Published on Courant Communiste International (https://fr.internationalism.org)

Home > Révolution Internationale - les années 2010 > Révolution Internationale 2010 - n° 408 - 418 > Révolution Internationale n° 408 - janvier 2010

Révolution Internationale n° 408 - janvier 2010

  • 10 reads
[1]

L'impuissance et la faillite des Etats (réponse au livre de Michel Aglietta)

  • 2781 reads

Depuis l’été 2007 et l’éclatement de la bulle des prêts hypothécaires nommés subprimes, la crise économique ne cesse de s’aggraver. Pourtant, la bourgeoisie tente de réagir. Elle a multiplié des réunions au sommet (les fameux G7, G8, G20) et a mobilisé tous ses docteurs et autres prix Nobel en économie pour tenter de trouver une solution, relancer la machine et renouer avec la croissance. La preuve en est les étalages des librairies, qui regorgent de livres expliquant tous les causes de cette crise brutale et proposant autant de remèdes.

Nous avons choisi de répondre à l’un d’entre eux : la Crise – Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ?, de Michel Aglietta. Ce livre est le fruit d’un travail sérieux, reconnu, et a reçu le prix de l’Excellence économique. Il illustre parfaitement les solutions proposées par la fraction la plus intelligente de la bourgeoisie, mais aussi ses espérances et, surtout, ses… illusions !

Pourquoi en est-on arrivé là ?

Dans son ouvrage, Michel Aglietta analyse en premier lieu, et très longuement, les mécanismes financiers et monétaires qui ont conduit selon lui au crash financier et aux défaillances bancaires de l’été 2007. Cette partie de son analyse est sans aucun doute la plus pertinente.

D’après lui, après l’éclatement de la bulle Internet en 2001, “l’Amérique s’est lancée dans une politique expansive pour soutenir la conjoncture (…). On a assisté à la dette des entreprises et à la dette des ménages.” Effectivement, pour soutenir à tout prix la demande, et donc la croissance, pour éviter une grave récession, les autorités américaines ont laissé le marché du crédit se déréguler, enfler sans aucun contrôle. Elles l’y ont même encouragé !

Et cette folie a gagné tous les rouages : “tout le monde profitait du système. Et chacun, banquiers, régulateurs, investisseurs, acteurs politiques, habité par l’idéologie de l’efficience du marché (...), ne voyait qu’avantage dans cette fuite en avant des coûts du crédit, dissémination des risques, diversifications des patrimoines, rentabilités accrues des actifs.”

Cette “fuite en avant” dans l’endettement généralisé, qui ne reposait pas sur un développement réel de la production, devait nécessairement mal finir. L’insolvabilité croissante de tous les “acteurs” (en particulier des ménages américains) ne pouvait avoir pour seule issue que la faillite !

Après cette description juste et détaillée, Michel Aglietta énumère avec lucidité comment cette crise financière s’est transmise à “l’économie réelle” et a entraîné des faillites à la chaîne, les fermetures d’usines, le chômage massif… bref, tout ce que la classe ouvrière ne connaît que trop bien.

Jusqu’ici nous pouvons donc suivre avec sérénité l’analyse de ce brillant économiste bourgeois, jusqu’ici… mais pas plus loin ! Car pas un seul instant, il ne se demande :

– quelles sont les causes réelles de cette crise généralisée de l’endettement ?

– pourquoi le système financier et toutes les institutions politiques (les États, les Banques centrales, le FMI…) ont-elles été touchées par cette folle “fuite en avant” ?

– et, surtout, la crise financière est-elle la cause ou le symptôme d’une crise plus profonde encore ?

Du coup, en ne se posant pas les bonnes questions, la compréhension de cet éminent spécialiste s’arrête à la surface des choses. Son analyse demeure superficielle. Il ne voit pas (ou ne veut pas voir) que la folle “fuite en avant” de tout le système économique mondial, que le crédit facile, fou et dérégulé, que tout ça est non la cause mais l’effet. Il ne voit pas (ou ne veut pas voir) que le capitalisme est atteint d’une maladie mortelle, que son économie est touchée par le poison de la surproduction. Il ne voit pas (ou ne veut pas voir) que la seule “solution” temporaire pour le capital d’éviter la paralysie, c’est justement de soutenir artificiellement la demande, de permettre aux marchandises d’être achetées… à crédit. Enfin, Michel Aglietta ne voit pas (ou ne veut pas voir) que cette crise de surproduction touche le capitalisme non pas depuis 2007, ni même depuis 2001, mais depuis des décennies. C’est pour cela que depuis tant de temps, l’endettement mondial ne fait que croître et que les récessions et les crashs financiers se succèdent les un aux autres, en étant de plus en plus graves.

Comment en sortir ?

Cette vision à courte vue qui empêche un économiste bourgeois de voir la vérité en face quand il se demande “Pourquoi en est-on arrivé là ?” se transforme tout bonnement en cécité totale quand arrive la question fatidique “Comment en sortir ?”.

Dans un premier temps, cet analyste chevronné répète les mêmes “solutions” ridicules que nous avons tous déjà entendu mille fois. Face à la crise, “Il est important (…) de mettre en place les régulations qui permettront d’amortir ces convulsions cycliques… Pour ce faire, il faut d’abord mieux maîtriser le levier de l’endettement au sein du système bancaire lui-même. Il s’agit d’exercer un contrôle plus vigilant sur l’accroissement du volume du crédit”. La liste des propositions de régulation contraignantes continue à s’égrener à longueur de pages. Et comme certains des chefs d’État (en particulier N. Sarkozy) l’ont déjà dit de façon théâtrale à la tribune du G20, Michel Aglietta va jusqu’à affirmer : “Le plus important est néanmoins d’obtenir une normalisation des places offshore.” Il faut réformer la finance, l’empêcher de devenir folle ! Tout cela n’est évidemment que du vent.

Après ces propositions flamboyantes et moralisatrices (et surtout creuses), Michel Aglietta lance SA solution centrale et originale : “Il faut donc que les pouvoirs publics agissent de manière coordonnée pour que la récession ne se transforme pas en dépression… mais cela ne suffira pas, parce que le canal des banques qui transmettent normalement les impulsions de la banque centrale est paralysé.… En outre, les entreprises et les ménages ne vont pas relancer leur endettement pour dépenser plus. C’est pourquoi une augmentation coordonnée des dépenses budgétaires est indispensable. Il s’agit que la dette publique remplace la dette privée pour que le désendettement privé n’aspire toute l’économie vers le fond. Dans tous les cas de figures, on échappera donc pas à une contraction de la dette privée et, en contrepartie, à une augmentation très importante mais légitime et nécessaire de la dette publique.”

Alors là, Michel Aglietta peut-être fier, bravo ! Les gouvernements de tous les grands pays ont déjà suivi, sans le savoir, les recommandations “originales” du professeur Aglietta. Bon, c’est vrai, il y a quelques petites différences : il y a de moins en moins de coordination et de plus en plus de guerre économique. Plus la situation est grave et moins les pays capitalistes sont enclins à se donner la main car, voilà, ils sont tous en concurrence. Mais en dehors de ce “détail”, dans des circonstances d’une extrême gravité, d’une crise d’insolvabilité généralisée, seuls les États ont pu effectivement éviter l’effondrement général de l’économie. Comment ? En creusant les déficits publics d’un coté et en faisant marcher la planche à billet (autrement dit, en créant de la monnaie) de l’autre et, ce, au-delà de tout ce qui a existé dans l’histoire !

A elle seule, en novembre 2009, la dette publique américaine a atteint 12 000 milliards de dollars (Romandie news, 19.11.2009). Pour cette même année, la zone Euro, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont injecté à eux seuls 14 000 milliards de dollars, soit 25 % du PIB mondial (Contre-info, 21 novembre 2009). Pour Michel Aglietta : “Quand les ménages cessent de dépenser et qu’il n’est plus possible de compter sur l’extérieur, parce que les pays émergents sont à leurs tours frappés par la crise, il n’y a plus que l’État qui puisse dépenser.” Et quand l’État dépense voici ce que cela donne ! La dette prévue pour 2011 sera, dans le meilleur des cas, de 105 % du PIB en Grande-Bretagne, 125 % aux États-Unis, 125 % dans l’UE et 270 % au Japon (Ambrose Evans Pritchard, “Le Télégraphe”, 18 novembre 2009 sur Contre-info). Michel Aglietta a raison sur ce point : les États soutiennent l’économie en la plaçant sous perfusion permanente. Voilà pourquoi l’économie mondiale, la croissance et le système financier ne se sont pas littéralement effondrés depuis 2007. Monsieur le Professeur pourra se vanter auprès de ses étudiants de Nanterre du fait que ses prescriptions ont été suivies par tous les gouvernements ! Enfin, il devrait se dépêcher de le faire car son “remède” va bientôt s’avérer pire que le mal. Car il y a maintenant, au point où nous en sommes, une nouvelle question à se poser : qui va bien pouvoir se porter dans les mois et les années qui viennent au chevet de ces États surendettés et en situation de banqueroute ?

Qui viendra au secours des États en faillite ?

Michel Aglietta lui-même ne peut pas esquiver cette question tant il est évident que les États vont aujourd’hui droit dans le mur. Ils ne pourront pas bien longtemps encore soutenir l’économie en creusant les déficits.

Conscient du “petit” problème, notre économiste tente de rassurer son monde en proposant là encore ses “solutions”. Il défend ainsi l’idée que l’État va soutenir la croissance suffisamment longtemps pour que le privé et, notamment, les banques et les particuliers, puissent se désendetter en grande partie. Toujours d’après lui, le crédit privé devrait alors redémarrer et prendre le relais des États pour soutenir la croissance (1). Mais surtout, il prévoit que le centre de gravité économique et financier mondial va se déplacer de l’Occident vers les pays émergents de l’Orient. “Pour financer ces opérations de soutien massif au système financier, garantie des prêts interbancaires et recapitalisations des banques, les États vont recourir à la dette publique. Ils émettront des titres qui seront achetés par les investisseurs du monde : pays asiatiques, producteurs de pétrole.” Voici de retour la fable, la chimère du Quand la Chine s’éveillera… Comment, sérieusement, la Chine ou l’Inde pourraient empêcher la cessation de paiement des États de l’Occident et en premier lieu celui du plus puissant du monde, les États-Unis ? Où ces États pourraient-ils trouver de telles capacités financières alors que, par exemple, les exportations chinoises ont diminué de 25 % en un an ? En réalité, la crise actuelle est une crise mondiale et aucun pays n’y échappe. En Chine, bulles spéculatives et surproduction généralisée sont bel et bien elles aussi à l’œuvre.

