1) L'approfondissement de la crise aiguë du capitalisme se poursuit de façon inexorable. On avait pu assister en 1975-76 à un semblant de reprise après l'aggravation très sensible de 1974, mais 77 a vu partout revenir une profonde "morosité". Si quelques pays réussissent à s'en sortir un peu mieux sur le plan des échanges commerciaux, comme l'Allemagne et le Japon, ils ne peuvent éviter une stagnation de la production ni une élévation du chômage. D'autres pays, comme les Etats-Unis réussissent mieux à faire face à une baisse de la production et sont momentanément parvenus à stopper une augmentation du chômage, mais en même temps ils connaissent un déficit commercial catastrophique et un effondrement de leur monnaie. Et ce tableau ne concerne que les pays les plus développés et puissants; donc les mieux armés face à la crise. La situation des autres est désespérée : inflation de plus de 20 %, chômage de plus en plus écrasant, endettement extérieur insurmontable et qui va en s'aggravant. On peut donc conclure à la faillite totale de toutes les politiques économiques tentées par la bourgeoisie : qu'elles soient néo-keynésiennes ou "monétaristes", inspirées de Harvard ou de "l'école de Chicago".
Et il ne reste plus qu'à essayer de s'en consoler en attribuant des prix Nobel aux économistes qui se sont trompés le plus : le sommet étant atteint évidemment quand on récompense un économiste de ses échecs professionnels en le nommant chef de gouvernement. En fait, la seule "perspective" que la bourgeoisie puisse présenter face à la crise est celle d'une nouvelle guerre impérialiste généralisée.
2) Une telle perspective, les secteurs "optimistes" de la classe dominante essaient évidemment d'en écarter la possibilité ou bien d'en rejeter la "responsabilité" sur les "forces du mal et du bellicisme". Dans la vision pacifiste, une entente entre belligérants et même entre blocs impérialistes est possible et mérite donc qu'on se mobilise pour elle. En fait, une telle vision est une expression typique de l'humanisme petit- bourgeois. Le plus grand reproche qu'on peut lui faire n'est pas qu'elle tourne le dos à la réalité mais qu'elle tende à maintenir des illusions extrêmement dangereuses dans la classe ouvrière :
- possibilité de réforme et d'harmonisation du capitalisme,
- non nécessité de sa destruction pour mettre fin aux catastrophes qu'il engendre.
De plus, une telle conception qui oppose un capitalisme "pacifique" à un capitalisme "belliqueux" constitue une excellente base pour une mobilisation guerrière des pays "pacifiques" contre les pays "militaristes". A l'heure actuelle, on peut assister à une forte offensive de la bourgeoisie sur ce terrain. C'est tout particulièrement le cas au Moyen-Orient où les négociations entre l'Egypte et Israël ne constituent absolument pas une "victoire de la paix", comme dirait le Pape, mais un simple renforcement des positions américaines en vue de mieux préparer les affrontements futurs avec l'autre bloc. Plus généralement, tout le battage sur la "sécurité européenne", la "défense des droits de l'homme" et autres "croisades de paix" de Carter ne constituent que les préparatifs idéologiques de ces affrontements au même titre que les grandes déclarations de soutien au "socialisme", à "l'Indépendance nationale" et à "l’anti-impérialisme" de la part de l'URSS.
3) Une version "moderne" de la conception pacifiste consiste à considérer qu'un affrontement généralisé entre puissances impérialistes n'est plus possible de par l'évolution de leurs armements et particulièrement la possession d'armes thermonucléaires qui, pour la première fois de l’'histoire "favoriseraient l'offensive au détriment de la défensive" et dont l'utilisation se traduirait par des destructions insurmontables pour toutes les bourgeoisies. Ce qu'il faut répondre à une telle conception c'est que :
- elle n'est pas nouvelle ayant déjà été utilisée à l'égard des gaz asphyxiants et des bombardements et ayant "prédit" la fin de toutes les guerres à la veille de 1914 et de 1939,
- elle suppose une "rationalité" du capitalisme et de sa classe dominante, chose qu'ils n'ont pas,
- elle induit l'idée que les guerres sont le résultat du vouloir des gouvernements et non le résultat nécessaire des contradictions propres du système,
- elle débouche sur la possibilité d'une 3ème alternative autre que guerre ou révolution. Outre qu'elle peut démobiliser la classe ouvrière en atténuant les dangers qui menacent l'humanité en l'absence de sa propre action, une telle vision a enfin le tort très grave d'apporter de l'eau au moulin de toute la mystification bourgeoise qui dit "si tu veux la paix, prépare la guerre".
4) En fait, l'expérience de plus d'un demi-siècle a démontré que le seul obstacle qui puisse s'opposer à la "solution " bourgeoise de la crise, la guerre impérialiste, n'est autre que la lutte de classe du prolétariat qui culmine dans la révolution. Si la guerre, par les sacrifices quelle impose aux classes exploitées et le traumatisme qu'elle provoque dans l'ensemble du corps social a pu déboucher sur la révolution, on ne peut pas en conclure qu'il y ait une marche simultanée ou parallèle vers chacune des deux alternatives. Bien au contraire : l'une s'oppose à l'autre. C'est parce que la classe ouvrière est embrigadée par la social-démocratie belliciste et donc battue idéologiquement que la bourgeoisie peut aller à la guerre en 14.
De même, la victoire du fascisme et de ses "alter-ego", les "Fronts populaires" constitue le préalable nécessaire à la guerre de 1939. Réciproquement c'est la lutte de classe et la révolution qui, en 1917 en Russie et 1918 en Allemagne, mettent fin à la guerre. A tous moments, la tendance dominante entre cours vers la guerre et cours vers la révolution est fondamentalement la traduction du rapport de forces entre les deux principales classes de la société : bourgeoisie et prolétariat. C'est pour cela que la perspective sur laquelle débouche la crise actuelle est déterminée par la nature de ce rapport de forces : la capacité pour le capitalisme de mettre en place sa propre "solution" à la crise est Inversement proportionnelle à la capacité de la classe ouvrière de résister et de répondre sur son terrain aux empiétements de la crise.
LE RAPPORT DE FORCES ENTRE CLASSES SOCIALES
5) Le niveau des luttes de la classe connaît à l'heure actuelle, à son détriment, un décalage très net par rapport au niveau atteint par la crise économique. Ce décalage ne peut pas s'exprimer dans l'absolu par rapport à un schéma idéal qui, à une valeur X de la crise, ferait correspondre une valeur Y de la lutte de classe. Par contre, il peut être mis en évidence en termes relatifs par une comparaison entre le niveau dos luttes actuelles et celui des luttes à la fin des années 60, début des années 70, alors que la crise frappait de façon beaucoup moins violente que maintenant.
Une telle comparaison peut et doit se faire tant sur un plan "quantitatif" du nombre de luttes et dont les statistiques peuvent donner une image, que sur un plan "qualitatif" de la capacité de ces luttes à remettre en cause l'encadrement syndical et rejeter les mystifications capitalistes. Ces deux plans sont nécessaires dans la mesure où il n'existe pas un lien mécanique entre la combativité et la conscience de la classe mais où également le nombre des luttes constitue en soi une donnée traduisant un certain niveau de conscience ou étant apte à favoriser celle-ci. Sur le plan "quantitatif", la comparaison fait apparaître depuis quelques années et particulièrement pour 1977, une diminution du nombre de grèves et de travailleurs impliqués dans celles-ci. On peut citer en exemple un grand nombre de pays mais certains sont particulièrement significatifs, comme la France entre 1968 et maintenant ou bien l'Italie entre 1969 et aujourd'hui. Sur le plan "qualitatif'', la comparaison entre le "mai rampant" italien, qui a connu le rejet explicite des syndicats de la part d'un nombre élevé de travailleurs et la situation présente où les syndicats contrôlent, malgré quelques ratés, l'ensemble de la classe ouvrière, parle d'elle-même. Une évolution semblable, bien que plus récente, s'est manifestée en Espagne où une période combats très durs pendant lesquels la classe ouvrière s'est donnée des formes de lutte comme les assemblées, a débordé fréquemment y compris les syndicats non-officiels et a manifesté des tendances à la généralisation dans une ville ou une région, est suivie par une période beaucoup plus "calme" où la signature d'un plan d'austérité n'a pas provoqué de réactions majeures et où les seules mobilisations massives se font sur des thèmes aussi mystificateurs que "l'autonomie nationale" y compris dans des provinces encore peu touchées jusqu'Ici par un tel virus.
6) A l'heure actuelle, les seuls pays qui connaissent des luttes importantes appartiennent à des zones excentrées par rapport au cœur du capitalisme. Il s'agit essentiellement de pays sous-développés ou à mi-chemin entre développement et sous-développement comme l'Amérique Latine (Argentine, Equateur, Bolivie), le Moyen-Orient ou l'Afrique du Nord (Algérie et Tunisie). De telles luttes sont une confirmation du fait qu'il existe dans ces pays, contrairement aux théories prétendant qu'ils doivent encore connaître un développement capitaliste pour qu'il s'y développe une classe ouvrière, un prolétariat capable de lutter pour ses propres Intérêts de classe au point même, dans certains cas, de faire reculer partiellement les menaces de guerre sur un plan local. Mais, en même temps, le fait qu'il faille chercher des luttes Importantes de la classe dans des pays où justement elle est moins concentrée, Illustre d'une façon frappante le fait que globalement la lutte de classe se trouve actuellement dans un creux,
7) Quand II s'agit d'expliquer les causes du décalage entre niveau de la crise et niveau de la lutte de classe, certains courants comme le FOR, par exemple, ont une Interprétation toute prête. Pour eux, la crise, l'insécurité, le chômage pèsent sur la combativité et la conscience de la classe ouvrière au point, de plus en plus, de la paralyser et de la jeter dans les bras des forces politiques bourgeoises. Dans cette conception, il ne peut y avoir de révolution contre le système que quand celui-ci fonctionne "normalement", en dehors des périodes de crise. A une telle analyse, on peut apporter les réfutations suivantes :
La crise ne constitue pas une "anomalie" du fonctionnement du capitalisme; bien au contraire, elle est une expression, la plus véridique et significative de son fonctionnement normal et ce qui était déjà valable dans la phase ascendante de ce mode de production prend une ampleur toute particulière dans la phase de décadence, si on estime que la classe ouvrière ne se révolte que quand "tout va bien" alors on rejette la vision historique du socialisme comme nécessité objective, on en revient aux théories de Bernstein et en niant l'existence d'une relation entre effondrement du système et lutte révolutionnaire, on est obligé de chercher pour cette dernière d'autres facteurs capables de la provoquer - tels que la conscience "fruit de l'éducation" ou la "révolte morale" toute l'histoire du mouvement ouvrier nous enseigne que les révolutions ne viennent qu'après des crises (1846) ou des guerres (1871, 1905, 1917), c'est-à-dire des formes aigues de crise de la société.
Il est vrai que dans certaines circonstances historiques, la crise a pu aggraver la démoralisation et la sujétion Idéologique de la classe (comme ce fut le cas au cours des années 30), mais c'était dans les moments où celle-ci était déjà battue, les difficultés qu'elle rencontrait venant alors Intensifier sa détresse au lieu de radicaliser ses luttes. Il se peut également que certaines manifestations de la crise comme le chômage puissent momentanément désorienter les travailleurs mais, ici encore, l'histoire enseigne que le chômage constitue lui aussi un facteur puissant de prise de conscience de la faillite du système.
En fin de compte, cette conception n'a pas pour seul inconvénient d'être fausse et Incapable de rendre compte ce la réalité historique maïs, de plus, elle conduit è la démoralisation de la classe ouvrière et à son apathie dans la mesure où elle aboutit logiquement à l'idée :
- qu'elle doit attendre patiemment que le système soit sorti de la crise avant d'espérer pouvoir le combattre victorieusement,
- qu'elle doit, pendant ce temps, modérer ses luttes qui ne sont promises qu'à des défaites.
Avec une telle conception, on est donc amené, et pire on incite la classe; à renoncer à la révolution au moment même où elle devient possible et donc à toute perspective révolutionnaire,
8) Pour rendre compte des périodes de creux dans la lutte prolétarienne et donc d'un décalage pouvant apparaître entre niveau d'une crise et le niveau des luttes, le marxisme a déjà mis en évidence le cours sinueux et en dents de scie du mouvement de la classe, différent en cela de celui de la bourgeoisie par exemple et l'explique par le fait que le prolétariat est la première classe révolutionnaire de l'histoire n'ayant dans la vieille société aucune assise économique, marchepied de sa future domination politique, que par suite sa seule force réside dans son organisation et sa conscience acquises dans la lutte et qui sont constamment menacées par les aléas de cette lutte et l'énorme pression exercée par l'ensemble de la société bourgeoise. Ces caractéristiques permettent d'expliquer le caractère convulsif et explosif des luttes prolétariennes, y compris quand le développement de la crise revêt une forme beaucoup plus progressive. Maïs ces traits de la lutte de classe déjà valables au siècle dernier sont encore bien plus nets dans la période de décadence du capitalisme avec la perte pour le prolétariat de ses organisations de masse : parti et syndicats. Et ce phénomène est encore amplifié par le poids de la contre-révolution qui suit la vague révolutionnaire de 1917-23 et qui conduit à une disparition presque totale des organisations politiques de la classe et à la perte de tout un capital d'expérience transmis entre les générations ouvrières.
A ces causes générales et historiques motivant un cours en dents de scie il faut ajouter les conditions particulières de la reprise prolétarienne de la fin des années 60 pour comprendre les caractéristiques présentes de la lutte de classe.
Les débuts du mouvement entre 1968 et 1972 sont marqués par une très forte poussée prolétarienne qui surprend compte-tenu des effets encore peu sensibles de la crise mais qui s'explique par :
Les faibles préparatifs de la classe bourgeoise à qui des décennies de "calme social" avaient fait penser que la révolte ouvrière appartenait désormais à l'imagerie d'Epinal, l'impétuosité des nouvelles générations ouvrières qui s'éveillaient à la lutte sans avoir été brisées comme les précédentes.
On assiste ensuite à une "prise de conscience" et à une contre-offensive de la classe bourgeoise favorisée par :
La lenteur de la crise dont l'approfondissement n'est pas venu immédiatement "soutenir" et "alimenter" la première vague de luttes et grâce à laquelle les gouvernements ont pu faire croire à une possibilité de "bout du tunnel", la jeunesse et l'inexpérience des générations ouvrières qui ont animé cette vague et qui les rend plus vulnérables à des fluctuations et aux pièges tendus par la bourgeoisie.
Pour l'ensemble de ces raisons, la forte aggravation de la crise à partir de 1974 essentiellement marquée par l'explosion du chômage, n'a pas provoqué Immédiatement une réponse de la classe. Au contraire, dans la mesure où elle a frappé celle-ci au moment du ressac de la vague précédente, elle a plutôt eu tendance à engendrer momentanément un plus grand désarroi et une plus grande apathie.
9) La contre-offensive de la bourgeoisie commence à se dessiner avec netteté dès le lendemain des premiers soubresauts de la classe et a pour fer de lance les fractions "de gauche" du capital, celles qui sont les plus "crédibles" pour les travailleurs. Elle consiste dans la mise en avant d'une "alternative de gauche" ou "démocratique", qui a pour but de canaliser le mécontentement ouvrier derrière la lutte contre "la réaction", "les monopoles", "la corruption" ou le "fascisme" dans le "respect des Institutions existantes". C'est ainsi que dans un grand nombre de pays, particulièrement là où la classe ouvrière a manifesté le plus de combativité, est mise en place toute une mystification tendant à "démontrer" :
Que "la latte ne pale pas,
Qu’il faut un "changement" pour faire face à la crise.
Suivant les pays, ce changement prend la forme :
En Grande-Bretagne de l'accession des travaillistes au pouvoir à la suite des grandes grèves de l'hiver 1972-73,
En Italie du "compromis historique" destiné, avec la venue du PCI au gouvernement à "moraliser" la vie politique,
En Espagne, de la "rupture démocratique" avec le régime franquiste,
Au Portugal, de la "démocratie" d'abord, du "pouvoir populaire" ensuite,
En France, du "programme commun" et de "l'union de la gauche" qui doivent mettre fin à 20 ans de politique du "grand capital".
Dans le travail de mobilisation de la classe ouvrière vers des objectifs capitalistes et donc la démobilisation de ses propres luttes, la gauche officielle (PC-PS) a reçu une aide fidèle de la part des courants gauchistes qui sont venus apporter une caution "radicale" à cette politique (particulièrement en Italie et en Espagne) quand ils n'en ont pas été les promoteurs directs.
10) Après cette première étape de mobilisation de la classe ouvrière derrière des objectifs illusoires, l'offensive bourgeoise a comporté en général une autre étape débouchant sur la démoralisation et l'apathie des travailleurs, soit par la réalisation de l'objectif mis en avant, soit par l'échec de sa perspective.
Dans le premier cas, la bourgeoisie poursuit sa mystification en décourageant toute lutte qui risquerait de "compromettre" ou "saboter" l'objectif enfin atteint :
En Espagne, Il ne faut pas faire "le jeu du fascisme", il faut se garder de tout ce qui pourrait affaiblir la "jeune démocratie" et donc favoriser le retour du régime honni,
En Grande-Bretagne, il ne faut pas créer de difficultés au gouvernement "du travail", ce qui favoriserait le retour des "Tories réactionnaires" avec qui "ce serait pire".
Dans le second cas, l'apathie de la classe est le résultat du fait que l'échec de la perspective mise en avant est ressenti comme une défaite, ce qui provoque dans un premier temps désenchantement et démoralisation. Cette démoralisation pèse d'autant plus que, contrairement aux défaites essuyées au cours des véritables luttes du prolétariat, qui sont source d'apprentissage et d'expérience de son unité et de sa conscience, ce type de défaite sur un terrain qui n'est pas le sien (la véritable défaite étant de s'y être laissé entraîner), laisse surtout du désarroi et un sentiment d'Impuissance et non la volonté de reprendre la combat avec de meilleures forces. Les exemples les plus nets d'un tel phénomène sont probablement celui du 25 novembre 1975 au Portugal qui est venu 'ruiner les espoirs de "pouvoir populaire" qui avaient pendant un an dévoyé les luttes prolétariennes, et plus récemment celui de la France où la rupture de l'Union de la Gauche est venue mettre fin à plus de cinq années de mirage du "programme commun" qui d'élection en élection avait réussi à anesthésier totalement la combativité ouvrière.
