Nous voulons fortement saluer et manifester notre solidarité avec la lutte qu’ont menée les 23 000 ouvriers de la métallurgie, dont une forte proportion de jeunes ouvriers, à Vigo dans la province de Galice (Espagne) depuis le 3 mai. Sans exception, les médias et les sites web des syndicats et des organisations politiques qui se disent radicales ont maintenu un silence de mort sur cet événement, tant en Espagne qu’au niveau international ([1] [1]). Il est important pour la classe ouvrière que la discussion se fasse sur cette expérience, que nous tirions des leçons avec un esprit critique pour pouvoir les mettre en pratique puisque tous les travailleurs sont affectés par les mêmes problèmes : précarité, conditions de travail toujours plus insupportables, augmentation hallucinante des prix, licenciements, annonces d’attaques sur les retraites, attaques portées sur les travailleurs du secteur public...
Au moment même où le trio infernal gouvernement-patrons-syndicats signait la nouvelle réforme du travail qui, sous prétexte de "lutter contre la précarité", ne fait que l’étendre davantage en baissant le coût des indemnités de licenciement et en proposant une généralisation des CDD limités à deux ans, une grève massive a éclaté dans le secteur de la métallurgie dont la principale motivation était précisément la lutte contre la précarité, qui touche près de 70 % des ouvriers de ce secteur.
La lutte contre la nouvelle réforme du travail ne passe pas par les journées d’action et les "actions" qu’ont organisés les nombreux syndicats "radicaux", mais par la lutte directe des ouvriers, les grèves décidées collectivement ; ce sont ces grèves qu’il faut soutenir et étendre car ce n’est que de cette façon que peuvent être rassemblées les forces nécessaires pour s’opposer efficacement aux attaques permanentes du capital.
La grève des métallurgistes a été massive et s’est organisée sous la forme d’assemblées publiques dans la rue, assemblées que les travailleurs avaient décidé d’ouvrir à tous ceux qui voulaient donner leur opinion, soutenir la grève, poser des questions ou formuler des revendications. Des manifestations massives ont été organisées dans le centre-ville. Plus de dix mille travailleurs se sont réunis quotidiennement pour organiser la lutte, décider des actions à entreprendre, décider vers quelles entreprises il fallait se diriger pour chercher la solidarité d’autres ouvriers, être à l’écoute des rares informations diffusées sur la grève, susciter des discussions avec la population dans la rue, etc.
Il est hautement significatif que les ouvriers de Vigo aient utilisé les mêmes moyens de lutte que les étudiants en France lors des derniers événements. Les assemblées étaient ouvertes aux autres travailleurs, actifs, chômeurs ou retraités. Les assemblées, là-bas comme ici, ont été le poumon du mouvement. Il est aussi significatif qu’aujourd’hui, en 2006, les ouvriers de Vigo reprennent les moyens qu’ils s’étaient donnés lors de la grande grève de 1972 : la tenue quotidienne de grandes assemblées générales réunissant les ouvriers de la ville entière. La classe ouvrière est une classe internationale et historique, ce sont les deux caractéristiques d’où elle tire sa force.
Dès le début du mouvement, les ouvriers en lutte ont tenté de chercher la solidarité des autres travailleurs, en particulier ceux des grandes entreprises de la métallurgie qui bénéficient de conventions particulières et qui, de ce fait, ne seraient pas "concernées". Ils ont envoyé des délégations massives aux chantiers navals, à Citroën et aux usines les plus importantes. Les chantiers navals se sont unanimement mis en grève de solidarité dès le 4 mai. Du point de vue égoïste et froid de l’idéologie de la classe dominante, pour qui chacun ne doit s’intéresser qu’à ses petites affaires, cette action ne peut qu’être une "folie", mais, pour la classe ouvrière, cette action est la meilleure riposte à avoir face à la situation immédiate et pour préparer le futur. Dans l’immédiat, car chaque secteur de la classe ouvrière ne peut être fort que s’il peut s’appuyer sur la lutte des autres. Pour préparer le futur, car la société que le prolétariat aspire à instaurer et qui permettra à l’humanité de sortir de l’impasse du capitalisme, trouve ses fondements dans la solidarité, dans la communauté humaine mondiale.
Le 5 mai, près de 15 000 ouvriers de la métallurgie ont entouré la plus grande usine de la ville (Citroën) regroupant 4500 ouvriers en les invitant à tenir une assemblée aux portes de l’usine et à participer à la discussion pour tenter de les convaincre de rejoindre la grève. Ces derniers étaient divisés, les uns étant prêts à débrayer et les autres voulant travailler. Alors que la discussion se développait, des groupes de syndicalistes ont commencé à jeter des œufs et d’autres aliments sur les ouvriers de Citroën, faisant pencher la balance en faveur de ne pas se joindre aux grévistes. Ils reprirent finalement le travail tous ensemble. Mais la graine semée par la délégation massive des travailleurs ce jour-là commença à porter ses fruits : le mardi 9 commencèrent des débrayages tant à Citroën que dans d’autres grandes entreprises.
La solidarité et l’extension de la lutte avaient aussi été les points forts du mouvement des étudiants en France. De fait, dès qu’un sentiment spontané de solidarité avec les étudiants avaient commencé dans de grandes entreprises, notamment à la Snecma ou à Citroën, le gouvernement français avait retiré le CPE. La solidarité et l’extension de la lutte avaient fortement caractérisé la grève générale de Vigo en 1972, qui fit reculer la poigne de fer de la dictature franquiste. Nous pouvons là aussi voir la force internationale et historique de la classe ouvrière.
Le 8 mai, près de 10 000 ouvriers qui se dirigeaient vers la gare dans l’intention d’informer les voyageurs, après une assemblée générale publique, furent attaqués de toutes parts par la police avec une violence inouïe. Les charges de police furent extrêmement violentes, les ouvriers dispersés par petits groupes étaient harcelés impitoyablement par les forces de l’ordre. Il y eut de nombreux blessés et treize arrestations. A partir de ce moment-là, le black-out a été rompu dans les médias espagnols uniquement pour mettre en avant la violence des affrontements entre les ouvriers et la police.
Cette répression en dit long sur la "démocratie" et ses beaux discours sur la "négociation", la "liberté de manifester" et la "représentation de tous les citoyens". Quand les ouvriers luttent sur leur terrain de classe, le capital n’hésite pas une seconde à déchaîner la répression. Et c’est là que l’on peut voir la véritable nature de ce cynique champion du "dialogue" qu’est Monsieur Zapatero, socialiste et chef du gouvernement. Il a de qui tenir : son dernier prédécesseur socialiste, Monsieur Gonzalez, était déjà le responsable de la mort d’un ouvrier lors de la lutte des chantiers navals de Gijon (1984) et d’un autre à Reinosa lors des luttes de 1987. Ils sont dans la tradition d’un autre illustre bourgeois, le grand républicain de gauche Azaña, qui donna en 1933 l’ordre de "tirer au ventre" lors du massacre des journaliers à Casas Viejas.
La ratonnade de la gare ferroviaire a cependant un objectif politique : enfermer les ouvriers dans des combats épuisants contre les forces de répression, les pousser à abandonner les actions massives (manifestations et assemblées générales) au profit de la dispersion lors d’affrontements contre la police. Le but est clairement de les piéger dans des batailles rangées perdues d’avance qui leur feront perdre le capital de sympathie auprès des autres travailleurs.
Le gouvernement français avait tenté la même manœuvre contre le mouvement des étudiants : "La profondeur du mouvement des étudiants s'exprime également dans sa capacité à ne pas tomber dans le piège de la violence que la bourgeoisie lui a tendu à plusieurs reprises y compris en utilisant et manipulant les ‘casseurs’ : occupation policière de la Sorbonne, souricière à la fin de la manifestation du 16 mars, charges policières à la fin de celle du 18 mars, violences des "casseurs" contre les manifestants du 23 mars. Même si une petite minorité d'étudiants, notamment ceux influencés par les idéologies anarchisantes, se sont laissés tenter par les affrontements avec les forces de police, la grande majorité d'entre eux a eu à cœur de ne pas laisser pourrir le mouvement dans des affrontements à répétition avec les forces de répression" ("Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France", Revue internationale no125).
Les ouvriers se sont alors mobilisés massivement pour exiger la libération des ouvriers arrêtés, avec une manifestation qui a rassemblé près de 10 000 d’entre eux le 9 mai et qui a obtenu gain de cause. Il est significatif que les médias (El País, El Mundo, la télé…) qui jusque-là avaient gardé un silence total sur le mouvement des assemblées, les manifestations massives et la solidarité, aient soudain monté en épingle les affrontements du 8 mai. Le message qu’ils nous font passer est clair : "Si tu veux te faire remarquer et qu’on te prête attention, organise des actions violentes !" La bourgeoisie est la première bénéficiaire de l’épuisement des ouvriers dans des affrontements stériles.
Il y a très longtemps que les syndicats ont cessé d’être l’arme des travailleurs pour devenir le bouclier du capital, comme cela a été démontré par leur participation à toutes les négociations pour les réformes du travail en 1988, 1992, 94, 97 et 2006, qui ont tant fait pour développer la précarité et les "contrats-poubelle". Les trois syndicats (Commissions ouvrières, UGT et CIG [2] [2]) n’ont accompagné la grève que pour pouvoir la miner de l’intérieur et reprendre son contrôle. C’est ce que montre à l’évidence le fait qu’ils se soient opposés sans succès à l’envoi de délégations massives aux autres entreprises, "offrant" en échange d’appeler à une grève générale de la métallurgie le 11 mai. Les ouvriers ne les ont pas attendu et ont refusé d’attendre le jour "J" du bon vouloir syndical. Ils ont alors entrepris de mettre en pratique la méthode authentiquement prolétarienne : l’envoi de délégations massives, le contact direct avec les autres ouvriers, l’action collective et massive.