Arrivé enfin dans son livre au moment de répondre à la question vitale écrite sur sa couverture, “Comment en sortir ?”, Aglietta ne peut donc répondre que par une vue de l’esprit qui n’a aucun fondement dans la réalité actuelle, comme le fait n’importe quel éco­nomiste bourgeois.

Nous pouvons alors, bien entendu, nous poser une question toute simple. Comment se fait-il que Michel Aglietta soit aussi performant pour nous expliquer les arcanes du monde financier et aussi irréaliste lorsqu’il s’agit de proposer des moyens permettant au capitalisme d’échapper à la dépression ? En fait, pas plus lui que l’ensemble de la bourgeoisie ne savent “Comment sortir de la crise ?”. Pour empêcher l’économie capitaliste de s’enfoncer trop rapidement dans la dépression, la bourgeoisie n’a pas d’autre choix que de continuer à créer et à injecter de la monnaie et à creuser les déficits publics et budgétaires, comme si elle jetait de l’argent dans un puits sans fond. Les conséquences inévitables et déjà visibles de cette politique sont la marche en avant des États vers des situations de cessation de paiement. Certes, un État capitaliste ne se déclare pas en faillite en mettant la clef sous la porte, comme le font les entreprises. Une situation de “faillite” d’un État signifie concrètement de nouveaux “sacrifices”, de nouvelles attaques et une brutale dégradation des conditions de vie pour la classe ouvrière. Tous les États, face à leur déficit abyssal, vont devoir :

– développer une très forte pression fiscale (augmenter les impôts) ;

– diminuer encore plus drastiquement leurs dépenses en supprimant par dizaines ou centaines de milliers les postes de fonctionnaires, en réduisant de façon draconienne les allocations retraites, les indemnités chômages, les aides familiales et sociales, les remboursements de soins, etc. ;

– laisser filer la valeur de la monnaie par une hausse de l’inflation qu’ils ne sont pas du tout sûrs de contrôler ! Tel est d’ailleurs le sens de la politique économique actuelle menée aux États-Unis et en Angleterre. Celle-ci s’est soldée pour le moment par une perte de 20 % de la valeur du dollar par rapport à l’euro et à une baisse continuelle de la livre sterling. Concrètement, pour les ouvriers, le retour à terme de l’inflation va signifier une hausse considérable des prix sans évidemment que leurs salaires ne suivent ! (2)

Il ne s’agit pas là d’une fiction mais d’une réalité qui commence à naître dès aujourd’hui sous nos yeux. Fin 2008, début 2009, l’Islande, la Bulgarie, la Lituanie et l’Estonie étaient estampillées “État en faillite”. Fin novembre-début décembre, la liste s’est encore allongée. “Dubaï, la faillite en ligne d’émir” et “La Grèce est au bord de la faillite” titrait ainsi Libération, respectivement les 27 novembre et 9 décembre. Pour l’instant, chacun de ces pays a été secouru (par d’autres États ou le FMI…). Mais que se passera-t-il quand des pays plus importants, pesant “plus lourd” dans la balance économique, vont à leur tour sombrer. Qui pourra les renflouer ? Personne ! Dans ces pays, l’économie ne sera évidemment pas paralysée mais les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière subiront une terrible détérioration encore plus dramatique. Déjà, l’Espagne et le Portugal donne des signes importants de faiblesse.

En mars 2009, le Crédit suisse avait établi la liste des dix pays les plus menacés par la faillite, en comparant l’importance des déficits et la richesse de la nation (le PIB). Pour l’instant, cette sorte de “Top 10” a “tapé dans le mille” puisqu’il était constitué, dans l’ordre, de l’Islande, la Bulgarie, la Lituanie, l’Estonie, la Grèce… l’Espagne, la Lettonie, la Roumanie… la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Irlande et la Hongrie.

La Grande-Bretagne et les États-Unis sont effectivement eux aussi mal en point, mais l’éventuelle forte dégradation de leur économie va signifier aussi une énorme accélération de la crise à l’échelle planétaire.

Lorsque Monsieur Aglietta en appelle à l’État pour sauver l’économie, il fait comme toute la bourgeoisie. C’est une traversée à bord du Titanic qui nous est proposée ! Aucun État au monde ne peut empêcher à terme l’économie mondiale de continuer de s’enfoncer dans la plus profonde dépression de l’histoire du capitalisme.

Tino (18 décembre)

 

1) Eh oui… après nous avoir expliqué que la cause de la récession actuelle était la folle “fuite en avant” vers le tout-crédit, Michel Aglietta propose comme “remède” de nouveaux crédits… étatiques dans un premier temps, privés dans un second temps ! Et comment cela ne mènerait pas cette fois encore l’économie mondiale dans la même impasse, cela Monsieur Aglietta ne nous l’explique pas !

2) Il n’est pas non plus à exclure que, malgré tous les efforts de États pour éviter cette éventualité catastrophique, si le crédit privé et la demande ne repartaient pas un minimum, la déflation puisse s’installer durablement.

Personnages: 

  • Michel Aglietta [2]

Récent et en cours: 

  • Crise économique [3]

La suppression de l'histoire-géographie en Terminale S est une attaque économique et idéologique

  • 2531 reads

Le 23 novembre, Luc Chatel a annoncé la suppression pure et simple des cours d’Histoire et de Géographie en Terminale scientifique.

Il s’agit là d’une attaque de plus qui vise à la réduction drastique du nombre de fonctionnaires. La suppression de cette discipline n’est que le fruit d’une logique visant à réduire les horaires d’enseignement de ces matières sur l’ensemble du cursus Seconde, Première et Terminale au lycée. Il y aura donc automatiquement besoin de moins d’enseignants.

L’État avait déjà porté la même attaque lors de la réforme précédente contre les Mathématiques, l’Informatique, les ‘Sciences de la Vie et de la Terre’ et la Physique-Chimie. Toutes ces matières ont été supprimées du programme des Terminales “Littéraire” et ‘Economique et Sociale’.

En démantelant ainsi peu à peu l’enseignement, matière par matière, l’État parvient à atteindre son objectif : diminuer considérablement le nombre de fonctionnaires. Année après année, c’est de plus en plus de postes qui sont supprimés à l’Education Nationale : 3500 en 2005, 1607 en 2006, 8700 en 2007, 11 200 en 2008, 13 500 en 2009 et… 16 000 en 2010 ! Soit 54 507 en 6 ans !

Ces chiffres éclairent les vrais motifs de ces réformes successives de “modernisation” de l’enseignement.

Résultat : les conditions de travail et d’apprentissage dans les écoles sont en train de se dégrader à toute vitesse. Enseignants, surveillants, conseillers d’éducation, mais aussi les élèves, tous sont confrontés à des classes et des salles de permanence surchargées, à des programmes dénués d’intérêt, à un climat tendu et parfois violent.

L’école n’a jamais été un lieu où la “jeunesse” (en fait, majoritairement les enfants d’ouvriers) pouvait s’épanouir et développer un esprit critique, libre. Elle a toujours été essentiellement une école de formation des futurs travailleurs, formatés idéologiquement autant que possible. Mais, ces dernières années, cette réalité s’est accentuée, elle a été mise à vif. En supprimant toutes ces matières, l’État appauvrit encore l’enseignement, il enferme encore un peu plus dans la spécialisation, il montre que son seul intérêt est de faire de ces élèves des travailleurs qualifiés dans leur branche, point barre.

Le Parti socialiste soulagé que les jeunes ne fouillent pas dans son histoire ?

Le Parti socialiste a une nouvelle fois brillé dans cette affaire par… son absence. Seul, le MoDem a jugé cette réforme “inacceptable”. Au Parti socialiste, une seule voix a porté, celle de Bruno Julliard, l’ex-président de l’UNEF et actuel secrétaire national du PS à l’éducation. En voici un échantillon. A la question du journaliste : “La réforme du lycée est-elle une bonne réforme ?”, il répond : “Je dirais non, moins parce qu’elle porte en elle des dangers que parce qu’elle manque d’ambition. […] On avait besoin d’une réforme en profondeur qui réponde à la question essentielle des missions du lycée. Le gouvernement n’a pas engagé ce débat. Il y a des éléments positifs (re-sic !), mais ils restent nettement insuffisants” .

Si c’est pour proférer de telles platitudes, on comprend que les autres ténors préfèrent se taire. Il faut dire que le PS n’est pas des mieux placés pour protester de façon crédible contre toutes ces attaques, lui qui a participé “allègrement” à la réduction des effectifs des surveillants sous Jospin entre 1997 et 2007 et qui s’était donné comme objectif de “dégraisser le mammouth Education Nationale”. Tel est le sens réel de la critique sur le “manque d’ambition” de cette réforme formulée par Bruno Julliard.

Le piège du corporatisme et de la citoyenneté

Si le PS s’est fait tout petit, le “monde de gauche”, lui, s’est naturellement scandalisé de cette suppression de l’Histoire-Géographie. Mais en y regardant de plus près, ces protestations masquent un piège, le poison du corporatisme, et une idéologie putréfiée, la citoyenneté.