11) Le fait que la disparition d'une perspective pour laquelle la classe s'est mobilisée, plonge celle-ci dans le désarroi et l'apathie, ne signifie pas que l'ensemble du scénario soit planifié de façon machiavélique et délibérée entre les différentes forces de la bourgeoisie. En réalité, si elle laisse un certain temps le prolétariat désemparé, l'absence de perspectives conformes à l'intérêt bourgeois, risque de déboucher sur des explosions "incontrôlées" dans la mesure où l'encadrement capitaliste, et particulièrement syndical, ne peut se passer de telles perspectives. Et la bourgeoisie n'a aucun intérêt à ce que de telles explosions aient lieu car elles constituent autant d'expériences vivantes qui restent un acquis pour la classe. En fait, la faillite des objectifs qui ont réussi à démobiliser la lutte de classe, est fondamentalement le résultat des conflits entre différents secteurs de la classe dominante, qu'ils touchent des problèmes de politique intérieure (politique à l'égard des couches moyennes, rythme du cours vers le capitalisme d'Etat, ampleur des mesures en ce sens, etc.) ou de politique extérieure (plus ou moins grande intégration dans le bloc de tutelle). Au Portugal, l'élimination de la fraction Carvalho après celle de la fraction Gonçalves des sphères du pouvoir, est le résultat de la conjonction des résistances aux mesures de capitalisme d'Etat préconisées par ces deux fractions et des impératifs de fidélité au bloc américain et dont le PS s'est fait le porte-parole le plus dynamique et efficace.
En France, les motifs de la rupture entre PC et PS résident dans des divergences très importantes sur les mesures de capitalisme d'Etat (rôle et place des nationalisations, etc.) mais encore plus sur la politique extérieure (degré d'intégration dans le bloc américain) et qui pouvaient difficilement s'envisager dans un gouvernement. Mais dans un cas comme dans l'autre, les autres facteurs de la politique bourgeoise ont pu jouer et s'imposer dans la mesure où le facteur lutte de classe était passé au second plan de par la réussite de la mystification mise en avant. Paradoxalement, c'est la réussite du "pouvoir populaire" et du "programme commun" en tant que moyens de dévoyer la lutte prolétarienne qui les rend inutiles comme formules de gouvernement. Pour le moment donc, que les perspectives mises en avant aient été réalisées ou non, la contre-offensive de la bourgeoisie a globalement porté ses fruits en faisant taire presque totalement les réactions de la classe à l'aggravation de la crise, ce qui lui laisse les mains d'autant plus libres pour développer sa propre politique de renforcement de l'Etat et d'intensification de l'économie de guerre.
LE RENFORCEMENT DE L'ETAT
12) Le renforcement de l'Etat capitaliste est un processus constant depuis l'entrée du système dans sa phase de décadence. Il s'exerce dans tous les domaines : économique, politique et social par une absorption croissante de la société civile par le Léviathan étatique. Ce processus s'accélère encore lors des périodes de crise aiguë, telles les guerres et l'effondrement économique qui suit les périodes de reconstruction, comme celui qu'on connaît à l'heure actuelle. Mais l'élément marquant de ces derniers mois consiste dans le renforcement de l'Etat en tant que gardien de l'ordre social, en tant que gendarme de la lutte de classe : c'est ainsi qu'il faut Interpréter le dispositif policier et idéologique promu par le gouvernement allemand et ses confrères européens durant l'Affaire Baader. Ici semble surgir un paradoxe :
D’une part on constate que le renforcement de l'Etat est rendu possible par l'affaiblissement de la lutte de classe, d'autre part, on considère que c'est pour faire face à la lutte de classe que l'Etat se renforce.
Faut-il en conclure que l'Etat se renforce en même temps que la lutte de classe ? Ou bien faut-il dire que sa force est en raison inverse de la lutte de classe ?
Pour répondre correctement à ces questions, il faut prendre en considération l'ensemble des moyens qui constituent la force de l'Etat en tant que gardien de l'ordre (à l'exclusion de sa force économique donc). Ces moyens sont d'ordre :
Répressif, juridique, politique, idéologique. Il est clair qu'on ne peut séparer arbitrairement ces différents moyens dont les champs d'action s'interpénètrent mutuellement pour constituer le tissu superstructurel de la société, mais il est nécessaire de connaître leur spécificité pour comprendre comment Ils sont utilisés par la classe ennemie. En fait, au fur et à mesure que se développe la lutte de classe, les moyens "techniques" de la puissance étatique tendent à se renforcer:
Armement et nombre des forces de répression, mesures policières, arsenal juridique, mais en même temps les moyens politiques et idéologiques, quant à eux, tendent à s'affaiblir crise politique au sein de la classe bourgeoise ("ceux d'en haut ne peuvent plus gouverner comme avant"), rupture idéologique de la classe ouvrière à l'égard de l'emprise bourgeoise ("ceux d'en bas ne veulent plus vivre comme avant"). L'insurrection est le point culminant de ce processus quand l'Etat a été dépouillé de l'ensemble de ses moyens et qu'il ne lui reste plus, face à la lutte de classe, que la force physique, elle-même partiellement paralysée par la décomposition idéologique qui règne dans ses rangs. Quand on considère la puissance de l'Etat, il faut donc distinguer les aspects formels, qui évoluent dans le même sens quo la lutte de classe, de sa force réelle qui, elle, évolue en sens inverse.
13) Les derniers événements entourant l'affaire Baader manifestent un renforcement de l'Etat sur tous les plans, non seulement formel mais réel. Ou point de vue des moyens techniques de la répression, on a assisté ces derniers mois à un déploiement spectaculaire : utilisation des sections spéciales d'intervention de l'Etat allemand systématisation des contrôles frontaliers, quadrillage policier massif, collaboration étroite des différentes polices, proposition d'un "espace judiciaire européen", etc.
Sous l'angle politique, la bourgeoisie allemande a donné l'exemple à ses consœurs européennes en constituant un "Etat major de crise", regroupant les différentes forces politiques rivales surmontant "face au danger" leurs dissections. Mais c'est sur le plan idéologique que l'offensive capitaliste a été la plus importante. Profitant d'un rapport de forces qui lui est pour l'instant favorable, la bourgeoisie a organisé tout un battage sur le terrorisme destiné à :
Justifier les déploiements policiers et les mesures juridiques diverses,
habituer l'opinion à un usage de plus en plus massif de la violence étatique contre la violence des "terroristes", substituer à la vieille mystification "démocratie contre fascisme" quelque peu usée, une nouvelle mystification "démocratie contre terrorisme" qui serait sensé la menacer.
14) Dans cette offensive en vue de renforcer l'emprise policière et idéologique de son Etat, la bourgeoisie a utilisé d’une façon très adroite le prétexte que lui a donné le comportement désespéré d'éléments de la petite bourgeoisie en décomposition, vestiges du mouvement étudiant du milieu des années 60. Mais cela ne signifie pas que ce renforcement trouve sa cause dans les agissements d'une poignée de "terroristes" ou même que ce renforcement n'aurait pu se faire sans ces agissements. En fait, c'est essentiellement de façon préventive contre la classe ouvrière, et non contre les piqûres de moustiques terroristes, que la bourgeoisie déploie dès aujourd'hui son arsenal. Et ce n'est pas un hasard si c'est la bourgeoisie allemande et particulièrement son parti social-démocrate qui se trouve à l'avant-garde de cette offensive :
L’Allemagne occupe au cœur de l'Europe, tant sur le plan économique que géographique, une position clé du point de vue de l'évolution des futures luttes de classe,
Ce pays jusqu'à présent relativement épargné, entre de plein pied dans des convulsions économiques particulièrement sous la forme d'une poussée très forte du chômage, le SPD dispose d'une expérience incomparable en matière de répression de la classe ouvrière; c'est lui qui a joué le rôle de "chien sanglant" contre les insurrections ouvrières à la fin de la première guerre mondiale et qui a provoqué l'assassinat des "terroristes" Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht.
Les leçons essentielles que nous enseignent ou nous rappellent les événements liés à l'affaire Baader, sont :
- Avant même que la classe ouvrière, à l'exception d'une toute petite minorité, ait compris l'inéluctabilité d'affrontements de classe violents avec la bourgeoisie, celle-ci a déjà mis en branle tout un dispositif pour y faire face,
- dans ce dispositif, les partis socio-démocrates joueront en Europe occidentale un rôle majeur, malgré leurs bavardages "humanistes" et "sociaux", et grâce à eux, contrairement à ce qui pouvait se passer dans la période ascendante du capitalisme, le langage "démocratique" ne fait que recouvrir une terreur d'Etat systématique qui ne s'embarrasse des "garanties démocratiques" que quand elles lui conviennent, dans sa lutte à mort contre la classe ouvrière, le capitalisme est ' prêt à utiliser pour survivre, tous les moyens qui seront à sa disposition, y compris les plus terrifiants, la période où le "droit d'asile" avait un sens, est bien terminée; désormais l'ensemble des nations capitalistes, y compris les plus "libérales", deviendra pour les éléments de la classe pourchassés dans leur pays une Immense "planète sans visa".
LE RENFORCEMENT DE L'ECONOMIE DE GUERRE
15) L'économie de guerre n'est pas un phénomène nouveau : elle s'est imposée au capitalisme depuis l’entrée de ce système dans sa phase de décadence marquée par la succession des cycles : crise-guerre-reconstruction- nouvelle crise etc. La guerre constitue le point culminant de la crise de la société ainsi que son expression la plus significative puisqu'elle signe le fait que le capitalisme ne peut se survivre qu'à travers des autodestructions et des mutilations successives. Et, de ce fait, toute la vie sociale et particulièrement l'infrastructure économique est dominée par la guerre, ses effets ou ses préparatifs. Le phénomène de l'économie de guerre apparaît donc de façon généralisée en 1914 par une mobilisation de toutes les ressources de la nation, sous l'égide de l'Etat, en vue de la production d'armements. Après 1918, on assiste cependant à un certain recul de ce phénomène Hé, d'une part aux convulsions sociales de cette période et qui font passer les rivalités inter-impérialistes au second plan dans la vie du capitalisme, et d'autre part aux propres illusions de la bourgeoisie qui avait cru à la véracité de sa propre propagande sur "la der des der". Mais le phénomène apparaît avec encore plus d'Intensité qu'auparavant dans les années 30, suite à la nouvelle crise aiguë qui frappe le système. Il revêt des formes politiques variées (fascisme, national-socialisme, new-deal, fronts populaires, plan De Man) mais qui sont toutes orientées vers les prépara "-tifs pour Ha guerre impérialiste et qui s'accompagnent d'une emprise de plus en plus totalitaire de l'Etat sur l'ensemble de la vie sociale. Un tel phénomène atteint évidemment ses plus grands sommets au cours de la deuxième guerre mondiale mais, au lendemain de celle-ci, contrairement au premier après-guerre, il ne se résorbe pas de façon totale. Avant même que l'Axe ne soit écrasé, les rivalités Inter-impérialistes se manifestent avec force au sein du camp des vainqueurs pour culminer dans la "guerre froide". De ce fait, on note la poursuite d’une production d'armements dans les proportions massives, phénomène qui ne s'est pas démenti jusqu'à aujourd'hui.
16) L'existence permanente d'une économie de guerre ne saurait être interprétée comme une "solution" aux contradictions du capitalisme, qui passerait par une modification radicale du but de la production. Celui-ci, en effet, reste toujours la production de plus-value et contrairement à ce qu'ont pu penser certaines tendances, y compris au sein du mouvement ouvrier- pour qui l'économie de guerre aurait constitué une "politique économique en sol", capable d'éviter au système les crises et de lui assurer une nouvelle ère d'essor et de prospérité, repoussant tout danger de guerre impérialiste, ce type d'économie n'a d'autre signification que la préparation directe de la guerre et ne permet de faire face à aucune des impasses économiques. Certes, on a pu voir que la production d'armes (et plus généralement les dépenses improductives) ont permis une certaine relance de l'activité économique à certains moments de l'histoire (politiques de Hitler et de Roosevelt, par exemple), mais cela n'a pu se faire que :
- par une intensification considérable de l'exploitation de la classe ouvrière,
- par un endettement massif de l'Etat qui doit bien se faire rembourser les dépenses qu'il a engagées et pour qui une nouvelle guerre apparaît comme un moyen (entre autres) de faire payer les pays vaincus.
En ce sens, non seulement l'économie de guerre ne constitue pas une "solution" permettant au capitalisme de surmonter la crise (et donc la guerre elle-même) mais de plus elle vient aggraver encore la situation économique et renforce d'autant la nécessité de la guerre. Ainsi, le fait que l'économie de guerre n'ait cessé d'exister de façon massive depuis 1945, laisse aujourd'hui au capitalisme une marge de manœuvre bien plus étroite qu'en 1929 face à la crise. En 1929, le poids relativement faible de l'économie de guerre et les réserves financières des Etats à l'issue de la période de reconstruction donnaient la possibilité momentanée d'une relance. Par contre aujourd'hui, après 30 années où l'économie de guerre n'a cessé de peser (sans compter la guerre elle-même évidemment), et bien qu'elle ait permis de prolonger la période de reconstruction jusque vers 1965, une telle politique ou son renforcement n'est plus en mesure de permettre un quelconque sursis dans la mesure où les Etats sont déjà endettés de façon généralisée. En particulier, le fait que l'inflation, qui s'était maintenue de façon endémique au lendemain de la guerre comme résultat du poids des dépenses improductives (dont l'armement), ait pris depuis le début de la crise ouverte une forme violente, traduit bien cette réalité que la crise du capitalisme se manifeste aujourd'hui comme crise et faillite des mécanismes basés sur l'économie de guerre elle-même.
17) Mais le fait que l'économie de guerre soit elle-même devenue facteur aggravant de la crise, ne peut empêcher son renforcement croissant de la part de chaque Etat et plus généralement de la part de chaque bloc. Dans la mesure où la guerre constitue le seul aboutissement que le capitalisme puisse donner à sa crise, oblige chaque jour plus chaque bloc à accentuer ses préparatifs de tous ordres et particulièrement sur le plan d'une soumission toujours plus grande de l'économie aux besoins d'armements qui suppose :
- un contrôle de plus en plus absolu et totalitaire de l'appareil productif par l'Etat,
- une réduction massive de la consommation de toutes les classes et catégories sociales,
- une augmentation massive de l'exploitation de la classe produisant l'essentiel des richesses sociales, le prolétariat.
En ce sens, le repli constaté à l'heure actuelle dans la lutte de classe, a permis une nouvelle offensive contre son niveau de vie, correspondant à une tentative pour chaque capital national d'améliorer sa position sur le marché mondial mais aussi à un nouveau renforcement de l'économie de guerre et donc à une accélération du cours vers la guerre elle-même.
VERS LA GUERRE IMPERIALISTE OU LA GUERRE DE CLASSE ?
18) La constatation de l'évolution présente du rapport de forces au détriment du prolétariat et de l'aggravation du cours vers la guerre Impérialiste qui en résulte, peut conduire à 1’idée que désormais ce cours est devenu dominant et que la classe bourgeoise peut, sans entrave notable, déchaîner une nouvelle boucherie impérialiste. En d'autres termes, le prolétariat serait déjà vaincu et incapable de perturber le libre jeu des nécessités capitalistes. Avec une telle analyse, nous serions déjà à la veille de 14 ou 39. Peut-on faire un tel rapprochement Cela supposerait que le degré de soumission du prolétariat au capitalisme soit aujourd'hui au moins égal à ce qu'il était à ces deux dates. Qu’en est-il ?
En 1914, malgré l'influence de la social-démocratie sur les travailleurs, ses succès électoraux, la puissance de ses syndicats, toutes choses qui font l'orgueil de ses dirigeants et d'un grand nombre de ses membres, et à cause de ces faits eux-mêmes, la classe ouvrière est battue, non pas physiquement mais idéologiquement. L'opportunisme a déjà fait ses plus grands ravages : croyance en un passage graduel au socialisme et en une amélioration constante des conditions de vie de la classe ouvrière, abandon de toute perspective d'un affrontement violent avec l'Etat capitaliste, adhésion aux Idéaux de la démocratie bourgeoise, à l'idée d'une convergence des intérêts des travailleurs et de ceux de leur propre bourgeoisie, par exemple dans la politique coloniale, etc. Malgré la résistance de ses éléments de gauche, cette dégénérescence frappe l'ensemble de la social-démocratie qui se fait un agent d'encadrement du prolétariat au service du capitalisme en freinant ses luttes, en les dévoyant vers des impasses, et, enfin, en prenant la tête de l'hystérie guerrière et chauvine. Et, malgré des manifestations locales de combativité ouvrière comme en Russie en 1913, malgré le maintien de certains partis socialistes sur un terrain de classe (comme en Serbie, etc), c'est globalement que la classe ouvrière est battue et plus particulièrement dans les pays les plus Ira- portants comme l'Allemagne, la France, l'Angleterre et la Belgique où différentes manifestations d'opportunisme (le "révisionnisme" de Bernstein et le réformisme "orthodoxe" de Kautsky le ministérialisme de Millerand et l'humanisme pacifiste de Jaurès, le trade-unionisme, le réformisme de Vandervelde) l'ont complètement démobilisée et livrée pieds et poings liés à ses différentes bourgeoisies. En fin de compte, contrairement aux apparences, ce n'est pas l'éclatement de la guerre en août 1914 qui provoque l'effondrement de la Même Internationale mais bien la dégénérescence opportuniste du mouvement ouvrier qui rend possible l'éclatement de la guerre, la- quelle ne fait que mettre en pleine évidence et achever un processus depuis longtemps en cours.
En 1939, lorsque la seconde guerre mondiale est déclenchée, la classe ouvrière se prouve dans une détresse beaucoup plus profonde qu'en 14. C'est à la fois physiquement et idéologiquement qu'elle a été battue. A la suite de la grande vague révolutionnaire du premier après-guerre, la bourgeoisie a mené une contre-offensive massive qui s’est étendue sur près de deux décennies et a comporté trois étapes :
- épuisement de la vague révolutionnaire par une série de défaites dans différents pays, défaite de la Gauche Communiste exclue de l'IC dégénérescente, construction du "socialisme dans un seul pays" (lire le capitalisme d'Etat) en URSS,
- liquidation des convulsions sociales dans le centre décisif où se joue l'alternative historique : l'Allemagne, par l'écrasement physique du prolétariat et l'Instauration du régime hitlérien; simultanément mort définitive de l'IC et faillite de l'opposition de gauche de Trotski sombrant dans le manoeuvriérisme et l'aventurisme.
