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Révolution Internationale n° 334 - avril 2003

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"Guerre pour le pétrole" : Une campagne idéologique pour masquer la gravité des enjeux impérialistes

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Dans le concert des gigantesques manifestations pacifistes au cours de ces dernières semaines, un des slogans les plus fédérateurs et consensuels de l'anti-américanisme ambiant était "Non à la guerre pour le pétrole !". En France par exemple, on a pu voir placardées partout des affiches où l'organe du PCF, L'Humanité soignait sa publicité en se présentant comme "le journal des anti-guerre" avec une photo représentant un tuyau de pompe à essence appuyé comme un revolver en plein milieu du front d'une petite fille irakienne. La plupart des organisations gauchistes à commencer par la LCR et le PT comme les "altermondialistes" d'Attac, les "mouvements citoyens", les Verts et tous les porte-parole de la gauche n'ont pas cessé de marteler la même idée, amplement relayée par tous les grands médias eux-mêmes du Monde au Nouvel Observateur en passant par Libération et toutes les chaînes de télévision, publiques ou privées, que cette nouvelle guerre du Golfe était avant tout une guerre pour le pétrole au profit exclusif des trusts et des grands groupes pétroliers américains. Ainsi, Arlette Laguiller devait entamer le 21 mars une tournée de meetings dans le pays sur le thème "Pas de sang dans le pétrole !" et écrivait par exemple dans l'éditorial du n° 1806 de Lutte Ouvrière daté du 14 mars : "Le pétrole du Moyen-Orient et les bénéfices que les trusts américains peuvent tirer de la guerre ont bien plus d'importance aux yeux de Bush que les milliers de victimes civiles, mortes ou handicapées à vie que sa croisade contre l'Irak ne manquera pas de provoquer". Qu'y a-t-il derrière cette larmoyante démagogie antiaméricaine ? En d'autres termes, tous ces discours reviennent à dire que ce qui intéresserait fondamentalement les Etats-Unis conduits par un président lui-même lié aux groupes pétroliers américains, c'est de faire main basse sur les réserves de pétrole de l'Irak pour s'approprier les produits faciles de sa rente.

 

Le pétrole irakien est-il l'enjeu majeur de la guerre actuelle ?