Mais le 10 mai, après 20 heures de négociations, les syndicats ont signé un accord qui, bien camouflé, contient un coup de Jarnac puisqu’il escamote les revendications essentielles en échange de quelques bimbeloteries et ils se sont empressés d’annuler leur appel à la grève générale du secteur pour le lendemain. Une grande partie des travailleurs a immédiatement manifesté son indignation et le vote a été repoussé au 11 mai face à la signature de cet accord.
Il faut tirer une leçon de cette manœuvre de briseurs de grève : on ne peut pas laisser les négociations entre les mains des syndicats, elles doivent être totalement assumées par les assemblées générales. Celles-ci doivent nommer une commission de négociation qui lui rende compte quotidiennement de l’avancée des discussions. C’est ce qui se faisait dans les années 1970 et que nous devons reprendre si nous voulons éviter d’être dupés par ces vendus.
Nous ne savons pas, à ce jour, comment va se poursuivre la lutte. Mais quelle que soit son issue, elle nous apporte des leçons qui sont vitales. La crise du capitalisme ne lui permet pas de trêve dans ses attaques. Il y a plus de vingt ans maintenant que les conditions d’existence du prolétariat dans tous les pays sont en chute libre, et les attaques seront toujours pires. Nous sommes obligés de nous battre, nous devons affirmer la force de la classe ouvrière et dans ce mouvement, des luttes comme celle de Vigo nous apportent au moins une leçon essentielle : nous en avons assez des méthodes syndicalistes de lutte qui ne conduisent qu’à la démoralisation et à l’impuissance. Seuls les moyens prolétariens de lutte que nous avons vus à l’œuvre à Vigo, et qui sont dans la continuité du mouvement des étudiants en France, nous donnent la force et l’unité dont nous avons besoin. Ils permettent que nous cessions d’être manipulés par les dirigeants syndicaux et que nous devenions une classe qui pense, décide et lutte de façon consciente, unie et solidaire.
CCI / 10.5.06
(D’après la prise de position sur le web de notre section en Espagne)
[1] [3] La CNT, syndicat le plus "radical", a gardé un silence assourdissant sur cette lutte jusqu'au 8 mai.
[2] [4] CIG : Confédération Intersyndicale de Galice. Syndicat nationaliste radical qui a joué un rôle très "combatif" comme contre-poids à la "modération" affichée par les deux autres.
Notre camarade Clara est décédée à l’hôpital Tenon, à Paris, le samedi 15 avril 2006 à l’âge de 88 ans.
Clara était née le 8 octobre 1917 à Paris. Sa mère, Rebecca était d’origine russe. Elle était venue en France parce que, dans sa ville d’origine, Simféropol, en Crimée, elle ne pouvait pas, en tant que juive, faire des études de médecine, comme elle le souhaitait. Finalement, à Paris, elle a pu devenir infirmière. Avant même de venir en France, elle était une militante du mouvement ouvrier puisqu’elle avait participé à la fondation de la section du parti social démocrate de Simféropol. Le père de Clara, Paul Geoffroy, était un ouvrier qualifié spécialisé dans la confection de coffrets à bijoux. Avant la première guerre mondiale, il était membre de la CGT dans la mouvance anarcho-syndicaliste, puis il s’est rapproché du Parti Communiste après la révolution russe de 1917.
Ainsi, depuis sa petite enfance, Clara a été éduquée dans la tradition du mouvement ouvrier. Elle a d’abord adhéré aux jeunesses communistes (JC) lorsqu’elle avait une quinzaine d’années. En 1934, Clara est allée avec son père à Moscou rendre visite à la sœur de sa mère, cette dernière étant décédée quand Clara n’avait que 12 ans. Ce qu’elle a vu en Russie, entre autres choses le fait que les nouveaux logements étaient destinés à une minorité de privilégiés et non aux ouvriers, lui a fait se poser des questions sur la "patrie du socialisme" et, à son retour, elle a rompu avec les JC. A cette époque, déjà, elle avait de nombreuses discussions avec notre camarade Marc Chirik (qu’elle avait connu lorsqu’elle avait 9 ans car la mère de Clara était l’amie de la sœur de la première compagne de Marc) malgré l’opposition de son père qui, resté fidèle au PC, n’aimait pas qu’elle fréquente les "trotskistes".
En 1938, le jour de sa majorité, Clara peut se passer du consentement de son père et elle devient officiellement la compagne de Marc.
A cette époque, Marc était membre de la Fraction italienne (FI) et bien que Clara n’en fut pas membre, elle était sympathisante de ce groupe. Pendant la guerre, Marc a été mobilisé dans l’armée française (bien qu’il ne fut pas français et que pendant de nombreuses années son seul papier d’identité était un arrêté d’expulsion dont l’échéance était prolongée toutes les deux semaines). Il est basé à Angoulême au moment de la débâcle de l’armée française. Avec un camarade de la Fraction italienne en Belgique (qui avait fuit l’avancée des troupes allemande car il était juif), Clara est partie de Paris à bicyclette pour rejoindre Marc à Angoulême. Lorsqu’elle est arrivée, Marc (avec d’autres soldats) avait été fait prisonnier par l’armée allemande qui, heureusement, n’avait pas encore constaté qu’il était juif. Clara a réussi, en lui apportant des vêtements civils, à faire évader Marc (et un autre camarade juif) de la caserne dans laquelle il était prisonnier. Marc et Clara sont passés en zone libre et ont rejoint Marseille à bicyclette en septembre 1940. C’est à Marseille que Marc a impulsé la réorganisation de la Fraction italienne qui s’était disloquée au début de la guerre.
Sans en être formellement membre, Clara a participé au travail et aux discussions qui ont permis le développement du travail de la Fraction italienne reconstituée : malgré les dangers dus à l’occupation de l’armée allemande, elle a été amenée à transporter, d’une ville à l’autre, les documents politiques adressés aux autres camarades de la Fraction italienne.
Pendant cette période, Clara a également participé aux activités de l’OSE (Organisation de Secours des Enfants) qui prenait en charge et cachait des enfants juifs pour les protéger de la Gestapo.
C’est au moment de la "libération" que Marc et Clara ont frôlé de plus près la mort lorsque les "résistants" staliniens du PCF les ont arrêtés à Marseille : ils les ont accusés d’être des traîtres, complices des "boches", parce qu’ils avaient trouvé chez eux, lors d’une perquisition, des cahiers écrits en allemand. En fait, ces cahiers provenaient des cours d’allemand que Marc et Clara avaient reçus de Voline (un anarchiste russe qui avait participé à la révolution de 1917). Voline, malgré la misère noire dans laquelle il se trouvait, ne voulait pas recevoir d’aide matérielle. Marc et Clara lui avaient donc demandé de leur donner des cours d’allemand à la suite de quoi, il acceptait de partager leur repas.
Lors de cette perquisition, les staliniens avaient également trouvé des tracts internationalistes rédigés en français et en allemand et adressés aux soldats des deux camps.
C’est grâce à un officier gaulliste qui était le responsable de la prison (et dont la femme connaissait Clara pour avoir travaillé avec elle dans l’OSE), que Marc et Clara ont pu échapper de justesse aux tueurs du PCF. Cet officier avait d’abord empêché les staliniens d’assassiner Marc et Clara (les résistants du PCF avaient en effet dit à Marc : "Staline ne t’a pas eu mais, nous, on aura ta peau"). Surpris que des juifs soient des "collabos", il voulait "comprendre" la démarche politique de Marc et Clara qui faisaient de la propagande en faveur de la fraternisation des soldats français et allemands. Cet officier s’est rendu compte que leur démarche n’avait rien à voir avec une quelconque "trahison" en faveur du régime nazi. C’est pour cela qu’il les a fait évader de la prison, discrètement, dans sa propre voiture personnelle en leur conseillant de quitter Marseille au plus vite avant que les staliniens ne les retrouvent.
Marc et Clara sont allés à Paris où ils ont rejoint d’autres camarades (et sympathisants) de la Fraction italienne et de la Fraction française de la Gauche communiste. Clara a continué jusqu’en 1952 à soutenir le travail de la Gauche communiste de France (GCF - le nouveau nom que s’était donné la FFGC).
En 1952, la GCF, face à la menace d’une nouvelle guerre mondiale, a pris la décision que certains de ses membres quittent l’Europe afin de préserver l’organisation au cas où ce continent serait de nouveau livré à la guerre. Marc est parti pour le Venezuela en juin 1952. Clara l’a rejoint en janvier 1953 lorsqu’il a enfin réussi à trouver un travail stable dans ce pays.
Au Venezuela, Clara a repris son métier d’institutrice. En 1955, avec un collègue, elle a fondé à Caracas une école française, le Collège Jean-Jacques Rousseau qui, au début n’avait que 12 élèves, principalement des filles qui ne pouvaient fréquenter la seule école française alors présente qui était dirigée pas des frères. Le Collège, dont Clara était la directrice (et Marc l’intendant, le jardinier et le chauffeur du ramassage scolaire) a fini par compter plus d’une centaine d’élèves. Certains d’entre eux, marqués par l’efficacité ainsi que par les grandes qualités pédagogiques et humaines de Clara, sont restés en contact avec elle jusqu’à sa mort. Un de ses anciens élèves, établi aux Etats-Unis, est même venu lui rendre visite en 2004.