- dévoiement total du mouvement ouvrier dans les pays "démocratiques" sous couvert de "défense des conquêtes" et "d'antifascisme", enveloppe moderne de la "défense nationale"; en même temps intégration complète des partis "communistes" dans l'appareil politique de leur capital national et de l'URSS dans un bloc impérialiste ainsi que liquidation de nombreux groupes révolutionnaires et communistes de gauche qui, au travers de l'adhésion à l'idéologie antifasciste (particulièrement lors de la guerre d'Espagne) et à la "défense de l'URSS", sont happés dans l'engrenage du capitalisme ou disparaissent. En fin de compte, à la veille de la guerre, la classe ouvrière est soit soumise à ta terreur stalinienne ou hitlérienne, soit complètement dévoyés dans l’antifascisme et les rares groupes communistes qui tentent d'exprimer avec les pires difficultés sa vie politique, sont dans un état absolu d'Isolement et réduits quantitativement à de petits ilots négligeables. Bien moins encore qu'en 1914, elle ne peut apposer la moindre résistance au déclenchement de la deuxième boucherie impérialiste.
19) Aujourd'hui, on peut constater, comme on l'a vu, la persistance de beaucoup d'Illusions - en particulier électoralistes - dans la classe ouvrière; il faut relever également une certaine confiance de sa part à l'égard des partis "ouvriers" (PC et PS) mais on n'est pas autorisé à en conclure qu'elle est déjà battue, ni physiquement, ni idéologiquement. Certes, elle a pu subir ces derniers temps, des défaites physiques comme au Chili en 1973, mais uniquement dans des zones excentrées par rapport au cœur du capitalisme. Sur le plan idéologique, l'influence présente des partis de gauche ne peut pas être comparée à l'influence de la social-démocratie en 1914 ni à celle qu'ils avaient à la fin des années 30 : ils sont passés depuis trop longtemps au service du capitalisme, ils ont à leur actif trop de participations gouvernementales pour qu'ils puissent provoquer parmi les travailleurs les mêmes illusions et le même enthousiasme que par le passé. Par ailleurs, 1'idéologie "antifasciste" est aujourd'hui bien usée pour avoir trop servi déjà et ses "produits de remplacement" comme "l'anti-terrorisme", malgré leur succès présent, ne sont pas promis à une aussi grande carrière: la "bande à Baader" aurait bien du mal à provoquer la même peur que les SS de Hitler. Enfin, le bellicisme, l'envie d'en découdre avec "l'ennemi héréditaire" est bien peu répandue à l'heure actuelle et il est bien difficile pour le moment de mobiliser les jeunes générations ouvrières pour une telle cause (voir par exemple la décomposition du corps expéditionnaire américain au Vietnam au début des années 70).
Globalement, les conditions pour l'engagement d'une nouvelle guerre 4mpériallste sont aujourd'hui bien moins favorables è la bourgeoisie qu'en 1939 et môme qu'en 1914. Et même si elles étaient semblables à celles qui existaient à cette dernière date, on peut considérer que cela ne suffirait pas pour que la bourgeoisie -qui est capable de tirer les leçons de l'histoire - s'engage dans une nouvelle guerre qui risquerait d'aboutir au même résultat qu'en 1917. Les longs préparatifs de la seconde guerre mondiale, l'écrasement systématique avant son déclenchement, démontrent qu'après cette expérience où elle a senti menacée sa survie même, la bourgeoisie désormais ne se laissera entraîner dans une guerre généralisée qu'après avoir acquis la certitude absolue que la classe ouvrière a été dépouillée de toute possibilité de riposte.
Aujourd'hui, une telle certitude de la bourgeoisie passe par un écrasement préalable physique et idéologique du prolétariat. La perspective reste donc : non pas guerre Impérialiste mais guerre de classe, telle qu'elle a été analysée par le CCI à partir des premiers affrontement de classe à la fin des années 60.
20) Si malgré le creux présent, la perspective historique d'aujourd'hui reste à l'affrontement de classes, Il faut donc s'attendre à une reprise, à terme, des luttes prolétariennes. Et bien qu'il soit Impossible de prévoir le moment précis de cette reprise, on peut néanmoins en dégager certaines conditions et caractéristiques. La condition majeure de la reprise est l'abandon par la classe d'une bonne partie des illusions sur les "solutions" mises en avant par la gauche du capital. Un tel processus semble à l'heure actuelle engagé : soit que la gauche au pouvoir ait tendance de plus en plus à se déconsidérer, soit que l'échec des perspectives mises en avant commence à provoquer une certaine perplexité à leur égard. Comme on l'a vu, la perte d'illusions ne permet pas nécessairement et immédiatement un regain de combativité des travailleurs, mais, en général, provoque une certaine apathie. Il n'est pas exclu également, qu'aux illusions perdues II ne puisse s'en substituer de nouvelles mises en œuvre, en particulier, par des secteurs plus "à gauche" de la bourgeoisie. C'est pour cela qu'il serait Imprudent de prévoir une reprise Immédiate et générale des luttes. Cependant, ces nouvelles Illusions ou l'éventuelle démoralisation de la classe ne peuvent elles-mêmes résister à la progression inexorable de la crise, à l'aggravation des souffrances qu'elle représente pour le prolétariat et donc au développement de son mécontentement. En particulier, l'extension massive et persistante du chômage constituera un cinglant démenti des bavardages sur "l'efficacité" des diverses "solutions de rechange" proposées pour "résoudre la crise". Tôt ou tard, c'est cette pression économique elle-même qui jettera de nouveau les ouvriers dans la lutte. Et s'il est difficile d'évaluer le seuil de la crise à partir duquel se réamorcera un nouveau cycle de luttes de classe, il semble possible, par contre, d'établir que ce prochain cycle - et ce sera un des critères qui permettront de le reconnaître et de ne pas le confondre avec des explosions sans lendemain - devra aller au delà du cycle précédent notamment dans deux domaines : l'autonomie des luttes et la reconnaissance de leur caractère International., dans la mesure où c'est par l'encadrement syndical et la mystification sur la défense de "l'économie nationale" que la bourgeoisie a repris les choses en main jusqu'Ici. La prochaine reprise devrait donc se traduire par : un débordement beaucoup plus net que par le passé des syndicats et son corollaire : la tendance à une plus grande auto-organisation (assemblées générales souveraines, constitution de comités de grèves élus et révocables, coordination de ceux-ci entre les entreprises d'une même ville, d'une même région, etc.), une plus grande conscience du caractère international de la lutte qui pourra se traduire dans la pratique par des mouvements de solidarité Internationale, l'envol de délégations d'ouvriers en lutte (et non syndicales) d'un pays à l’autre, etc..
En résumé, la situation d'aujourd'hui se présente comme une veillée d'armes, qui peut encore se prolonger, qui peut être troublée par des éclats violents mais ponctuels, et pendant laquelle se poursuit tout un travail souterrain de maturation, s'accumulent toute une série de tensions et de charges qui vont nécessairement exploser dans de nouveaux et formidables combats de classe, qui ne constitueront probablement pas encore le surgissement révolutionnaire décisif (et II faut s'attendre à de nouvelles contre-offensives bourgeoises et à de nouvelles périodes de recul temporaire), mais à côté desquels ceux de la fin-des années 60 et début des années 70, risquent d'apparaître comme de simples escarmouches.
Janvier 1978
Ce texte n'a pas la prétention de traiter tous les problèmes que soulève la théorie marxiste des crises. Son but est simplement de fournir un cadre au débat qui s'ouvre dans le mouvement révolutionnaire international; il ne prétend pas donner un point de vue "objectif" sur le débat dans la mesure où il défend une interprétation spécifique des origines de la décadence du système capitaliste, mais nous espérons qu'il pourra donner certains axes qui permettent à la discussion de se poursuivre de manière constructive.
De façon générale, nous pouvons dire que le renouveau de la discussion sur la crise du capitalisme vient répondre à la réalité matérielle que nous vivons depuis la fin des années 60 : le plongeon irrémédiable du système capitaliste mondial dans un état de crise économique chronique. Les symptômes avant-coureurs du milieu des années 60 qui avaient pris la forme d'une dislocation du système monétaire international, ont cédé la place aux manifestations d'un désastre plus grand touchant le cœur même de la production capitaliste : chômage, inflation, chute des taux de profit, ralentissement de la production et du commerce. Aucun pays du monde -y compris les soi-disant pays "socialistes"- n'a échappé aux effets dévastateurs de cette crise. Au cours des années (19)50 et 60, l'apparent "succès" de l'économie capitaliste de l'après-guerre a ébloui bien des éléments d'un mouvement révolutionnaire extrêmement restreint qui parvenait à maintenir une existence précaire durant ces années de calme de la lutte de classe et de croissance économique. Socialisme ou Barbarie, l'Internationale Situationniste et d'autres ont pris cette phase de relative prospérité pour argent comptant et déclaré que le capitalisme avait résolu ses contradictions économiques et donc que ce n'était plus dans les limites objectives du système que se trouvaient les conditions d'un soulèvement révolutionnaire mais dans le refus "subjectif" de la classe exploitée. Les prémisses mêmes du marxisme étaient remis en question et l'on relégua les groupes qui continuaient à maintenir que le système capitaliste ne pouvait pas échapper et n'échapperait pas à un nouveau cycle de crises économiques, au rang des "reliques" d'une Gauche Communiste maintenant dépassée et se cramponnant vainement à une orthodoxie marxiste fossilisée.
Néanmoins, quelques petits groupes héritiers de la Gauche Communiste comme Internationalisme en France dans les années 40 et 50, celui de Mattick aux Etats-Unis, Internacionalismo au Venezuela dans les années 60 se sont accrochés avec ténacité à leurs positions. Ils ont compris ce qu'était exactement le boom d'après-guerre : un moment du cycle de crise-guerre et reconstruction qui caractérise le capitalisme dans sa période de décadence. Ils ont reconnu les premiers hoquets de l'économie au milieu des années 60 pour ce qu'ils étaient : les premiers chocs d'un nouvel effondrement économique; et ils ont compris que la résurgence des luttes ouvrières à partir de 68 n'était pas l'expression d'un refus des "dirigés" d'être "dirigés", mais la réponse du prolétariat à la crise économique et à la détérioration de son niveau de vie. Quelques années après 68, c'est devenu impossible de nier la réalité d'une nouvelle crise économique mondiale. Les débats qui ont donc eu lieu alors, ne portent évidemment pas sur l'existence ou non de la crise, mais sur ce qu'elle signifiait : était-elle, comme le prétendaient certains, l'expression d'un déséquilibre purement temporaire, de la nécessité de "restructurer" l'appareil productif, de l'augmentation du prix du pétrole ou des revendications des ouvriers pour l'augmentation des salaires ; ou était-elle, comme l'ont défendu les précurseurs du CCI, une expression du déclin historique irréversible du capitalisme, un nouveau moment de l'agonie du capital qui ne pouvait mener le monde qu'à la guerre ou à la révolution mondiale ?
L'approfondissement inexorable de la crise, la reconnaissance par la bourgeoisie elle-même du fait qu'il ne s'agissait pas d'une simple fluctuation temporaire mais de quelque chose de plus profond et bien plus grave, ont tranché le débat pour les éléments les plus avancés du mouvement révolutionnaire. Un processus de décantation a eu lieu qui laissa de côté les groupes qui niaient la nature de la crise actuelle comme une expression de la décadence du système capitaliste -comme le GLAT en France qui est tombé dans la forme la plus raffinée d'académisme, cependant pas avant d'avoir abandonné silencieusement l'idée que la crise était due à la lutte de classe. Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir si la crise est une manifestation de la décadence du capitalisme, le débat porte sur les fondements économiques de la décadence elle-même, et en ce sens, il est déjà l'expression de tout un processus de clarification qui a eu lieu durant ces quelques années passées. Le seul fait que le débat se situe à ce niveau est le produit des progrès qu'a effectué le mouvement révolutionnaire.
Comprendre que le capitalisme est un système en décadence, est absolument crucial pour toute pratique révolutionnaire aujourd'hui. L'impossibilité des réformes et de la libération nationale, l'intégration des syndicats à l'Etat, la signification du capitalisme d'Etat, la perspective qu'affronte la classe ouvrière aujourd'hui, aucun de ces points fondamentaux ne peut être compris sans les situer dans le contexte de la période historique dans laquelle nous vivons. Mais si aucun groupe révolutionnaire cohérent ne peut travailler sans comprendre la période de décadence, l'importance immédiate du débat sur les fondements économiques de celle-ci est moins claire. Nous tâcherons de traiter cette question dans ce texte, mais pour le moment, nous voudrions revenir sur quelques erreurs qui pourraient être faites. En gros, il est possible de tomber dans trois erreurs:
1) Nier l'importance de la
question sous prétexte qu'elle serait "académique" ou
"abstraite". Le groupe Workers' Voice
de Liverpool qui s'est regroupé avec Revolutionary Perspectives en 75 puis a rompu un an après, est un exemple de cette
attitude. L'une des faiblesses de ce groupe -même si ce n'était pas la plus
importante- c'était son absence de préoccupation et même son incompréhension
vis-à-vis de la décadence.
Il n'allait pas au-delà
d'une vague affirmation que le capitalisme était en déclin, ce qui a amené le
groupe à de graves confusions. Certains membres de Liverpool, quand ils étaient
encore dans la CWO, ont commencé à développer une vision complètement idéaliste
et morale de la lutte de classe, pendant que d'autres succombaient aux
illusions immédiatistes parce que des grèves locales venaient d'avoir lieu. En
règle générale, de telles attitudes de mépris de la "théorie"
s'accompagnent d'une vision activiste du travail politique.
2) Exagérer l'importance du débat. C'est actuellement une tendance répandue dans le milieu révolutionnaire; aussi allons-nous nous étendre un peu plus dessus. Un exemple typique de ce genre, c'est la CWO qui non seulement considère que la seule explication économique de la décadence du capitalisme est la baisse tendancielle du taux de profit, mais encore voit derrière chaque prétendue erreur des groupes politiques leur "fausse" explication de la décadence. Par exemple, la CWO estime que le PIC est activiste parce qu'il a une analyse "luxemburgiste" de la décadence (Revolutlonary Perspectives n°8) et que les insuffisances politiques du CCI (qui vont de son analyse et de ses rapports de la gauche jusqu'à ses erreurs sur la période de transition), plongent aussi leurs racines dans son analyse "luxemburgiste" de la crise. Puisque la CWO juge que les positions politiques ne découlent pas, fondamentalement, d'une compréhension de la période de décadence mais plus encore, de l'analyse économique spécifique faite de celle-ci, elle en conclut qu'il est impossible de se regrouper avec des organisations qui ont une analyse différente des causes de la décadence. En même temps, la CWO insiste énormément sur la nécessité d'écrire des articles sur "l'économie", et ce au détriment d'autres préoccupations qui sont aussi la tâche des révolutionnaires.
On trouve le même genre de tendance académique dans des cercles d'études en Scandinavie, en particulier. Pour beaucoup de camarades là-bas, mener une activité politique régulière et créer une organisation sont des choses impossibles tant qu'on n'a pas compris dans les moindres détails l'ensemble de la critique de l'économie politique qu'a faite Marx. Et puisqu'une telle tâche est pratiquement irréalisable, on repousse indéfiniment l'engagement dans une activité politique au profit de sessions d'études du Capital ou de débats sur les dernières productions du "marxisme" académique dont les universités de Scandinavie ou d'Allemagne nous submergent.
Les camarades qui surestiment ainsi la signification de l'analyse économique, ne comprennent pas en réalité de qu'est le marxisme. Il n'est pas un nouveau système économique" mais la critique de l'économie politique bourgeoise du point de vue de la classe ouvrière. Et en fin de compte, c'est de ce point de vue de classe qui permet d'atteindre une claire compréhension du processus économique de la société capitaliste il n'y a pas d'autre moyen d'y arriver. Penser que la clarté politique et la défense d'un point de vue prolétarien peuvent découler d'une étude abstraite et contemplative de l'économie ou qu'il est possible de séparer la critique marxiste de l'économie politique et le point de vue partisan de la classe ouvrière, c'est laisser tomber les prémisses mêmes du marxisme qui est basé sur l'idée que l'existence précède la conscience et que de sont les intérêts des classes qui déterminent leur vision de l'économie et de la société. C'est tomber dans une caricature idéaliste du marxisme qui est alors considéré comme une science "pure" ou une discipline académique qui existerait dans le royaume des abstractions et bien loin de la réalité sordide et vulgaire de la politique et de la lutte de classe.
La critique de l'économie politique bourgeoise qu'a faîte Marx, montre qu'en dernière instance, les théories économiques bourgeoises sont une apologie des Intérêts de classe de la bourgeoisie; et la critique de Marx est l'expression des intérêts du prolétariat. L'analyse de la tendance inhérente du capital à l'effondrement qui s'exprime dans le Capital et dans d'autres œuvres, constitue l'élaboration théorique de la conscience pratique que le prolétariat développe en tant que sujet historique, dernière classe exploitée dans l'histoire et porteuse d'un mode de production supérieur et sans classe. C'est seulement du point de vue de cette classe qu'on peut comprendre la nature transitoire du capitalisme et que le communisme constitue la résolution des contradictions du capital. Aussi, l'existence du prolétariat précède-t-elle Marx, et les théories élaborées par Marx, le marxisme, sont le produit du prolétariat. Les conceptions générales développées dans le Manifeste Communiste -avec ses positions et ses polémiques "vulgairement politiques" par nos académiciens- ont précédé et jeté les bases de la réflexion la plus développée qui s'exprime dans le Capital. Et le Capital lui-même, cette "merde d'économie" comme le disait Marx, était conçu seulement comme la première partie d'une œuvre beaucoup plus vaste qui devait traiter chaque aspect de la vie politique et sociale dans le capitalisme. Ceux qui pensent qu'on doit comprendre chaque point et chaque virgule du Capital avant de pouvoir aborder les positions de classe du prolétariat et de la défendre activement, mettent simplement le marxisme et l'histoire sur la tête.