Dans les déclarations suivantes, les mots n’ont en effet pas été choisis par hasard : “Ce nouvel épisode […] laisse anéanti et scandalisé. […] Dans la formation du citoyen, ces disciplines ont un rôle absolument fondamental. La compréhension du monde contemporain, de ses crises économiques ou géostratégiques, des rapports de force qui se nouent et se dénouent en permanence entre les nations, implique la maîtrise de l’Histoire et de la Géographie.” (2)

“Ces matières ont une fonction citoyenne, développent l’esprit critique par rapport à l’émotionnel.” (3)

D’abord, le “monde de gauche” se focalise ici sur l’Histoire-Géographie et passe sous silence l’ensemble des attaques. Il fait de la suppression de cette matière un problème particulier. Ce faisant, il isole les enseignants de cette matière des autres enseignants, des surveillants… eux aussi touchés par la réduction des effectifs. C’est répandre insidieusement le poison du particularisme… au sein même du corporatisme.

Ensuite, il fait croire que le rôle de l’école serait de former des personnes lucides, capables de réflexion éclairée sur le monde, capables d’analyser le présent par la connaissance des faits historiques et les expériences du passé. L’histoire enseignée tiendrait donc une place prépondérante pour comprendre la société capitaliste. Rien n’est plus faux !

Les enseignants et les jeunes générations ont à défendre leurs conditions de travail et d’étude, et à se sentir indignés quand le minimum éducatif est remis en cause, mais certainement pas à défendre la “citoyenneté” !

Les programmes d’Histoire ont toujours été construits pour et par la propagande d’Etat. Et ces dernières années, la bourgeoisie a même accentué cette réalité. Les multiples réformes des programmes permettent de moins en moins une analyse claire des faits historiques et la construction d’une réflexion critique chez les nouvelles générations. Tout est mis en place pour que la nouvelle génération ne puisse pas comprendre la faillite criante du capitalisme, pour qu’elle ne voit pas un éléphant dans un couloir ! Par exemple, l’étude de la crise de 1929 a purement et simplement “disparu” des programmes du lycée. L’année n’appartient même pas aux dates importantes à connaître à la sortie du collège ! (4) La bourgeoisie gomme ainsi tout parallèle possible dans la tête de la nouvelle génération ouvrière avec la crise économique qui sévit actuellement. La période de l’entre-deux guerres a elle aussi “disparu” des programmes des séries scientifiques, pas un mot sur les insurrections écrasées dans le sang par le Parti socialiste en Allemagne en 1919, 1921 et 1923, évidemment. Comment prétendre alors à une analyse non tronquée des causes de la Seconde Guerre mondiale ? Sans compter une remontée de l’obscurantisme au travers de l’apparition de l’étude des religions au collège. Tandis qu’il est demandé aux enseignants de passer au moins 20 % du temps d’enseignement de l’histoire (5) dessus, Régis Debray (6), lors d’une réunion proposée par le centre pédagogique de Paris7, a précisé qu’il fallait “mettre dans la tête des élèves de l’école maternelle ce patrimoine religieux et mettre en évidence le croisement du croire et du savoir, et ne pas éliminer la vérité religieuse” ! (8)

L’école laïque est un outil de la bourgeoisie pour la bourgeoisie. Historiquement, elle a été créée suite à l’expérience de la Commune de Paris dans le but d’encadrer idéologiquement la classe ouvrière. Jules Ferry, dans ses diverses interventions pour défendre l’école “gratuite” et “laïque” l’exprime d’ailleurs fort bien : “Non, certes, l’État n’est point docteur en mathématiques, docteur en lettres ni en chimie. […] S’il lui convient de rétribuer des professeurs, ce n’est pas pour créer ni répandre des vérités scientifiques ; ce n’est pas pour cela qu’il s’occupe de l’éducation : il s’en occupe pour y maintenir une certaine morale d’État, une certaine doctrine d’État, indispensable à sa conservation.” (9) “[…] Alors ne craignez pas d’exercer cet apostolat de la science, de la droiture et de la vérité, qu’il faut opposer résolument, de toutes parts, à cet autre apostolat, à cette rhétorique violente et mensongère, […] cette utopie criminelle et rétrograde qu’ils appellent la guerre de classe !” (10)

Le rôle réel de l’école est peu à peu de plus en plus visible : former techniquement les futurs travailleurs afin qu’ils soient efficaces et productifs et les formater idéologiquement pour en faire de bons (c’est-à-dire dociles) citoyens.

La suppression de l’Histoire-Géographie est une attaque réelle, mais pour lutter contre elle, il faut lutter contre toutes les attaques, ne pas se laisser isoler par le corporatisme et dévoyer par l’idéologie citoyenne, autrement dit nationaliste et contre la lutte des classes.

Frida (19 décembre)

 

2)  Jacques Sapir – Professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales – in du 29 novembre.

3) Entretien avec Hubert Tison, secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire-géographie. www.humanite.fr/Entretien-avec-Hubert-Tison-secretaire-general-de-l-Asso... [4]

4) Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008.

5) Idem.

6) Actuel président de l’IESR (institut européen en sciences et religions) et ancien doyen de l’inspection générale d’histoire et géographie.

7) Réunion tenue le 2 avril 2008.

8) Cité dans les Cahiers du mouvement ouvrier, no 43.

9) Jules Ferry à la Chambre, 26 juin 1879.

10) Jules Ferry à la Sorbonne, lors de la séance d’ouverture des cours de formation des professeurs, le 20 novembre 1892.

Géographique: 

  • France [5]

La classe ouvrière face à la misère

  • 2286 reads

En ce début d’hiver, toutes les associations caritatives tirent la sonnette d’alarme. La crise économique est en train de frapper brutalement toute la classe ouvrière et une partie croissante de celle-ci se retrouve d’ores et déjà plongée dans la misère.

Ainsi, selon Didier Piard, directeur de l’action sociale de la Croix-Rouge française : “L’intensité de la pauvreté augmente. Les pauvres sont plus pauvres qu’hier (…). Le nombre de personnes accueillies a augmenté de plus de 20 %. (…). Les associations caritatives voient 2010 en noir sur fond de chômage massif et de basculement d’une partie des chômeurs en fin de droits (…). Des populations que nous ne voyions pas autrefois viennent dans nos centres demander des aides alimentaires, des vêtements ou des aides financières directe : ce sont des retraités, des travailleurs pauvres, des smicards en contrat à durée indéterminée, qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts, des jeunes. Ils s’ajoutent aux familles monoparentales et aux précaires qui n’ont jamais cessé de venir (…). Une étude sur une quarantaine de sites a montré que plus de 40 % des personnes accueillies venaient demander de l’aide pour payer leurs factures d’énergie ou leur loyer.” [1]

Même constat pour les Restos du cœur. L’année dernière, cette association avait déjà battu un triste record, celui de l’affluence. Et pourtant, cet hiver s’annonce encore bien pire. Pour le Président des Restos, Olivier Berthe, “Au cours du printemps et de l’été derniers, la fréquentation de nos centres de distribution a augmenté de 20 % sur un an, on s’attend à une forte hausse de la demande, qui avait déjà progressé de 14 % l’année dernière” .

Ceux qui ont encore un travail ont donc eux aussi de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Les associations caritatives leur ont même donné un nom : “Les nouvelles têtes”. Il s’agit de tous ces gens sous-payés (mais sur-exploités, évidemment) qui viennent chercher à manger pour eux et leur famille.

Pour la classe ouvrière, crise économique rime avec licenciements, chômage, précarité… En 2009, 451 000 emplois environ ont été détruits et l’année 2010 s’annonce tout aussi terrible. “Le chômage va continuer d’augmenter” titrait ainsi le journal économique la Tribune du 18 décembre.

Que fait l’Etat, face à cette situation dramatique ? Il fait de son mieux pour limiter cette hausse des courbes du chômage en… trafiquant les chiffres, en rayant des listes par centaines des milliers les chômeurs en “fin de droits”. Pour être précis, 850 000 personnes classées en “fin de droits” ont été sorties des chiffres officiels du chômage en 2009 et le Pôle emploi estime qu’elles seront plus d’un million en 2010 ! Concrètement, cela signifie pour toutes ces familles ouvrières le retrait de ressources déjà réduites au minimum vital, la soupe populaire version moderne (les Restos du Cœur) et… souvent la rue !

Quand l’État exploite la peur de la rue et de la misère !

Cette augmentation considérable de la pauvreté, la bourgeoisie ne peut pas la cacher. La dure réalité est trop criante pour que les médias nous jouent l’air du “tout va bien”. Alors, du coup, ils en parlent à leur façon, jusqu’à la nausée (3). Le but est de faire peur, de dire aux ouvriers qui ont encore un emploi stable : “Voyez comment des gens souffrent de la misère, alors considérez-vous comme chanceux et ne vous plaignez pas trop car d’autres rêvent de prendre votre place.”

L’exemple le plus crapuleux de cette propagande est sans aucun doute les sondages sur la peur de devenir chômeur ou SDF dont les résultats sont toujours annoncés en grande pompe aux journaux télévisés du 20h. Le dernier en date, celui de la TNS Sofres, a ainsi “révélé” ses résultats comme s’il s’agissait là d’un véritable scoop : l’inquiétude vis-à-vis du chômage est redevenue en décembre 2009 le principal souci de 73 % des français ; les plus préoccupés sont les ouvriers (84 %) et les jeunes (83 %). Quelle révélation !

Ce type de discours est effectivement effrayant, il paralyse, rend résigné et annihile la volonté de lutte. C’est justement ce sentiment d’insécurité face à la crise économique qui a contraint la classe ouvrière à faire le dos rond depuis début 2009 et, avec la complicité des syndicats, a contribué à ses difficultés à entrer en lutte.

Cela dit, l’effet paralysant de la brutalité avec laquelle a frappé la crise ces derniers mois et les discours terrorisants qui l’ont accompagné ne peuvent être que temporaire. Pour paraphraser Karl Marx dans Misère de la philosophie (1847), il ne faut pas voir dans la misère que la misère mais aussi et surtout son côté révolutionnaire, subversif. Peu à peu, la peur et la résignation vont céder la place à la colère. Faudra-t-il encore que la classe ouvrière croit en ses capacités à lutter contre toutes ces attaques, de façon unie et solidaire, pour que cette colère se transforme en une volonté de combat contre ce système !