Après le départ de Marc et d’autres camarades, la GCF va se disloquer. Ce n’est qu’à partir de 1964 que Marc a pu constituer un petit noyau d’éléments très jeunes qui a commencé à publier la revue "Internacionalismo" au Venezuela.
Au cours de cette période, Clara n’a pas été directement impliquée dans les activités politiques d’Internacionalismo mais son établissement scolaire a fourni les moyens matériels et était un lieu de réunion pour les activités du groupe.
En mai 1968, Marc est venu en France pour participer aux mouvements sociaux et rétablir les contacts avec ses anciens camarades de la Gauche communiste. C’est pendant son séjour en France que la police du Venezuela est venue perquisitionner le Collège Jean-Jacques Rousseau et a découvert le matériel politique qui s’y trouvait. Le Collège a été fermé et même démoli. Clara a été obligée de quitter le Venezuela précipitamment pour rejoindre Marc. C’est à partir de cette période que Marc et Clara se sont de nouveau installés à Paris.
A partir de 1968, Marc a participé au travail du groupe "Révolution Internationale" (RI) qui s’est constitué à Toulouse. A partir de 1971, Clara s’est intégrée activement dans les activités de RI qui allait devenir la section du CCI en France.
Depuis, elle est restée une militante fidèle de notre organisation, prenant sa part dans l’ensemble des activités du CCI. Après la mort de Marc, en décembre 1990, elle a continué son activité militante au sein de l’organisation à laquelle elle à toujours été très attachée. Même si elle a été personnellement très affectée par le départ de certains vieux camarades qui étaient à la fondation de RI ou même d’Internacionalismo, ces désertions n’ont, à aucun moment, remis en cause son engagement au sein du CCI.
Jusqu’au dernier moment, malgré ses problèmes de santé et son âge, elle a toujours voulu continuer à être partie prenante de la vie du CCI. En particulier, c’est avec la plus grande assiduité qu’elle versait tous les mois ses cotisations de même qu’elle tenait à suivre les discussions, même lorsqu’elle ne pouvait plus assister aux réunions. Alors qu’elle avait de très sérieux problèmes de vue, Clara continuait à lire autant que possible la presse et les documents internes du CCI (l’organisation lui en faisait pour cela des tirages en gros caractères). De même, à chaque fois qu’un camarade lui rendait visite, elle lui demandait de lui faire part de l’état des discussions et des activités de l’organisation.
Clara était une camarade dont le sens de la fraternité et de la solidarité a beaucoup marqué l’ensemble des militants du CCI, qu’elle accueillait toujours de façon extrêmement chaleureuse. De même, elle a maintenu des rapports fraternels avec d’anciens camarades de la Gauche communiste, leur apportant notamment sa solidarité devant l’épreuve de la maladie (comme ce fut le cas pour Serge Bricianer, ancien membre de la GCF, ou Jean Malaquais, sympathisant de celle-ci, qu’elle était allé visiter à Genève peu avant sa mort en 1998). Après la mort de Marc, elle a continué à transmettre aux nouvelles générations de militants, cette tradition de fraternité et de solidarité qui caractérisait le mouvement ouvrier du passé. C’est avec joie qu’elle a pu voir cette solidarité de la classe porteuse du communisme ressurgir de façon magistrale dans le mouvement des étudiants en France. Un mouvement que Clara a tenu à saluer avec enthousiasme avant de nous quitter.
Malgré son affaiblissement physique et les difficultés de santé très éprouvantes qu’elle a affronté avec un courage remarquable, Clara nous a quittés au moment même où une nouvelle génération ouvre les portes de l’avenir.
Clara nous donne l’exemple d’une femme qui, toute sa vie, a combattu aux côtés et au sein de la classe ouvrière et faisant preuve pour cela d’un courage hors du commun (notamment en risquant sa vie pendant les années de la contre-révolution). Une femme qui est restée fidèle jusqu’au bout à ses idées et a son engagement révolutionnaires.
Lorsque que l’ensemble du CCI a appris sa disparition, les sections (et des camarades individuellement) ont envoyé à l’organe central du CCI un grand nombre de témoignages saluant la chaleur humaine, le dévouement à la cause du prolétariat et le très grand courage dont Clara a fait preuve toute sa vie durant.
Clara a été inhumée le samedi 22 avril au cimetière parisien d’Ivry (dans ce lieu même ou avait été enterré le mari de Clara Zetkin, Ossip, le 31 janvier 1889). Après les obsèques, le CCI a organisé une réunion en hommage à sa mémoire où se sont retrouvés plusieurs délégations internationales du CCI, de nombreux sympathisants qui ont connu Clara personnellement, de même que des membres de sa famille.
A son fils Marc, à ses petits-enfants Miriam et Yann-Daniel, nous adressons notre plus grande solidarité et sympathie.
Nous publions ci-dessous un large extrait de la lettre que le CCI a adressée à son fils et à sa famille.
CCI / 25.4.06
Le CCI
au camarade Marc
Cher camarade Marc,
Avec ces quelques mots, nous voulons d'abord te manifester notre solidarité et notre sympathie suite à la disparition de Clara, ta mère et notre camarade. Nous voulons également te faire part de l'émotion que ressent l'ensemble des camarades de notre organisation.
La plupart d'entre nous avaient connu Clara d'abord comme la compagne de Marc, ton père, qui a joué un rôle si important dans le combat de la classe ouvrière, en particulier dans les pires moments que celle-ci a traversés, et aussi comme principal forgeron du CCI. En soi, c'était déjà un motif d'affection et de respect envers Clara : "la compagne de Marc ne pouvait être qu'une personne de bien". Le courage et la dignité qu'elle a manifestés au moment de la disparition de ton père, malgré l'amour immense qu'elle lui portait, nous ont confirmé sa très grande force de caractère, une qualité que nous connaissions déjà et qui n'a cessé de se manifester jusqu'à son dernier jour. C'est, entre autres pour cela, que, pour les militants du CCI, Clara n'était pas seulement la compagne de Marc, loin de là. C'était une camarade qui est restée fidèle jusqu'au bout à ses convictions, qui a continué à partager tous nos combats, et qui a tenu, malgré les difficultés de l'âge et de la maladie, à rester en prise avec la vie de notre organisation. Tous les camarades ont été impressionnés par sa volonté de vivre et la totale lucidité qu'elle a conservées jusqu'aux derniers instants. C'est pour cela que l'affection et le respect que chacun d'entre nous lui avait accordés d'emblée, n'ont fait que se renforcer au fil des années.
Peu avant sa mort, ton père nous avait fait part de l'immense satisfaction que lui apportait la disparition du stalinisme, ce bourreau de la révolution et de la classe ouvrière. En même temps, il n'avait pas caché l'inquiétude qu'il éprouvait face aux conséquences négatives que cet événement allait provoquer sur la conscience et la lutte de celle-ci. Clara, parce qu'elle avait conservé ses convictions révolutionnaires intactes, a vu les derniers jours de sa vie éclairés par la reprise du combat des nouvelles générations. C'est pour nous tous, malgré notre peine, un motif de consolation.
Avec Clara, disparaît une des dernières personnes qui a été témoin et acteur de ces années terribles où les révolutionnaires se sont retrouvés à une toute petite minorité pour continuer à défendre les principes internationalistes du prolétariat, un combat mené notamment par les militants de la Gauche italienne, de la Gauche hollandaise et de la Gauche communiste de France et sans lequel le CCI n'existerait pas aujourd'hui. Clara nous parlait quelquefois de ces camarades et nous pouvions sentir dans ses paroles toute l'estime et l'affection qu'elle leur portait. En ce sens, après la disparition de ton père, Clara continuait à être pour nous un lien vivant avec cette génération de communistes dont nous nous revendiquons avec fierté. C'est ce lien, qu'au-delà de la personne de notre camarade Clara, nous avons perdu aujourd'hui. (…) Encore une fois, cher camarade Marc, nous voulons te manifester notre solidarité et nous te demandons de transmettre cette solidarité à tes enfants et aux autres membres de ta famille.
Le CCI / 17.4.06
Le triple attentat du 24 avril à Dahab, station balnéaire égyptienne au plus haut de la fréquentation touristique, faisant près de 30 morts et 150 blessés, est venu rappeler aux populations du monde que nul n’est à l’abri de la fureur terroriste et guerrière qui gagne la planète. Et ce ne sont pas les "condamnations unanimes" et les déclarations hypocrites des hommes d’Etat chez qui cet attentat "soulève des sentiments d’horreur et d’indignation" ou qui rejettent cet acte de "violence odieux" qui vont y changer quelque chose.
Au contraire, cette attaque visant des innocents venus passer quelques jours de vacances a constitué pour eux une nouvelle occasion, derrière leurs larmes de crocodile, de réaffirmer leur "combat contre le terrorisme", c’est-à-dire la continuation et la perspective d’autres massacres, à plus grande échelle.
On peut aujourd’hui mesurer l’efficacité de cette prétendue "lutte sans merci" contre le "fléau terroriste", pour la "paix et la stabilité", menée par les grandes puissances, Etats-Unis en tête, à l’aune de la barbarie qui a littéralement explosé dans de nombreuses régions du monde. Jamais les foyers de tensions guerrières, d’affrontements militaires, d’attentats aveugles à répétition, dans lesquels les puissances grandes et moins grandes ont une responsabilité directe, n’ont été aussi présents, de l’Afrique à l’Asie en passant par le Moyen-Orient, menaçant sans cesse de gagner de l’ampleur.