Tout les bons apôtres qui répètent qu'il s'agit d'une guerre pour le pétrole feraient bien de regarder d'un peu plus près l'histoire de ces 50 dernières années avant de proférer et de colporter ce genre d'inepties. Une telle explication simpliste visant à faire croire que l'objectif de cette guerre serait une question de rente pétrolière que chercheraient à s'assurer certains Etats est en contradiction flagrante avec la réalité même des précédents conflits en Afghanistan ou en Yougoslavie, et même avec la première guerre du Golfe en 1991 qui ont coûté énormément d'argent et n'ont pas permis aux vainqueurs de se payer en nature (les produits pétroliers irakiens sont restés depuis 12 ans sous embargo), que ce soit avec du pétrole ou autre chose. Au-delà, est-ce qu'on peut expliquer ainsi les guerres du 20e siècle à commencer par les deux boucheries mondiales : quel était l'intérêt strictement économique de ces conflits ? Qui aurait osé prétendre que de précédentes guerres menées par les Etats-Unis comme la guerre de Corée et la guerre du Vietnam étaient "une guerre pour le riz" ?
Si, à la fin du 19e siècle, le but des guerres coloniales était l'acquisition de matières premières à bas prix ainsi que l'ouverture de nouveaux marchés capitalistes, il est aujourd'hui absurde de continuer à penser que l'objectif d'une guerre se limite à de stricts intérêts économiques ou à un approvisionnement en matières premières. Au début de l'année (voir Le Monde daté du 4 janvier 2003), les experts américains en analysant l'impact possible de la guerre sur l'économie américaine dégageaient trois hypothèses : la plus optimiste prévoyait des effets négatifs limités et d'assez courte durée, la deuxième aurait comme conséquence un taux de croissance proche de zéro sur une assez longue période, la dernière débouchait sur une plongée dans une récession durable. Alors que tous les scénarios dégageaient un effet négatif, ces perspectives contredisent les assertions de tous ceux qui nous racontent que l'économie américaine escompte tirer de fabuleux profits de la guerre. D'ailleurs, l'économiste en chef d'une agence financière américaine déclarait alors : "Les faits sont têtus. Quand vous commencez une guerre, beaucoup de choses peuvent se produire, la plupart du temps, elles ne sont jamais bonnes". C'est d'ailleurs pour cela que les milieux industriels et financiers américains se sont montrés pendant des mois si réticents, voire hostiles au projet de Bush sur l'Irak.
Il est évident que la guerre commerciale que se livrent les grands trusts pétroliers est sans merci, que des groupes américains ou anglais comme Chevron Texaco, Exxon Mobil, RD/Shell ou BP ne peuvent qu'exploiter la situation pour chercher à évincer du Moyen-Orient de dangereux concurrents comme le Français Total Elf Fina ou le Russe Lukoil qui étaient parvenus à s'implanter dans la région, et que les compagnies américaines entendent ensuite profiter du rapport de force militaire pour régler le compte de leurs concurrents britanniques. Mais cela ne saurait constituer un motif sérieux et crédible de mobiliser une telle armada terrifiante et de mettre toute la région à feu et à sang.
Aujourd'hui l'Irak n'assure que 3,3 % de la production pétrolière mondiale. En admettant que l'objectif qui est clairement avoué soit un doublement de la production en fonction de ses réserves importantes (l'Irak détiendrait 11 % des réserves mondiales et un sixième de l'ensemble du Proche-Orient), ces bénéfices économiques immédiats attendus peuvent-ils expliquer une guerre d'une telle envergure ? Pas le moins du monde.
La propagande officielle est à peine un peu plus subtile : en faisant main basse sur les réserves pétrolières irakiennes, les Etats-Unis veulent se libérer d'une trop grande dépendance vis-à-vis de l'Arabie Saoudite. Nous avons déjà répondu dans notre presse au manque de crédibilité de cet argument (voir RI n° 330, "Le bluff de la rente pétrolière", janvier 2003) en montrant que la part des importations en pétrole saoudien ne représentait qu'entre 5 et 8 % de la consommation pétrolière américaine et plus largement que pour l'ensemble des ressources énergétique (pétrole + gaz + charbon + nucléaire + hydroélectricité), les Etats-Unis assurent déjà 82% de leurs propres besoins sans recourir aux importations.
Si le pétrole était d'un intérêt tellement vital, pourquoi encourir les risques énormes actuel de le dilapider et de faire partir en fumée cette manne ? Le déclenchement de la guerre fait courir un danger évident de destruction ou de pollution des champs pétroliers par les bombardements ou par Saddam lui-même qui, de façon tout a fait prévisible, pouvait être poussé ainsi à se livrer à des opérations de sabotage (comme cela s'est déjà produit au Koweït en 1991 où il aura fallu des mois et dépenser des sommes colossales pour éteindre les foyers, remettre en état et dépolluer les quelque 700 puits incendiés). D'ailleurs, les premières heures du conflit n'ont pas tardé à confirmer ce danger et semblent dans une certaine mesure accréditer cette hypothèse. Quant au coût pour protéger les sites pétrolifères ainsi menacés, son prix à payer en termes de moyens matériels, financiers, économiques, militaires, humains mis en oeuvre dépassera sans doute de beaucoup les bénéfices que la bourgeoisie pourra jamais en tirer.
S'il s'agissait d'une guerre de rapine, il est dès à présent clair que le camp des belligérants ne pourra jamais se rembourser des coûts astronomiques de la guerre. Cela souligne et fait ressortir le caractère totalement irrationnel des guerres impérialistes, notamment d'un point de vue économique.
Même si tous les Etats, des Etats-Unis à l'Europe en passant par le Japon sont intéressés à se procurer du pétrole bon marché, cela ne saurait expliquer l'incroyable concentration et l'utilisation de moyens militaires d'une telle envergure par la première puissance mondiale dans la mesure où la guerre ne peut que creuser encore les déficits commerciaux comme budgétaires considérables des Etats-Unis.