DP (18 décembre)

 

1) Le Monde du 4 déc. 09.

3) Notamment en cette période hivernale où les grands froids et la neige se sont abattus sur le pays, avec les campagnes médiatiques sur les “moyens mis en place par l’État ou les municipalités pour venir en aide aux plus démunis” tels les bus de ramassage du SAMU social ou la réouverture des foyers d’hébergement de nuit surpeuplés que certains sans-abris refusent par crainte de la promiscuité.

Récent et en cours: 

  • Crise économique [3]

"L'identité nationale", un débat étranger à la classe ouvrière

  • 2326 reads

“Pour vous, qu’est-ce qu’être Français ?”, voilà la question que l’ex-“conseiller socialiste” Besson, actuel ministre de l’immigration et de l’identité nationale (ça ne s’invente pas) a lancé à travers tout le pays. Le “grand débat” qu’il veut animer procède de la mode des “Grenelle”, ces boîtes à idées qu’on agite un peu partout ces derniers temps pour donner l’impression que l’initiative politique appartient au “peuple”.

Mais ici, le débat a une saveur toute particulière. Car derrière le concept “d’identité nationale”, il y a tous ces relents du nationalisme et du populisme que la bourgeoisie traîne derrière elle, comme un cuisinier ses casseroles, depuis toujours et qu’elle tente de ranimer en particulier depuis les années 1980 en France. Face au développement de l’électorat du Front national de Jean-Marie Le Pen, toutes les fractions de la bourgeoisie “démocratique” ont cherché à coller, avec plus ou moins de succès, aux “préoccupations de la population”, tout en les alimentant, liées à la sécurité, à l’immigration, à la peur “de l’étranger”, etc.

Chirac en rêvait, Besson l’a fait

Aujourd’hui, l’idéologie nationaliste revient en force derrière le vernis bien-pensant des valeurs de la démocratie et de “l’ouverture”. D’ailleurs, Sarkozy n’a pas mis cette mission entre les mains d’un social-démocrate par hasard. On se rappelle encore des tirades de Ségolène Royal sur le drapeau français et son intention, si elle était élue Présidente, de rendre obligatoire l’enseignement des paroles et le chant de la Marseillaise dans les écoles. Mais au final, tout ce débat remue le lisier puant de la “fierté d’être Français” et autres “être Français, ça se mérite”. Besson peut bien jouer l’effarouché devant les propos répugnants des racistes de tous poils qui profitent de la tribune qu’il leur offre objectivement (1), à quoi pouvait-il s’attendre ?

Certes, le ministre insiste beaucoup sur les vertus universalistes de son débat. Il obéit évidemment aux mêmes règles dictées par les impératifs du capital national et poursuit cyniquement les mêmes objectifs que son prédécesseur Hortefeux : augmenter la cargaison de charters et le nombre d’expulsions d’immigrés “en situation irrégulière”. Derrière ces lois s’exhale la véritable nature méprisante, cynique et xénophobe de leur classe qui transpire de leurs propos en privé. On se souvient d’Hortefeux piégé sur Internet lorsque, sollicité par les photographes le 10 septembre dernier pour poser aux côtés d’un jeune d’origine maghrébine, il lançait à la cantonade : “Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.” Dans la droite ligne de ce même Jacques Chirac qui en 1991 se prenait de compassion pour les braves Français qui doivent “supporter les bruits et les odeurs” de leurs voisins de palier “musulmans” ou “noirs”, “une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler” (2).

Dans le même discours, l’ancien président de la République souhaitait déjà de tout son cœur “le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne paient pas d’impôt !” (3)

Le nationalisme, ce n’est pas seulement le moteur idéologique de la guerre, c’est cette subtile et insidieuse assimilation de la division nationale qui est l’essence même de la concurrence capitaliste organisée entre États sur le marché mondial et de l’activité économique de la bourgeoisie alors qu’elle fait subir au prolétariat de tous les pays la même exploitation, les mêmes attaques et les mêmes sacrifices.

Être Français, c’est avoir obtenu, d’une façon ou d’une autre, la nationalité française, un bout de papier qui confère avant tout le “droit” à un hypothétique emploi sur le territoire pour des prolétaires cherchant à vendre la seule chose qui leur permette de ne pas crever de faim : leur force de travail. Cela revient au nom de la “citoyenneté” à enchaîner ces prolétaires à l’illusion de ce faux et dangereux sentiment d’appartenir à la même communauté que celle de leurs exploiteurs qui nie les divisions de la société capitaliste en classes sociales aux intérêts totalement antagoniques. La bourgeoisie utilise abondamment le nationalisme comme un poison qu’elle distille dans les rangs de la classe ouvrière : c’est un instrument de domination et de division afin de démolir la conscience d’appartenir à une même classe sociale, une classe internationaliste dont le cri de ralliement dans le combat révolutionnaire contre leur exploitation est “les prolétaires n’ont pas de patrie !”

GD (9 décembre)

 

1) Soyons... sport : la question n’inspire pas que ceux-là. Elle a notamment permis à l’ex-footballeur Eric Cantona d’affirmer qu’être Français, ce n’est pas “chanter la Marseillaise” ni “lire la lettre de Guy Môquet”, mais d’abord être “révolutionnaire” face à un “système” qui contraint notamment des gens à vivre “dans la rue” (lemonde.fr)

2) Source Wikipedia

3) Idem.

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [6]

Grippe A : la santé publique, ils s'en lavent les mains !

  • 2016 reads

“Amateurisme”, “dangerosité”, “incurie” : ce sont les termes les plus couramment utilisés de la part de l’ensemble du corps médical au sujet de la campagne de vaccination menée par le gouvernement contre la grippe A. “La campagne de vaccination commence, et à quoi assiste-t-on ? A une improvisation. On cherche à trouver à la hâte des solutions de fortune. Huit mois d’informations sans cesse répétées pour en arriver là, tandis que s’exprime une préoccupation croissante (…) la crainte de la vaccination accentuée par le défaut évident d’organisation du dispositif.” (1) L’État français s’est conduit en véritable apprenti-sorcier de la santé publique. Et son égérie, Roselyne Bachelot, ministre de tutelle dont l’incompétence en matière de santé n’a d’égale que son aplomb, n’a cessé d’enfiler les contradictions comme des “perles”… attestant de sa propre confusion.

Une irresponsabilité médicale aberrante

Selon ses déclarations alarmistes au début pour convaincre d’aller se faire vacciner, il risquait d’y avoir 50 000 décès dans le pays, il y en a 150. Alors que la vaccination exigeait au début deux injections, aux temps où le discours du gouvernement peinait à se faire prendre au sérieux, ce n’est plus tout à coup qu’une seule qui est nécessaire alors que la psychose alimentée par les médias aux ordres voit affluer nombre de personnes dans les centres de vaccination. Et puis il y a la question des adjuvants. Rien à craindre, nous a-t-on répété. Ils sont au point, tellement au point qu’on ne les administre en aucun cas aux femmes enceintes, aux enfants et autres sujets “à risque”. Il est d‘ailleurs notoire que les médecins qui se font vacciner exigent un vaccin sans adjuvant, car ce dernier, qui permet d’augmenter la réponse immunitaire de l’organisme au virus a aussi pour “avantage” d’augmenter le risque de développement de réponses allergiques et de maladies auto-immunes graves. “Faîtes-nous donc confiance !” dit-Madame Bachelot (2). Les études réalisées sur ces adjuvants et sur le vaccin ont été faites sur mille cas, ce qui est notoirement insuffisant du point de vue scientifique. Qu’importe ! Le “principe de précaution” prévaut, veut-on nous faire croire. Ainsi l’État français a acheté à lui-seul 10 % (94 millions de doses) du stock de vaccins dans le monde alors que la population française ne représente que 1 % de la population mondiale ! Ce n’est certes pas par “principe de précaution” pas plus que par souci de la santé des populations que le gouvernement s’est livré à cet alarmisme : la pandémie a été une aubaine pour ce secteur de l’industrie française particulièrement plongé dans le marasme de la crise. Il y a moins d’un an, les plans de suppression d’emplois pleuvaient dans l’industrie pharmaceutique en France. Aujourd’hui, Sanofi-Aventis, dans l’euphorie de la vaccination à tout va, a annoncé viser un chiffre d’affaires net de quatre milliards d’euros dans les vaccins en 2010, en y intégrant bien sûr la manne des ventes de son vaccin contre la grippe H1N1, et vise même d’ici 2013 un marché mondial du vaccin de 23 milliards d’euros. Le gouvernement a donc joué les mécènes en escomptant bien des bénéfices dans la défense du capital national. Les études des “experts” nommés par le ministère de la santé, ceux qui lui disent ce qu’il faut faire ou ne pas faire sont payés à 100% non pas par le gouvernement mais par les laboratoires pharmaceutiques. C’est dire tout le crédit à accorder à ces “chercheurs”.

Une illustration de l’incurie de l’État capitaliste

Cet événement est aussi un révélateur de l’incurie du gouvernement. Les centres de vaccination fonctionnent sans moyens matériels adéquats, dans des gymnases, des écoles, etc. Les médecins généralistes et les dispensaires habituellement habilités à pratiquer les vaccins ont été écartés par le ministère. Il est vrai que la politique forcenée de fermetures des dispensaires et de lits d’hôpitaux menée par les différents gouvernements depuis dix ans ont rendu ces structures incapables de répondre aux exigences gouvernementales (3).

La réquisition forcée du personnel médical comme administratif vient rajouter à la gabegie généralisée : les élèves-infirmières de 3e année par exemple doivent vacciner à tour de bras en laissant tomber leur stage ou leurs études. 1200 d’entre eux ont d’ailleurs manifesté la semaine dernière pour exprimer leur révolte sur cette réquisition qui gâche leur année scolaire. Pour le personnel administratif, il en est de même, l’appel au volontariat dans les administrations ayant eu peu de succès, des listes nominatives proportionnelles à la taille des administrations sont soumises à la préfecture qui lance des ordres de réquisition auxquels on n’accorde pas de dérogation (comme en temps de guerre !). Ces équipes couplées avec des chômeurs envoyés par le Pôle Emploi ont été ainsi mises en place pour une durée indéterminée (au moins jusqu’à fin mars…) entre 7 h 30 et 22 heures, y compris les samedis et dimanches, avec de maigres primes “compensatrices” pour des astreintes le week-end ou entre 16 et 22 heures… Ce qui aboutit dans la durée à un épuisement des “réquisitionnés” qui doivent également assumer leurs tâches habituelles.