Chez Marx, il n'y a pas de distinction entre l'analyse "politique" et l'analyse "économique", l'une qui serait la compréhension pratique du monde d'un point de vue de classe, l'autre qui serait "objective" et "scientifique" et que n'importe quel professeur d'université ou autre gourou gauchiste assez intelligents pour être capables de lire les volumes du Capital, pourrait l'appliquer. C'est la conception de Kautsky et d'autres théoriciens de la Seconde Internationale sur le marxisme -une science neutre élaborée par des intellectuels bourgeois et apportée de "l'extérieur" au prolétariat. Mais pour Marx, la théorie communiste est une expression du prolétariat lui-même :
Le Capital, comme toutes les œuvres de Marx, est le produit militant et polémique d'un communiste, d'un combattant du prolétariat. On ne peut le concevoir autrement que comme une arme du prolétariat, une contribution à sa prise de conscience et à son émancipation. Et comment Marx qui critiquait la philosophie bourgeoise radicale comme toute la philosophie, pour n'avoir fait qu'interpréter le monde, aurait-il pu écrire un autre ouvrage ?
Marx s'est penché sur l'étude de l'économie politique parce qu'il voulait donner une base plus ferme, un cadre plus cohérent aux perspectives politiques qui découlaient de la lutte de classe et de ses expériences. Jamais il ne l'a considérée comme une alternative à une activité politique (et d'ailleurs, Marx interrompait sans cesse ses travaux pour participer à l'organisation de l'Internationale), ni comme l'unique source des positions révolutionnaires; elle ne pouvait, en aucun cas, remplacer ce qui était sa substance réelle : la conscience historique du prolétariat.
Tout comme la clarté politique se base en tout premier lieu sur la capacité à assimiler le contenu de l'expérience de la classe ouvrière, les confusions politiques expriment essentiellement l'incapacité de le faire, et plus encore, la pénétration de l'Idéologie bourgeoise. Ainsi, les confusions d'un Bernstein sur les possibilités offertes au capitalisme de surmonter ses crises, n'étaient pas le simple résultat de son incapacité à comprendre comment fonctionne la loi de la valeur, mais reflétaient la subordination idéologique croissante de la social-démocratie aux intérêts du capital. Et la critique révolutionnaire par Rosa Luxemburg et d'autres du réformisme, ne venait pas du fait qu'ils étaient de "meilleurs économistes" mais de leur capacité à défendre une perspective de classe contre les pénétrations de l'Idéologie bourgeoise.
3) Une autre Idée étroitement liée à cette seconde attitude, c'est de croire que le débat a été ou sera finalement résolu. Ceci implique à nouveau que les processus économiques peuvent tous être compris si on est assez intelligent ou scientifique, ou si on a assez de temps pour s'attacher à leur étude. En fait, au delà de certaines idées fondamentales et en particulier celles qui surgissent directement de la nature et de l'expérience du prolétariat -comme la réalité de l'exploitation, l'inévitabilité de la crise, la signification concrète de la décadence, bien des problèmes "économiques" soulevés par le marxisme ne peuvent jamais être tranchés de façon décisive, précisément parce qu'ils ne relèvent pas tous de l'expérience de la classe dans sa lutte. Ceci s'applique à la question de la force qui détermine le déclin du système capitaliste : l'expérience future de la classe ouvrière ne sera pas suffisante pour déterminer si la décadence a commencé en premier lieu comme résultat de la baisse tendancielle du taux de profit ou bien de la saturation du marché mondial, à la différence d'autres questions aujourd'hui "ouvertes" comme la nature exacte de l'Etat dans la période de transition qui sera résolue dans la prochaine vague révolutionnaire.
Ceci est déjà suffisant pour confirmer que les débats sur les "causes" réelles de la décadence ne peuvent être déclarés achevés, mais il est aussi important de noter que Marx lui-même n'a jamais élaboré une théorie complète de la crise historique du capitalisme et ce serait a-historique de s'attendre à ce qu'il l'ait fait puis qu'il ne pouvait saisir tout le phénomène de la décadence du capitalisme dans une période où le système était encore en train de se développer sur la planète. Marx a dégagé des indications générales, des conceptions fondamentales et par dessus tout une méthode pour aborder le problème. Les révolutionnaires d'aujourd'hui doivent reprendre cette méthode mais, justement parce que le marxisme n'est pas une doctrine figée mais une analyse dynamique d'une réalité en mouvement, Ils ne peuvent pas le faire en se réclamant faussement d'un "marxisme orthodoxe" qui aurait eu depuis longtemps le dernier mot sur tous les aspects de la théorie révolutionnaire. Cette attitude ne conduit en fin de compte qu'à une distorsion de ce que Marx disait en réalité. La CWO, par exemple, qui cherche à montrer que l'explication de la décadence par la baisse tendancielle du taux de profit est la seule explication marxiste, est tombée dans le piège de rabaisser en réalité toute préoccupation concernant la surproduction de marchandises comme si elle n'avait rien à voir avec Marx et comme si c'était seulement une variante de la théorie de la sous-consommation et autres confusions défendues par Malthus et Sismondi. Comme nous le verrons, le problème de la surproduction est central dans la théorie de la crise de Marx. Si le débat sur la décadence veut être fructueux, il doit laisser tomber les appels sectaires à l'orthodoxie et rechercher avant tout à définir le cadre général dans lequel peut avoir lieu une approche marxiste de la discussion.
Il n'y a pas mille et une théories des crises dans la tradition marxiste. Le déclin du capitalisme ne provient pas de l'avidité capitaliste, ni du triomphe "du socialisme sur un sixième de la planète", ni de l'épuisement des ressources naturelles. Fondamentalement, il y a deux explications de la crise historique du capitalisme durant ce siècle parce que Marx a mis en évidence deux contradictions fondamentales qui se trouvaient à la base des crises de croissance que le capitalisme a traversées au 19ème siècle, et qui allaient, à un moment donné, pousser le capitalisme dans une phase de déclin historique, le plonger dans une crise mortelle qui mettrait la révolution communiste à l'ordre du jour. Ces deux contradictions sont : l) la tendance du taux de profit à baisser avec l'inévitabilité de l'élévation constante de la composition organique du capital et 2) le problème de la surproduction, une maladie innée du système capitaliste qui produit plus que le marché ne peut absorber. Bien que Marx ait élaboré un cadre dans lequel ces deux phénomènes sont intimement liés, il n'a jamais terminé son examen du système capitaliste de sorte que selon ses différents écrits, il donne plus ou moins d'importance à l'un ou à l'autre phénomène comme cause fondamentale de la crise. Dans le Capital (livre troisième, 3ème section), la baisse tendancielle du taux de profit est présentée comme l'entrave fondamentale à l'accumulation, bien qu'il y soit aussi traité du problème du marché (voir plus loin). Dans la polémique avec Ricardo, dans les "Théories sur la Plus-value" (Livre quatre du Capital) Marx considère la surproduction de marchandises comme le "phénomène fondamental des crises (p.90). C'est le caractère inachevé de la pensée de Marx sur ce problème crucial -qui n'est pas déterminé par l'incapacité personnelle de Marx à achever le Capital- mais comme nous l'avons dit, par les limites de la période historique dans laquelle il écrivait, qui a amené la controverse au sein du mouvement ouvrier sur les fondements économiques du déclin du capitalisme.
La période qui a suivi la mort de Marx et d'Engels a été caractérisée par une stabilité économique relative dans les métropoles capitalistes et par la course finale et décisive des puissances capitalistes pour s'annexer les parties du globe non encore conquises. Le débat sur les origines spécifiques des crises capitalistes tendait à cette époque à se situer dans le contexte des houleux débats au sein de la Seconde Internationale entre les réformistes et les révolutionnaires, les premiers niant que le capitalisme puisse rencontrer des entraves fondamentales à son expansion tandis que les seconds commençaient à comprendre que l'impérialisme était un symptôme de la fin de la phase ascendante du capitalisme. A cette époque, la théorie "orthodoxe" de la crise dans le marxisme, comme la défendait Kautsky entre autres, tendait à se concentrer sur la question du marché mais elle n'avait pas été systématisée ni reliée à la décadence du système jusqu'à ce que Rosa Luxemburg fasse paraître "L'Accumulation du Capital" en 1913. Ce texte constitue l'exposé le plus cohérent de la thèse selon laquelle la décadence du capitalisme a lieu d'abord et avant tout à cause de l'impossibilité de développer le marché de façon continue. Luxemburg développait l'idée que puisque la totalité de la plus-value du capital social global ne pouvait être réalisée de par sa nature même ou sein des rapports sociaux capitalistes, la croissance du capitalisme était dépendante de ses continuelles conquêtes de marchés précapitalistes; l'épuisement relatif de ces marchés vers la fin du 19ème siècle et le début du 20ème a précipité l'ensemble du système capitaliste dans une nouvelle époque de barbarie et de guerres impérialistes.
La première guerre mondiale a apporté la confirmation de la réalité de cette nouvelle époque; la compréhension que le capitalisme venait d'entrer dans une nouvelle étape, "la période de décomposition et d'effondrement de tout le système capitaliste mondial" (Invitation au 1er congrès de l'IC, Janvier 1919) devenait un axiome pour l'ensemble du mouvement révolutionnaire de l'époque, mais l'Internationale n'avait pas pour autant une position unanime sur les causes spécifiques de la décomposition du capitalisme. Les principaux théoriciens de l'Internationale comme Lénine et Boukharine n'étaient pas d'accord avec Rosa Luxemburg et ils mettaient en avant la baisse tendancielle du taux de profit; Lénine, en particulier, était aussi influencé par les lubies d'Hilferding sur la théorie de la concentration qui est une impasse dans la pensée marxiste. L'Internationale n'a jamais élaboré une analyse complète de la décadence. Au contraire, son analyse était marquée par son incapacité à voir que l'ensemble du monde capitaliste était en décadence, de sorte qu'il n'y avait plus de révolutions bourgeoises ou de libérations nationales possibles dans les colonies.
Les minorités révolutionnaires les plus cohérentes de cette période et durant la période de défaite qui a suivi, les communistes de gauche d'Allemagne et d'Italie étaient plutôt d'accord avec la théorie de Rosa Luxemburg. Cette tradition relie le KAPD, Bilan, Internationalisme et le CCI aujourd'hui. A la même époque, durant les années 30, Paul Mattick, qui appartenait au mouvement des Communistes de Conseils, reprenait la critique d'Henryk Grossman à Rosa Luxemburg et l'idée que la crise permanente du capitalisme a lieu lorsque la composition organique du capital atteint une telle ampleur qu'il y a de moins en moins de plus-value pour relancer l'accumulation. Cette idée de base - tout en étant davantage élaborée sur de nombreux points, est aujourd'hui défendue par des groupes révolutionnaires comme la CWO, Battaglia Comunista et certains des groupes qui surgissent en Scandinavie (et des éléments du CCI partagent aussi ce point de vue). Il faut donc voir que le débat qui a lieu aujourd'hui, trouve ses racines historiques tout le long du chemin qui nous ramène à Marx.
Le débat sur les racines économiques de la décadence soulève deux premières questions : les deux explications s'excluent-elles mutuellement ? Amènent-elles à des conclusions politiques différentes ? Voyons d'abord un aspect de la première question : ceux qui défendent aujourd'hui la théorie de Mattick affirment que l'analyse de Rosa Luxemburg n'a rien à voir avec Marx. Si cela est vrai, alors on ne peut pas parler d'un débat entre ces deux positions.
Durant ces dernières années, un certain nombre de révolutionnaires qui ont surgi de la reprise de la lutte de classe, a défendu la position de Mattick, entre autres parce qu'à première vue, les explications liées à la baisse tendancielle du taux de profit semblent s'inscrire mieux dans l'analyse que Marx a développée dans le Capital. Marx a situé l'explication de la crise dans la Sphère de la production" disent-ils, et non dans celle de la "circulation". Et c'est la bourgeoisie qui s'occupe des "problèmes de marché". Et la plupart des camarades qui nous disent ça, ne manquent pas de reprendre le vieux cri de guerre des "critiques" qui ont attaqué Rosa en 1913 : toute la théorie de Luxemburg est basée sur une incompréhension du schéma de Marx sur la reproduction élargie dans le 2ème livre du Capital. Le problème que pose Rosa sur la réalisation de la plus-value n'existe pas. On trouve dans R.P. n°6 un texte particulièrement virulent de ce genre, dans lequel la CWO, avec son sectarisme coutumier, accuse Luxemburg d'abandonner totalement le marxisme.
Le CCI ne répondra pas ici à ce texte, mais nous voudrions, pour le moment, montrer pourquoi nous considérons que la théorie de Luxemburg se situe entièrement d'un point de vue marxiste et que l'explication de la décadence du capitalisme par le phénomène de la baisse tendancielle du taux de profit obscurcît certains points cruciaux de l'analyse de Marx. Voyons tout d'abord une citation de la CWO dans RP n°6 :
Cette affirmation tombe complètement à côté de ce que Marx a montré à propos des crises. L'idée que les crises de surproduction sont dues à une "disproportion" entre les secteurs -c'est-à-dire qu'elles ne trouvent pas leurs causes dans les rapports sociaux capitalistes mais qu'elles sont simplement des inadéquations temporaires et contingentes entre l'offre et la demande- c'est précisément l'idée de Say et de Ricardo que Marx attaque dans les Théories sur la plus-value :
Ou encore, comme Marx le dit plus loin, selon les disciples de Ricardo :
Marx dénonce ces enfantillages et montre que "toutes les objections faites par Ricardo etc., à la surproduction ont la même base : ces économistes regardent la production bourgeoise comme un mode de production où il n'y a pas de distinction entre l'achat et la vente" (p.91) ; ce sont des apologistes de cette production, pour Marx, le phénomène de la surproduction n'est pas une interruption temporaire dans un processus d'accumulation par ailleurs régulier et constant. Une telle harmonie entre l'offre et la demande est, peut-être, théoriquement possible dans une société de simple production marchande, mais pas dans une société fondée sur les rapports de classe capitalistes, dans une société basée sur la production de plus-value. En réalité :
Marx développe aussi l'analyse des limites inhérentes au marché capitaliste lorsqu'il met en évidence:
"Le simple rapport du salarié et du capitaliste implique deux choses :
Le capitalisme doit s'étendre continuellement vers des "marchés extérieurs" s'il veut éviter la surproduction à cause de ces limites "internes" au marché capitaliste :
Marx revient aussi sur ce point dans la partie qui traite du taux de profit dans le Capital, livre 3 :
Ici, comme l'explique Rosa dans l'Accumulation du capital, quand Marx parle de "l'extension du champ extérieur de la production" ou "du commerce extérieur", il veut dire l'extension vers des aires non-capitalistes et le commerce avec elles, puisque c'est simplement pour les besoins de son modèle abstrait de l'accumulation qu'il a traité l'ensemble du monde capitaliste comme une nation unique exclusivement composée d'ouvriers et de capitalistes. Contrairement aux affirmations de la CWO, qui ne voit pas comment la plus-value pourrait être réalisée par un tel commerce (R.P N°6), Marx lui a clairement reconnu cette possibilité :
Marx ne fait pas qu'accepter ta possibilité d'un tel commerce. Il entrevoit aussi sa nécessité puisque le processus du commerce qui s'accompagne de la destruction et de l'absorption des marchés précapitalistes, n'est autre que la façon dont le capitalisme "étend constamment son marché" durant la phase ascendante :
En fait, Marx a déjà montré dans le Manifeste Communiste comment l'extension du marché capitaliste, tout en résolvant les crises à court terme, ne fait qu'accentuer le problème de la surproduction à long terme :
On peut donc voir que le problème de la réalisation que Luxemburg a analysé dans L'Accumulation du Capital, n'était pas un "faux problème", dû à une mauvaise lecture de Marx. Au contraire, la thèse de Rosa s'inscrit en complète continuité avec le thème centrai de la théorie des crises de Marx : à savoir que la production capitaliste rencontre des limites inhérentes à son propre marché et doit donc s'étendre continuellement à de nouveaux marchés s'il veut éviter une crise générale de surproduction. Luxemburg a démontré que le schéma de la reproduction élargie du livre 2 du Capital est en contradiction avec cette vision dans la mesure où il se base sur la possibilité que l'accumulation crée son propre marché. Mais Luxemburg montre aussi que ce schéma est valable en tant qu'abstraction théorique permettant d'illustrer certains aspects du processus de la circulation. Il n'avait pas pour but de se présenter comme le schéma de l'accumulation historique réelle, ni comme une explication des crises et sûrement pas de "résoudre" le problème de la surproduction. Néanmoins, Marx tombe dans certaines contradictions dans l'utilisation qu'il fait du schéma et Luxemburg les met en lumière. Mais ce qui est fondamental, c'est que Marx et Luxemburg étaient tous deux conscients de la différence qui existe entre des modèles abstraits et le processus réel de l'accumulation. Rien n'est plus étranger à l'esprit de Marx que la tentative stérile d'Otto Bauer de prouver "mathématiquement" que l'accumulation peut avoir lieu sans rencontrer de limites intrinsèques sur le plan du marché et que Rosa s'était trompé parce qu'elle n'avait pas fait correctement ses calculs. Si on veut parler d'une incompréhension à propos du schéma de Marx sur la reproduction élargie, ce devrait être de l'incompréhension de ceux qui le prennent à la lettre et "liquident" le problème de la réalisation; ce sont eux qui s'éloignent de la préoccupation sous-jacente de Marx, et non pas Rosa Luxemburg. Il n'y a pas de moyen de se sortir du fait que ce schéma implique que le capitalisme peut créer indéfiniment son propre marché; ce que Marx a spécifiquement nié. Et ceci met bien des critiques de Rosa dans une position contradictoire. Mattick, par exemple, va plus loin sur le problème de la réalisation que ne le fait la CWO. dans son livre "Crises et Théories des Crises". Il met en évidence que :
Mais en fin de compte, Mattick nie ce point de vue en disant que le capitalisme ne rencontre pas de problème fondamental de réalisation parce que l'accumulation crée son propre marché :
Ici, Mattick évite clairement le problème : "Dans la mesure où elle est capable de convertir la plus-value en capital additionnel", "tant qu'il existe une demande convenable et continue"... on ne répond pas du tout à la question de savoir d'où va venir cette demande "convenable" et Mattick se retrouve dans le "cercle vicieux" de la "production pour la production" que Rosa met en évidence dans l'Accumulation. Les critiques de Luxemburg citent souvent Marx quand il dit que la production capitaliste est la production pour elle-même, mais ce passage doit être remis dans son contexte. Marx n'a pas voulu dire que la production capitaliste pouvait résoudre ses problèmes en investissant dans une énorme quantité de biens capitaux sans se préoccuper de la capacité de la société à consommer les biens qu'elle produirait :
Selon Mattick, le problème qu'une fraction de la plus-value resterait non réalisée n'existe pas puisque "l'investissement" pour une accumulation ultérieure de capital constant absorbe tout ce qui est en circulation. La crise ne résulte que d'une suraccumulation de capital constant par rapport au capital variable, c'est-à-dire de la baisse tendancielle du taux de profit. Mais comme Rosa l'a déjà démontré dans L'Accumulation :
Ce "but" de la production de moyens de production doit se traduire par une expansion constante du marché pour tous les produits du capital. Sinon, en disant que "l'investissement" par lui-même résous le problème du marché, on retourne aux fausses solutions que Marx a critiquées dans le Capital :
Ceux qui disent que l'accumulation du capital constant résout le problème de l'accumulation ne font que reprendre l'idée que les capitalistes peuvent simplement échanger leurs produits entre eux même s'ils le font pour le "futur" comme c'est dit et non pour la consommation immédiate. Tôt ou tard cependant, le capital constant dans lequel ils investissent, devra trouver un véritable marché pour les marchandises qu'il aura produites; ou bien le cycle de l'accumulation s'arrêtera. Et puisqu'il n'y a pas moyen d'éviter ce problème, nous répéterons que la position de Luxemburg disant que toute la plus-value ne peut pas être réalisée au sein des rapports de production capitalistes, est la seule conclusion qu'on peut tirer de l'idée de Marx disant que la production capitaliste ne crée pas son propre marché; c'est la seule alternative à la théorie de Ricardo selon laquelle les crises de surproduction sont seulement des interruptions accidentelles dans un cycle de reproduction fondamentalement harmonieux. Les défenseurs de la théorie de Mattick sur la "baisse du taux de profit" sont avec Marx lorsqu'ils insistent sur l'importance de la baisse du taux de profit en tant que facteur de la crise capitaliste, mais ils sont avec Say et Ricardo lorsqu'ils nient que le problème de la réalisation est fondamental dans le processus d'accumulation capitaliste.
