de la crise économique, contre la misère, le chômage, l'intensification de l'exploitation et en affirmant sa propre perspective révolutionnaire, peut mettre un terme aux bains de sang. Seule l'instauration d'une nouvelle société sans classes, sans frontières et sans nations, une société basée sur la satisfaction des besoins humains et non sur l'expoitation et la recherche du profit, pourra apporter une paix réelle et durable sur toute la planète.
RI (23 novembre)
Le monde capitaliste sombre jour après jour dans un chaos plus terrifiant. Les manifestations de la barbarie de ce système décadent qui se sont illustrées récemment par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et par la guerre en Afghanistan traduisent l'impasse d'une société en train de courir à sa perte. Aux guerres et aux massacres viennent s'ajouter d'autres manifestations de la décomposition de ce système dont l'agonie prolongée ne peut engendrer que destructions sur destructions.
Plus d'un millier de victimes (735 morts officiels et entre 200 et 500 " disparus " à ce jour) ensevelies ou emportées par un océan de boue qui a dévasté le 10 novembre le coeur des quartiers populaires d'Alger et du nord du pays. En apparence, une nouvelle catastrophe " naturelle " provoquée par les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la région. En réalité, une nouvelle horreur dont le capitalisme est responsable.
Les pouvoirs publics ont depuis des années laissé s'édifier, dans les quartiers algérois de Bab-el-Oued, de Oued Koriche, de Frais Vallon ou de Beau Fraisier, des dizaines de milliers d'habitations précaires, de taudis, voire de véritables bidonvilles sur des terrains en pente non constructibles, objets d'une véritable frénésie spéculative face à la pénurie endémique de logements dans la capitale. De surcroît, des routes et des habitations ont été édifiées à même le lit de rivières asséchées. Une déforestation anarchique, permettant d'élargir cette zone sur les hauteurs de la ville, a détruit les digues naturelles des arbres sur les hauteurs au niveau d'anciens cours d'eau ou de canalisations. Des torrents de boue se sont formés et ont dévalé des collines entourant la ville, charriant et emportant tout sur leur passage. Alors que des bulletins météo annonçant des vents à plus 90 km/h et des pluies exceptionnelles avec les risques de tempête que cela comportait avaient été communiqués à tous les ministères trois jours auparavant, les autorités ont négligé de prévenir les populations des risques encourus et de prendre la moindre mesure de prévention. De plus, le gouvernement avait fait boucher depuis 1997 les sorties d'égouts et bétonner des galeries souterraines de ce secteur afin d'empêcher les groupes islamistes armés de se réfugier dans les sous-sols de la capitale. La classe dominante, non contente de chercher à se dédouaner de ce drame dont elle est pleinement responsable, y ajoute le mépris le plus écoeurant.
Le président Bouteflika -se présentant d'ordinaire comme un champion de la laïcité- n'a prononcé une allocution télévisée que trois jours après le drame et n'a rien trouvé de mieux que de déclarer : " Ce n'est ni le gouvernement ni un parti qui est responsable de ce qui est arrivé. C'est une épreuve envoyée par Dieu, ceux qui ne l'acceptent pas ne sont pas de bons musulmans. " Pour couronner le tout, des dizaines de milliers de familles se retrouvant sans abri sont privées de toute aide des pouvoirs publics et du gouvernement qui les traitent avec le plus souverain mépris. Leur hypothétique relogement s'effectue au compte-gouttes sous le prétexte "de filtrer et d'écarter les profiteurs qui cherchent à obtenir un nouveau logement". Dans un pays où le bakchich et la corruption sont rois, c'est le comble du cynisme de la bourgeoisie et du gouvernement. Il est d'ailleurs estimé que 7 millions de logements seraient à construire dans le pays pour faire face à l'insalubrité des habitations et au surpeuplement, alors que le taux de chômage atteint 35% et que 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
Pour une bonne partie de la population, il est clair aujourd'hui que l'attentat du 20 novembre à la gare routière d'Alger qui a fait 30 blessés à l'heure où elle était la plus fréquentée (au moment où les ouvriers se rendaient à leur travail et au moment du passage des bus scolaires) a été une opération de diversion du gouvernement pour détourner la colère des populations et des prolétaires en particulier envers les autorités vers la piste terroriste.
Ce mépris et ce cynisme, sont les mêmes que ceux qui se manifestent après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre qui a fait 30 morts et qui privent encore 15.000 familles ouvrières de foyer décent à l'entrée de l'hiver (voir article dans ce même n°).