La guerre en Afghanistan et celle en Irak ont consisté en une suite de désastres avec pour résultat l’extension du chaos et l’impossibilité d’un retour à une quelconque stabilité dans ces pays, de même qu'une instabilité grandissante dans les zones géographiques alentour.
Concernant l’Irak, sa dévastation et les horreurs qui s’y déroulent quotidiennement parlent d’elles-mêmes et ne font qu'annoncer la poursuite.d'un enfoncement dans l’enfer des affrontements armés ouverts ou larvés. Nous ne reviendrons pas ici sur la situation de ce pays dont nous avons traité en détail le mois dernier (voir RI n° 367).
En Afghanistan, dont l’invasion par les troupes de la coalition américaine avait été "légitimée" par la lutte contre le terrorisme incarné par Ben Laden, suite aux attentats du 11 septembre sur les Twin Towers, c’est le marasme le plus complet. Le gouvernement de Kaboul est l’objet d’attaques incessantes et la capitale est régulièrement sous le feu de tirs de roquettes provenant des différentes cliques pachtounes et afghanes en lutte pour le pouvoir. Dans le Sud et l’Est du pays, les taliban ont repris du terrain à coups d’attentats et d’opérations commando. Aussi, les Etats-Unis ont-ils été contraints de mettre sur pied, ce mois-ci, une nouvelle opération de police militaire, appelée "Mountain Lion", forte de 2500 hommes soutenus par une aviation particulièrement impressionnante. Il est clairement établi que les objectifs de cette opération sont d’opérer des destructions massives équivalentes à celles de 2001 et 2002. Cependant, les médias voudraient en masquer l’importance à l’instar du département d’Etat américain qui souligne le caractère surtout "psychologique" de cette nouvelle offensive car il s’agirait d’abord " "d'impressionner les néo-talibans et de stopper l'impression qu'ils ont le dessus", aussi bien aux yeux de la population afghane qu'il s'agit de "rassurer" que de l'opinion publique internationale" (Le Monde du 13 avril). C’est ce qui s’appelle de la dissuasion psychologique massive.
Au Moyen-Orient, c’est un enfoncement dans une barbarie encore aggravée qui s'annonce. Non seulement les Etats-Unis ont été incapables d’imposer un consensus entre Israël et l’Autorité palestinienne, mais leur impuissance à modérer la politique agressive et provocatrice de Sharon a poussé à la crise politique tant dans les territoires occupés qu’en Israël même. Ainsi, les différentes fractions politiques israéliennes se déchirent à qui mieux mieux. Mais c’est surtout du côté palestinien que l’échec est le plus retentissant avec l’arrivée en force du Hamas, fraction palestinienne particulièrement rétrograde et radicalement anti-israélienne, et de surcroît opposée au Fatah. Ainsi, c’est à l’arme à feu que les deux camps palestiniens règlent leurs comptes dans la bande de Gaza, véritable cocotte-minute de 1 600 000 habitants (la plus grande concentration humaine au monde) dont 60% de réfugiés, de plus en plus réduits à la misère par l’arrêt de l’Aide internationale et à l’oisiveté par les barrages et les filtrages de l’armée israélienne empêchant la population d’aller travailler en Israël.
La construction par l’Etat israélien du "mur de l’apartheid" en Cisjordanie ne peut qu’attiser encore plus les tensions et pousser à une radicalisation vers le terrorisme une population palestinienne pressurée, méprisée et de plus en plus embrigadée derrière les groupes islamistes. Lorsque le mur sera achevé, 38 villages regroupant 49 400 Palestiniens seront enclavés et 230 000 résidents palestinien de Jérusalem vont se trouver du côté israélien de la ligne de séparation. Globalement, cette construction va aboutir à un enclavement de la population dans une série de "bantoustans" isolés les uns des autres.
Engagé depuis juin 2003, le bras de fer entre l’Iran et les grandes puissances sur le sujet de la maîtrise du nucléaire par Téhéran s’était particulièrement durci l’été dernier pour atteindre aujourd’hui un point culminant. En effet, avec l’ultimatum lancé par le Conseil de sécurité des Nations Unies intimant à l’Iran la cessation, avant le 28 avril, de toute activité d’enrichissement d’uranium et le refus de ce pays de s’y soumettre, les tensions diplomatiques se sont brutalement exacerbées. Dans un contexte international où la folie guerrière du monde capitaliste ne cesse de s’étaler au grand jour et dans une région de la planète où les tueries quotidiennes font rage, l’épreuve de force ouverte entre l’Etat iranien et les Nations-Unies est lourde de périls. Elle contient le risque d’une nouvelle extension et aggravation de la barbarie.
Il est évident que l’Iran fait son possible pour se doter de l’arme nucléaire, et cela depuis 2000. Les discours de ses dirigeants sur l’utilisation exclusivement "pacifique" et "civile" de ses capacités de produire du nucléaire sont des mensonges purs et simples. Anciennement tête de pont du bloc américain puis relégué au rang de puissance faisant figure d’arriérée dans les années qui ont suivi le règne de Khomeiny, saigné en vie humaines et sur le plan économique par la guerre contre l’Irak au milieu des années 1980, ce pays a progressivement repris du poil de la bête dans les années 1990. Bénéficiant de l’aide militaire russe et de l’affaiblissement de l’Irak (son rival historique pour le contrôle du Golfe persique) suite à la première Guerre du Golfe et aux attaques répétées des Etats-Unis contre Bagdad, jusqu’à l’offensive américaine définitivement destructrice de 2003, l’Iran veut aujourd’hui clairement s’afficher comme la puissance régionale avec laquelle il faut de nouveau compter. Ses atouts ne sont pas négligeables. Cela explique les déclarations de plus en plus provocatrices et méprisantes, de la part des gouvernants iraniens, à l'encontre des Nations-Unies, et surtout des Etats-Unis.
L’Etat iranien, avec le retour au pouvoir de la fraction la plus réactionnaire et la plus islamiste, se présente comme un Etat fort et stable, alors qu’autour de lui, en Irak comme en Afghanistan, c’est le chaos qui règne en maître. Cette situation lui permet d’opérer une offensive idéologique pro-arabe pour se faire valoir comme le fer de lance d’une identité pan-islamique "indépendante" (au contraire de l’Arabie Saoudite présenté comme étant à la solde des Etats-Unis) à travers son discours anti-israélien et son opposition ouverte à l’Amérique.
L’incapacité de Washington à faire régner la pax americana en Irak et en Afghanistan vient donner du grain à moudre à cette propagande anti-américaine et donner du crédit aux déclarations iraniennes suggérant l’inanité des menaces de la Maison Blanche.
La situation en Irak elle-même n’a pu que renforcer les velléités militaires de l’Iran. Outre l’échec évident de Bush, la présence dans la population et au sein du gouvernement irakien d’une forte prédominance de la confession chiite, comme en Iran, est venue stimuler les appétits impérialistes iraniens stimulés par la perspective d'une plus grande influence, à la fois dans ce pays et dans le Golfe persique.
Mais ce sont également les dissensions patentes entre les différents pays participants au Conseil de Sécurité des Nations Unies qui font les choux gras de l’Etat iranien. Ainsi, bien que l’ensemble de ces pays se déclarent "opposés" à la perspective d’un Iran doté de l’arme nucléaire, les divisions ouvertes entre eux constituent un levier supplémentaire permettant à Téhéran de pouvoir hausser le ton face à la première puissance mondiale. Si les Etats-Unis et la Grande-Bretagne réagissent en brandissant la menace d'une intervention, on voit par contre la France se déclarer contre toute intervention militaire en Iran. De leur côté, la Chine et la Russie, tout comme l’Allemagne (qui opère actuellement un rapprochement circonstanciel avec la Russie), sont irréductiblement contre toute mesure de rétorsion qui serait imposée à l’Iran, et encore plus de façon militaire. Il faut se rappeler que ces deux pays, Moscou en tête, ont fourni du matériel à l’Iran pour qu’il puisse développer son arsenal nucléaire.
Devant cette situation, l’administration Bush est dans une situation difficile. La provocation iranienne la contraint à réagir. Cependant, quelle que soit l’option militaire que les Etats-Unis seraient amenés à retenir, a priori celle de frappes aériennes ciblées (sur des cibles mal identifiées et souvent au cœur des grandes villes), une intervention sans risque sur le plan intérieur. Cette nouvelle phase de la guerre au Moyen-Orient est à même d'attiser le sentiment anti-guerre qui se développe au sein de la population américaine de plus en plus opposée à la guerre en Irak.
Mais c’est également à une radicalisation des pays arabes et de tous les groupes islamistes que l’Amérique devrait faire face, sans compter avec des vagues d’attentats dont l’Iran a clairement exprimé la menace à de nombreuses reprises.
Quelle que soit l’issue de la "crise iranienne", il n’est de toute façon pas douteux qu’elle débouchera sur une aggravation des tensions guerrières, entre les pays du Moyen-Orient et les Etats-Unis, mais aussi entre la première puissance mondiale et ses rivaux des pays développés, qui n’attendent qu’un nouveau faux pas de la Maison Blanche pour "marquer des points" contre elle en la désignant comme fauteur de guerre. Quant au sort des populations qui seront, comme tant d'autres avant elles, décimées par la guerre, c'est le dernier des soucis de tous ces brigands impérialistes, petits ou grands.