A partir de ce que nous venons de dire, il est évident qu'il ne peut y avoir d'analyse marxiste de la crise qui ignore le problème du marché en tant que facteur fondamental de la crise capitaliste. Même l'argument mis en avant par Mattick et d'autres, selon quoi la surproduction de marchandises est un problème réel mais secondaire parce qu'il découle de la baisse tendancielle du taux de profit, évite la véritable question posée par Marx et Luxemburg : le marché de la production capitaliste est limité par le rapport même entre le capital et le travail salarié. La baisse du taux de profit comme le problème du marché sont des contradictions fondamentales du capitalisme. En même temps, les deux contradictions sont étroitement liées et se déterminent réciproquement de différentes façons. La question qui se pose est alors : quel est le meilleur cadre pour comprendre comment ces deux phénomènes agissent l'un sur l'autre ?
Nous dirons que l'analyse de Mattick ne fournit pas un tel cadre dans la mesure où elle nie qu'il existe un problème de marché ; celle de Luxemburg, elle, ne rejette pas l'existence de la baisse du taux de profit. C'est vrai que dans L'Accumulation, Rosa développe un modèle abstrait, il faut le dire -"qui permettrait à la baisse tendancielle du taux de profit d'être totalement stoppée" (p.14) et que dans "Critique des Critiques", elle dit : "I1 coulera encore de l'eau sous les ponts avant que la baisse du taux de profit ne provoque l'effondrement du capitalisme" (p.158).
On pourrait dire que c'est l'expression de la sous-estimation du problème par Rosa, mais il n'y a rien, à la base de son analyse, qui rejette ce problème; et L'Accumulation donne plusieurs exemples de la façon dont la baisse tendancielle du taux de profit agit réciproquement sur le problème de la réalisation.
La raison pour laquelle Luxemburg insiste sur la question du marché comme étant à la racine de la décadence, n'est pas difficile à trouver. Comme Marx l'a montré, la baisse tendancielle du taux de profit en tant que facteur des crises capitalistes est une tendance générale qui s'exprime durant de longues périodes et rencontre des influences contraires ; par contre, le problème de la réalisation peut entraver le processus d'accumulation de façon bien plus directe et immédiate. Ceci s'applique à la fois aux crises conjoncturelles du siècle dernier et à la crise historique du capitalisme puisque l'absorption des aires précapitalistes qui avaient fourni le terrain d'une expansion continuelle du marché, constituait une entrave à laquelle s'est heurté le capital bien avant que sa composition organique ne se soit développée dans des proportions telles qu'une production rentable ne puisse se poursuivre. Mais comme le met en évidence la plate-forme du CCI :
La saturation des marchés d'une part aggrave la baisse du taux de profit (parce que la concurrence croissante sur un marché allant se rétrécissant force les capitalistes à renouveler les machines avant que toute leur valeur ait été utilisée); d'autre part, elle supprime l'une de ses principales contre-influences : compenser la baisse dans le taux de profit en accroissant sa masse, c'est-à-dire en développant le volume des marchandises produites. Ceci ne peut servir de compensation à la baisse du taux de profit que tant que l'expansion du marché accompagne cette production croissante du volume des marchandises. Quand le marché ne peut plus s'étendre, cette compensation ne fait qu'empirer les choses puisqu'elle aggrave à la fois le problème de la baisse du taux de profit et celui de la réalisation. Il est nécessaire d'étudier de beaucoup plus près cette question, mais si Rosa n'a certainement pas répondu à ce problème, le cadre qu'elle a élaboré, permet de saisir mieux le rôle de la baisse tendancielle du taux de profit.
Mais peut-être le problème va-t-iI plus loin ? Peut-être qu'en fin de compte, les deux phénomènes ne peuvent être véritablement "réconciliés" parce qu'il y a une contradiction à la base de la pensée de Marx ? A première vue, évidemment, il apparaît que l'idée que la crise provient d'une trop grande quantité de plus-value non réalisée ne peut être "réconciliée" avec celle selon laquelle la crise résulte d'un manque de plus-value.
Bien que Marx n'ait jamais résolu le problème, Il existe dans son œuvre des éléments qui nous permettent de dire que les deux contradictions s'inscrivent cependant dans un tout dialectique.
Pour commencer :
Une fois qu'on a compris cela, on peut voir que les deux contradictions agissent nécessairement ensemble dans les crises capitalistes : d'un côté, la surproduction de capital amène une baisse plus poussée du taux de profit parce qu'elle implique une augmentation de la proportion entre le capital constant et le capital variable; d'un autre côté, cette énorme masse de capital constant produit une pléthore de marchandises qui dépasse de plus en plus le pouvoir de consommation de ce capital variable relativement diminuant (c'est-à-dire la classe ouvrière). Poussé par la concurrence sur un marché restreint, le capital avec sa capacité à produire sans fin des marchandises, s'accroît et s'enfle démesuré ment pendant que les masses s'appauvrissent par rapport à lui; de moins en moins de profit est représenté dans chaque marchandise, de moins en moins de marchandises peuvent être vendues. Le taux de profit et la capacité de réalisation diminuent ensemble, et l'un aggrave l'autre. La contradiction apparente entre "avoir trop" et "pas assez" de plus-value disparaît une fois qu'on voit clairement que nous parlons du capital en tant que tout, et que nous parlons en termes relatifs et non absolus. Pour le capital dans son ensemble. Il n'y a jamais de saturation absolue du marché, pas plus que le taux de profit ne tombe jusqu'à un zéro absolu qui supprimerait toute plus-value. En fait, comme Luxemburg l'a montré, à un certain stade de concentration du capital, "l'excès" et le "manque" de plus-value sont la même chose, vue de points de vue différents :
En d'autres termes, c'est une masse de plus-value relativement de plus en plus réduite qui est destinée à la capitalisation, mais elle est encore "en excès" par rapport à la demande effective. Et cette plus-value de plus en plus "réduite" (à côté de la valeur qui remplace simplement la mise de tonds Initiale) est le résultat d'une composition organique du capital toujours plus grande.
Il devient donc plus clair que les deux contradictions mises en évidence par Marx ne s'excluent pas réciproquement mais sont les deux facettes d'un processus global de production de valeur. En dernière Instance, ceci fait que les "deux" théories de la crise reviennent à n'être qu'une seule.
Nous avons tenté de montrer qu'en dernière analyse, le problème du "taux de profit" et celui du "marché" sont théoriquement conciliables, bien que dans l'analyse de Grossman-Mattick, la question de la réalisation de la plus-value ne soit pas posée ou sous-estimée. Les faiblesses de l'analyse de Mattick sur le plan économique amènent aussi à des erreurs sur le plan des conclusions politiques qui en découlent. Bien que nous ayons l'intention ici de simplement mentionner ces faiblesses et non de les analyser de près et que, de plus, il faille être extrêmement prudent car il ne s'agit pas de voir un lien mécanique et unilatéral entre une analyse économique et des positions politiques, nous ne devons pas tomber dans l'attitude contraire et nier qu'aucune iplication politique ne soit liée à l'analyse économique. Ces conséquences prennent plus la forme de tendance, d'orientation plutôt que celle d'une loi d'airain; elles sont plus prononcées chez certains que chez d'autres, néanmoins il apparaît certaines caractéristiques communes aux différents courants qui défendent la théorie économique de Mattick.
Si l'on part uniquement de l'analyse de la baisse tendancielle du taux de profit. Il est extrêmement difficile de définir le cours historique de la crise capitaliste. Ceci concerne à la fois la compréhension rétrospective de l'aube de la décadence du capitalisme et l'analyse des perspectives de développement de la crise aujourd'hui, et c'est dû au fait que la théorie de Mattick laisse un certain nombre de questions sans réponses, ou y répond de façon inadéquate. Par exemple, si la baisse tendancielle du taux de profit est l'unique problème auquel le capital doit faire face, pourquoi la division du monde entre puissances impérialistes et la création du marché mondial capitaliste ont-elles plongé le capital dans sa crise historique ? Quand la composition organique du capital sur une échelle globale atteint-elle un point où ses contre-tendances ne peuvent plus être effectives ? Et dans l'avenir, quand donc le taux de profit sera-t-il trop bas au point d'empêcher le capital d'accumuler sans qu'il déclenche une nouvelle guerre ? Et de plus, pourquoi la guerre est-elle devenue le mode de survie du capital à notre époque ? On ne peut répondre à aucune de ces questions si l'on ne voit pas le problème du marché. Et comme Mattick ne le voit pas, il ne peut que donner des réponses vagues à ces questions. Sa compréhension de l'époque actuelle est plutôt inconsistante. Dans les années 30, ses écrits montrent qu'il voyait la crise permanente du capital comme une réalité immédiate qui ne pouvait être "résolue" que par la guerre. Mais dans ses écrits d'après-guerre, il semble mettre en question le fait que le capitalisme soit véritablement entré dans sa crise historique à l'époque de la révolution russe; tantôt, il sous-entend que la crise n'a commencé qu'en 29, tantôt que la baisse tendancielle du taux de profit ne provoquera des problèmes cruciaux pour le capital que vers l'an 2000, et que peut-être le capitalisme n'est pas décadent ! En bref, avec la théorie de Mattick, on n'a pas une compréhension consistante de la décadence comme une époque de crise-guerre-reconstruction qui a commencé de façon décisive avec la première guerre mondiale; ni de la crise d'aujourd'hui en tant que manifestation directe de ce cycle historique et que Mattick voit plutôt comme un hoquet temporaire dans une période de croissance. Ce manque de clarté sur ce qu'est en réalité la décadence, l'amène à sous-estimer la gravité de la crise actuelle et renforce sa tendance à l'académisme, qu'on retrouve le long de tout son chemin depuis les années 40. Puisque de son point de vue la "vraie" crise est bien loin devant nous, les perspectives de surgissements importants de la lutte de classe aujourd'hui ne sont pas très brillantes. Et donc, il y a peu de raison de s'engager aujourd'hui dans une activité politique militante.
Bien que la CWO se rattache à la théorie de Mattick, elle a une compréhension bien plus claire de la période de décadence, de la crise actuelle et des conclusions politiques qui en découlent. Elle a tenté de montrer que la baisse tendancielle du taux de profit peut expliquer la période ouverte par la première guerre mondiale (en particulier dans l'article "les fondements économiques de la décadence", R.P n°2). Ceci constitue un effort sérieux et qui requiert une critique plus détaillée que ce que nous pouvons faire dans le présent article. Une telle critique devrait se centrer sur certaines questions cruciales comme : l'application de la théorie économique de Mattick au cadre de la décadence est-elle cohérente ? Jusqu'à quel point peut-on analyser la période de décadence sur la base de la baisse tendancielle du taux de profit sans se référer au problème des marchés ? Et jusqu'à quel point la vision de la décadence qu'a la CWO serait-elle cohérente, si elle n'avait pas été influencée par d'autres courants, et en particulier le CCI, qui considèrent le problème des marchés comme fondamental dans l'explication de la décadence ? En d'autres termes, jusqu'à quel point l'analyse de la décadence que fait la CWO est-elle une continuation cohérente de la théorie de Mattick et jusqu'à quel point est-elle implicitement ou explicitement liée à une théorie plus globale de la décadence ? Ce que nous avons écrit plus haut sur l'impossibilité d'ignorer le problème de la réalisation indique déjà quelle doit être notre réponse à ces questions.
Ce qui est plus important peut-être encore, c'est de montrer que tout en ne suivant pas nécessairement Mattick jusqu'à l'extrême dans sa démission académique de l'engagement politique militant, "l'école de la baisse tendancielle du taux de profit" partage une tendance à voir la "vraie" crise bien loin devant nous. Et puisque de plus, certains de ces camarades défendent aussi une conception plutôt mécaniste du lien entre le niveau de la crise et le niveau de la lutte de classe, ils concluent en général que les perspectives de lutte de classe et de regroupement des révolutionnaires sont quelque peu lointaines. Ainsi, Battaglia Comunista ne voit la crise actuelle ressurgir qu'en 1971. Et pour elle le resurgissement d'une organisation internationale des révolutionnaires ne pourra avoir lieu que dans le futur; la CWO, elle, considère à la fois les préparatifs du capital pour la guerre impérialiste et la préparation de la classe ouvrière pour la guerre de classe comme quelque chose qui relève de "demain", lorsque la crise aura atteint une nouvelle étape. Le regroupement des révolutionnaires est repoussé de la même façon. Bien des camarades de Scandinavie, plus proches de Mattick et qui se situent encore dans une certaine mesure, dans le cocon de la prospérité Scandinave, continuent à voir les tâches des révolutionnaires comme une "étude" et une réflexion sans lien avec une activité militante. Nous ne pensons pas que ces attitudes "attentistes" sont accidentelles. Elles sont liées aux insuffisances de la théorie de Mattick qui ne montre pas que la décadence est une crise permanente, le produit de la disparition des conditions qui ont permis une saine expansion du capital au 19ème siècle. La théorie de Luxemburg en montrant le caractère maladif de l'accumulation à notre époque, permet de montrer les limités de la reconstruction et de comprendre que la crise, l'économie de guerre et la lutte de classe sont vraiment des réalités d'aujourd'hui. En fait, nous dirons même que la réponse de la classe est déjà en retard par rapport au développement de la crise et aux préparatifs de la bourgeoisie pour la guerre. Ceci ne veut pas dire que la crise a déjà atteint le fond ni que la guerre ou la révolution sont à l'ordre du jour de façon Immédiate et que donc nous devrions nous engager dans un activisme frénétique (comme le PIC dont l'activisme inné est renforcé par une mauvaise application de la théorie de Luxemburg sur la crise). Le capital dispose encore de mécanismes pour pailler à la crise et toute une série de processus économiques doivent encore se dérouler avant que la crise ne trouve une issue dans la guerre ou dans la révolution. Néanmoins, il est important de voir que ces processus sont déjà en route et que les tâches des révolutionnaires sont urgentes et ne peuvent être repoussées à demain. Comme l'a écrit Bilan "est-ce que demain peut-être autre chose que le développement de ce qui arrive aujourd'hui ?" (Bilan n°36)
Comme Lukacs l'a mis en évidence dans son essai "Rosa Luxemburg, marxiste", la validité de la théorie de l'accumulation de Luxemburg en tant que contribution au point de vue mondial du prolétariat, réside dans le fait qu'elle se base sur la "catégorie de la totalité", la catégorie de la perception spécifiquement prolétarienne. Le problème de l'accumulation que Rosa Luxemburg a développé, n'est qu'un problème au niveau du capital global ou total; les économistes vulgaires qui partent du point de vue du capital individuel étaient incapables de voir qu'il y avait même un problème. Dans une certaine mesure, Mattick exprime la même "vulgarité" puisqu'il a une forte tendance à voir chaque capital national isolément. Cette fausse perspective mène à un certain nombre d'erreurs :
Ces erreurs découlent en grande partie d'une incapacité à voir ces nations comme une partie de l'ensemble du marché capitaliste. Sur cette question à nouveau, la CWO est allée bien au-delà de Mattick et considère que les luttes de libération nationale sont impossibles et que la Russie et la Chine sont régulées par la loi de la valeur. Mais même dans ce cas, son analyse contient un certain nombre de faiblesses qu'on peut rattacher à sa théorie économique. La CWO trouve que c'est difficile d'analyser des phénomènes particuliers du point de vue de l'ensemble et montre une certaine incapacité à voir que le capitalisme d'Etat et l'économie de guerre sont fondamentalement déterminés par la nécessité pour les capitaux nationaux d'être compétitifs sur le marché mondial. Pour la CWO, les mesures capitalistes d'Etat sont en premier lieu une réponse à la baisse tendancielle du taux de profit dans certaines industries dont la haute composition organique rend l'intervention de l'Etat nécessaire pour les soutenir. Mais c'est seulement une explication partielle puisque l'Etat le fait précisément pour accroître la compétitivité de l'ensemble du capital national. Et l'idée de la CWO selon laquelle la Russie, la Chine, etc. peuvent être considérés comme des capitalismes d'Etat "intégraux" dont le développement prouve que "l'accumulation capitaliste est possible dans un système fermé" (R.P n°1), est du même ordre. Ce "fait" prétend être une réfutation de la théorie économique de Luxemburg alors que la notion de capitalisme d'Etat intégral ouvre la porte à l'idée que ces économies sont en quelque sorte "différentes" et doivent être expliquées d'une façon particulière. Et la notion implicite ou explicite selon laquelle un développement autarcique est possible, peut avoir diverses conséquences politiques. Sur la question nationale, par exemple, la CWO défend des conclusions politiques justes mais on pourrait se demander si ses conclusions sont très consistantes et cohérentes avec son analyse économique. Est-ce que l'idée de Mattick selon laquelle les nations sous-développées peuvent se développer sur la base de leur marché intérieur n'est pas une conséquence plus logique de sa théorie économique ?