Le "crash" de l'Airbus A-300 d'American Airlines sur un quartier résidentiel de New York le 12 novembre qui a provoqué la mort de 265 personnes est tout aussi significatif. L'enquête issue de l'analyse des boîtes noires n'a pu avancer que deux éléments d'explication. D'une part, le crash serait dû à un "effet de sillage", au décollage de l'avion trop rapproché du précédent (105 secondes seulement) qui aurait déstabilisé l'appareil. D'autre part, la rupture brutale de la dérive en carbone, lors de sa mise en action ne peut s'expliquer vraisemblablement que par une fissure imputable à un défaut de fabrication. D'un côté, cela met en cause la gestion aberrante par le capitalisme de l'intensité du trafic aérien. De l'autre, la fragilité de la chaîne et les difficultés de contrôle des infrastructures de plus en plus sophistiquée des moyens de transport soumis aux lois de la rentabilité. Ce nouveau choc psychologique et traumatique énorme survenait deux mois après l'écroulement des Twin Towers, surtout auprès de la population américaine et particulièrement new-yorkaise. La couverture médiatique de l'événement a cependant été vite étouffée, dès que la piste d'un nouvel attentat pour expliquer l'accident a été écartée. On le comprend d'autant mieux que cette catastrophe n'est nullement de nature à rehausser le prestige de la première puissance mondiale alors qu'elle se produit en pleine démonstration de force avec l'intervention militaire américaine en Afghanistan. La classe dominante aux Etats-Unis démontre qu'elle n'est pas capable de maîtriser ses infrastructures et renvoie l'image d'un espace intérieur aérien peu sûr et peu fiable. Là encore, la responsabilité de l'accident repose entièrement sur la course effrénée au profit capitaliste qui s'avère de plus en plus incapable d'en gérer et d'en contrôler les conséquences. Qu'il s'agisse d'accidents ou de cataclysmes naturels, l'ampleur des dégâts matériels et surtout le bilan humain de ces catastrophes résultent entièrement de la loi du profit capitaliste le plus rapide et au coût le plus bas au mépris des vies humaines. Non seulement le capitalisme produit des forces technologiques avant tout canalisées et exploitées pour fabriquer les armes monstrueuses susceptibles d'anéantir la planète, développe de façon incontrôlée des sources d'énergie qui détruisent l'environnement souvent de manière irréversible[1] [3], mais il condamne des populations entières à la mort parce que sa loi du profit maximum le pousse à réduire et même à détruire toute protection contre les catastrophes, naturelles ou pas. Ce n'est donc pas le produit d'une quelconque fatalité, d'une "loi des séries" ou autre "erreur humaine" si souvent invoquées lors des "accidents" ou "catastrophes" du même genre de plus en plus fréquents sur la planète. Toutes ces tragédies de plus en plus nombreuses qui font la "une" macabre de l'actualité sont la manifestation de la faillite totale du mode de production capitaliste. Elles sont l'expression criante d'un système qui entraîne aveuglément l'humanité vers des catastrophes toujours plus tragiques et meurtrières. Elles ont les mêmes causes : la décomposition générale qui gangrène l'ensemble du corps de la société capitaliste. Et c'est la survie du capitalisme qui est devenu une menace permanente pour la survie de l'humanité.
CB (25 novembre)[1] [4] Tous les aspects de la décomposition se trouvent de plus en plus mêlés aujourd'hui : on se souvient du crash du Boeing 747 le 4 octobre 1992 sur des immeubles d'une cité près d'Amsterdam, comparable à celui du Queens. Il y a quelques mois, on apprenait que des habitants du quartier avaient été touchés par le "syndrome du Golfe" et que le fuselage était lesté avec de l'uranium appauvri, servant de contrepoids pour équilibrer les gouvernes des appareils. Au passage, on apprenait aussi qu'en février 2001, près de 7 tonnes d'uranium appauvri servaient encore de lest à 60 % des avions de ligne de la compagnie Air France. De la même façon, les ruines de Twin Towers révélaient que les tours étaient bourrées d'amiante.