 

Une arme idéologique au service de toute ta bourgeoisie

Si le volume des réserves pétrolières de l'Irak joue un rôle dans l'importance stratégique de ce pays, c'est avant tout parce que ce pays est situé au coeur d'une région qui fournit la plus grande partie du pétrole consommé en Europe et au Japon (l'Europe- en dehors de la Russie- en est tributaire à 25% en moyenne, très inégalement selon les pays, mais un des plus dépendants est l'Allemagne, le rival impérialiste le plus sérieux pour la Maison Blanche et le Japon en dépend à 95% !). Si les Etats-Unis parvenaient à contrôler étroitement les fournitures de l'Europe et du Japon en hydrocarbures, ce serait un atout majeur pour préserver son statut de gendarme du monde. Cela permettrait à la bourgeoisie américaine d'exercer le plus puissant des chantages sur ces pays en cas d'aggravation des conflits impérialistes vis-à-vis d'eux ou d'avancée stratégique de ses principaux rivaux impérialistes. Ainsi, le véritable but de la guerre est d'ordre stratégique et militaire. Et cette stratégie consiste avant tout à déstabiliser l'adversaire, exploiter les faiblesses ou les dépendances des puissances rivales les plus dangereuses, les priver de leurs atouts ou de moyens comme de matières premières de telle sorte que cette privation puisse porter un coup fatal à son économie ou bien encore le placerait dans l'incapacité d'assurer efficacement sa protection et ses fonctions militaires. C'est cela qui est la caractéristique la plus révélatrice de la logique du capitalisme aujourd'hui et des rapports impérialistes réels dans le monde.
Tous ces arguments fallacieux de la guerre pour le pétrole ont pour fonction essentielle de constituer un instrument de propagande et un rideau de fumée idéologique. Leur premier rôle est de servir de cache-sexe à l'idéologie pacifiste bourgeoise, dont l'anti-américanisme est l'élément moteur et qui tente de camoufler l'existence d'une autre coalition, d'un autre camp tout aussi impérialiste, belliciste et monstrueusement cynique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cet argument était beaucoup moins mis en avant en 1991, alors que les Etats et les fractions de la bourgeoisie qui l'invoquent si volontiers aujourd'hui participaient à ce moment-là à la coalition militaire autour des Etats-Unis et aux bombardements contre l'Irak. L'objectif fondamental de cette campagne d'intoxication mystificatrice est d'essayer de masquer les antagonismes impérialistes réels entre toutes les grandes puissances et de tenter de dégager la responsabilité de tous les Etats dans l'engrenage de la folie meurtrière du capitalisme qui ravage le monde. La fable de la guerre pour le pétrole sert en définitive à empêcher de comprendre au sein de la classe ouvrière les contradictions insurmontables du capitalisme et de prendre conscience de l'impasse que représente le capitalisme qui sème partout sur la planète la misère, la barbarie et la mort et dont tous les Etats portent la responsabilité.

Wim (21 mars)

Récent et en cours: 

  • Guerre en Irak [1]

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [2]

Tout est bon aux syndicats pour saboter la lutte de classe

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Au moment où le gouvernement impose brutalement et sans fards à la classe ouvrière les attaques les plus massives et frontales possibles, touchant tous les secteurs et tous les aspects de ses conditions de vie et de travail, les syndicats apparaissent étrangement en retrait, singulièrement mous et divisés sur le terrain social, en complet décalage par rapport à l'ampleur et à la multiplication des attaques actuelles.

 

Les syndicats entraînent les ouvriers sur le terrain du pacifisme...

Mais en même temps, tout-un-chacun peut constater que les syndicats appellent unitairement à la mobilisation la plus large possible, contre ... "la guerre de Bush". Ils se sont placés aux avants-postes sur le terrain du pacifisme et derrière cette "union nationale" que Chirac et Raffarin réclament ardemment dans tous leurs discours. Ainsi, des syndicats comme SUD et la CGT se mettent en campagne dans les entreprises, tracts et pétitions à l'appui, pour appeler à réagir vigoureusement contre la guerre, appels directement en soutien du gouvernement français. Pourquoi une telle attitude face à la situation ?

Il est clair que toute la bourgeoisie profite de l'actuelle préoccupation légitime de la classe ouvrière, de son inquiétude sur la question de la guerre et de sa polarisation sur les événements internationaux pour faire passer une série d'attaques antiouvrières. Déjà, le gouvernement se prépare à utiliser le prétexte que la conjoncture internationale guerrière est une grande épreuve pour l'économie nationale et qu'elle va le contraindre à renforcer ses plans d'austérité, et à réduire les budgets sociaux. S'il est vrai que la guerre constitue un puissant facteur d'accélération de la crise économique, ce que veut cacher la bourgeoisie, c'est que la récession était déjà une réalité concrète bien avant la perspective de déclenchement d'une guerre en Irak. Ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie utilise ce genre de stratagème pour masquer la crise de son système et cela lui permet d'avoir les mains encore plus libres pour cogner encore plus fort sur les ouvriers. Dans ce contexte, la tentative par les syndicats d'entraîner un maximum d'ouvriers sur le terrain interclassiste du pacifisme et surtout dans "une union sacrée" derrière toute la bourgeoise nationale prend tout son sens. Elle participe d'une opération idéologique concertée pour anesthésier leur conscience de classe.