Nous ne sommes pas en train de dire que la CWO a des confusions fondamentales sur la question nationale ni que son explication de l'impossibilité des luttes de libération nationale n'a pas sa cohérence propre. Mais toute contradiction aujourd'hui peut ouvrir la porte à des erreurs véritables demain. Et nous voudrions ajouter qu'il y a déjà des faiblesses notables dans l'approche que fait la CWO sur la question nationale : une difficulté à voir la voracité des appétits impérialistes dans toutes les nations aujourd'hui, y compris les plus petites; et un pessimisme prononcé sur la lutte de classe dans le tiers-monde. Sur le premier point, la CWO affirme que seules la Russie et l'Amérique peuvent "vraiment" agir en tant qu'impérialismes aujourd'hui, et que les autres capitaux nationaux ne sont que potentiellement ou tendanciellement impérialistes. Ceci cache la réalité des rivalités inter impérialistes locales qui ont un rôle à jouer dans la confrontation globale entre les blocs, une réalité qui est confirmée avec éclat par les récents événements dans la corne de l'Afrique et en Asie du Sud-est. Sur la lutte de classe dans les pays du tiers-monde, la CWO affirme régulièrement que "nous ne pouvons attendre des développements positifs... que lorsque les ouvriers des pays avancés auront pris le chemin de la révolution et donné une direction claire" (R.P n°6). Une telle vision rapetisse l'importance des luttes actuelles des ouvriers du tiers-monde dans le développement international de la conscience de classe et fait une séparation rigide entre aujourd'hui et demain, les capitaux avancés et arriérés, ce qui ne peut qu'obscurcir notre compréhension. Ces analyses inadéquates de l'impérialisme et de la lutte de classe trouvent toutes deux leur racine dans l'analyse économique qui défend l'idée que seules les nations dont la composition organique du capital est haute, sont purement impérialistes, et que seul le prolétariat de ces nations a de l'importance. Sur les deux terrains, il y a tendance à fragmenter le capital mondial et le prolétariat mondial.
Cette tendance de la part des théoriciens de la "baisse du taux de profit" à n'envisager que les choses que du point de vue du capital individuel et non global peut avoir des implications dans la discussion sur la période de transition. En effet, si l'accumulation du capital peut avoir lieu dans un seul pays, pourquoi ne pas envisager aussi des économies "communistes" autarciques ? Et la CWO pense d'ailleurs que des bastions prolétariens, qui sont sortis du marché mondial, peuvent, temporairement du moins, commencer à construire un mode de production communiste. Cette incompréhension ne peut être critiquée de façon cohérente qu'à partir d'une perspective qui comprend le capital et le marché mondial comme une totalité; à nouveau, nous dirons que l'analyse de Luxemburg fournit les armes théoriques pour comprendre comment de tels bastions isolés ne pourraient pas échapper aux effets du marché mondial.
Une fois que nous avons mis cela en évidence, nous tenons à souligner deux choses importantes :
Lorsque nous voulons analyser les erreurs d'un groupe politique. Il est important d'examiner l'ensemble de son histoire et de ses positions politiques.
Bien des erreurs mentionnées ci-dessus trouvent leur origine dans des expériences et des incompréhensions plus fondamentales : l'académisme de Mattick, par exemple, est basé sur l'expérience globale de la contre-révolution qui l'a amené à un pessimisme profond sur la lutte de classe et à une sérieuse sous-estimation de la nécessité d'une organisation des révolutionnaires. Les erreurs de la CWO sur le regroupement et la période actuelle sont aussi dans une grande mesure le produit de ses difficultés à comprendre la question de l'organisation, alors que ses erreurs sur la période de transition sont largement dues à son incapacité à tirer des leçons de la révolution russe. De même dans le "contexte luxemburgiste", l'activisme du PIC est bien plus dû dirions-nous à de profondes confusions sur le rôle des révolutionnaires qu'à son analyse économique. Les erreurs sur le plan économique tendent à renforcer les erreurs qui viennent de l'ensemble de la politique menée par ces groupes. Toute incohérence dans l'analyse faite par un groupe, ouvre la porte à des confusions plus générales; mais nous ne traitons pas de fatalités irrévocables. Les camarades qui défendent la "baisse du taux de profit" ne doivent pas nécessairement tomber dans les confusions organisationnelles de Mattick, de la CWO, de Battaglia Comunista et dans leurs incompréhensions sur la révolution russe. En même temps, les confusions organisationnelles et autres -comme le sectarisme de la CWO- peuvent accentuer les faiblesses de leur analyse économique. Ce n'est vraiment pas difficile de voir, par exemple, que les grands efforts de la CWO pour nier le problème de la surproduction sont liés au besoin de se distinguer d'autres groupes qui ont une autre vision de la décadence. Les camarades qui partent de la "baisse tendancielle du taux de profit " peuvent et doivent développer une vision plus globale qui ne nie pas la question du marché. Bien sûr, nous posons qu'en dernière instance, cela les conduira à devenir "luxemburgistes", mais seul un débat ouvert et constructif peut clarifier cela.
Ceci nous permet d'arriver à une conclusion générale sur l'importance du débat. Il est d'une importance extrême parce que, de la même façon que les faiblesses d'une analyse économique peuvent semer le chemin d'erreurs politiques plus générales ou bien les renforcer, de la même façon une analyse cohérente des fondements de la décadence rendra notre compréhension de la décadence et de ses implications politiques plus solides. Cette question doit donc être discutée comme une partie de l'ensemble des positions communistes,
Une fois comprise son importance en tant que partie d'une cohérence plus globale, le débat peut être entamé dans une perspective correcte. Puisque l'analyse des fondements économiques de la décadence est une partie d'un point de vue prolétarien plus global, un point de vue qui réclame un engagement actif pour "transformer le monde", la discussion ne peut jamais entraver l'activité révolutionnaire. Et puisque les conclusions politiques défendues par les révolutionnaires ne découlent pas de façon mécanique d'une analyse économique particulière, la discussion ne peut, en aucun cas, être une entrave au regroupement. Comme le CCI l'a toujours dit, le débat peut et doit avoir lieu dans une organisation politique unie. Les révolutionnaires du passé ne se sont jamais sentis incapables de se regrouper à cause d'analyses économiques différentes, et pas plus aujourd'hui que demain une telle nécessité ne peut être entravée pour cette raison. En réalité, c'est une des questions que nous serons probablement encore en train de discuter après que le prolétariat aura chassé le capitalisme de la surface de la terre...
C.D WARD
Depuis plus d'un an, le CCI et le Parti Communiste Internationa1iste ont engagé un débat dans le but de dépasser le sectarisme qui pèse encore sur le mouvement révolutionnaire renaissant. C'est dans la poursuite de cet effort commun que le CCI a envoyé une importante délégation à la Conférence Internationale convoquée par Battaglia Communista en mal 1977 à Milan ([1] [7]) et qu'il a invité une délégation de Battaglia à assister aux travaux de son second Congrès en Juillet de la même année. Nous avons donc été plutôt surpris par la publication, immédiatement après, de deux articles dans Battaglia intitulés : "Le Second Congrès du CCI : déboussolement et confusion", dans lesquels nous sommes violemment attaqués parce que nous serions la proie d'un "processus d'involution et d’un éloignement conséquent du marxisme révolutionnaire"([2] [8]).
Nous avons déjà souligné dans notre presse ([3] [9]) la méprise bruyante des camarades de Battaglia qui ont pris pour des grandes "nouveautés de nature politique", des Innovations, les projets de résolution qui synthétisaient les positions constamment apparues dans notre presse (en particulier le projet sur les groupes politiques prolétariens qui est une nouvelle version de l'article "Groupes Révolutionnaires et Groupes Confus" paru entre autres dans Rivoluzione Internazionale n°8).
Battaglia n'a pas pu nier l'évidence et a cherché à échapper à la question en soutenant que ces textes-là n'étalent pas "officiels". Voilà, en vérité, une bien étrange conception que celle qui considère comme non officiels des ébauches de documents qui circulent à usage interne. Mais, toute autre considération mise à part, les positions qui sont à la base du projet de résolution sur la période de transition sont exprimées non seulement dans un tas d'articles, mais dans une résolution adoptée au second Congrès de notre section en France et publiée comme telle dans la Revue Internationale n°8. Et cela aussi, ce n'est pas officiel ?
Et en fait, ces grandes "nouveautés" apparues dans le congrès dont depuis des années au centre du débat international entre organisations communistes, un débat qui a été mené à travers les différentes publications et au cours de nombreuse conférences internationales. En plus certains groupes se sont précisément basés sur ces positions pour rompre tout contact avec notre organisation en la condamnant comme "contre-révolutionnaire". Mais, pour Battaglia tout ce travail, ces progrès, ces erreurs n'existent pas ou bien sont des bavardages sans signification : la discussion commence avec ses articles - qui sont en grande partie la répétition d'une attaque analogue fait par Programme Communiste il y a deux ans ([4] [10]).
Si nous insistons sur cette méprise, ce n'est pas pour le plaisir de coincer Battaglia, mais pour mettre en évidence les difficultés que les groupes, ayant survécues aux anciennes Gauches Communistes du passé, rencontrent pour participer au débat sur le même plan que les groupes révolutionnaires produits par la récente reprise de la lutte de classe. Mais si certains de ces groupes ont choisi la vole du silence, d'au-plus capable de réagir, ressentent à toute occasion la nécessité de défendre leurs conceptions vis-à-vis de ces minorités en adoptant un une attitude "supérieure" et inadéquate ([5] [11]).
Ainsi, pour autant que l'attaque lancée par Battaglia est violente et superficielle, elle est aussi un symptôme du fait que "le camp révolutionnaire International est en perpétuel mouvement, unifications et ruptures, croisement de polémiques, rencontres et heurts qui montrent que quelque chose bouge"([6] [12]) et comme telle, nous la saluons.. Pour cette raison, nous ne considérons pas notre réponse comme une des éternelles "mises au point" qui ont pour but de "liquider" l'adversaire. Au contraire, c'est une réaffirmation de nos positions là où elles ont été déformées, et une contribution pour redéfinir le cadre dans lequel doit se situer ta poursuite du débat - qui ne peut que mettre au centre les thèmes qui sont effectivement-à la base de nos divergences et en premier lieu celui de la nature et de la fonction du parti prolétarien.
REPRISE DE LA LUTTE DE CLASSE ET REEMERGENCE DES POSITIONS REVOLUTIONNAIRES
"Il est Inutile de se référer aux groupes affiliés au "Courant", à leur histoire pas toujours révolutionnaire de façon conséquente... En 1968, Il y a ceux qui se sont confondus avec les gauchistes; de toute façon, pour ne pas perdre sa réputation, on se cache encore aujourd'hui derrière des analyses fictives selon lesquelles mai 1968 a été le moment d'ouverture de la crise actuelle, un moment d'explosions de grandes luttes ouvrières, une première grande réponse de la classe Contre le capital" (Battaglia Communista n°10-11).
Pour commencer, nous voulons dire que si Battaglia a des accusations à faire, qu'il le fasse ouvertement les accusés et surtout en les documentant. Les communistes n'ont rien à cacher y compris leurs propres erreurs. Ceci dit, nous rappelons à l'imprudent auteur de l'article que pendant les événements de mai-juin 68, notre section française actuelle. Révolution Internationale, n'existait pas (le premier numéro ronéotypé sort en décembre 68) et avait par la même occasion peu de chances de se confondre avec les gauchistes. A l'époque, il existait seulement un petit groupe de camarades au Venezuela qui publiait la revue Internacionalismo et collaborait au bulletin ouvrier Proletario avec d'autres camarades non organisés et un autre groupe de la gauche communiste "Proletario Internacional".
Lors des événements de mal, Proletario Internacional s'est laissé entraîner, à leur annonce, dans l'euphorie générale et a proclamé, derrière les Situationnistes, la nécessité de constituer immédiatement les Conseils ouvriers :
"Et pour donner l'exemple, Proletario Internacional a proposé que les différents groupes constituant Proletario (considéré pour l'occasion comme une sorte de conseil ouvrier) se dissolvent en son sein. Tous les participants à Proletario ont suivi Proletario Internacional sur cette voie glorieuse à l'exception d'Internacionalismo. Proletario et ses participants auto-dissous n'ont pas survécu à ce qu'ils avaient pris pour la révolution. Les retombées du mouvement de mai les ont entraînés dans le néant"([7] [13]).
Ainsi les quelques militants qui défendaient alors les positions qui sont aujourd'hui celles du Courant, isolés géographiquement et entourés par la débandade et les illusions, ont su rester solidement attachés au fil de l'histoire, même au prix de leur isolement local. Mais le "coup d'épaule" de mai 68 a aussi permis le surgissement en France et aux Etats-Unis de petits groupes de camarades capables de se rattacher aux positions de la Gauche Communiste défendues par Internacionalismo, jetant ainsi les bases de notre regroupement International. Quant à Mai 68, nous y reconnaissons effectivement la première manifestation ouverte de la crise qui a ébranlé le monde capitaliste après les années "d'abondance". Mais les marxistes n'ont pas besoin de voir exploser la crise de façon ouverte et tangible pour la prévoir :
"L'année 1967 a vu la chute de la Livre-sterling et 68 nous amène les mesures de Johnson... Nous ne sommes pas des prophètes et nous ne prétendons pas savoir comment et quand auront lieu les événements. Par contre, nous sommes certains qu'il est impossible d'arrêter le processus que subit actuellement le système capitaliste avec ses réformes, ses mesures de sauvetage et autres mesures économiques capitalistes et que ce processus les porte irrémédiablement à la crise". (Internaclonalismo - janvier 1968).
Nous étions bien préparés pour reconnaître la crise qui allait commencer à se manifester et nous l'avons reconnue ([8] [14]), au milieu des grands rires de tous ceux qui parlaient de "révolte étudiante contre l'ennui de la vie". Aujourd'hui, ils ont cessé de rire.
Turin, Cordoba, Dantzig, Szczecin ont rendu impossible par la suite de nier l'évidence et Battaglia reconnaît que le capitalisme est entré en crise en...1971. Pour rejeter la nature de classe des événements de 68 en France et de 69 en Italie, Battaglia rappelle comment ils se sont terminés et quelle sorte de groupuscules les ont dominés. C'est avec cette même méthode que depuis cinquante ans, les conseillistes démontrent que la révolution d'Octobre était une révolution bourgeoise,... vu comment elle s'est terminée... Nier la nature de classe de la vague de grèves de ces années en se référant à la nature "opportuniste" des groupes qui l'ont dirigée, cela revient à nier la nature prolétarienne des révolutions de 1905 et de février 1917 puisque la majorité des soviets était contre les bolcheviks. Battaglia soutient avec raison que la présence physique des ouvriers ne garantit pas la nature prolétarienne d'un mouvement et donne l'exemple des manifestations pour l'anniversaire de la Libération en Italie. Mais il y a une grande différence entre une manifestation politique qui célèbre le triomphe de l'Etat républicain sur la lutte de classe et une grève sauvage, c'est-à-dire une manifestation de la lutte de classe. Si la Gauche Italienne ne nous avait enseigné qu'une seule chose, c'est bien que les communistes soutiennent et participent à toutes les luttes prolétariennes qui se situent sur le terrain de la défense des intérêts spécifiques de la classe ouvrière Indépendamment de la nature politique de ceux qui dominent les grèves ([9] [15]). Il est plutôt drôle de noter que dans le feu de la justification de l'absence du parti dans les luttes de 69, les camarades de Battaglia se font du tort à eux-mêmes. En effet, dans les polémiques qui ont précédé la scission du Parti Communiste Internationaliste avec les prédécesseurs de l'actuel Programme Communiste en 1952, c'étaient ces derniers qui proclamaient la nécessité de ne pas participer aux grèves politiques générales contre l'impérialisme américain vue la totale hégémonie des staliniens sur ces mouvements. Et les camarades de la tendance Damen répondaient :
"Les groupes d'usines et de chantiers doivent acquérir la capacité (qu'ils n'ont pas encore) de changer le cours de l'agitation contre l'esprit et l'orientation de cette agitation... Après avoir ouvertement pris leurs responsabilités et exprimé leurs positions politiques, ils doivent sortir de l'usine avec la majorité des travailleurs qui sortent, rester là où la majorité reste. Il ne s'agit pas d'un critère de conformité à la majorité ou à la minorité, mais d'une méthode communiste, d'une évaluation de principe : celle d'être présents là où se trouvent les masses ouvrières, là où elles bougent, discutent et ex» priment leurs désirs qui, nous le savons, ne sont pas toujours en accord avec leurs intérêts de classe... Les soi-disant camarades d'Asti (qui n'avaient pas participé aux grèves) sont et restent des jaunes; j'ajoute que, s'ils s'étaient trouvés là, leur geste aurait reçu la leçon qui lui est due; cela aurait été beau de voir des Internationalistes attaquer d'autres Internationalistes", (extrait des interventions de Lecchi et Mazenchelli, rapportées dans un bulletin interne fin 1951 de la tendance Damen). Que devons-nous en déduire ? Que la participation de la classe à des manifestations qui se déroulent EN DEHORS du terrain de classe ne constituent pas un empêchement suffisant pour être présents "là où se trouvent les ouvriers", alors que l'Inévitable immaturité et confusion qui accompagne le retour de la classe sur son PROPRE TERRAIN DE LUTTE suffit par contre pour s'interdire de participer à cette reprise de la lutte ? Cette spectaculaire contradiction n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des conséquences auxquelles mène la tentative de concilier le mythe de l'infaillibilité du parti avec la prosaïque réalité de l'absence du parti au rendez-vous qu'il avait pourtant su attendre durant de longues années de "paix sociale". Il serait absurde aujourd'hui de proclamer notre supériorité parce que nous aurions su "comprendre Mai". Mais c'est encore plus absurde que ceux qui ont pris les événements de 1968-69 pour une restructuration du capitalisme menée par la révolte des petit-bourgeois, se permettant aujourd’hui de proclamer :
"La portée réelle de cette crise que SEUL le parti et LE PREMIER (!) a su voir et énoncer" (Battaglla CommunIsta n°l3).