Aujourd'hui, le régime des Talibans a basculé dans la défaite. C'est à peine en trois jours que les adeptes du mollah Omar et de Oussama Ben Laden se sont vus refoulés irrésistiblement de Mazar-I-Charif jusqu'au-delà de Kaboul. Pourtant, on nous avait annoncé que la bataille allait être longue et rude entre l'Alliance du Nord et les Talibans, en particulier pour la prise de la capitale afghane. Les Talibans ont reflué sans affrontement réel, écrasés sous les bombardements américains, tandis que les derniers combattants ont poursuivi une résistance sans trop d'espoir à Kunduz au nord et dans la région de Kandahar au sud.
Devant la rapidité des événements apparemment inattendue de la part des puissances occidentales, les ministres des affaires étrangères des pays membres de l'ONU déjà assemblés à New-York se réunissaient le 12 novembre en urgence pour "ralentir" l'action militaire et "accélérer" l'action politique ; tandis que parallèlement la pression américaine se faisait de plus en plus forte pour au contraire "aller vite, vite, vite" selon un diplomate américain. Et, devant la situation d'anarchie qui se profile, au lieu de voir la satisfaction s'étaler de la part de tous ces requins "vainqueurs" d'un des principaux foyers du terrorisme international, c'est un appel inquiet en direction de l'Alliance du Nord et des autres forces d'opposition antitalibanes qui émergeait du Conseil de Sécurité de l'ONU leur demandant de se mettre "devant leurs responsabilités en ce qui concerne le respect des droits de l'homme" et d'exercer le pouvoir "dans le respect des personnes et (de façon) à y assurer la paix civile". On ne peut que souligner une fois de plus ici l'hypocrisie écoeurante de ces criminels prêts à faire la leçon aux petits gangsters sanglants et autres cliques qu'ils excitent et soutiennent pour leurs propres intérêts, alors que ce sont eux les principaux fauteurs de guerre et que leurs rivalités sont les responsables directes des plus grands massacres de l'histoire.
Ce qui s'exprime une fois encore autour de la situation dramatique de l'Afghanistan, c'est la foire d'empoigne entre les grandes puissances. Il n'existe nul consensus entre elles pour éradiquer le terrorisme islamiste international, qui n'est pas de toutes façons le véritable enjeu, pas plus qu'elles ne sont intéressées à faire de "l'humanitaire", infâme prétexte pour venir régler leurs comptes sur le dos de populations de plus en plus exsangues.
L'attentat contre les Twin Towers a été le prétexte rêvé (voir RI n° 317 [7]) pour appliquer une politique militaire dont les termes définis dès cet été par le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, consiste à présent à porter les priorités stratégiques "sur l'Asie, et non plus sur l'Europe et le Bassin méditerranéen" (citation du International Herald Tribune par Courrier International n°564 du 23 au 29 août 2001). Afin d'affirmer clairement leur autorité dans cette région du monde en faisant une démonstration de force, les Etats-Unis ont décidé seuls d'aller casser du Taliban en Afghanistan, avec leurs propres méthodes, ne laissant qu'un maigre strapontin à sa meilleure alliée, la Grande-Bretagne, et écartant les pays comme la France qui piaffait d'impatience pour prêter la main à l'Amérique, en fait pour placer leurs propres pions. Depuis le 11 septembre, Bush n'a pas cessé de répéter que cette guerre allait être longue, pas seulement contre les Talibans en Afghanistan mais dans le monde entier qui devient le théâtre véritable de la chasse aux terroristes : "Nous avons eu un bon début en Afghanisatan, mais beaucoup reste à faire (...) nous les traquerons jusqu'à la fin." a-t-il déclaré une semaine après la prise Kaboul. Les Etats-Unis peuvent aujourd'hui se vanter d'avoir acquis certains avantages, même s'ils ne sont que momentanés. Par la rapide victoire des "anti-Talibans", ils ont par exemple cloué le bec à ceux des pays européens, France en tête, qui critiquaient la validité des frappes aériennes et donc au-delà l'ensemble de la stratégie américaine. Par la même occasion, ils ont engrangé un certain succès auprès de leur propre "opinion publique" par la conduite d'une politique de "zéro mort" débouchant sur la défaite de "l'ennemi" taliban. Ceci permet à Washington de mieux justifier l'envoi de 3200 commandos de marine en plus des 500 hommes des "forces spéciales" officiellement sur place ainsi qu'une véritable armada militaire hautement sophistiquée et destructrice.