Et pour bien montrer qu’on ne badine pas avec la santé, le gouvernement a même mis au point des mesures drastiques contre les prévenus. Ainsi, le “plan grippe A” prévoit que ces derniers pourront voir leurs droits diminuer, une rallonge des détentions provisoires, la mise en place des huis clos des procès en correctionnelle, l’interdiction de contacter un avocat dès le début d’une garde à vue mais seulement après 24 heures.

La France n’est certes pas un cas isolé. Ainsi, les Etats-Unis ont fait voter une loi d’impunité en faveur des laboratoires pharmaceutiques dans la perspective de procès intentés par des personnes en vue d’éventuels effets indésirables graves dus au vaccin. En France, une telle mesure n’a pas été prise, mais les laboratoires y bénéficient d’une immunité de fait, comme les ministres responsables des plus graves méfaits en matière de santé.

Rappelons-nous le scandale du sang contaminé dans les années 1980 où, en toute connaissance, les laboratoires, avec la bénédiction du gouvernement, faisaient inoculer du sang non chauffé et donc empoisonné dans les veines de centaines de personnes, par souci d’économie. De ce scandale, de Fabius aux laboratoires incriminés, tout le monde était sorti “innocenté”. Ce sont les mêmes gangsters, pour les mêmes raisons, qui ont sciemment laissé s’écouler les stocks d’amiante dans les bâtiments, provoquant de nombreux cancers. Si la bourgeoisie se montre incapable de répondre aux besoins des populations, c’est simplement parce que ce n’est pas du tout sa priorité. Le seul besoin qu’elle connaît, sa seule urgence, c’est celle du profit !

L’État français et son gouvernement de “m’as-tu-vu” singeant leur président-modèle s’est empressé avec zèle de monter au front face à la grippe A pour montrer qu’il était à la pointe mondiale de la protection sanitaire et surtout qu’il contrôlait et maîtrisait la pandémie. Beaucoup dès le début ont exprimé leurs doutes, leurs réticences, leur méfiance. Cette méfiance s’avère pleinement justifiée. Il y aura toujours plus de raisons de manifester sa colère et son indignation à l’égard de l’État capitaliste.

WH (10 décembre)

 

1 https://www.liberation.fr/societe/0101607434-pour-en-finir-avec-un-management-panique [7]

2 En Grande-Bretagne, le laboratoire géant Glaxos-Smithkline a même introduit du mercure dans ses préparations pour pouvoir augmenter la quantité la dose de vaccin inoculé.

3) On assiste parallèlement à une fronde inédite de 900 médecins des hôpitaux publics de Paris qui menacent de démissionner de toutes leurs fonctions administratives pour protester contre l’annonce de la fermeture de 1000 nouveaux lits d’hôpitaux en 2010.

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [6]

En Afghanistan et au Pakistan le prix Nobel de la paix sème la mort et la guerre

  • 1830 reads

Lors de la réception de son prix Nobel de la paix le 10 décembre, Barack Obama a fait entendre un discours plus belliqueux que jamais. Celui qui se présente avantageusement lui-même comme “commandant en chef de l’armée d’une nation plongée dans deux guerres” n’a pas lésiné, avec l’annonce de 30 000 Gi’s supplémentaires et de 500 soldats britanniques. Si vis pacem, para bellum (1) est son credo. Au milieu de belles phrases sur la “loi de l’amour” et l’impérissable “étincelle divine” qui guide sa main de justicier international pour la paix dans le monde, Obama a encore bien précisé que “la croyance que la paix est désirable est rarement suffisante pour parvenir à la réaliser. La paix requiert de la responsabilité. La paix implique le sacrifice”... de nombre de vies humaines, évidemment ! Car “l’usage de la force est non seulement nécessaire mais aussi moralement justifiée”. Et pour bien marteler son propos, le chef de guerre de la première puissance militaire mondiale a même pris des accents dignes de Bush et de sa clique intégriste : “La guerre (…) est arrivée avec le premier être humain (…) le Mal existe dans le monde.” Brrr ! ! ! Et pour bien préciser ses véritables intentions, il n’a pas hésité à expliquer que son objectif principal depuis ses onze mois de présidence n’a pas été la paix, pas plus le bien-être des populations de la planète, mais que ce “but a été de faire avancer les intérêts de l’Amérique”. Voilà qui a au moins le mérite de la clarté.

Les “bénéfices” de l’offensive américaine

Depuis l’éviction militaire du pouvoir des talibans en 2001, quel est le bilan ? Un pays en totale déliquescence qui égrène ses victimes et ses morts, sans aucune amélioration en vue. Obama peut bien répéter que les forces armées occidentales devront se retirer en 2011, après la “stabilisation” du pays, rien n’indique qu’une telle perspective soit réalisable. D’après les chiffres de l’ONU, le nombre de victimes civiles a augmenté de 24 % au premier semestre de 2009 par rapport au même semestre de 2008. Depuis le mois de janvier 2009, il y a eu plus de mille morts, essentiellement des personnes victimes des armées étrangères, notamment lors des bombardements aériens.

Au mois de mai, des dizaines de civils, dont au moins 65 femmes et enfants, ont perdu la vie lorsque les forces américaines ont bombardé le village de Bala Bulok, dans une région de la province de Farah. En plus des morts et des blessés, toutes les destructions dues à la guerre accentuent la misère et les souffrances d’une population qui subit les menaces et l’intimidation de toutes les parties en présence, talibans comme forces de l’OTAN.

La guerre a aussi provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes, qui n’ont aucun accès aux soins les plus élémentaires

L’extension du conflit

Si l’Afghanistan est officiellement le centre de l’activité militaire américaine, le Pakistan devient de plus en plus clairement un enjeu d’une importance cruciale dans le dispositif de la stratégie américaine. Ainsi, Obama opère depuis le printemps une véritable offensive, non pas de charme, mais de pression à l’égard de l’État pakistanais, cherchant à faire de l’appareil militaire son interlocuteur principal en évinçant purement et simplement le gouvernement du veuf de Benazir Bhutto, considéré comme “non fiable”. D’ailleurs, la population pakistanaise “bénéficie” nettement de cette attention particulière de l’Amérique et de ses alliés à son égard, et donc de l’élargissement de ses prérogatives guerrières dans sa prétendue lutte contre le terrorisme : au moins 10 000 victimes dont 3300 morts ne serait-ce que pour l’année 2009, dans leur grande majorité des civils, sans compter deux millions de réfugiés qui errent aujourd’hui sans espoir. De plus, l’utilisation systématique des drones censés repérer puis abattre les rebelles talibans ou d’Al Qaïda a multiplié les victimes dans la population, tout autant que les attentats à la bombe, au nombre de 500 en 2009, provoquant par exemple la mort de 300 personnes juste entre le 1er et le 13 décembre !

Et si le Pakistan devient de plus en plus l’épicentre même des événements militaires de cette région de l’Asie, l’Inde est venue s’inviter à coups de bruits de bottes toujours plus menaçants au festin impérialiste. Cet État, rival traditionnel et congénital du Pakistan, ne pouvait que chercher à profiter des tensions et des difficultés actuelles qui grandissent dans la région pour venir alimenter le désordre dans la région du Cachemire, pomme de discorde majeure entre les deux États, et faire les yeux doux à Karzaï (considéré par Islamabad comme pro-indien), au nom du “soutien à sa lutte contre les talibans”.

En guise de perspective de paix, tous les ingrédients d’une foire d‘empoigne aggravée sont donc une nouvelle fois rassemblés, d’autant que les États-Unis effectuent maintes tractations pour offrir aux talibans un certain nombre de régions de l’Afghanistan en échange de leur “pacification” et de leur intégration dans le gouvernement afghan. Toute cette agitation ne fait en définitive qu’ouvrir la porte toute grande à un chaos indescriptible, loin des grands effets d’annonce sur la stabilisation de la région et bien loin encore d’une soi-disant lutte contre le terrorisme.

Wilma (18 décembre)

 

1) Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre.

Géographique: 

  • Afghanistan [8]

Personnages: 

  • Barack Obama [9]

En Inde, la solidarité ouvrière face aux attaques et à la répression

  • 2021 reads

Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un article réalisé par Communist Internationalist, section du CCI en Inde (cet article intégralement traduit sur ce site [10]).

Dans la soirée du dimanche 18 octobre 2009, les ouvriers de RICO Auto, à Gurgaon (en lutte depuis le 3 octobre), ont essayé d’arrêter les briseurs de grève. Les gardiens de la compagnie de sécurité et les briseurs de grève, le plus souvent des éléments criminels amenés pour intimider les ouvriers, ont répondu en les attaquant violemment. La police a même ouvert le feu. Un ouvrier a été tué et quarante autres blessés.

Cette répression violente a créé une vague de colère dans la ceinture industrielle de Gurgaon-Manesar, 30 000 ouvriers se sont engagés dans la lutte. L’activité de ces villes jumelles a été totalement paralysée le 20 octobre, première journée ouvrable après le meurtre d’un ouvrier à RICO Auto. Bien que les syndicats aient appelé à la grève, les ouvriers des entreprises qui luttaient contre leur direction ont fait le tour des usines pour inviter les ouvriers à arrêter le travail. Très tôt le mardi matin, les ouvriers de RICO Auto et ceux de Sunbeam Casting ont commencé leur mouvement et ont bloqué la route nationale 8. Ils ont été rejoints par des vagues d’ouvriers d’autres sociétés comme Sona Koyo Steering System, TI Metals, Lumax Industries, Bajaj et Hero Honda MotorsLdt. Selon les déclarations officielles de l’administration locale, près de 100 000 ouvriers de 70 usines de pièces détachées dans Gurgaon-Manesar les ont rejoints le jour de la grève.