INVARIANCE DOGMATIQUE ET REFLEXION REVOLUTIONNAIRE
"Le marxisme révolutionnaire, le léninisme (comme continuité rigide de cette tradition de laquelle nous nous réclamons)... contre ceux qui pour ne pas se "scléroser", ont besoin de se "renouveler" par de continuelles élucubrations sur ces manques ou "erreurs" présumés du marxisme ou du léninisme" (B.C n°10-11);
Dans l'enthousiasme de la polémique contre nous, Battaglia semble accepter le fameux acte d'adhésion du militant communiste qui s'engage à : "ne pas revoir, ne pas ajouter, ne pas laisser de côté - tout soutenir, tout défendre, tout confirmer et tout répandre comme un bloc monolithique et de toutes ses forces" (Bordiga, février 1953).
Mais, par chance et surtout pour eux, nos "léninistes d'acier" se sont permis quelque "révision" et c'est vraiment ce qui leur a permis de maintenir une position entièrement Internationaliste et défaitiste pendant la seconde guerre mondiale :
"... ces thèses (de Lénine), tout en arrivant à des conclusions franchement révolutionnaires, contiennent dans leurs prémisses certaines idées qui, si elles sont mal comprises et encore plus mal appliquées devaient mener à de dangereuses déviations et donc par là-même, à de graves défaites prolétariennes.... la notion de classe a un caractère essentiellement international : ce point fondamental de la conception marxiste a été examiné de façon plus approfondie par Rosa Luxembourg qui, à peu près en même temps que Lénine, est arrivée par d'autres voies à des conclusions différentes et à les dépasser... Brièvement, le problème que Rosa soulevait et qui se heurtait aux thèses de Lénine est le suivant : le capitalisme, dans son ensemble mondial suit une voie essentiellement unitaire : les désaccords qui le troublent ne sont jamais tels qu'ils brisent la solidarité de classe qui préside à la défense de ses Intérêts fondamentaux... A faire abstraction de la considération très importante que déjà, en 1914, Rosa avait raison contre Lénine lorsqu'elle affirmait que l'époque des luttes de libération nationale était terminée avec la constitution des grands Etats européens et que dans la phase de décadence du capitalisme, toutes les guerres avalent nettement un caractère impérialiste (alors que, selon Lénine, les guerre nationales étaient encore possibles et les tâches des révolutionnaires vis-à-vis de celles-ci étaient différentes de celles à assumer face aux autres), il n'en reste pas moins le fait que le cours de la situation qui s'est ouvert avec la guerre d'Afrique, confirme de façon lumineuse la vérité des thèses de Luxembourg". (Prometeo, clandestin 1er novembre 1943)
Aujourd'hui encore Battaglia défend la position révolutionnaire sur les soi-disant "luttes de libération nationale", mais pour la défendre contre Programma à qui se réfère-t-il ? à Lénine ! :
"Il faudrait rappeler aux prétendus Internationalistes en question comment Lénine écrit vis-à-vis des soi-disant "guerres nationales" en réalité des guerres impérialistes... Lénine explique que dans toutes les guerres, le seul vaincu, c'est le prolétariat", (B.C n°18-décembre 1976)
Pour ménager la chèvre et le chou, positions révolutionnaires et "autorité léninienne", Battaglia est contraint de faire dire à Lénine le contraire de ce qu'il a dit historiquement et entre autre en se démentant lui-même comme l'a montré la citation de Prometeo. Ainsi, l'incapacité de faire une critique complète des erreurs de la IIIème Internationale (ceci vaut en particulier pour le parti) comporte le fait que même sur les questions dans lesquelles les erreurs ont été dépassées on ne parvient pourtant jamais à une véritable clarté. Par exemple, dans la question syndicale, Battaglia reconnaît que dans la vague révolutionnaire, la classe détruira les syndicats et que c'est la tâche des communistes d'en dénoncer dès maintenant la nature bourgeoise. Mais on écrit que :
"(En ce qui concerne les syndicats), s'éloigner de la ligne tracée par l'œuvre de Lénine, c'est de toute façon une chute verticale dans le vide... Le cadre de toujours reste fondamental, tout comme cela a été pour Marx, puis Lénine et tout comme nous le connaissons aujourd'hui". (Prometeo n°18, p.9, 1972)
Alors, si rien n'est changé, pourquoi le prolétariat devrait-il détruire ses anciens instruments, les syndicats. Si le syndicat est celui "de toujours", pourquoi écrire dans la plateforme :
"Catégoriquement, le Parti affirme que, dans la phase actuel le de domination totalitaire de l'impérialisme (souligné par nous), les organisations syndicales sont indispensables à l'exercice de cette domination". (Plate-forme 1952, P.C Int.).
Les camarades de Battaglia nous accusent de fossiliser leur position sur les groupes Internationalistes d'usine, qui dans la réalité sont des organes du parti, de véritables courroies de transmission entre le parti et la classe. Dans un article sur la récente Rencontre d'Oslo (B.C n°13), ils constatent que même la Comunist Workers' Organisation n'arrive pas à comprendre le rôle de ces groupes. Nous pensons qu'une incompréhension aussi largement diffusée, est due surtout à la réelle ambiguïté de leur rôle. On nous dit qu'ils sont des organes de parti, mais comment un organe de parti peut-II se baser sur des éléments qui, dans leur grand nombre, ne militent pas dans le parti ? On nous dit que les courroies de transmission du parti dans la classe sont ces groupes et non ceux des coordinations ouvrières qui surgissent spontanément. Bien. Mais, si les mots ont un sens, la courroie de transmission dans un moteur est l'élément qui assure la médiation entre deux autres éléments (et en effet les camarades de Battaglia parient "d'organismes intermédiaires"). Mais si un organisme est intermédiaire, c'est-à-dire est à moitié chemin entre le parti et la classe, comment peut-il être "un organisme de parti" ? La Gauche Italienne a toujours refusé la ligne de l'Internationale visant à l'organisation du parti sur la base des cellules d'usine et avec l'argumentation que les ouvriers étaient des militants du parti comme n'importe quel autre et que seule une organisation basée sur des sections territoriales pouvaient garantir une militance politique de tous ses membres. Battaglia semble résoudre la question en prévoyant à côté de la structure territoriale pour tous les militants une sous-structure "intermédiaire" réservée seulement aux militants ouvriers. Nous ne pensons pas qu'il s'agit d'un pas en avant. Pour la même raison, nous ne pensons pas que c'est "un souci d'ordre intellectuel" que de voir une contradiction entre la dénonciation des syndicats comme contre-révolutionnaires et la présence en leur sein comme délégués syndicaux. Plus ces délégués seront combatifs et dévoués aux intérêts de la classe, plus seront renforcées chez les ouvriers la possibilité "d'utiliser les syndicats". Il ne s'agit pas de simples plaintes de pessimistes mais d'un danger réel comme le montre le fait que Battaglia, qui soutient néanmoins qu'il a les idées claires sur les Conseils d'Usine (Documents de la Gauche Italienne n°1, p.7, Janvier 1974) arrive à déclarer :
"Il y a des données de toute autre nature à la I.B Mec. d'Asti où la participation ouvrière est très grande, pourquoi ? Parce qu'à la I .B Mec. d'Asti le Conseil d'Usine agit indépendamment ou mieux sur la base des Intérêts ouvriers et non sur les directives "pompiéristes" de Lama et Cie". (Battaglia Comunista n°l Janvier 1977)
On finit donc par participer au chorus que depuis des mois la gauche extra-parlementaire a commencé à chanter : redonner du souffle aux structures de base du syndicat, les conseils d'usine en les opposant aux "méchants sommets", c'est à dire Lama et Cie (Voir à ce propos l'assemblée du Théâtre Lyrique "pour un syndicat de Conseil"). Si on voulait suivre les méthodes polémiques de Battaglia, on pourrait sans difficulté déclarer que sa seule préoccupation est la chasse aux fauteuils des bureaucrates syndicaux. Mais ce n'est pas vrai et nous le savons bien. Nous pensons au contraire que ces erreurs-là sont une réponse fausse à une exigence juste et fondamentale : la défense militante des positions révolutionnaires dans la classe et dans ses luttes. Nous n'avons pas non plus la présomption de détenir toute la vérité. Mais les positions que nous défendons ne sont pas de "simples abstractions géométriques" développées dans l'atmosphère raréfiée des bibliothèques. Passées à l'épreuve des faits dans les cercles ouvriers qui ont surgi de la lutte de classe en Espagne, en Belgique, en France et ailleurs, elles se sont bien révélées autre chose que de "l'intellectualisme".
GROUPES POLITIQUES PROLETARIENS
"Enoncé de façon présomptueuse (puisque nous ne savons pas de quel droit le CCI s'empare du rôle d'eau pure opposée au marais de la confusion entre les groupes de la Gauche Communiste), le premier document théorise en partant d'une position au-dessus des partis : nous sommes la vérité, tous les autres le chaos".(B.C n°10-11)
Un groupe qui imagine être le seul dépositaire de la vérité révolutionnaire, "l'imaginerait" justement. Mais si nous relisons notre résolution sur les "groupes politiques prolétariens ([10] [16]), nous ne trouvons pas de telles bêtises; la résolution se conclue justement en soulignant la nécessité absolue de "nous garder de considérer que nous sommes le seul et unique groupe révolutionnaire existant aujourd'hui (Revue Internationale n°11, p.22). Loin de vanter notre incapacité innée à commettre une erreur quelconque, nous affirmons :
"Le CCI doit... se garder de recommencer ses erreurs passées qui ont conduit Révolution Internationale par exempte à écrire "nous doutons de l'évolution positive d'un groupe venant de l'anarchisme" dans une lettre adressée au "Journal Lutte de classe" dont les membres allaient un an plus tard avec ceux du RRS et du VRS fonder la section du CCI en Belgique" (Revue lnt.n°11, p.20). Et pourtant, on aurait beaucoup à citer sur les erreurs des autres.il existe par exemple des groupes qui prétendent être déjà parvenus à une clarté parfaite alors que les autres commenceraient tout juste maintenant à éclaircir leurs idées :
"La tâche propre aux révolutionnaires de tous les pays, là où Ils sont organisés en Parti (Italie) ou là où Ils agissent comme petits groupes ou simplement des individus isolés, se précise de plus en plus". (Prometeo, n°26/27, p.16, 1976)
Mis à part le ton d'auto-exaltation mythologique et la réduction à de petits groupes en phase d'orientation pour le CCI, le PIC et la CWO qui ont une plate-forme, on peut penser que, pour Battaglia, les trois autres groupes qui en Italie se réclament de la Gauche Italienne (Programma Comunista, Rivoluzione Comunista et Partito Comunista) ne sont pas révolutionnaires ou ne sont pas des partis! Mais la chose la plus amusante est le fait, qu'après avoir d'une façon désinvolte annulé d'un simple trait l'existence même de Programma Comunista, Battaglia trouve "absurdes et ridicules" nos critiques à cette organisation dans notre résolution sur les groupes politiques prolétariens. Quelle est notre position ? :
"Concernant ce dernier groupe, quel que soit le degré atteint par sa régression, Il n'existe pas à 1'heure actuelle d'é1ément décisif permettant d'établir qu'elle est passée comme corps dans le camp de la bourgeoisie. Il faut mettre en garde contre une appréciation hâtive sur ce sujet qui risque non pas de favoriser, mais d'entraver le travail d'éléments ou tendances qui peuvent tenter; au sein de ces groupes, de résister contre ce cours de dégénérescence, ou de s'en dégager" (Revue Internationale n°11, p.21).
Nous considérons Programma Comunista comme un groupe qui se situe encore dans le camp prolétarien, donc nous sommes ouverts à la discussion et à la polémique politique. Ce n'est pas par hasard que dans notre presse "nous avons déploré son mépris manifeste pour la Conférence Internationale convoquée par Battaglia. Mais quelle ne fut pas notre surprise quand, ayant reçu (après avoir beaucoup Insisté) la liste des organisations auxquelles Battaglia avait expédié 1'Appel, aux groupes internationaux de la Gauche Communiste pour la Conférence de Milan, nous n'avons trouvé ni Programma ni les autres organisations qui se réclament de la Gauche Italienne. Il y a donc deux possibilités : soit Battaglia n'a pas expédié l'Appel à ces organisations et dans ce cas, elle a essayé de se faire passer au niveau International comme le seul groupe héritier de la Gauche Italienne, soit elle les a Invités, et, face à leur refus, n'a pas daigné les nommer. Quel que soit le cas ([11] [17]), elle a démontré dans les faits son incompréhension que face aux groupes politiques qui sont sur un terrain de classe, quelles que soient leurs erreurs, Il est nécessaire : "de conserver une attitude ouverte à la discussion, discussion qui doit se mener pu publiquement et non à travers des échanges confidentiels" (Revue lnt. n°11.p.22) Et surtout, il faut savoir ne pas se laisser aller à des réactions émotives, à des représailles polémiques et à des obstinations sur des problèmes formels; c'est pour cette raison que notre attitude envers Programma Comunista ne change pas par le simple fait qu'il nous a qualifiés d’imbéciles" ([12] [18]) .
BATTAGLIA COMUNISTA, LE CCI ET LA CWO
"SI la CWO, avec plus de sérieux, se montre ou vert à l'approfondissement critique et ne s'érige pas en maître du communisme, les confusionnistes du CCI prétendent donner des sentences sur les confusions des autres en rangeant parmi les groupes confus la fleur des réactionnaires gauchistes, comme les trotskystes" (B.C n°l3).
Pour que notre nature de "marxistes du dernier moment" soit plus claire, Battaglia a pensé à nous opposer à un groupe "sérieux", la CWO. Mais pour arriver à son but, elle doit nous attribuer les positions erronées des autres et vice-versa. Battaglia fait semblant de ne pas savoir (ou probablement, elle ne le sait pas vraiment) que la CWO a rompu tout rapport avec nous en 1976 après nous avoir défini non pas comme confus mais comme "contre-révolutionnaires"([13] [19]). Les camarades de la CWO ont maintenu cette position absurde pendant presque deux ans, refusant toute discussion avec nous malgré nos propositions publiques en ce sens (W.R n°6, Revue Internationale n°9 et 10). Cette attitude ultra-sectaire l'a amenée à un isolement croissant et à la désagrégation : d'abord la scission de Liverpool (l'ancien Workers' Voice) après la scission des sections d'Edimbourg et d'Aberdeen, qui réclamaient l'ouverture de discussions avec le CCI en vue de leur Intégration dans le Courant.
Les camarades restés dans la CWO, même s'ils continuent à nous qualifier de "contre-révolutionnaires" ont enfin annoncé "que l'article dans la Revue Internationale n°l0 était politiquement assez sérieux pour pouvoir constituer la base d'une reprise de débat et donc nous sommes obligés d'essayer de faire comprendre encore une fois au CCI les conséquences de ses théories"([14] [20]) et Ils ont maintenu une attitude fraternelle lors de la Conférence "non-léniniste d'Oslo" où nous avons défendu en commun les positions révolutionnaires. En ce qui concerne les trotskystes, notre Résolution parle clair : "Parmi les parti passés à la bourgeoisie, on peut nommer principalement les partis socialistes issus de la 2ème Internationale, les partis communistes Issus de la 3ème Internationale de même que les organisations appartenant au monarchisme officiel et également les courants trotskystes...En ce sens, on ne doit rien attendre des différentes scissions trotskystes qui régulièrement se proposent de sauvegarder ou revenir à "un trotskysme pur" ([15] [21]). Mais si nous n'avons jamais pris les trotskystes pour des confus, il y en a qui, malheureusement, les ont pris pour des révolutionnaires : Battaglia Comunista a invité à la Conférence de Milan deux organisations trotskystes françaises, Union Ouvrière et Combat Communiste, et elle a défendu longuement cette invitation contre nos protestations et notre ferme opposition à n'lm-porte quelle discussion avec des organisations contre-révolutionnaires. Cette opposition n'a pas été simplement exprimée de vive voix dans une rencontre avec la CE de Battaglia mais a été publiée dans notre presse :
"... tout en mettant en garde contre l'absence de critères politiques, ce qui permet l'invitation de groupes tels que les trotskystes-modernistes d'Union Ouvrière ou les mao-trotskystes de Combat Communiste, dont nous ne voyons pas la place dans une conférence de communistes..."([16] [22]). Après tout cela. Il faut pas mal d'inconscience pour écrire que c'est nous qui n'avons pas les idées claires sur la nature réactionnaire du trotskysme.
L'ETAT DANS LA PERIODE DE TRANSITION
Nous n'avons pas l'intention, ici, de nous étendre sur ce sujet aussi complexe que vital pour les révolutionnaires, ni même de réfuter les simplifications désinvoltes que Battaglia énumère à ce propos (ceci trouvera sa place dans le développement ultérieur de la discussion). Nous nous contenterons de souligner les bourdes les plus retentissantes et mettre au clair le cadre dans lequel cette discussion doit se situer.
Pour les camarades de Battaglia, le projet de résolution présenté par le Bureau International du CCI n'est rien d'autre que la négation de la dictature du prolétariat au profit d'un "organe au-dessus des classes, ce qui se rattache, comme une conséquence logique à la défense que les partis de gauche font de "l'Etat de tous". Il est bon de rappeler ici que des accusations analogues avaient été faites par la CWO, pour ne nommer qu'elle. Quel est aujourd'hui le bilan de toutes ces accusations ? Voici ce qu'une importante minorité de la CWO a été conduite à admettre :
"La CWO soutient que le CCI serait partisan d'une soumission de la classe ouvrière à un quelconque "Etat Interclassiste". S'il en était ainsi, le CCI aurait effectivement franchi les frontières de classe. Mais en réalité, si on se prend la peine de suivre les textes du CCI sur la période de transition, on y trouve défendues les mêmes positions de classe que la CWO... Le CCI met clairement en relief que SEULE la classe ouvrière peut disposer du pouvoir politique... Il y est clair que SEULE la classe ouvrière peut s'organiser en tant que classe; la seule concession faite à cet égard concerne les paysans qui peuvent s'organiser sur une base géographique pour faire connaître leurs besoins au prolétariat"([17] [23]).
La thèse défendue dans le projet de résolution et dans maints autres textes précédents, exprime l'idée que l'expérience de la révolution russe a démontré de façon tragique que la dictature du prolétariat, la dictature des conseils ouvriers ne peut s'identifier avec cet Etat engendré par la subsistance de la division de la société en classes au lendemain même de la révolution, il en découle que la dictature du prolétariat ne s'exerce pas dans l'Etat ni à travers l'Etat mais sur l'Etat, qu'en conséquence celui-ci ne pourra être -comme l'a toujours dit le marxisme- qu'un "demi-Etat" destiné à s'éteindre progressivement et pour cela privé de toute une série de caractéristiques particulières, tel par exemple le monopole des armes.