 

... sabotent les réactions ouvrières ...

Mais cette manœuvre ne s'arrête pas là. Elle est parallèlement accompagnée d'une activité plus classique mais aussi pernicieuse de sabotage sur le terrain social. Les syndicats poursuivent et intensifient leur sale travail habituel en organisant et en assurant l'éparpillement, la dispersion et la division de la riposte ouvrière aux attaques qui s'abattent tous azimuts. Quelques exemples suffisent pour montrer comment syndicats et gouvernement, main dans la main, agissent pour faire passer de nouvelles mesures. Pour les fonctionnaires qui sont particulièrement en ligne de mire avec simultanément l'attaque sur les retraites, les suppressions de poste, le gel des salaires, le projet de modernisation et de "décentralisation" de la fonction publique qui va se traduire par une "mobilité" et une "flexibilité" nouvelle, ils mettent à part des autres attaques, la plus explosive d'entre elles, celle sur les retraites (qui va faire progressivement passer, entre 2004 et 2007, la durée de cotisations et de travail de 37 annuités et demi à 40 pour tous les agents de la fonction publique). De plus chaque secteur a eu sa propre journée d'action. Par exemple, le ministère des finances le 10 mars, l'Education nationale le 18 (la quatrième en deux mois), en mettant en avant et en martelant en chaque occasion la "défense du service public". La défense et l'amélioration du service public, une administration moins bureaucratique et plus efficace au service des usagers servent à nouveau d'emballage-cadeau au chantage à la mise en place d'une nouvelle attaque, chantage exercé en retour par le ministre de tutelle Delevoye contre tous les fonctionnaires : "augmentation de salaires, pourquoi pas ? Mais à une condition préalable, le salaire au mérite, en fonction de votre productivité, de votre "flexibilité", de votre zèle à contribuer aux économies de l'Etat, de votre docilité à accepter des sacrifices, et donc la réduction du nombre de fonctionnaires".
Et, pour accentuer le déboussolement, la démobilisation et le sentiment d'impuissance, les syndicats se présentent en désaccord et divisés sur la question des retraites pour la journée de mobilisation prévue le 3 avril prochain.
Dans le privé, au milieu d'une pluie de plans de licenciements, les syndicats enferment de plus belle les ouvriers dans le cadre de l'usine ou de l'entreprise (Métaleurop, Danone, Grimaud, Daewoo, Alstom, Aubert et Duval, ...) en encourageant des actions isolées, focalisées sur tel ou tel patron particulier, tel ou tel problème spécifique à "la boîte". On a vu resurgir, comme dans les années 1970, des actions-commandos téléguidées par la CGT : pour pousser les ouvriers d'une entreprise de textile, dans la voie du nationalisme le plus exacerbé, à s'en prendre aux camions transportant des vêtements faits "à l'étranger" ; pour encourager ceux de Metaleurop à aller casser les vitrines du siège social de la société "étrangère" Glencore. Pendant ce temps-là, on fait croire que ceux d'Air-Lib, licenciés "légalement et à la française" seront repris par Air France ou par… la RATP.
Dans ces manoeuvres d'émiettement, l'objectif poursuivi par les syndicats n'est pas seulement d'étouffer, de défouler, d'isoler ou de canaliser la combativité des ouvriers, mais elle est aussi de minimiser et de masquer l'ampleur des attaques, d'empêcher les ouvriers de prendre conscience que ces attaques concernent et touchent de la même façon et partout tous les prolétaires.