Bien que les ouvriers de la plupart des entreprises soient retournés au travail le 21 octobre 2009 et que la lutte ne se soit pas étendue, ces événements constituent une avancée significative de la lutte ouvrière en Inde. C’est le résultat de l’extension de la lutte de classe dans différentes régions incluant Gurgaon-Manesar, qui avait vu les ouvriers se confronter à l’État en juillet 2005 pendant la grève des ouvriers de Honda Motorcycles. Depuis lors, à travers de nombreuses luttes, les ouvriers ont renforcé leur résolution de combattre les patrons et ils le font de plus en plus de façon simultanée.

Les fruits amers du boom économique

Pendant toutes les “années du boom indien”, les condition de vie de la classe ouvrière n’ont en réalité fait qu’empirer. L’expression la plus grave en a été la perte de la sécurité de l’emploi. En dépit de l’expansion de l’économie, les patrons ont effectué la destruction massive des emplois permanents et leur remplacement par une main-d’œuvre contractuelle aux salaires très inférieurs et sans aucun salaire social. C’est le cas d’entreprises comme Hero Honda, Maruti et Hyundai, dont la production est montée en flèche de nombreuses fois pendant ces années. A Hero Honda, par exemple, la production est passée de 2 lakhs (1) à plus de 36 lakhs, et les emplois permanents ont diminué puis disparu, remplacés par l’embauche de travailleurs temporaires. C’est la même chose dans la plupart des entreprises. Les usines d’automobiles et de pièces détachées, étant donné la concurrence à couteau tiré dans cette industrie, ont été à l’avant-garde de ces attaques sur les ouvriers. En dépit de ces attaques, pendant la plus grande partie de cette période, les ouvriers ont rencontré des difficultés pour développer leurs luttes. Les attaques impitoyables des patrons et l’incapacité de se battre, telle a été l’amère réalité.

Avec l’arrivée de l’effondrement économique en 2007, la situation n’a fait qu’empirer. Tous les secteurs ont vu des suppressions massives d’emplois et des coupes franches dans les salaires et prestations. En outre, il y a eu une croissance massive des prix de tous les biens de première nécessité. Le prix des marchandises essentielles comme les légumes, les légumineuses et autres articles d’épicerie ont plus que doublé. Cette tendance n’a pas été une pointe saisonnière mais elle persiste maintenant depuis plus de deux ans. Avec la montée des prix et le gel des salaires, les conditions de vie des ouvriers sont devenues plus précaires et désespérées.

La classe ouvrière développe sa lutte

Face aux crises et aux attaques des patrons, la classe ouvrière tente de se battre. Il y a eu des grèves importantes dans le secteur public, la grève des employés de banque, toute l’Inde a été touchée par la grève des ouvriers du secteur pétrolier en janvier 2009, par la grève des pilotes d’Air India, la grève des employés d’État au Bengale Occidental, la grève du personnel gouvernemental en janvier 2009 dans l’État de Bihar. Certaines d’entre elles ont été d’âpres conflits où l’État a essayé de frapper durement les ouvriers et de les écraser. Ça a été le cas avec la grève des ouvriers du pétrole en janvier 2009 quand l’État a utilisé ESMA (2) et d’autres lois pour écraser les employés et a pris des mesures répressives. Ça a également été le cas avec la grève du personnel gouvernemental au Bihar où le gouvernement a voulu donner une leçon aux employés. Pour ce qui est des ouvriers du pétrole, le gouvernement s’est montré encore plus répressif car il y avait une menace d’extension de la grève à d’autres entreprises de secteur public.

Dans le privé aussi, les ouvriers ont combattu. Une des luttes massives et radicales a été celle des ouvriers diamantaires au Gujarat en 2008. La majorité de plusieurs centaines de milliers d’ouvriers diamantaires est employée dans des petites entreprises où les syndicats n’ont aucun contrôle. La grève y a débuté et s’est étendue comme une révolte massive qui a submergé plusieurs villes : Surat, Ahmedabad, Rajkot, Amerli, etc. Systématiquement, l’État a recouru à la répression pour maintenir l’ordre dans toutes ces villes.

En outre, toutes les principales unités automobiles en Inde – Tamilnadu, Maharashtra, et Gurgaon-Manesar – ont été témoins des efforts répétés et tenaces des ouvriers pour lutter pour leur travail et leurs conditions de vie. Les ouvriers de la deuxième plus grande fabrique de voitures en Inde, Hyundai Motor à Chennai, ont fait grève à plusieurs reprises en avril, mai et juillet 2009, pour de meilleurs salaires.

Les patrons tentent depuis longtemps de réprimer les luttes des ouvriers et menacent souvent de fermer leurs usines. Près de Coïmbatore, les ouvriers du fabricant de pièces auto Pricol India ont combattu les patrons depuis plus de deux ans contre les licenciements planifiés et répétés des ouvriers permanents et leur remplacement par des contractuels ou des travailleurs temporaires. La lutte ouvrière a pris récemment un tour violent quand la direction a licencié 52 ouvriers permanents supplémentaires et a décidé de les remplacer par des travailleurs précaires en septembre 2009. Au cours d’une violente confrontation, un cadre supérieur de Pricol a été tué le 22 septembre. Les ouvriers des usines de pneus de MRF et des usines Nokia à Tamilnadu se sont aussi engagés dans des luttes contre leurs patrons à peu près au même moment. Dans l’État de Maharashtra, les ouvriers de Mahindra à Nasik ont fait grève pour de meilleurs salaires en mai 2009. Les ouvriers de l’usine Cummins India et ceux de la fabrique de pièces auto Bosch, à Pune, ont été en grève à partir des 15 et 25 septembre pour de meilleurs salaires et contre la précarisation.

Le développement des luttes

Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que de plus en plus d’ouvriers sont disposés à entrer en lutte contre les attaques des patrons. Les luttes, tout en étant plus nombreuses, ont aussi tendance à aller vers la simultanéité dans un même secteur géographique. On a pu le voir avec la grève massive des ouvriers diamantaires au Goudjerate où se sont simultanément développées des grèves sauvages dans plusieurs villes et dans les grèves des ouvriers de l’automobile à Tamilnadu, Pune et Nasik. Cette simultanéité est le résultat d’attaques identiques auxquelles tous les secteurs ouvriers se confrontent aujourd’hui.

Avant les derniers événements, les ouvriers d’un certain nombre d’usines de Gurgaon-Manesar avaient mené la lutte contre leurs patrons. A Honda Motorcycles, les ouvriers se sont agités depuis plusieurs mois pour de meilleurs salaires et contre le travail contractuel. 2500 ouvriers de RICO Auto se sont mis en lutte depuis la fin septembre contre le renvoi de seize ouvriers et pour de meilleurs salaires. Ils ont commencé la grève à partir du 3 octobre. Mille ouvriers de Sunbeam Casting se sont aussi mis en grève pour de meilleurs salaires à partir du 3 octobre. Bien que tous ne se soient pas mis en grève, plus de 25 000 ouvriers des métaux de TI Metals, Microtech, FCC Rico, Satyam Auto et de plusieurs autres entreprises ont fait de l’agitation depuis septembre pour de meilleurs salaires.

Le fait que les ouvriers de plusieurs usines se soient mis en grève et que plusieurs milliers d’ouvriers d’autres usines se soient activement agités a ouvert la possibilité de l’extension et de l’unification des luttes, la seule façon pour les ouvriers de pouvoir combattre et repousser les attaques des patrons. C’est la possibilité que la bourgeoisie craint et que les syndicats veulent éviter. Dans les luttes de Gurgaon, face à la violence faite à la classe ouvrière avec le meurtre d’un ouvrier de RICO, le rôle des syndicats a été de prévenir et de bloquer cette tendance à l’extension et à l’unification. En appelant à une journée d’action, les syndicats ont essayé de stériliser l’impulsion des ouvriers de se rassembler et d’exprimer leur solidarité de classe. Malgré cela, la grève du 20 octobre de 100 000 ouvriers a été une manifestation de solidarité. Elle a également exprimé leur détermination et leur volonté de combattre et de se confronter à la bourgeoisie. D’un autre côté, dans les luttes actuelles de Gurgaon, pendant les luttes chez Hyundai, Pricol, M & M et d’autres luttes pour de meilleurs salaires et contre les pertes d’emploi, les syndicats ont clairement essayé de les faire dérailler et de les convertir en luttes pour la défense des droits syndicaux.

Sans aucun doute, il existe une puissante dynamique pour le développement de la lutte de classe, pour son extension et pour le développement de la solidarité. Mais pour la réalisation de cette dynamique, il est important que les ouvriers comprennent les machinations des syndicats et prennent les luttes en leurs propres mains.

AM, 27 octobre 2009

 

1) Unité de mesure indienne (1 lakh est égal à 100 000 roupies, soit 1700 euros).

2) Loi sur le maintien des services essentiels.

Géographique: 

  • Inde [11]

Récent et en cours: 

  • Luttes de classe [12]

150 ans après la parution de l'Origine des espèces (Charles Darwin), l'obscurantisme religieux persiste

  • 2927 reads

Il y a peu de temps, la colistière du candidat John Mc Cain à la présidence des Etats-Unis, Sarah Palin, soutenait sans hésitation la thèse que les hommes et les dinosaures cohabitaient sur terre il y a 6000 ans alors que la science a démontré que les derniers dinosaures ont disparu de la surface de la planète il y a plus de 65 000 000 d’années, bien avant l’apparition du premier homo sapiens. Cette ignorance de l’évolution historique des espèces vient en droite ligne de la doctrine religieuse créationniste encore largement diffusée aujourd’hui. La vogue de ce dogme s’est illustrée notamment par une réinvention de l’histoire de l’univers à travers une floraison de musées chrétiens créationnistes aux Etats-Unis depuis 2005 (notamment dans le Kentucky ou à Cincinnati, dans l’Ohio, et dans un parc d’attractions édifié depuis 2007 en Grande-Bretagne, dans le Lancashire, à l’initiative d’un groupe d’hommes d’affaires américains “expliquant” la naissance de l’Univers en 7 jours en accord avec la lecture littérale de la Bible). Il est difficile de prendre au sérieux, avec leur dimension hollywoodienne, ces Disneylands ou ces Jurassic Parks d’opérette avec leurs préceptes exploitant l’ignorance, la crédulité et les préjugés religieux. Et pourtant le succès de cette idéologie obscurantiste est inquiétant : plus de 20 % de la population flamande et près d’un Américain sur deux, par exemple, d’après les sondages, pencheraient pour une vision créationniste du monde et seraient hostiles à la théorie de l’évolution démontrée par Charles Darwin.