Battaglia joue de l'équivoque et s'indigne :
"Mais alors l'Etat bourgeois a, lui, le monopole des armes, par contre celui qui surgira de la révolution prolétarienne, non!" (B.C n°12) laissant ainsi entendre au lecteur que, d'après nous, le prolétariat devrait se partager fraternellement les armes disponibles avec les anciennes classes possédantes, au nom d'une soi-disant très démocratique "lutte pour le monopole". En réalité, dans la résolution, l'Etat n'a pas le monopole des armes pour la simple raison que la classe, en ne s'identifiant pas à lui, ne le lui délègue pas :
"La domination de la dictature du prolétariat sur l'Etat et l'ensemble de la société se base essentiellement :
- sur l'interdiction de toute organisation propre aux autres classes en tant que classes,
- par sa participation hégémonique au sein de l'organisation d'où émane l'Etat,
- sur le fait qu'elle s'impose comme seule classe armée".(Revue Internationale n°11, p.26)
Puis Battaglia entreprend de nous présenter comme des gens aveuglés par une sorte de phobie de l'Etat due à des "amours libertaires non encore assoupies" :
"Faire de tous les effets négatifs de l'Etat la cause principale de la dégénérescence de la révolution d'Octobre - comme le théorise de façon explicite le document - c'est avoir compris bien peu de l'expérience de la révolution russe, c'est prendre des vessies pour des lanternes, les effets pour les causes". (B.C n°l2).
Et Battaglia d'assumer la tâche aisée de rappeler le poids sur la révolution, de l'encerclement, le reflux de la vague révolutionnaire, etc. Mais le rappeler à qui ? Le CCI a toujours défendu que "de même que la révolution russe fut le premier bastion de la révolution Internationale en 1917, le premier d'une série de soulèvements prolétariens internationaux, de même sa dégénérescence en contre-révolution fut l'expression d'un phénomène international, le résultat de l'échec de l'action d’une classe internationale, le prolétariat" ([18] [24]), menant de dures polémiques contre ceux qui ne volent comme cause de la dégénérescence que les erreurs du parti bolchevik et son identification avec l'Etat. La résolution affirme que l'Etat fut "le principal agent", c'est-à-dire l'Instrument de la contre-révolution, contrairement aux prévisions des bolcheviks, pour qui la contre-révolution ne pouvait s'affirmer qu'au travers de la destruction de l'Etat soviétique par les généraux blancs et les armées d'Invasion du capital mondial. Il revint cependant à l'Etat soviétique, renforcé au maximum pour mieux "défendre la révolution", de prendre en charge son étranglement ainsi que celui du parti bolchevik, en tant que parti prolétarien.
Bref, le projet de résolution sur la période de transition constitue un "brusque détour des voies de la science révolutionnaire", détour qui est d'autant plus grave qu9II n'a d'autre justification que celle de l’originalité à tout prix" (souligné par nous). Battaglia tombe ici vraiment mal. Notre débat sur la période de transition, les contributions élaborées au cours des années, se situent dans une continuité directe des recherches menées par les minorités révolutionnaires des années 30. Ceci est particulièrement vrai pour la Gauche Italienne qui énonçait comme tâche des révolutionnaires la résolution des "NOUVEAUX PROBLEMES POSES PAR L'EXERCICE DU POUVOIR PROLETARIEN EN RUSSIE" (Bilan, nov.1933), et qui parvint à fournir une contribution, qui pour ne pas avoir été définitive, n'en fut pas moins fondamentale :
"Mais l'Etat soviétique ne fut pas considéré essentiellement par les bolcheviks, au travers des terribles difficultés contingentes, comme un "fléau dont le prolétariat hérite et dont il devra atténuer les effets les plus fâcheux" (Engels), mais comme un organe qui pouvait être totalement identifié avec la dictature du prolétariat et donc avec le Parti... Bien que Marx, Engels, et surtout Lénine, aient, plus d'une fois, souligné la nécessité d'opposer à l'Etat son antidote prolétarien, capable d'empêcher sa dégénérescence, la révolution russe, loin de garantir le maintien et la vitalité des organisations de classe du prolétariat, les a stérilisées en les intégrant dans l'appareil étatique et en a ainsi dévoré la substance même" ([19] [25])
On peut certes être en divergence avec ces positions et/ou avec les conclusions qui en ont été tirées par la Gauche Communiste de France (Internationalisme) pendant les années 40 et par nous aujourd'hui : l'existence d'un débat ouvert sur ces thèmes au sein de notre organisation en est la meilleure preuve ([20] [26]). Mais présenter tout ce travail comme un ridicule souci "d'originalité", c'est au contraire fournir la meilleure preuve du processus de sclérose auquel Battaglia se trouve confrontée.
Mais à peine a-t-on prononcé ce terme de sclérose que les camarades de Battaglia sentent le sang leur monter à la tête, l'interprétant comme une tentative de les définir comme une bande de vieillards artérioscléroses et recroquevillés. Ce n'est pourtant pas en termes d'Insultes que nous parlons de sclérose à l'égard des groupes qui ont survécu des anciens courants révolutionnaires, tout comme ce n'est pas sur un ton d'éloge que nous constatons "l'agilité" de tous ceux (Togliatti, etc.) qui ont, avec la plus grande désinvolture, sauté de l'autre côté de la barricade. Il n'en demeure pas moins qu'un groupe révolutionnaire ne peut pas subir pendant près de 50 ans l'influence du poids de la contre-révolution triomphante, au sein même des rangs de la classe ouvrière, sans qu'il s'en dégage la moindre conséquence :
"En règle générale, d'ailleurs, leur sclérose est, en partie la rançon qu'ils paient à leur attachement et à leur fidélité aux principes révolutionnaires, à leur méfiance à l'égard de toute Innovation qui a constitué, pour d'autres groupes, le cheval de Troie de la dégénérescence ([21] [27]), méfiance qui les a conduits à rejeter les actualisations de leur programme, rendues nécessaires par l'expérience historique"([22] [28]).
Dans la réalité, la capacité de dépasser et de dénoncer les faiblesses de la position de Lénine sur la question nationale (positions que le Parti Communiste d'Italie avait, en son temps, entièrement fait siennes) a constitué un facteur Important dans la défense du défaitisme révolutionnaire, menée par le Parti Communiste International pendant la IIème guerre mondiale. Mais au cours de la longue période de paix sociale qui s'est ouverte avec l'après-guerre, le processus de sclérose a pris, en grande partie, le dessus sur le travail d'enrichissement des positions de classe. Si Programma Comunista a cru résoudre tous les problèmes et, proclamant le retour à toutes les vieilles erreurs de la IIIème Internationale, Battaglia - comme nous l’avons vu -tente elle de concilier la défense de positions de classe et une adhésion "rigide" au "léninisme". Ainsi, par exemple, dans un article sur le parti bolchevik paru dans Prometeo ([23] [29]). L’auteur des articles sur le second congrès du CCI, à côté d'une polémique juste "contre ces conceptions qui Identifient l'exercice de la dictature - qui doit être le fait de la classe et d'elle seule - avec la dictature du parti", attaque surtout "ces conceptions débordantes de préjugés bourgeois, telles celles de Rosa Luxembourg, suivant lesquelles la dictature consiste dans l'application de la démocratie et non dans son abolition". Nous ne pensons pas que ce soit ici le lieu pour répondre à ces simplifications et déformations des critiques adressées par la grande révolutionnaire à l'expérience bolchevique. D'ailleurs, il y a quelques années, Battaglia s'est, elle-même chargée de le faire en publiant, en italien la brochure "La Révolution Russe" de Rosa et en affirmant, par la plume autorisée d'Onorato Damen, que :
"La dictature du prolétariat de demain, quelque soit le pays où elle agira, constituera une expérience nouvelle, en ce sens qu'elle synthétise ra l'intuition et l'optimisme révolutionnaires de Luxembourg et l'irremplaçable enseignement de Lénine" ([24] [30]).
Mais peut-être l'auteur de l'article ne le savait pas et peut-être s'est-ll laissé aller au plaisir de "l'originalité à tout prix" à l'égard de son propre parti. Nous ne pouvons que constater : Il s'agit encore une fois des zigzags typiques de cette prétendue "Invariance" rigide.
LE DEBAT ENTRE LES REVOLUTIONNAIRES ET LES QUESTIONS OUVERTES
"Ainsi, d'après les auteurs de l'article (peut-être d'après tous les camarades du CCI ? Nous en doutons ...), l'Etat au cours de la période de transition est une question sur laquelle II est permis et même nécessaire de discuter au sein d'une organisation révolutionnaire aux aspirations vraiment internationales... Ce qui est tout à fait Inacceptable, c'est la prétention du CCI d'être une organisation Internationale de révolutionnaires. Il serait plus juste de l'appeler "groupe international d'études", groupe avec lequel, bien entendu, nous sommes toujours prêts à collaborer en donnant le meilleur de nous-mêmes". (B.C. n°14).
Contrairement à ce que semble penser aujourd'hui Battaglia Comunista, les frontières de classe qui déterminent l'appartenance au camp prolétarien, n'ont pas été toutes codifiées dans le Manifeste de 1848. La Commune de Paris a démontré que "l'Etat bourgeois se détruit mais ne sa conquiert pas", et l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, marquée par l'éclatement de la première guerre mondiale a rendu inutilisables pour la classé toutes les vieilles tactiques réformistes. De façon spécifique, dans ce dernier cas, il est parfaitement compréhensible que les révolutionnaires n'aient pas été capables, sur le moment, de mesurer l'ampleur du changement qualitatif. Mais aujourd'hui, après 50 ans de démenti historique, les refus de 669 tactiques est devenu une frontière de classe, dont la défense est la base de toute organisation révolutionnaire. La plate-forme du CCI, base d'adhésion unique dans tous les pays, assume cette fonction et c'est à faire sa critique que nous invitons quiconque voudrait sérieuse ment démontrer notre inexistence comme organisation Internationale des révolutionnaires. C'est au sein de ce cadre programmatique cohérent qu'il est permis, même nécessaire de discuter sur tous les problèmes que l'expérience historique de la classe n'a pas encore résolus. Avec Bilan, nous pensons que le court exercice du pouvoir par le prolétariat en Russie, loin de confirmer toutes les vieilles convictions du mouvement ouvrier, a soulevé de "nouveaux problèmes" auxquels II faut donner une solution dans la perspective révolutionnaire. Contribuer à la préparation de cette solution, telle est la tâche qui anime tous les militants du CCI dans cette discussion, qui se situe fermement à l'intérieur du cadre tracé par l'expérience russe (la dictature du prolétariat n'est pas la dictature du parti, etc.). Mais ce problème ne concerne pas uniquement le CCI; Il est l'affaire de tout le mouvement révolutionnaire. C'est pourquoi le débat est mené de façon ouverte, face à l'ensemble de la classe, Invitant les autres groupes à participer au débat.
C'est cette attitude qui nous a aidés è assumer dans les faits l'effort de regroupement des révolutionnaires au niveau International, cette tâche que nous avons "la prétention" de faire nôtre. C'est pour cela que nous pouvons entreprendre une discussion avec d'autres groupes sans besoin de "nous donner du courage" en affirmant qu'il s'agit uniquement de fournir une aide maximum de notre part à d'inoffensifs studieux, privés de toute cohérence Interne.
Si nous avons publié dans notre presse un texte de Battaglia fortement critique à notre égard ([25] [31]) ce n'est ni par éclectisme, ni par faiblesse : "Loin de s'exclure, fermeté sur les principes et ouverture dans l'attitude vont de pair : nous n'avons pas peur de discuter précisément parce que nous sommes-convaincus de la validité de nos positions" ([26] [32]). En fait, nous soutenons fermement que la discussion publique au sein et entre les organisations prolétariennes soit le patrimoine du mouvement ouvrier et non de quelque Institut International des Hautes Etudes Sociales. C'est ainsi que Bilan publia - à propos de la guerre d'Espagne - les textes de la minorité scissionniste et nous- mêmes les avons reproduits en publiant aujourd'hui les textes de Bilan sur cette question ;
"Ce n'est certes pas un scrupule moral qui a motivé ce choix, c'est encore moins une volonté de se tenir au-dessus de la mêlée (étant donné notre prise de position sans équivoque) qui nous a conduits à publier les textes des deux tendances. La politesse n'a rien à faire ici. Nous laissons volontiers aux héros des guerres Impérialistes la haute satisfaction de porter des fleurs à l’ennemi vaincu. Le débat politique n'est pas pour nous un beau geste, une "touche de classe", quelque chose qui nous distingue et nous fait remarquer, mais au contraire, UNE NECESSITE ELEMENTAIRE VITALE A LAQUELLE IL NE SAURAIT ETRE QUESTION DE RENONCER". ([27] [33])
[1] [34] Les documents et les procès-verbaux de la Conférence sont publiés sous la forme d'une brochure ronéotée en français et anglais et comme numéro spécial de Prometeo en Italien. On peut se procurer ces textes au PCInt. Casella Postale 1753 -Milano-Italie-
[2] [35] Voir Battaglia Comunista nô 10-11 et 12 -Août-septembre 1977.
[3] [36] Rivoluzione Internazionale n°10, p.4, sept.77.
[4] [37] "L'insondable profondeur du marxisme occidental" dans 'Le Prolétaire n°203-204-octobre 1975.
[5] [38] C'est le cas de Battaglia pour les groupes qui viennent de la Gauche Italienne, de Spartacus-Bond pour la Gauche Hollandaise (voir "Spartacus-Bond terrorisé par les fantasmes bolcheviks, Revue Internationale n:2).
[6] [39] Battaglia Comunista n°l3-octobre 1977.
[7] [40] Bulletin d'Etude et de Discussion de RI n°!0, p.3l.
[8] [41] Voir par exemple "La crise monétaire" dans RI ancienne série n°2, février 1969.
[9] [42] Ainsi nous nous sommes solidarisés avec les grèves d'août 1975 des cheminots Italiens malgré l'Intervention démagogique des syndicats autonomes (Rivoluzione Internazionale n°3).
[10] [43] Rivoluzione Internazionale n°7, p.23
[11] [44] Probablement le deuxième, étant donné les "allusions" de Programma : "Toutefois, de temps en temps, nous recevons des appels, pas très convaincus, certainement peu convaincants, pour une rencontre sur la base d'un programme très général de lutte contre l'opportunisme" (Programma Comunista, n°l2, Juin 1976).
[12] [45] Voir article de Programma Comunista n°2l, nov.1977, auquel nous répondrons dans notre prochain numéro de Rivoluzione Internazionale.
[13] [46] Voir "Les convulsions du CCI" dans Revolutionary Perspectives n°4. Selon ces camarades, en en effet, notre refus de considérer le parti bolchevik et l'IC dans son ensemble comme totalement réactionnaires à partir de 1921, fait de nous "un de ces nombreux groupes qui font partir la contre-révolution après 1921". Les camarades de Battaglia qui se réclament explicitement du Parti de Livourne (1921) et des Thèses de Rome savent désormais ce que la CWO pense d'eux.
[14] [47] Revolutionary Perspectives n°8, p.38.
[15] [48] Revue Internationale n°11, p.19-20.
[16] [49] Revue Internationale n°8, p.46, déc.1976.
[17] [50] "Frontières de classe et organisation", texte de la section d'Aberdeen et d'Edimbourg, publié maintenant dans Revolutionary Perspectives n°8
[18] [51] "La dégénérescence do la révolution russe", p.l8 dans la Revue Internationale n°3.
[19] [52] Bilan n°28, mars-avril 1936. Pour une Histoire de la Gauche Italienne dans l'exil, voir Revue Internationale n°9. p.10.
[20] [53] Voir à ce propos le contre-projet de résolution écrit par quelques camarades dans la Revue Internationale n°11, p.27. Voir encore dans le même numéro la lettre critique envoyée par le camarade E. et la réponse de R.Victor, p.31.
[21] [54] C'est pour cela que nous avons toujours condamné le mépris "juvénile" de groupes qui tels, Union Ouvrière à qui II a suffi d'une année pour Juger théoriquement et expérimenter pratiquement la formidable pauvreté de tous les "bordigo-pannekoeko-révisionnistes et de leurs sous-produits critiques" (U.O de décembre 1975); leur mépris pour les vieilles "momies" de la Gauche Communiste n'est en réalité qu'un mépris vis-à-vis des difficultés que rencontre le prolétariat pour se hausser à la hauteur de ses tâches historiques. Le naufrage d'Union Ouvrière dans la confusion après "une année" en est la meilleure preuve.
[22] [55] Revue Internationale n°11, p.21
[23] [56] Prometeo n°24-25, p.35, 1975.
[24] [57] "La Révolution Russe" de Rosa Luxembourg, Edizione Battaglia Comunista, sans date.
[25] [58] Introduction aux textes sur la divergence dans la Rivoluzione Internazionale n°1.
[26] [59] "Lettre de Battaglia Comunista" publiée dans la Revue Internationale n°8 (Eds française, anglaise et espagnole) avec une réponse approfondie et documentée de notre part. Depuis, près d'un an s'est écoulé et nous attendons toujours une réponse.
[27] [60] Revue Internationale n°11, p.22.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/imperialisme
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/leconomie
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/marxisme-theorie-revolution
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/decadence-du-capitalisme
[7] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn1
[8] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn2
[9] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn3
[10] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn4
[11] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn5
[12] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn6
[13] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn7
[14] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn8
[15] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn9
[16] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn10
[17] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn11
[18] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn12
[19] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn13
[20] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn14
[21] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn15
[22] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn16
[23] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn17
[24] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn18
[25] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn19
[26] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn20
[27] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn21
[28] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn22
[29] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn23
[30] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn24
[31] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn25
[32] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn26
[33] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftn27
[34] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref1
[35] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref2
[36] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref3
[37] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref4
[38] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref5
[39] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref6
[40] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref7
[41] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref8
[42] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref9
[43] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref10
[44] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref11
[45] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref12
[46] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref13
[47] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref14
[48] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref15
[49] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref16
[50] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref17
[51] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref18
[52] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref19
[53] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref20
[54] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref21
[55] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref22
[56] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref23
[57] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref24
[58] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref25
[59] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref26
[60] https://fr.internationalism.org/rinte13/bc.htm#_ftnref27
[61] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[62] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/battaglia-comunista