Mulan / 25.4.06
Dans les articles précédents de la série, nous avons mis en évidence comment, dans tout son processus de constitution, le P.O.B. avait été marqué par la superficialité de l’assimilation du cadre d’analyse marxiste et par la profondeur de l’influence des idées anarchistes de Proudhon ou des théories séditieuses de Blanqui. Les années de combat contre ces idées allaient amener de plus en plus le P.O.B. à opposer l’action légale à l’aventure, la provocation et la conspiration ; dans cette logique, toute action spontanée, surgissant d'un mouvement de colère ou d'une revendication soudaine, ne pouvait qu’être considérée avec méfiance car elle plaçait l'état-major socialiste devant une situation imprévue et déstabilisante ; en outre, toute critique tendait à être perçue comme un débordement, outrepassant la discipline du parti.
Nous avions aussi souligné comment le P.O.B., dès sa constitution, a connu un développement rapide en nombre et en influence ; son action dans le cadre des normes de la légalité bourgeoise nourrira bien vite des illusions sur les possibilités pour la classe ouvrière d'utiliser ces normes à son avantage. L’action des masses tendra de plus en plus à être remplacée par l’action parlementaire et par des accords tactiques (comme le cartel avec les libéraux à partir de 1902, ce qui était unique en Europe) (1).
Au fur et à mesure que l'éventualité d'une crise économique violente et insoluble du capitalisme semble s'éloigner et que se prolonge la prospérité, l’avancée systématique de la condition ouvrière par la lutte économique et politique tourne la tête à de nombreux éléments du mouvement socialiste, ouvrant la porte aux illusions du réformisme, abandonnant ainsi toute aspiration à la prise du pouvoir politique par le prolétariat dans le but de la révolution socialiste. La réalisation de revendications avancées de longue date étourdit et renforce les illusions réformistes; dans un contexte où la classe ouvrière en Belgique arrache enfin quelques réformes substantielles, obtenues après tant d'efforts, il est compréhensible que dans un tel contexte, les dirigeants socialistes belges se soient facilement laissés entraîner sur les voies de l'opportunisme. Elles finiront par conduire le P.O.B. et toute l'Internationale à mettre en avant le fait que la classe ouvrière pourrait conquérir le pouvoir au terme d'une longue évolution qui verrait le nombre triompher sans douleur et par la seule vertu du bulletin de vote! En somme, d'organisation essentiellement orientée vers un futur révolutionnaire, la social-démocratie se transformait graduellement en une organisation fixée sur le présent et sur l'obtention d'améliorations immédiates des conditions de vie de la classe ouvrière.
Dénaturant le marxisme, plusieurs responsables et militants du P.O.B. présentaient la prise de pouvoir comme l'avènement futur d'une majorité parlementaire socialiste, allant de pair avec une succession de réformes effectuées dans le cadre des structures socio-économiques du capitalisme par un processus entièrement pacifique. Toute autre méthode, disait-on, conduirait à une nouvelle Commune de Paris, dont seule la défaite avait été retenue ; toute autre vision de l'avenir n'était que réminiscences anarchistes ou blanquistes. C'est pourquoi cette incompréhension de la lutte révolutionnaire les conduisait, dès la révolte de 1886, à répéter dans de nombreuses déclarations que les grèves doivent être déclenchées au moment voulu, et être légales et strictement pacifiques.
Dès lors, si jusqu’à présent, la succession de nombreux combats aux allures révolutionnaires avaient maintenu à distance la tentation de céder à l’idéologie réformiste pendant les années 1885-1894, cette dernière allait devenir de plus en plus influente et hardie, et les faiblesses allaient devenir de véritables entraves.
Outre une effervescence constante parmi les Jeunes Gardes Socialistes, menant à la constitution de petits groupes oppositionnels essentiellement à Gand, Bruxelles et Anvers - ce qui aura son importance pour l'émergence de noyaux internationalistes pendant la guerre -, on distingua trois courants importants dans l’opposition face à l’opportunisme du P.O.B. : les radicaux révolutionnaires, les syndicalistes révolutionnaires et finalement la gauche marxiste.
Les radicaux révolutionnaires les plus anciens furent le courant autour d'Alfred Dufuisseaux et par la suite de Jules Destrée. Ce fut un courant surtout wallon, marqué davantage par le radicalisme jacobin, blanquiste et démocratique, propageant la lutte ouvrière violente et radicale, que par des fondements socialistes. Il se manifestait surtout au moment où la politique du Conseil général du P.O.B. et des parlementaires heurtait de front les grands mouvements de la classe ouvrière. C’est autour de Dufuisseaux, exclu du P.O.B., que se fonde en 1887 le Parti Socialiste Républicain impliquant tout le mouvement du Hainaut. Mais il s'avère très vite que le P.S.R. était truffé d'agents provocateurs, que ses mots d'ordre les plus extrémistes ont été inspirés par des individus stipendiés par la Sûreté. Ainsi, par leurs actions violentes et isolées en 1888, ils provoquèrent la répression et ont failli décapiter et désorganiser les parties les plus combatives de la classe. La réunification eut lieu en 1889. L’expérience renforce le P.O.B. dans son fervent combat contre le danger réel de l’aventurisme d’un côté, mais accentue de l’autre son incapacité à orienter les combats de classe et le pousse à freiner les actions spontanées de la classe, oubliant les leçons de l’AIT de Marx par rapport aux faiblesses initiales de l’insurrection de la Commune de Paris.
C'est encore le courant oppositionnel de Destrée qui, au lendemain de la Grève générale de 1902, met en cause l'alliance du P.O.B. avec ses alliés bourgeois, mais, à la veille de la guerre, ce courant oppositionnel disparaît et Jules Destrée devient un des chantres les plus passionnés du "socialisme de guerre" ultra-chauvin.
L'affrontement entre les luttes ouvrières effervescentes et l'état-major du P.O.B., qui freinera la potentialité révolutionnaire, font que, surtout à partir de 1893 et encore de1902, il y a non seulement les oppositions radicales internes dans le P.O.B., mais également de multiples dissidences révolutionnaires, comme le Revolutionaire Socialistische Arbeiderspartij en Flandre ou la Ligue Ouvrière (rejointe par le jeune J. Jacquemotte, futur co-fondateur du PCB) et La Bataille en Wallonie. Depuis 1908, on note des tentatives de regroupement d’une extrême-gauche et de dissidents révolutionnaires du P.O.B. qui vont former une Fédération révolutionnaire. La majorité d’entre eux glisse de plus en plus de l'anti-parlementarisme vers un rejet de la lutte politique tout court. Certains se fondent (ou se confondent ?) avec les courants anarchistes. En effet, la politique opportuniste de tergiversation, hésitations, le penchant pour la négociation avec les progressistes libéraux et les atermoiements du P.O.B. font qu’il s'ensuit au sein de la classe ouvrière une tendance à identifier le travail politique avec l'activité parlementaire, l'activité parlementaire avec l'opportunisme, et enfin l'opportunisme avec la notion même de parti politique. La plupart de ceux qui étaient très critiques vis-à-vis du parlementarisme à cette époque étaient très perméables aux positions antiparlementaires intemporelles et radicales des anarchistes.
Face au développement de l'opportunisme, d’une politique du Parti Ouvrier, complètement subordonnée aux routines parlementaires, qui leur apparaissait comme inapte à préparer la transformation socialiste de la société, une autre réponse que donnèrent beaucoup d'ouvriers militants révolutionnaires, consista à rejeter l'activité politique dans son ensemble, et à se replier vers l'"action directe" de type syndical. Ils retrouvent souvent les dissidents radicaux sur leur terrain. Ainsi, le mouvement syndicaliste révolutionnaire étant un courant d’opposition réellement ouvrier, il s'est fixé comme but de construire des syndicats qui seraient des organes unitaires de la classe ouvrière, capables à la fois de la regrouper pour la défense de ses intérêts économiques, de la préparer pour le jour où elle devrait prendre le pouvoir au moyen de la grève générale, et de servir de structure organisationnelle à la société communiste future. Lénine soulignait correctement que : "le syndicalisme révolutionnaire a été le résultat direct et inévitable de l'opportunisme, du réformisme, et du crétinisme parlementaire". Comme l’avance correctement C. Renard dans son étude: "En fait, les syndicalistes révolutionnaires commettaient exactement la même faute que les réformistes qu'ils condamnaient, mais à l'envers ; ils confondaient eux aussi l'action politique et la tactique parlementaire ; ils portaient au compte du parti en tant que tel tous les griefs que justifiaient les pratiques opportunistes, responsables de sa dégénérescence" (2). Ainsi dans son premier numéro, L'Exploité, organe des syndicalistes révolutionnaires belges, affirmait que le syndicalisme aurait le rôle principal à jouer dans le renversement de la société bourgeoise et dans l'instauration de la société collectiviste ou communiste de demain, selon l’exemple de la CGT de Sorel et Monatte en France.
Surtout entre 1903 et 1909 on verra une multitude d’initiatives dans ce sens. Une opposition syndicale révolutionnaire se crée à Liège et Charleroi et plus importante encore, mais moins politique, à Verviers. Des noyaux surgissent également à Gand, Anvers et Bruxelles. Une CGT belge est fondée, qui atteindra au sommet de son existence 4.000 membres. La gauche dans le P.O.B. et sa commission syndicale réagissent en créant une sorte de nouvelle confédération syndicale, plus large et davantage orientée sur la lutte de classe, et avec plus d’indépendance politique vis à vis du P.O.B.. Certains dissidents se (ré)intègrent alors aux syndicats du P.O.B. En mars 1911 fut fondé leur journal L’Exploité, organe socialiste d’action directe et celui-ci développe très vite son influence. Jacquemotte devient un des plus importants représentants d’opposition dans le P.O.B. (il sera le secrétaire du Syndicat des Employés Socialistes de Bruxelles et membre de la Commission syndicale du P.O.B.). Ils s’opposent à l’alliance avec les libéraux et défendent que l’action parlementaire ne résoudra pas la question sociale. Au congrès du P.O.B. de mars 1913, Jacquemotte et ses amis sont les seuls à combattre les thèses de Vandervelde sur la guerre. Dans deux domaines de réflexion d'ailleurs étroitement dépendants — le rôle des syndicats et celui du parti — ils avait sensiblement évolué vers des positions fort proches de celles des marxistes.