 

... et donnent les mains libres au gouvernement pour ses attaques

Quand les officines syndicales laissent entendre que le meilleur moyen de lutter contre la régression sociale, ce serait de lutter d'abord en priorité contre la guerre, aux cotés des pacifistes qui organisent des rassemblements massifs un peu partout dans le monde, ils participent au premier plan à une offensive idéologique entreprise par toute la bourgeoisie pour dénaturer dans la conscience des ouvriers le lien entre les attaques économiques qu'ils subissent de toutes parts et la guerre en les poussant à agir à l'exact opposé de leurs intérêts de classe.
Ils les empêchent de comprendre que le seul moyen de refuser la guerre pour le prolétariat, c'est de se battre et de développer ses luttes de la façon la plus unitaire possible sur son terrain de classe. C'est tout le contraire que de participer au grand carnaval des pacifistes qui revient à la défense des intérêts impérialistes du capital national, à apporter son soutien à un camp contre un autre sur le terrain des rivalités et des dissensions impérialistes de la bourgeoisie. C'est la faillite même du système capitaliste dans son ensemble, entraîné dans une crise irréversible, que les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie s'attachent à masquer aux yeux des ouvriers en les empêchant de prendre conscience que c'est le même ennemi de classe qui, d'un côté, livre au massacre et à la barbarie des populations entières et, de l'autre, les condamne à une exploitation de plus en plus féroce, à une misère toujours plus grande.
Les actuelles manœuvres de la bourgeoisie, Etat et syndicats en tête, pour minimiser les attaques en cherchant à entraîner les ouvriers derrière le char bourgeois du pacifisme constituent une attaque importante contre le développement de la conscience ouvrière. C'est la fonction essentielle de ces défenseurs du capitalisme que sont les syndicats d'y faire barrage. Leurs manœuvres visent toujours le même objectif : empêcher la mobilisation massive contre les attaques économiques qui, seule, peut permettre aux ouvriers de s'opposer en tant que classe au système et à terme de le renverser, en mettant fin à la guerre comme à l'exploitation capitaliste

Antoine (16 mars)

Heritage de la Gauche Communiste: 

  • La question syndicale [3]

Les rivalités entre grandes puissances ne peuvent plus être dissimulées

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Tous les conflits majeurs qui ont ensanglanté la planète depuis la disparition des blocs ont impliqué les principales puissances de l'ex-bloc de l'Ouest. L'image qui en a été donnée est celle d'une solide unité entre ces pays, sur un plan politique et même dans des opérations militaires, au service de la défense du droit international, de l'humanitaire, de la lutte contre "le terrorisme international". Depuis bientôt un an qu'a surgi la présente crise irakienne, le monde découvre avec stupéfaction la force des dissensions, brutalement propulsées sur le devant de la scène, qui opposent ces pays entre eux. Des alliances, qui étaient qualifiées d'historiques, sont rompues, comme celle entre la France et les Etats-Unis. On assiste au développement de campagnes xénophobes anti-américaines, anti-françaises, orchestrées par les médias à la solde des Etats, et qui évoquent les pires moments de l'histoire du 20e siècle.
En fait, déjà avant la crise actuelle, les antagonismes entre ces grandes puissances étaient présents, mais ils se sont considérablement aggravés, au point que se déchire aujourd'hui le voile d'hypocrisie qui a pu donner à ces guerres l'apparence de la respectabilité. Ainsi, s'il devient difficile à la bourgeoisie de cacher "qui est le véritable ennemi de qui", sa propagande belliciste ne peut pas non plus s'empêcher d'invoquer l'enjeu réel de la guerre : le contrôle de positions stratégiques essentielles dans le rapport de force entre ces puissances.

Les principaux brigands impérialistes ne sont pas d'accord sur la manière dont ils vont se partager le monde, et pour le caïd, le plus fort d'entre eux, les Etats-Unis, il n'est évidemment pas question de partager sa suprématie.
En fait tout au long du 20e siècle, c'est la question du partage du monde entre les différents impérialistes, les plus puissants secondés par les moins forts, qui est à l'origine des alliances, des blocs, des guerres mondiales ou des guerres localisées qui ont jalonné les trois décennies de la période de la guerre froide.