Cependant, tout est loin d'être joué pour la Maison blanche. Contrairement à la guerre du Golfe où la puissance américaine avait pu imposer sa loi à l'Arabie Saoudite et faire rentrer dans le rang les puissances occidentales hostiles à cette intervention, les Etats-Unis ont visiblement décidés de n'agir que pour leur propre compte. Si l'on regarde les différentes démonstrations de force qu'ils ont effectuées depuis la guere du Golfe, qu'il s'agisse de la défaite spectaculaire qu'ils ont essuyée en Somalie en 1992, de leur tentative de faire régner l'ordre américain dans l'ex-Yougoslavie ou encore de la guerre massive menée contre la Serbie en 1999, au nom de la défense du peuple kosovar, ils se sont trouvés systématiquement en butte dans leurs tentatives d'avancées à l'opposition de la part de leurs anciens alliés du bloc de l'Ouest. C'est donc à l'égard de ces premiers bien plus encore que des forces "d'anarchie" afghanes qu'ils montrent une défiance active.
Dans un tel contexte, il est certain que dans la percée actuelle qu'ils font en Afghanistan, leur politique est de faire cavalier seul et de s'en donner les moyens. C'est dans le but de bloquer la poussée de ses "alliés" que l'on voit ainsi le gouvernement américain apporter un soutien momentané à l'Alliance du Nord jusqu'ici plutôt soutenue par la Russie, et que Washington n'avait à dessein pas armé, car non fiable, au bénéfice d'un appui plus important donné aux factions pachtounes plus proches du Pakistan.
Ainsi, alors que Bush avait officiellement demandé à l'Alliance du Nord le 10 novembre de ne pas entrer dans Kaboul, le secrétaire à la défense Rumsfeld lui disait de façon pernicieuse dans le même temps de faire ce qu'elle voulait, mais "sans commettre d'exactions" ! En clair, contre les rivales qui s'annoncent, l'Amérique jette de l'huile sur le feu d'une situation déjà ouverte sur un chaos difficilement contrôlable.
La bourgeoisie la plus empressée de toutes, la bourgeoisie française, s'était déjà vue évincée par le vote de la première résolution de l'ONU, et c'est après tout un forcing lors du 12 novembre à New-York qu'elle a pu justifier sa venue en Ouzbekistan, au nom de l'humanitaire. Ce n'est donc pas un hasard si Paris développe toute une campagne dans sa presse sur le danger d'anarchie, comme entre 1992 et 1996, que représente le retour au pouvoir des seigneurs de la guerre afghans. Védrine ne s'est pas gêné pour adresser une menace à "ceux qui vont exercer le pouvoir en Afghanistan", "désormais sous le regard vigilant de la communauté internationale". Et les médias français, comme d'ailleurs les médias de la plupart des pays occidentaux qui hier encore n'avaient pas assez de mots pour les dénoncer, de trouver soudainement des vertus bénéfiques aux Talibans qui avaient "au moins" su établir un Etat et une situation sociale stables. Encore un exemple de la crapulerie de cette classe bourgeoise dont les vérités varient en fonction de ses intérêts immédiats.
L'armée française, actuellement isolée et laissée pour compte par le meneur de jeu américain, se retrouve donc impuissante, gros jean comme devant, aux frontières de l'Ouzbekistan dont le chef d'Etat, soutenu par les Etats-Unis, fait traîner les choses en attendant de monnayer sa part du gâteau afghan.
Les perspectives tant d'apaisement de la situation dans le pays que de possible consensus entre les grandes puissances sont tellement incertaines que la Grande-Bretagne elle-même, pourtant en première ligne dès le premier jour du conflit, a décidé de ne pas "mettre des forces en place sans l'accord des Etats-Unis et d'une entente claire de ce que nos troupes feront dans le cadre de la coalition militaire", prévoyant carrément de retirer rapidement les troupes déjà en place. En fait, la bourgeoisie anglaise n'apprécie pas du tout que Bush ait clairement mis Blair de côté, malgré ses déclarations d'allégeance, dans toutes les décisions prises par rapport à l'Afghanistan depuis deux mois.