Enfin, la réaction à la politique opportuniste provoquera également, en parallèle avec l’opposition syndicale, l’émergence de fractions marxistes, certes faibles. Il s’agit de l’opposition autour d'Henri De Man et de Louis De Brouckère, qui animera pendant quelques années une tendance ouvertement marxiste surtout à Bruxelles, Anvers et Liège.
Au début, l’opposition de Louis De Brouckère s’exprime par rapport au rapprochement continu qu'opère le mouvement ouvrier en direction des libéraux et la parlementarisation croissante que révèle cette évolution. Mais, surtout à partir des élections de 1908, lors du débat sur le ministérialisme, pour lui, il ne peut y avoir, dans le cadre d'une société bourgeoise, des "socialistes ministres, prisonniers des capitalistes et obligés de les servir contre les travailleurs". L'Etat étant un instrument de la classe dominante, "le socialiste qui accepte de faire fonctionner cette machine-là... ne peut, quel que soit son sentiment personnel, que la faire fonctionner contre le prolétariat. Le vote des budgets, comme celui de la guerre, de l'intérieur et de la justice, rendrait en outre les socialistes responsables de la répression anti-ouvrière, de même qu'il rendrait impossible la poursuite d'une nécessaire campagne anti-militariste. Les socialistes deviendraient ainsi auprès des prolétaires les avocats d'office de la bourgeoisie" (3). Du même coup Louis De Brouckère aborde avec clarté la question de la prise du pouvoir : "le prolétariat conscient ne prendra le gouvernement de la société que lorsqu'il sera capable de soutenir par la force le vote de ses électeurs et de briser toutes les résistances qu'on lui opposerait". A ce moment, "le pouvoir socialiste s'érigerait sur les ruines de l'ordre précédent". Sa motion opposée au ministérialisme recueillera un quart des votes au congrès. Une gauche marxiste s'est ainsi cristallisée.
De 1911 à 1913, l'opposition de gauche au sein du P.O.B. se dote d’une revue de tendance La Lutte de classes. En 1913, bien que pas de façon homogène, ils critiquent la décision prise par le "Comité national du Suffrage Universel et de la grève générale" de mettre fin à l'action en faveur de la révision constitutionnelle. Ils avancent même que la Grève générale doit prendre désormais pour cible le capitalisme lui-même, et cette action de masse leur apparaît comme une introduction utile à la "dictature de classe" du prolétariat dont ils affirment la nécessité et l'inévitabilité. Henri de Man et, surtout Louis de Brouckère, vont publier en 1911 leurs critiques théoriques de la politique de la direction du P.O.B. dans une étude dans la "Neue Zeit" du SPD allemand. Et bien que le Parti Ouvrier Belge ne comporte pas de courant se réclamant ouvertement du révisionnisme, cela ne l'empêche pas, affirme De Brouckère dans son étude, de "mettre ce révisionnisme en pratique", "le bemsteinisme sans Bemstein". Dans les toutes dernières années de l'avant-guerre, l'opposition s’essouffle et surtout De Brouckère et De Man rejoignent la direction dans son opposition au développement des mouvements ouvriers de 1913, et ils défendront pleinement la ligne national-chauvine et jusqu’auboutiste pendant la guerre de 14-18 :"Sorti du rang pour critiquer le réformisme, il y rentre quand il est question de le dépasser" (M. Liebman).
Le combat pour un programme révolutionnaire implique toujours le combat contre l'opportunisme dans les rangs du prolétariat ; inversement, l'opportunisme est toujours prêt à s'emparer de la moindre défaillance dans la vigilance et la concentration des révolutionnaires et à utiliser leurs erreurs à ses propres fins, thèse que l’histoire du P.O.B. confirme largement.
" L'exemple belge est donc, à cet égard, très révélateur de la manière dont l'opportunisme et le réformisme étaient devenus, à la veille de la guerre, la tendance dominante de presque tous les partis affiliés à la IIème Internationale. Point de reniements spectaculaires. Une progression lente et sûre sous le manteau de multiples équivoques. Une adaptation profonde non seulement aux conditions spécifiques de chaque pays, mais aussi aux conditions spécifiques du parlementarisme bourgeois dans chaque Etat."(4).
Les voix pour critiquer la direction du P.O.B. furent incontestablement nombreuses pour ne pas dire permanentes. C’est moins la permanence mais plutôt la faiblesse politique de cette critique qu’il faut mettre en exergue. Comme décrit plus haut, la tradition marxiste fut faible, tandis que celles de type anarchiste et syndicaliste révolutionnaire furent fortes et marquèrent le mouvement ouvrier belge, et dès lors aussi la résistance à la dégénérescence réformiste.
Les organisations politiques du prolétariat n'ont jamais été un bloc monolithique de conceptions identiques. Les éléments les plus avancés s'y sont retrouvés souvent en minorité. Ceux qui affirment que le P.O.B. et la deuxième internationale en général étaient un mouvement bourgeois parce qu'il était influencé par l'idéologie dominante, ne comprennent pas le mouvement ouvrier, son combat incessant contre la pénétration des idées de la classe dominante dans ses rangs, ni les conditions particulières dans lesquelles les partis de la 2ème Internationale eux-mêmes menaient cette lutte. La lutte pour construire la Seconde Internationale sur une base marxiste et, plus tard, la lutte des Gauches pour la maintenir sur cette base marxiste contre les tendances réformistes et ensuite, comme nous verrons dans un dernier article, contre les "social-patriotes" n
Lac / 07.04.2006
1. Le lent et difficile combat pour la constitution des organisations ouvrières, Internationalisme n° 324; Réforme sociale ou révolution?, Internationalisme n° 325
2. C. Renard, Octobre 17 et le mouvement ouvrier belge, p. 36
3. L. De Brouckère dans Le Peuple mai 1909
4. C. Renard, Octobre 17 et le mouvement ouvrier belge, p. 14
Nous publions ci-dessous le texte que nous a fait parvenir un sympathisant à l’occasion de la marche silencieuse organisée à Anvers à la suite des meurtres commis en pleine rue le 11 mai dernier. Une fois de plus, c’est la décomposition sociale qui est à l’œuvre: un jeune manquant de perspective d’avenir «pète un plomb» et abat trois personnes dans la rue. Un mois avant, dans la gare centrale à Bruxelles, d’autres jeunes assassinaient un adolescent en lui volant son lecteur MP3. Malheureusement, ce genre de violence est devenue de moins en moins exceptionnelle ces quinze dernières années: enfant violé par des adolescents en Grande-Bretagne, tueries dans des écoles américaines, pogroms anti-étrangers en Allemagne, violences contre les musulmans aux Pays-Bas.
La bourgeoisie utilise ces événements, produits du pourrissement de son propre système d’exploitation, le sentiment légitime d’horreur qu’ils inspirent et la compassion qu’ils suscitent, pour appeler la population en général, et le prolétariat en particulier à se ranger derrière l’Etat et la démocratie, présentés comme les seuls remparts possibles à la violence irrationnelle qui se déchaîne dans toutes les grandes villes. Le capitalisme n’a aucune solution à opposer à cette violence; au contraire, c’est sa propre persistance qui les produit.
Le texte que nous reproduisons est prometteur à plus d’un égard: d’abord, il montre que tout le monde n’accepte plus les «explications» de la bourgeoisie, qu’il existe de plus en plus une tendance à la réflexion critique par rapport aux campagnes idéologiques de la classe dominante. Ensuite, le texte est lui-même un appel à cette réflexion, un appel à la discussion collective, puisqu’il a été diffusé dans l’entourage de son auteur; il invite à débattre ceux-là même qui sont la cible des campagnes de la bourgeoisie, et à ce titre, il constitue une contribution au contre-poison que secrète la classe ouvrière au venin idéologique de la bourgeoisie.
Nous soutenons donc pleinement cette démarche, et nous ne pouvons qu’encourager nos lecteurs à aller dans le même sens.
Récemment, j’ai reçu diverses invitations à participer à la "Marche Blanche" de vendredi. Cette marche vise à réagir aux meurtres commis par un jeune homme de dix-huit ans à Anvers. Après s'être rasé le crâne, ce jeune s'est acheté une arme de chasse et a ensuite commencé son équipée meurtrière. Il a tué une jeune Africaine et un enfant de deux ans et a blessé une jeune fille voilée. Ensuite, il a été lui-même blessé par la police, capturé et interrogé. Durant son interrogatoire, il a dit que c'est consciemment qu'il a abattu des allochtones.
Les assassinats commis sont horribles et ne sont pas justifiables. Beaucoup ont montré leur compassion pour les victimes. On est choqué par la violence irrationnelle qui règne aujourd'hui et on veut le montrer en participant à une marche, organisée par l'Etat. C'est tout à fait compréhensible, mais je me pose quand même beaucoup de questions à ce propos.
Quel est exactement l'objectif de cette marche? "Pour un monde meilleur, sans violence aveugle et raciste" (De Standaard, 26.5.06). Pour montrer à la société que nous sommes contre la violence aveugle. Ne le sommes-nous pas depuis des années? La violence s'est-elle arrêtée? Va-t-elle s'arrêter maintenant? Nous attaquons-nous aux réelles origines de la violence? Je pense qu'il est important d'aller aux racines profondes du problème, de nous poser des questions sur le monde dans lequel nous vivons. Ce n'est pas en défilant passivement dans une marche que nous y changerons quelque chose.