 

La guerre du Golfe en 1991 révèle les nouveaux antagonismes

Polarisées pendant toute la période de la guerre froide par le face-à-face entre les deux blocs impérialistes rivaux, celui de l'Est et celui de l'Ouest, les tensions impérialistes ne cessent pas avec la disparition de ceux-ci. Tout au contraire. L'impasse économique totale et de plus en plus évidente du mode de production capitaliste ne peut qu'attiser de façon croissante les antagonismes guerriers entre nations.
Très tôt après la dissolution du bloc de l'Ouest, les Etats-Unis organisent la guerre du Golfe. En laissant croire à Saddam Hussein qu'il peut envahir le Koweït sans risque de rétorsion, ils se créent ainsi délibérément l'occasion, sous prétexte de libérer le Koweït au nom de la défense du droit international, d'une démonstration de force sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les anciens alliés des Etats-Unis au sein du bloc de l'Ouest n'ont alors d'autre choix, s'ils veulent pouvoir maintenir leur rang dans l'arène impérialiste mondiale, que de se soumettre en participant à la première guerre du Golfe, ou en la finançant. Bien conscients qu'ils sont entraînés dans cette guerre contre leurs intérêts, la plupart de ces pays, à l'exception de la Grande-Bretagne, font plus que traîner les pieds pour s'aligner sur la position des Etats-Unis et s'associer à leur effort de guerre. C'est ainsi qu'ont eu lieu diverses tentatives, notamment de la France et de l'Allemagne, pour torpiller, à travers des négociations séparées menées au nom de la libération des otages, la politique américaine dans le Golfe.
Cette guerre a mis en relief une réalité qui n'a fait que se confirmer depuis lors : l'incapacité totale des Etats européens à mettre en avant une politique extérieure commune indépendante qui aurait pu constituer les prémices politiques de la constitution, à terme, d'un bloc "européen" dirigé par l'Allemagne. De même, elle a illustré le fait, qui n'a pas non plus été démenti, que la première puissance mondiale doit en permanence être à l'offensive, en faisant usage de son écrasante suprématie militaire, si elle veut maintenir son leadership mondial face à la contestation de celui-ci en particulier de la part de ses anciens alliés du bloc de l'Ouest.
La crise irakienne actuelle illustre que bien des étapes importantes ont été franchies de la part de ces mêmes puissances dans l'affirmation de leurs intérêts impérialistes propres.

 