La théorie darwinienne de l’évolution contre le créationnisme

Il y a 150 ans, en novembre 1859, Darwin publiait l’Origine des espèces. Cet ouvrage, qui était basé sur l’accumulation d’observations et d’expérimentation dans la nature, a bouleversé la vision des origines de l’homme et de sa place dans l’univers du vivant. Il démontrait pour la première fois qu’il existait une base commune au développement des espèces et des êtres vivants en s’appuyant et en dépassant les travaux antérieurs de naturalistes comme Buffon et Linné jusqu’au transformisme de Lamarck (1). La théorie de Darwin visait à démontrer de façon dialectique, rigoureuse et scientifique, la faculté d’adaptation des êtres vivants au sein de leur environnement et d’intégrer cette théorie dans une nouvelle conception de l’évolution des espèces. Apparaissait ainsi l’existence d’une généalogie commune aux êtres vivants s’inscrivant dans une filiation au sein de laquelle l’être humain n’était plus une espèce supérieure choisie et créée de toutes pièces par Dieu, mais le produit aléatoire d’une différenciation entre les espèces. Il s’agissait là d’une remise en cause radicale des “enseignements” de la Bible et de sa Genèse qui réfutait l’idée d’une création divine, et infirmait toutes les traditions religieuses monothéistes (christianisme, judaïsme, islam). Cette démarche matérialiste et scientifique de Darwin fut d’emblée violemment attaquée de toutes parts, notamment par les mêmes dogmes religieux qui avaient cloué au pilori de la pensée humaine Galilée ou encore Copernic (théoriciens qui, les premiers, avaient rejeté par leurs découvertes scientifiques le géocentrisme religieux qui prétendaient que la Terre était le centre de l’univers, et surtout, le centre de la Création divine).

Le scandale de cette découverte de Darwin ne résidait pas tant dans la mise en évidence de l’évolution des espèces mais dans le fait que les interactions à l’œuvre dans cette évolution n’obéissent à aucune finalité dans la nature (2). “L’arbre de la vie” ne ressemble pas à un grand arbre généalogique hiérarchisé avec une base et un sommet dont l’aboutissement serait l’homme, homo sapiens, mais à un arbre buissonnant dont le pied fonderait toutes les formes de vie les plus anciennes, et dont l’homme ne serait qu’une espèce particulière, parmi les millions d’innombrables ramifications encore présentes sur terre. Cette vision induit une parenté et une filiation communes entre l’homme et les formes de vie les plus élémentaires comme l’amibe. Ce qui semble insupportable à de nombreux esprits subissant le plus souvent inconsciemment la contrainte de l’arriération religieuse. Aujourd’hui encore, l’approche et la démarche de Darwin sont remises en cause avec virulence, alors que tous les apports scientifiques en paléontologie, en biologie, en génétique et dans bien d’autres domaines de la connaissance, n’ont fait que confirmer la validité de la théorie de Darwin (3). Les religions ont cependant été contraintes de masquer la poursuite de leur croisade anti-darwinienne en propageant une idéologie visant à maintenir la croyance religieuse derrière une pseudo-“construction scientifique” alternative : le “dessein intelligent” (intelligent design). En effet, le créationnisme n’est plus défendu par l’Eglise comme au temps de Darwin. On se souvient du débat qui opposa l’évêque d’Oxford, Samuel Wilberforce à Thomas Huxley, ardent défenseur de l’évolutionnisme en 1860. On prétend que le premier raillait le second en lui demandant : “Est-ce par votre grand-père ou par votre grand-mère que vous descendez d’un singe, Monsieur Huxley ?”. Ce dernier lui aurait rétorqué : “Je n’aurai pas honte d’avoir un singe pour aïeul, mais d’être apparenté à un homme qui utilise son talent pour obscurcir la vérité !”. L’Église catholique n’a jamais osé mettre l’Origine des espèces à l’index des livres interdits mais elle l’a officieusement condamnée et a longtemps refusé de parler de l’évolution dans les programmes scolaires qu’elle prodiguait. La religion s’est aujourd’hui adaptée en mettant en avant une doctrine plus sournoise et plus pernicieuse : le “dessein intelligent”. Selon cette “théorie”, il y aurait bien eu évolution mais celle-ci aurait été souhaitée et “pilotée” par une puissance “divine”. Ainsi, l’homme ne serait pas un “hasard de la nature” mais réellement le fruit de la volonté d’un créateur tout puissant qui l’aurait désiré et “programmé”.

Cette variante du créationnisme profite du regain actuel de popularité d’idéologies spiritualistes, obscurantistes et sectaires. Ces idéologies réactionnaires sont souvent inoculées directement par certaines fractions de la bourgeoisie qui y trouvent matière à manipuler des masses de populations désorientées et désespérées par la misère, la barbarie et le manque de perspectives du monde capitaliste. C’est ce qui les pousse à s’évader de la réalité objective, en se réfugiant dans la foi, la croyance aveugle dans un au-delà, dans un “ordre supérieur”, invisible et tout-puissant, qui échappe à toute pensée rationnelle. La croyance en un Dieu créateur tout puissant, comme la résurgence de toutes sortes de sectes (qui en tirent d’ailleurs un profit mercantile bien capitaliste), est utilisée par les idéologies du New Age pour cristalliser les peurs, les souffrances, les angoisses de bien des malheureux désemparés face à l’impasse de la société capitaliste. Ce constat démontre la pertinence de l’analyse qu’en donnait Marx dès 1843 dans sa Critique de la philosophie politique de Hegel (traduction de Maximilien Rubel, pour la Pléiade-Gallimard) : “La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple.”

La religion est toujours le premier rempart des forces conservatrices et réactionnaires pour anesthésier les consciences contre les avancées scientifiques. Elle tente de s’adapter pour tenter de préserver le statu quo en prétendant toujours être un refuge pour “consoler les hommes des malheurs de la société” en les soumettant à une croyance et surtout à une soumission envers l’ordre social existant.

La théorie réactionnaire du “dessein intelligent”

Le “dessein intelligent” postule au rang de théorie scientifique, sous couvert de chercher à concilier l’évolutionnisme et le créationnisme. Il présente l’un et l’autre comme des choix “philosophiques” concurrents en cherchant frauduleusement à se donner une base scientifique. Le précurseur du “dessein intelligent”, le jésuite Teilhard de Chardin (1881-1955), a cherché par exemple dans les années 1920 à démontrer qu’il existe une téléologie, une finalité dans l’évolution, appelée “point Omega”, défini comme le pôle divin de convergence et d’harmonisation culminant dans la “noosphère”, sorte de béatitude céleste animée par l’esprit divin… Bien plus encore que le catholicisme, c’est dans le protestantisme et ses diverses variétés “d’Églises évangéliques”, s’appuyant sur la lecture plus littérale de la Bible, que se trouveront les adversaires les plus acharnés de Darwin (c’est d’ailleurs la raison du succès de l’Intelligent Design aux Etats-Unèis, en particulier tout au long des “années Bush”, où le gouvernement le soutenait quasi-ouvertement !). Les objectifs des propagandistes actuels du “plan intelligent” ont été clairement définis par le think tank à l’origine du mouvement, le Discovery Institute, dans un document à usage interne The Wedge. Des fuites permettront sa diffusion en 1999. Dans ce document, les objectifs principaux du Discovery Institute sont définis sans la moindre ambigüité (4) : en premier lieu il s’agit pour lui de “vaincre le matérialisme scientifique et ses héritages moraux, culturels et scientifiques ; puis de remplacer les explications matérialistes par la compréhension que la nature et l’être humain sont créés par Dieu”. Il se donne comme projet à court ou moyen terme de “voir la théorie du dessein intelligent devenir une alternative acceptée dans les sciences, et des recherches scientifiques menées depuis la perspective de la théorie du dessein ; assister au commencement de l’influence de la théorie du dessein dans des sphères autres que la science naturelle ; voir de nouveaux débats majeurs dans l’éducation, les sujets relatifs à la vie, la responsabilité pénale et personnelle poussées au front de l’agenda national.” C’est en effet dans le domaine prioritaire de l’éducation scolaire et de l’enseignement, et parallèlement sur le plan juridique, que ce dogme pousse son offensive tandis qu’il tente de semer la confusion dans les cercles scientifiques, afin de se disséminer dans toutes les sphères de la société, grâce en particulier à une campagne de publicité et de façonnage d’opinion (publicity and opinion making). Internet lui a également ouvert un immense réservoir pour déverser sa propagande, comme les missionnaires partis à la conquête de la “conversion” du monde à l’époque de la colonisation des nouvelles terres. Le principe est de faire passer le “dessein intelligent” comme une hypothèse “scientifique” concurrente du darwinisme. Il affiche aussi son ambition de “voir la théorie du dessein intelligent comme la perspective dominante dans la science ; voir des applications de la théorie du dessein dans des champs spécifiques incluant la biologie moléculaire, la biochimie, la paléontologie, la physique et la cosmologie dans les sciences naturelles ; la psychologie, l’éthique, la politique, la théologie, la philosophie et les matières littéraires ; voir son influence dans les arts.” Mais cette exposition au grand public des visées fondamentalistes du “dessein intelligent” a eu son revers de médaille : elle a porté un coup majeur à ses promoteurs qui, faute de pouvoir nier l’existence du document, en proposent aujourd’hui une version plus édulcorée.