Pourquoi une telle violence irrationnelle existe-t-elle? Pourquoi la xénophobie (= peur des étrangers) existe-t-elle? A cause de quoi les idées xénophobes et d'extrême-droite ont-elles autant de succès dans la période actuelle? Selon moi, ce sont des questions générales, fondamentales qui doivent être posées. Des questions qui remettent en cause la société actuelle et ne se cantonnent pas à sa logique.
Les questions suivantes ont été mises en avant pas les médias et les politiciens: "Le Vlaams Belang est-il responsable? Dans quelle mesure est-il responsable? Quelle peine faut-il infliger au coupable? Que peut-on faire contre cette violence, sans porter atteinte à notre «démocratie»?" Ces questions sont un piège. On raisonne dans le cadre de la logique de cette société, à l'intérieur de ses limites. On ne prend en compte que les conséquences au lieu de changer la société elle-même, car ce sont ses fondements eux-mêmes qui vacillent. Par exemple, le Vlaams Belang serait à l'origine du problème. Cette argumentation ne tient pas la route. Les partis d'extrême-droite sont une conséquence, pas la cause d'une société qui cherche un bouc émissaire pour sa misère. Ces partis attisent bien sûr la haine, mais en dernière analyse, ils sont une expression de la pensée que produit la société actuelle.
Quelle peine pour le meurtrier? Et si pour une fois, on se posait la question de savoir pourquoi il y a des meurtriers? Qu'est-ce qui fait que des gens tuent? La frustration, la dépression? D'où vient le fait qu'autant de gens aujourd'hui ne se sentent pas bien dans leur peau (en 2004, environ 8 % de la population de 15 ans et plus était dépressive)? Est-ce le manque de perspective, le manque de confiance dans l'avenir?
Quoi que vous fassiez, je vous demande de vous poser ces questions générales, d'y réfléchir, d'en discuter avec d'autres et de ne pas aveuglément faire confiance aux slogans des organisateurs. Posez-vous des questions sur la marche elle-même. Qui l'organise? Qui appelle à y participer? Qui y trouve un intérêt? Pour ma part, je ne serai pas présent à la marche.
Sincères salutations,
Y
Le mouvement des étudiants en France contre le CPE est parvenu à faire reculer la bourgeoisie qui a retiré son CPE le 10 avril. Mais si le gouvernement a été obligé de reculer, c’est aussi et surtout parce que les travailleurs se sont mobilisés en solidarité avec les enfants de la classe ouvrière, comme on l’a vu dans les manifestations des 18 mars, 28 mars et 4 avril.
Malgré la "stratégie du pourrissement" décidée par le gouvernement pour faire passer son "Contrat pour se faire entuber" par la force, les étudiants ne se sont pas laissés impressionner par l’ordre de l’intimidation capitaliste, avec ses flics, ses fayots et ses mouchards.
Par leur détermination, leur courage exemplaire, leur sens profond de la solidarité, leur confiance dans la classe ouvrière, les étudiants en lutte (et les lycéens les plus mûrs et conscients) ont réussi à convaincre les travailleurs et à les entraîner dans la rue avec eux. De nombreux salariés de tous les secteurs, du public comme du privé, étaient présents dans les manifestations.
Ce mouvement de solidarité de toute la classe ouvrière a suscité une profonde inquiétude au sein de la bourgeoisie mondiale. C’est pour cela que les médias ont systématiquement déformé la réalité et que la bourgeoisie allemande a été obligée de freiner la mise en application du frère jumeau du CPE en Allemagne. En ce sens, la répercussion internationale de la lutte des étudiants en France est une des plus grandes victoires de ce mouvement.
Les plumitifs les plus médiocres du capital (comme ceux de Libération qui annonçaient dans leur quotidien rose que le "grand soir" des enfants de la "classe moyenne" allait se transformer en "petit matin") peuvent toujours chanter la messe ou La Marseillaise : le combat contre le CPE n’était pas une "fronde" de coupeurs de têtes dirigée par des jacobins des temps modernes, ni une "révolution orange" orchestrée par des fans de chansons "yéyé".
Même si, du fait de leur manque d’expérience, de leur naïveté et de leur méconnaissance de l’histoire du mouvement ouvrier, la grande majorité des étudiants en lutte n’ont pas encore une conscience claire de la portée historique de leur combat, ils ont ouvert les portes de l’avenir. Ils ont repris le flambeau de leurs aînés : ceux qui ont mis fin à la guerre de 1914-18 en développant la solidarité internationale de la classe ouvrière sur les champs de bataille ; ceux qui ont continué à défendre, dans la clandestinité, les principes de l’internationalisme prolétarien pendant le deuxième holocauste mondial ; ceux qui, à partir de mai 68, ont mis fin à la longue période de contre-révolution stalinienne (voir article sur Mai 68) empêchant ainsi le déclenchement d’une troisième guerre mondiale.
Si la bourgeoisie a reculé, c’est aussi pour pouvoir sauver la mise de ses syndicats. La classe dominante (qui a pu bénéficier de la "solidarité" de toute la classe capitaliste des grandes puissances d’Europe et d’Amérique) a fini par comprendre qu’il valait mieux "perdre la face" momentanément plutôt que de plomber son appareil d’encadrement syndical. C’est bien pour sauver les meubles que la cheftaine des patrons, Laurence Parisot (qui, pour la circonstance, a joué brillamment son rôle de "médiateur" et de "partenaire" de la paix sociale) est allée "négocier" avec l’intersyndicale.
Si le gouvernement a fini par céder aux pressions de la rue, c’est parce que, dans la plupart des entreprises, un questionnement s'est fait jour sur l'attitude des syndicats. Ceux-ci n'ont rien fait pour favoriser l'expression de la solidarité des travailleurs avec les étudiants, tout au contraire. Dans la grande majorité des entreprises du public comme du privé, il n’y a eu aucun tract syndical d’appel à la manifestation du 18 mars. Les préavis de grève de la "journée d’action et de mobilisation" du 28 mars et du 4 avril ont été déposés par les directions syndicales à la dernière minute dans la confusion la plus totale. Et si les syndicats ont tout fait pour éviter la tenue d’assemblées générales souveraines, c’est avec l’argument que les salariés n’ont pas "les mêmes méthodes de lutte que les étudiants" (dixit Bernard Thibault, à l'émission Le grand jury de RTL le 26 mars) ! Quant à leur menace de déclencher la "grève générale reconductible" à la fin du mouvement, elle est apparue ouvertement aux yeux d’un grand nombre de travailleurs comme une esbroufe digne du Grand Guignol !
Le seul secteur où les syndicats ont fait un maximum de publicité pour appeler les travailleurs à faire grève lors des journées d’action du 28 mars et du 4 avril, est celui des transports. Mais ces appels à la mobilisation avaient pour seul objectif de saboter le mouvement de solidarité de toute la classe ouvrière contre le CPE. En effet, le blocage total des transports est une manœuvre classique des syndicats (et notamment de la CGT) pour rendre la grève impopulaire et monter les ouvriers les uns contre les autres.. Le fait que les appels syndicaux au blocage des transports aient été peu suivis a permis qu’un maximum de travailleurs puisse se rendre aux manifestations. Il est également révélateur d'une perte de crédit des syndicats dans les entreprises, comme en témoigne encore le fait que, dans les manifestations, un nombre très important de salariés se sont regroupés sur les trottoirs et le plus loin possible des banderoles syndicales.
Et c’est parce que les ouvriers du secteur privé (comme ceux de la SNECMA et de Citroën dans la région parisienne) ont commencé à se mobiliser en solidarité avec les étudiants, contraignant les syndicats "à suivre" pour ne pas perdre le contrôle, que le patronat a fait pression sur le gouvernement pour qu’il recule avant que des grèves spontanées n’éclatent dans des entreprises importantes du secteur privé.
Pour éviter que ses syndicats ne soient complètement discrédités et débordés par un mouvement incontrôlable des salariés, la bourgeoisie française n’avait donc pas d’autre alternative que de voler à la rescousse des syndicats en retirant le CPE le plus vite possible après la manifestation du 4 avril.
Les journalistes les plus intelligents avaient vu juste lorsqu’ils affirmaient à la télé le 7 mars : "il y a des poches de grisou partout" (Nicolas Domenach).
En ce sens, Monsieur Villepin a dit une partie de la vérité lorsqu’il réaffirmait devant les guignols de l’Assemblée Nationale, au lendemain de cette "journée d’action", que sa principale préoccupation, n’est pas la défense de son orgueil personnel, mais "l’intérêt général" (c'est-à-dire du capital national !).
Face à cette situation, les secteurs les moins stupides de la classe dominante ont tiré la sonnette d’alarme en prenant la décision d’annoncer une "sortie rapide" de la crise après la journée d’action du 4 avril où plusieurs millions de manifestants (dont de nombreux travailleurs du secteur privé) sont descendus dans la rue.
Malgré la superbe démonstration de "solidarité" de l’État capitaliste envers ses syndicats, ces derniers ont perdu trop de plumes pour pouvoir mystifier la classe ouvrière avec leurs discours "radicaux". C’est justement pour pouvoir contrôler et quadriller tout le terrain social que, une fois encore, la carte traditionnelle de la "division des syndicats" a été sortie à la fin du mouvement entre les vieilles centrales (CGT, CFDT, FO, CGC, UNEF) et les syndicats "radicaux" SUD et CNT.