Dix ans d'escalade des tensions impérialistes

Quelques mois à peine après la guerre du Golfe en 1991, le début des affrontements en Yougoslavie est venu illustrer le fait que ces mêmes puissances, et particulièrement l'Allemagne, étaient bien déterminées à faire prévaloir leurs intérêts impérialistes au détriment de ceux des Etats-Unis.
C'est pour se constituer un débouché vers la Méditerranée que l'Allemagne a encouragé la sécession des républiques du nord de la Yougoslavie, la Slovénie et la Croatie, ouvrant ainsi une boîte de Pandore des les Balkans qui redevenaient un des foyers des affrontements entre les puissances impérialistes en Europe. En effet, les autres Etats européens, ainsi que les Etats-Unis, qui étaient opposés à cette offensive allemande ont directement, ou indirectement par leur immobilisme, encouragé la Serbie et ses milices à déchaîner la "purification ethnique" au nom de la défense des minorités.
A la faveur de ce qui constituait une étape supplémentaire dans l'aggravation de la situation mondiale, les Etats-Unis surent mettre en évidence l'impuissance de l'Union européenne par rapport à une situation où elle était pourtant la première concernée et les divisions régnant dans les rangs de cette dernière, y compris entre les "meilleurs alliés" du moment, la France et l'Allemagne. Ils ne parvinrent néanmoins pas à contenir réellement l'avancée de certains impérialismes, particulièrement la bourgeoisie germanique qui, dans l'ensemble, est parvenue à ses fins dans l'ex-Yougoslavie. La manifestation la plus spectaculaire de cette crise de l'autorité du gendarme mondial a été constituée par la rupture de son alliance historique avec la Grande-Bretagne, à l'initiative de cette dernière, à partir de 1994. Si, après 1989, la bourgeoisie britannique s'était montrée dans un premier temps la plus fidèle alliée de sa consœur américaine, notamment au moment de la guerre du Golfe, le peu d'avantages qu'elle avait retiré de cette fidélité, de même que la défense de ses intérêts spécifiques en Méditerranée et dans les Balkans, lui dictaient une politique pro-serbe et la conduisirent à prendre des distances considérables avec son alliée et à saboter systématiquement la politique américaine de soutien à la Bosnie. Dans ce contexte, la bourgeoisie britannique réussissait à mettre en œuvre une solide alliance tactique avec la bourgeoisie française.
Un tel échec était évidemment grave pour la première puissance mondiale puisqu'il ne pouvait que conforter la tendance de nombreux pays, sur tous les continents, à mettre à profit la nouvelle donne mondiale pour desserrer l'étreinte que leur avait imposée l'Oncle Sam pendant des décennies. C'est pour tenter de compenser cette position de faiblesse que les Etats-Unis développent alors un activisme autour de la Bosnie, après avoir fait étalage de leur force militaire à deux reprises durant l'année 1992 :
- lors du massif et spectaculaire déploiement "humanitaire" en Somalie, qui n'était qu'un prétexte et un instrument de l'affrontement des deux principales puissances s'opposant en Afrique : les Etats-Unis et la France ;
- lors de l'interdiction de l'espace aérien du sud de l'Irak, sous prétexte de défendre la population chiite persécutée par le régime de Bagdad, qui constituait principalement un message en direction de l'Iran dont la puissance militaire montante s'accompagnait du resserrement de ses liens avec certains pays européens, notamment la France. Par rapport à la guerre de 1991, ce n'est que péniblement que les Etats-Unis ont pu obtenir un accord autour de ce projet (le troisième larron de la coalition, la France, se contentant cette fois-ci d'envoyer des avions de reconnaissance).
La suite de la guerre en Yougoslavie s'est concrétisée jusqu'à l'été 1995 par la longue impuissance des Etats-Unis sur ce terrain majeur des affrontements impérialistes. Néanmoins, Washington revient en force dans cette région à partir de l'été 1995 sous couvert de l'IFOR devant prendre le relais de la FORPRONU, laquelle avait constitué pendant plusieurs années l'instrument de la présence prépondérante du tandem franco-britannique. La victoire finalement obtenue par les Etats-Unis à travers les accords de Dayton de 1996 ne constituait pas une victoire définitive dans cette partie du monde ni un arrêt de la tendance générale vers la perte de son leadership comme première puissance mondiale. En effet, cette tendance devait se manifester à nouveau très tôt à deux reprises :
- en septembre 96, par les réactions presque unanimes d'hostilité envers les bombardements de l'Irak par 44 missiles de croisière de la part de pays qui avaient soutenu les Etats-Unis en 1990-91 ;
- l'ajournement lamentable en février 1998 de l'opération "Tonnerre du désert" visant à infliger une nouvelle punition à l'Irak et, au-delà de ce pays, aux puissances qui le soutenaient, notamment la France et la Russie. Saddam Hussein ayant tiré les leçons de sa cuisante défaite de 1991 et bien conseillé par ces deux pays, il a eu tôt fait d'accéder formellement aux exigences de l'ONU (concernant l'inspection des sites dit présidentiels) pour mettre en échec le plan américain.
Les Etats-Unis reprennent l'offensive en 1999 en ex-Yougoslavie en ne laissant d'autre issue à leurs alliés que la guerre face à la nouvelle cible désignée, Milosevic. La guerre du Kosovo qui vient d'éclater, menée cette fois dans le cadre de l'OTAN, constitue l'événement le plus important sur la scène impérialiste mondiale depuis l'effondrement du bloc de l'Est à la fin des années 1980. Ayant pour théâtre non plus un pays de la périphérie, comme ce fut le cas de la guerre du Golfe en 1991, mais un pays européen, elle donne lieu à des bombardements de l'OTAN sur la Serbie, le Kosovo et le Monténégro. Ainsi, c'était la première fois depuis la Première Guerre mondiale qu'un pays d'Europe -et notamment sa capitale- était bombardé massivement. C'était aussi la première fois à cette date que le principal vaincu de cette guerre, l'Allemagne, intervenait directement avec les armes dans un conflit militaire.
Pour les autres puissances qui se sont retrouvées impliquées dans la guerre, notamment la Grande-Bretagne et la France, il existait une contradiction entre leur alliance traditionnelle avec la Serbie, qui s'était manifestée de façon très claire pendant la période où l'ex-FORPRONU était dirigée par ces puissances, et cette opération dans le cadre de l'OTAN. Néanmoins, pour ces deux pays, ne pas participer à l'opération "Force déterminée" signifiait être exclus du jeu dans une région aussi importante que celle de Balkans ; le rôle qu'ils pouvaient jouer dans une résolution diplomatique de la crise yougoslave était conditionné par l'importance de leur participation aux opérations militaires.