La déconvenue de la France et de la Grande-Bretagne est significative de la politique des Etats-Unis dans ce conflit : susciter la "solidarité" de ses anc iens alliés du temps de la guerre froide autour de ses propres visées stratégiques mais les priver de toute contrepartie qu"ils pourraient espérer de cette solidarité. Il est clair que les puissances européennes qui ont annoncé leur soutien à l'opération "Liberté immuable" ne l'ont pas fait pour les beaux yeux de Bush mais parce que c'était le seul moyen de ne pas être écartées du partage du gâteau le moment venu. La petite part de ce gâteau qu'espérait Blair ou Chirac, c'est de pouvoir disposer certaines de leurs troupes ssur place pour ne pas laisser au parrain américain le moopole d'une présence militaire dans cette partie du monde qui lui laisserait les mains entièrement libres pour mener sa politique en conformité avec ses intérêts exclusifs. Et c'est même ces quelques miettes que Bush ne paraît pas décidé à leur accorder : la seule "solidarité" que le brigand américain apprécie de la part de ses seconds couteaux, c'est l'obéissance.
Voilà qui en dit long sur la volonté de tous de venir à la rescousse des populations affamées et victimes de la guerre, qu'il s'agisse de celle qui s'achève comme de celle à bien plus long terme qui se prépare.
La conférence de Bonn prévue le 26 novembre entre l'Europe et les différentes factions afghanes pour chercher à établir un régime "multi-ethnique représentatif de la diversité du pays", ne va être qu'un épisode de la foire d'empoigne qui s'annonce en Afghanistan. Par exemple, les Pachtounes n'en font pas partie, refusant catégoriquement toute "ingérence étrangère" et menaçant de protéger les derniers Talibans comme moyen de chantage pour leurs propres intérêts. Mais cette conférence va surtout être un moment de l'affrontement et du chacun pour soi des grandes puissances qui prétendent "régler" le problème et apporter une solution politique en Afghanistan. Les clivages vont apparaître de plus en plus au grand jour, derrière les grands discours sur l'humanitaire, et montrer le vrai visage de ces crapules aux prises les uns avec les autres.
Il est d'ailleurs significatif que cette conférence s etienne en Allemagne et non pas en Grande-Bretagne ou en France qui ont jusqu'à présent été plus active dans l'opération militaire (même si modestement). En laissant à l'Allemagne le prestige diplomatique de l'organisation de cette conférence, la puissance essaie d'enfoncer un coin dans la "solidarité" des différents pays européens.
Aussi, non seulement la poudrière afghane devient une des nouvelles zones d'affrontement entre les grandes puissances, un enjeu majeur du rapport des forces impérialistes dans la période à venir, mais elle ccontient au-delà d'elle-même l'extension du chaos capitaliste plus loin vers l'Orient. Car si l'Afghanistan a toujours représenté une région clé entre le Moyen et l'Extrême-Orient, de même qu'entrte trois grands pays, la Russie, la Chine et l'Inde, une région qui a toujours été un enjeu entre les blocs de l'Est et de l'Ouest à l'époque de la guerre froide, la bataille qui s'y mène est pleine de conflits qui vont se déporter vers les région savoisinantes. Ainsi, les pays du nord du pays, Ouzbekistan et Tadjikistan qui vont chercher à tirer leur épingle du jeu, en jouant par exemple les différents entre la Russie et les Etats-Unis. Ainsi la Russie qui ne pourra pas voir s'installer ces derniers sans leur mettre des bâtons dans les roues. Mais il s'agit encore du Pakistan dont les fractions rivales, déjà fortement aiguisées dans la période précédent l'intervention américaine, vont se déchirer plus violemment que jamais. Et, derrière l'instabilité du Pakistan pris entre les pressions des Etats-Unis mais aussi de la Chine qui lui a fourni généreusement l'arme atomique, se joue également celle de l'Inde dont les prétentions impérialistes ne pourront que la pousser à s'opposer à une présence américaine directe dans une région où elle prétend être une des puissances prépondérantes.
L'avenir qui s'annonce avec l'arrivée de tous ces rapaces qui se déchirent avant même de se trouver les uns en face des autres sur le terrain est bien sombre. Une fois de plus, ils vont semer la mort et le chaos, au nom de la paix, au nom de l'humanitaire, de la civilisation, etc., pour le compte du capitalisme décadent et moribond.
KW (24 novembre)
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/121/afghanistan
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/afghanistan
[3] https://fr.internationalism.org/ri318/catastrophe_innondation.htm#_ftn1
[4] https://fr.internationalism.org/ri318/catastrophe_innondation.htm#_ftnref1
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/geographique/afrique
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/50/etats-unis
[7] https://fr.internationalism.org/content/revolution-internationale-ndeg-317-novembre-2001
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/guerre