Quant à la "coordination nationale", on a pu voir, à la fin du mouvement, de façon très claire que son principal objectif était d’épuiser les étudiants, de les démoraliser et les ridiculiser devant les caméras de télévision (comme cela s’est passé à Lyon le week-end des 8 et 9 avril où, pendant deux jours, les délégués des universités venus de toute la France, ont passé leur temps à voter sur… ce qu’ils doivent voter !)
Face à la perte de crédit des syndicats, on a vu enfin publiquement l’entrée en scène des intermittents du spectacle de cette comédie française : après les grandes centrales syndicales, les "copains" et "copines" d’Arlette Laguiller sont entrés dans la danse à la manifestation du 11 avril pour jouer, à leur tour, les mouches du coche (alors que le 18 mars, les militants de Lutte Ouvrière gonflaient des ballons sur les trottoirs et collaient avec frénésie des auto-collants "LO" sur quiconque s'approchait d'eux !).
Alors que le gouvernement et ses "partenaires sociaux" avaient décidé d’ouvrir les négociations pour une sortie de crise "honorable" et que le CPE a été retiré le 10 avril, on a pu voir LO gesticuler dans la manifestation-enterrement du 11 avril à Paris. Ce jour-là, un maximum de lycéens et d’étudiants jusqu’au-boutistes avaient été appelés à sortir dans la rue pour "radicaliser" le mouvement derrière les drapeaux rouges de LO (aux côtés des chiffons bleus et blanc de SUD ou noirs et rouges de la CNT).
Toutes les cliques gauchistes ou anarchoïdes se sont retrouvées à battre le pavé dans une touchante unanimité derrière le mot d’ordre : "retrait du CPE, du CNE et de la loi sur l’égalité des chances !" ou encore "Villepin démission !".
Le but d’un tel tintamarre, les travailleurs les plus expérimentés le connaissent trop bien. Tromper des étudiants en recherche de perspective politique en faisant valoir un radicalisme de façade derrière lequel se dissimule le caractère foncièrement capitaliste de leur politique. C’est également la carte du "syndicalisme de base" ou "radical" que ces faux révolutionnaires (et vrais saboteurs patentés) cherchent maintenant à mettre en avant pour tenter de parachever la "stratégie de pourrissement" du mouvement. Les gauchistes et les anars les plus excités ont essayé à Rennes, Nantes, Aix ou encore à Toulouse de pousser les étudiants jusqu’au-boutistes paquets par paquets à des affrontements physiques avec leurs camarades qui commençaient à voter en faveur de la levée du blocage des facs.
La mise en avant du syndicalisme "de base", "radical" n’est qu’une manoeuvre bien ficelée de certaines fractions de l’État visant à ramener les étudiants et les travailleurs les plus combatifs derrière l’idéologie réformiste.
Tout le terrain de la réflexion est aujourd’hui bien quadrillé par les saboteurs professionnels de LO, de SUD (né d’une scission de la CFDT dans le secteur des PTT en 1988) et surtout par la LCR (qui a toujours considéré les universités comme sa "chasse gardée" et n’a cessé de cautionner les syndicats en appelant les étudiants à "faire pression" sur leurs directions pour qu’elles appellent à leur tour les travailleurs à entrer dans la lutte). Toutes ses fractions "radicales" de l’appareil d’encadrement de la classe ouvrière n’ont cessé de coller aux basques des étudiants pour dénaturer ou récupérer le mouvement en le rabattant vers le terrain électoral (tout ce beau monde présente des candidats aux élections) c'est-à-dire vers la défense de la "légalité" de la "démocratie" bourgeoise.
Par ailleurs, c’est bien parce que le CPE était un symbole de la faillite historique du mode de production capitaliste que toute la gauche "radicale" (rose bonbon, rouge et verte) se déguise maintenant derrière la vitrine du grand caméléon ATTAC pour nous faire croire qu’on peut construire le "meilleur des mondes" au sein même d’un système basé sur les lois aberrantes du capitalisme, celles de l’exploitation et de la recherche du profit.
Dès que les travailleurs ont commencé à manifester leur solidarité avec les étudiants, on a pu voir les syndicats, les partis de gauche et les gauchistes de tout poil occuper tout le terrain pour tenter de ramener les étudiants dans le giron de l’idéologie interclassiste de la petite-bourgeoisie bien pensante. Le grand supermarché réformiste a été ouvert dans les forums de discussion : chacun a été convié à consommer la camelote frelatée de José Bové, de Chavez (colonel, président du Venezuela et coqueluche de la LCR) ou de Bernard Kouchner et autres "médecins sans frontières" (qui régulièrement viennent racketter et culpabiliser les prolétaires en leur faisant croire que l’argent de leurs dons "humanitaires" pourrait résoudre les famines ou les épidémies en Afrique !).
Quant aux travailleurs salariés qui se sont mobilisés contre le CPE, ils sont appelés maintenant à faire confiance aux syndicats qui sont les seuls à détenir le monopole de la grève (et surtout de la négociation secrète avec le gouvernement, le patronat et le ministère de l’Intérieur).
Dans les AG qui se sont tenues à la rentrée, après les vacances, les étudiants ont fait preuve d’une grande maturité en votant majoritairement pour la levée du blocage et la reprise des cours, tout en manifestant leur volonté de rester soudés pour poursuivre la réflexion sur le formidable mouvement de solidarité qu’ils viennent de vivre. Il est vrai que beaucoup de ceux qui veulent maintenir le blocage des universités éprouvent un sentiment de frustration car le gouvernement n’a fait qu’un petit pas en arrière en reformulant un article de sa loi sur "l’égalité des chances". Mais le principal gain de la lutte se situe sur le plan politique car les étudiants ont réussi à entraîner les travailleurs dans un vaste mouvement de solidarité entre toutes les générations.
De nombreux étudiants favorables à la poursuite du blocage ont la nostalgie de cette mobilisation où "on était tous ensemble, unis et solidaires dans l’action".
Mais l’unité et la solidarité dans la lutte peuvent aussi se construire dans la réflexion collective car dans toutes les universités et les entreprises des liens se sont tissés entre étudiants, entre travailleurs. Les étudiants et les travailleurs les plus conscients savent très bien que "si on reste tout seuls, on va se faire manger tout crus" demain, et cela quelle que soit la couleur du futur gouvernement (n’est-ce pas le ministre socialiste Allègre qui avait mis en avant la nécessité de "dégraisser le mammouth" de l’Éducation Nationale ?).
C’est pour cela que les étudiants, de même que toute la classe ouvrière, doivent comprendre la nécessité de tirer un bilan clair du combat qu’ils viennent de mener contre le CPE autour des questions suivantes : qu’est-ce qui a fait la force de ce mouvement ? Quels ont été les pièges dans lesquels il ne fallait pas tomber ? Pourquoi les syndicats ont-ils autant traîné les pieds et comment ont-ils récupéré le mouvement ? Quel a été le rôle joué par la "coordination" ?
Pour pouvoir mener cette réflexion et préparer les combats futurs, les étudiants et les travailleurs doivent se regrouper pour continuer à réfléchir collectivement, en refusant de se laisser récupérer par ceux qui veulent aller à la soupe et s’installer à Matignon ou à l’Élysée en 2007 (ou tout simplement "faire un score" dans les élections de 2007). Ils ne doivent pas oublier que ceux qui se présentent aujourd’hui comme leurs meilleurs défenseurs ont d’abord tenté de saboter la solidarité de la classe ouvrière en "négociant" dans leur dos la fameuse "stratégie du pourrissement" par la violence (n’est-ce pas l’intersyndicale qui avait conduit à plusieurs reprises les manifestants vers la Sorbonne et a permis ainsi aux bandes de "casseurs" manipulés d’attaquer les étudiants ?).
Le mouvement anti-CPE a révélé le besoin de politisation des jeunes générations de la classe ouvrière face au cynisme de la bourgeoisie et de sa loi sur l’"égalité des chances". Il n’est nul besoin d’étudier Le Capital de Karl Marx pour comprendre que l’"égalité" tout court dans le capitalisme est un miroir aux alouettes. Il faut être complètement idiot pour croire un seul instant que les enfants d’ouvriers au chômage qui vivent dans des cités ghetto peuvent faire des études supérieures à l’ENA ou à Sciences Po. Quant à "l’égalité des chances", l’ensemble de la classe ouvrière sait pertinemment qu’elle n’existe qu’au loto ou au tiercé. C’est pour cela que cette loi scélérate est une grosse "boulette" de la classe dominante : elle ne pouvait être perçue par la jeunesse estudiantine que comme une pure provocation du gouvernement.
La dynamique de politisation des nouvelles générations de prolétaires ne pourra se développer pleinement sans une vision plus globale, historique et internationale des attaques de la bourgeoisie. Et pour pouvoir en finir avec le capitalisme, construire une autre société, les nouvelles générations de la classe ouvrière devront nécessairement se confronter à tous les pièges que les chiens de garde du capital, dans les universités comme dans les entreprises, n’ont pas fini de leur tendre pour saboter leur prise de conscience de la faillite du capitalisme.
L’heure est venue pour que la "boîte à actions-bidon" des syndicats, des anars et des gauchistes se referme afin que s'ouvre à nouveau la "boîtes à idées", que toute la classe ouvrière puisse partout réfléchir et discuter collectivement de l’avenir que le capitalisme promet aux nouvelles générations. Seule cette réflexion peut permettre aux nouvelles générations de reprendre, demain, le chemin de la lutte encore plus forts et plus unis face aux attaques incessantes de la bourgeoisie.
Courant Communiste International / 23.4.06
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