 

Le tournant du 11 septembre et de la "guerre contre le terrorisme"

En avril 2002, nous écrivions : " la "guerre contre le terrorisme" signifie beaucoup plus que le simple remake des interventions précédentes des Etats-Unis dans le Golfe et dans les Balkans. Elle représente une accélération qualitative de la décomposition et de la barbarie :
- Elle ne se présente plus comme une campagne de courte durée avec des objectifs précis dans une région particulière, mais comme illimitée, comme un conflit presque permanent qui a le monde entier pour théâtre.
- Elle a des objectifs stratégiques beaucoup plus globaux et plus vastes, qui incluent une présence décisive des Etats-Unis en Asie Centrale, ayant pour but d'assurer leur contrôle non seulement dans cette région mais sur le Moyen-Orient et le sous-continent indien, bloquant ainsi toute possibilité d'expansion européenne (allemande en particulier) dans cette région. Cela revient effectivement à encercler l'Europe. Cela explique pourquoi, par opposition à 1991, les Etats-Unis peuvent maintenant assumer le renversement de Saddam alors qu'ils n'ont plus besoin de sa présence en tant que gendarme local étant donné leur intention d'imposer leur présence de façon directe. C'est dans ce contexte qu'on doit inscrire les ambitions américaines de contrôler le pétrole et les autres sources énergétiques du Moyen-Orient et de l'Asie Centrale." (Résolution sur la situation internationale adoptée par la conférence extraordinaire du CCI).
Un tel pas en avant des Etats-Unis n'aurait pas été possible sans les attentats du 11 septembre 2001 que, de toute évidence, les services secrets américains n'ont pas cherché à empêcher alors même qu'ils étaient informés de leur préparation. En effet, les victimes des Twin Towers ont constitué face au monde la justification idéologique nécessaire au déploiement de la présence militaire américaine sur la planète. Sur le plan intérieur, ils ont aussi été le moyen visant à éliminer le dit "syndrome du Vietnam", c'est-à-dire la réticence de la classe ouvrière américaine à se sacrifier directement pour les aventures impérialistes des Etats-Unis.
"Toute cette situation renferme la potentialité d'un développement en spirale hors de contrôle, forçant les Etats-Unis à intervenir toujours plus pour imposer leur autorité, mais multipliant chaque fois les forces qui sont prêtes à se battre pour leurs propres intérêts et à contester cette autorité. Cela n'est pas moins vrai quand il s'agit des principaux rivaux des Etats-Unis" (Ibid.) Et effectivement, l'escalade sans commune mesure de la part des Etats-Unis pour maintenir leur leadership s'est accompagnée d'une contestation elle aussi inégalée de celui-ci de la part de ces même rivaux impérialistes.

Les tensions ont atteint un niveau tel qu'elles ne peuvent plus être dissimulées. Il n'y a pas de limite au chaos que cette dynamique peut engendrer sur la planète, cette dernière pouvant de ce fait subir des dommages irréversibles rendant impossible le dépassement du capitalisme par une société communiste. Une telle perspective ne contient néanmoins pas la possibilité d'une confrontation militaire directe entre certaines de ces puissances d'une part, et les Etats-Unis d'autre part. Ainsi, "frustrées à cause de leur infériorité militaire et des facteurs sociaux et politiques qui rendent impossible une confrontation directe avec les Etats-Unis, les autres grandes puissances redoubleront dans leurs efforts de contestation de l'autorité des Etats-Unis grâce aux moyens qui sont à leur portée : les guerres par pays interposés, les intrigues diplomatiques, etc" (Ibid.)
Le facteur social, commun à toutes ces puissances, Etats-Unis y compris, est le fait qu'il existe dans chacune d'elles un prolétariat qui n'est pas prêt à supporter, tant au niveau de son exploitation que du sacrifice de sa vie, les implications d'une guerre totale. En ce sens, y compris dans la situation actuelle de grande difficulté qu'il connaît depuis le début des années 1990, le prolétariat constitue un frein à la guerre. Lui seul constitue le seul espoir pour l'humanité, puisque lui seul est capable, à travers ses luttes, de s'affirmer dans cette société en décomposition comme une force porteuse d'une alternative à la barbarie capitaliste.

Luc (22 mars)

Questions théoriques: 

  • Impérialisme [2]

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