Cependant, cette entreprise a été puissamment relayée et s’est en particulier élargie dans le monde musulman. Depuis la Turquie, Harun Yahia, de son vrai nom Adnan Oktar, à la tête d’un lobby maffieux, a entrepris de diffuser gratuitement et massivement sa propagande auprès des enseignants et des chefs d’établissement des collèges et lycées. Il a inondé les écoles dans le monde entier avec son Atlas de la Création mais aussi via Internet. Il a ainsi essaimé plus de 200 films documentaires et 300 ouvrages déjà traduits dans une soixantaine de langues. Les tentatives de rendre méconnaissables l’histoire du développement des espèces et du vivant comme tous les mensonges inventés par les classes dominantes dans l’histoire de l’humanité font partie du même bourrage de crânes pour freiner le développement de la conscience du plus grand nombre (et des prolétaires en particulier), pour les abrutir et les empêcher de se libérer de leurs chaînes. C’est aussi par l’obscurantisme qu’elles diffusent le reflet de la putréfaction de la société capitaliste et le masque idéologique qu’elles jettent sur la réalité du monde, lequel ne sert qu’à préserver les rapports d’exploitation. L’approche religieuse n’est qu’un de ces masques.

Science et conscience

Tout oppose la croyance religieuse à la science et à la démarche scientifique. Pour la religion et la tradition théologique, le savoir, la connaissance ne sauraient être, en fin de compte, que d’essence divine, et rester inaccessible au commun des mortels. La démarche matérialiste en science (les faits et l’étude des réactions, différentes ou similaires, dans tel ou tel milieu, sont la base de toute expérience scientifique) n’est ni une “philosophie” ni une “idéologie” mais la condition nécessaire d’une approche consciente et historique des rapports entre l’homme et son milieu naturel, y compris en prenant son propre comportement comme objet d’étude ; c’est une approche des limites d’une connaissance à laquelle on ne saurait fixer aucune limite. Le développement de la science est totalement associé au développement de la conscience pour l’humanité. La science a une histoire, mais une histoire ni linéaire, ni liée mécaniquement aux progrès techniques ou aux avancées technologiques (ce qui exclut tout “positivisme”, toute idée de “progressisme” continu). Elle est étroitement imbriquée aux rapports sociaux de production par lesquels elle est conditionnée. La croyance s’appuie sur des peurs face à l’inconnu. A l’inverse des préjugés religieux (qui sont avant tout une idéologie au service de l’ordre existant, du pouvoir établi, qui puisent leur sauvegarde dans le conservatisme et le statu quo), le développement de la conscience est l’élément moteur qui accompagne le développement de la science. Ainsi, la méthode scientifique ne craint pas la remise en cause de ses hypothèses, le bouleversement de ses acquis et c’est pour cela qu’elle évolue, qu’elle est dynamique. Comme le dit Patrick Tort (l’Effet Darwin, page 170) : “La science invente, progresse et se transforme. L’idéologie récupère, s’ajuste et se remanie”.

Et comme il le cite dans un article du Monde de l’Education daté de juin 2005 : “le ‘dialogue’ entre science et religion est une fiction inventée par la politique. Rien en effet ne peut se négocier de commun ni d’échangeable entre la recherche immanente de la connaissance objective et l’appel au surnaturel qui caractérise la posture du croyant. Si l’on admettait une seule fois qu’un élément de surnature put contribuer à construire l’explication scientifique d’un phénomène, on renoncerait du même coup à la cohérence méthodologique de toute la science. La méthode scientifique ne se négocie pas. Il faut toute la rouerie du libéralisme individualiste (…) pour convaincre qu’un choix est praticable entre l’explication scientifique et l’interprétation théologique, ou qu’elles peuvent être combinées, comme si l’admission de la loi de la chute des corps était l’affaire de conviction personnelle, de démocratie élective ou de ‘liberté’.”

En fait, “politique” n’a de sens dans cette citation que comme politique de la classe dominante. Voilà pourquoi la démarche scientifique d’un Copernic, d’un Marx, d’un Engels ou d’un Darwin a été et est encore pour la plupart d’entre eux, combattue ou déformée avec un tel acharnement par les défenseurs d’un ordre social immuable.

W (24/11/09)

 


Quelques précurseurs de Darwin

Buffon, Linné et Lamarck ont été, après la publication de la théorie de l’évolution de Darwin, largement décriés et même jetés en partie aux poubelles de l’histoire. Toutes les parties dépassées de leurs thèses ont été montrées du doigt comme des erreurs grossières et honteuses. Pourtant, en réalité, chacun a contribué à faire avancer la connaissance, les travaux des uns et leurs limites permettant le dépassement des autres. C’est pourquoi nous pouvons dire qu’ils furent tous trois des précurseurs, des sortes de maîtres à penser pour Darwin.

Ainsi, ce n’est pas par hasard s’ils relèvent les ressemblances entre l’homme et le singe et la possibilité d’une généalogie commune.

L’attention que Buffon (1707-1788) accorda à l’anatomie interne le place parmi les précurseurs de l’anatomie comparative. “L’intérieur, dans les êtres vivants, est le fond du dessin de la nature”, écrit-il dans les Quadrupèdes. Buffon va contre la religion : il place délibérément l’homme au cœur du règne animal. Même s’il convient qu’il ne faut pas s’arrêter à l’aspect extérieur, l’homme ayant une “âme” douée de raison qui le place au sommet de la création, il affirme que l’homme est semblable aux animaux par sa physiologie. Il montre qu’il existe autant de variétés d’hommes noirs que d’hommes blancs ; après plusieurs générations, un groupe d’hommes blancs dans un environnement particulier deviendrait noir ; il n’existe qu’une seule espèce humaine, et non plusieurs. Il en conclut que les variétés humaines sont issues d’une souche initiale qui s’est adaptée, selon les milieux qu’elles habitent.

Linné (1707-1778) est quant à lui un naturaliste “fixiste”. Pour lui, les espèces vivantes ont été créées par Dieu lors de la Genèse et n’ont pas varié depuis. Le but premier de son système est de démontrer la grandeur de la création divine. Cependant, du fait de l’importance qu’il accorde aux organes de reproduction des plantes, il est important de noter que la pertinence de son système de classification appelait inévitablement des hypothèses évolutionnistes. Ainsi, si telle espèce ressemble étonnamment à telle espèce voisine, pourquoi ne pas présumer que l’une a précédé l’autre dans le temps ? Le choix des organes de reproduction comme critère allait aussi dans le sens d’une interprétation dynamique et évolutionniste de l’histoire des plantes.

Lamarck (1744-1829) est un naturaliste connu pour avoir proposé le premier une théorie matérialiste et mécaniste de la vie et de l’évolution des êtres vivants. Il est également un des rares évolutionnistes à avoir compris la nécessité théorique de l’évolution des êtres vivants. Sa théorie transformiste est fondée sur deux principes : sa thèse sur l’évolution stipule que les individus s’adaptent pendant leur vie notamment en utilisant plus ou moins certaines fonctions organiques, qui se développent ou s’atténuent en rapport avec l’usage ou le non-usage des organes. Voici par exemple ce qu’écrivait Lamarck à propos de la girafe : “Relativement aux habitudes, il est curieux d’en observer le produit dans la forme particulière et la taille de la girafe (camelo-pardalis) : on sait que cet animal, le plus grand des mammifères, habite l’intérieur de l’Afrique, et qu’il vit dans des lieux où la terre, presque toujours aride et sans herbage, l’oblige de brouter le feuillage des arbres, et de s’efforcer continuellement d’y atteindre. Il est résulté de cette habitude, soutenue, depuis longtemps, dans tous les individus de sa race, que ses jambes de devant sont devenues plus longues que celles de derrière, et que son col s’est tellement allongé, que la girafe, sans se dresser sur les jambes de derrière, élève sa tête et atteint à six mètres de hauteur (près de vingt pieds)” (Lamarck, Philosophie zoologique, p. 256).

W.


1) Lire l’encadré page 6 pour un bref résumé des apports de ces trois scientifiques.

2) On pourrait entre autres ajouter à ces “scandales” causés par la science les résistances aux avancées de la paléontologie (confirmant d’ailleurs les déductions de Darwin) qui font des hauts plateaux africains le berceau de l’humanité qui porte un coup fatal à la prétendue “supériorité de la race blanche porteuse de civilisation” (lire notamment Richard E. Leakey, les Origines de l’homme).

3) Nous avons vu dans de précédents articles que la vision darwinienne a été également abondamment dénaturée et déformée, avec des interprétations réactionnaires allant du “darwinisme social” de Spencer à l’eugénisme raciste de Galton, pourtant explicitement rejetées par Darwin lui-même (lire “Le ‘darwinisme social’ : une idéologie réactionnaire du capitalisme [13]”, RI no 404, septembre 2009).

4) Voir les articles “Créationnisme [14]” et “Dessein intelligent [15]” sur le site Wikipedia d’Internet.

Personnages: 

  • Darwin [16]

Source URL:https://fr.internationalism.org/en/node/10665

Links
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri_408.pdf [2] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/michel-aglietta [3] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique [4] http://www.humanite.fr/Entretien-avec-Hubert-Tison-secretaire-general-de-l-Association-des-professeurs-d [5] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/36/france [6] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france [7] https://www.liberation.fr/societe/0101607434-pour-en-finir-avec-un-management-panique [8] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/121/afghanistan [9] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/barack-obama [10] https://fr.internationalism.org/icconline/2009/la_lutte_et_la_solidarite_ouvrieres_en_inde_face_aux_attaques_et_a_la_repression.html [11] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/61/inde [12] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe [13] https://fr.internationalism.org/Internationalisme/2009/343/le_darwinisme_social_une_ideologie_reactionnaire_du_capitalisme.html [14] https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9ationnisme [15] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dessein_intelligent [16] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/darwin