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Dans le n° 151 de "World Révolution" (notre organe de presse en Grande-Bretagne) comme dans "RI" n° 209, nous avons publié un article intitulé: "Malgré ses graves erreurs, Trotski n'a pas trahi le prolétariat". Nos arguments étaient les suivants: il est nécessaire de distinguer Trotski du trotskisme. Ce dernier, en tant que courant politique, est passé dans le camp bourgeois par sa participation aux fronts de "résistance" durant la seconde guerre mondiale et par son soutien "critique" à l'impérialisme russe, donc, par voie de conséquence, aux Alliés. De cela, posions-nous, il n'est cependant pas correct de déduire que Trotski lui-même avait définitivement trahi la classe ouvrière. En dépit de nombreuses et graves erreurs qui le conduisaient dans cette direction, le dernier pont n'a pas été franchi parce que sa position est restée ouverte sur la question cruciale de la guerre mondiale impérialiste et sur celle de la "défense de l'URSS". Trotski est mort en 1940, avant la généralisation du conflit à toutes les puissances du monde.
L'histoire du mouvement ouvrier nous montre qu'une organisation politique passée en tant que telle dans le camp ennemi, celui de la bourgeoisie, est définitivement perdue pour le prolétariat. En ce sens, ni la social-démocratie ni les partis communistes issus de la IIIe Internationale (IC), qui ont respectivement trahi la classe ouvrière en 1914 et 1935, ne redeviendront jamais plus ouvriers. Mais la même expérience nous révèle aussi que la trahison ne met pas immédiatement fin à toute réaction prolétarienne au sein des organisations faillies. C'est par exemple de ces réactions au cœur des PS après 1914 que naîtront, après une âpre lutte politique de plusieurs années, l'IC et les PC. Il en est allé de même pour les groupes trotskistes. Si, dans leur globalité, les courants trotskistes sont passés avec armes et bagages au service de la bourgeoisie à l'occasion de la seconde guerre mondiale, on sait que durant ce conflit impérialiste et même après, entre 1945 et 1949, des éléments indéniablement prolétariens, prenant acte de la trahison, ont combattu pour dégager du trotskisme des minorités qui maintenaient ferme le principe internationaliste. Citons les Révolutionnaire Kommunistische Deutschlands (RKD) et, en Grèce, le groupe autour de Stinas, pendant la guerre ; Munis, Natalia Trotski, la propre épouse et compagnon de lutte du grand révolutionnaire, ainsi que Socialisme ou Barbarie, au lendemain de la tuerie impérialiste. Nous souhaitons donc encore une fois, ici, rétablir l'exactitude de notre position. Quand Staline a fait assassiner Trotski, en 1940, il n'était pas en compétition avec un "bureaucrate" capitaliste rival, mais il cherchait à supprimer l'homme qui, plus qu'aucun autre à ce moment-là, restait le symbole de la révolution prolétarienne mondiale.
Notre position a soulevé des incompréhensions et même un certain degré de scandale dans le milieu révolutionnaire. Chez certains, cela donne matière à un honnête questionnement pour les camarades qui partagent plusieurs de nos positions fondamentales. Mais d'autres réactions sont malhonnêtes parce qu'elles proviennent:
Ce qui est plus nouveau, c'est l'attitude d'une organisation marxiste comme la CWO[1] - que nous jugions encore comme sérieux[2] de même que l'ensemble des groupes se réclamant de la Gauche Communiste d'Italie, qui cherche à trouver des justifications "historiques” à cette piètre campagne contre le CCI. Voici comment, dans le n° 52 de son organe de presse, "Workers’ Voice", au sein d'un article consacré à une réunion publique que le CCI a tenue sur l'histoire de la Fraction Italienne, ce groupe défend sa thèse:
"La question de l'opportunisme amena un membre de la CWO à demander si le CCI n'était pas en train de devenir 'opportuniste' aujourd'hui en affirmant que Trotski n'avait pas trahi la classe ouvrière. La réponse du CCI fut que Trotski n'avait jamais trahi le prolétariat car il n'avait pas soutenu les forces impérialistes pendant la seconde guerre mondiale (on est légitimement en droit de penser que, s'il n'avait pas été assassiné, il aurait certainement dénoncé l'impérialisme russe). Ils (les membres du CCI, NDR) ont alors retourné la question en demandant quand pensions-nous que le trotskisme était devenu contre-révolutionnaire. (...)
Notre réponse, c'est que la Gauche Italienne a défini la date. Trotski rompit les discussions avec la Gauche en 1933 et, en 1935, il abandonna toute tentative pour essayer de former une tendance révolutionnaire en insistant pour que ses épigones adoptent l'entrisme. Pour la Gauche Italienne, cela était, selon ses propres termes, 'franchir le Rubicon' dans le camp de l'ennemi. (...)
Si ce n'est pas une politique anti-ouvrière, alors l'entrisme est une politique révolutionnaire et nous devrions rouvrir le débat avec les trotskistes[3]. Aussi pourquoi le CCI a-t-il ouvert cette porte ? Bien, nous sommes convaincus que ce n’est pas pour engager un regroupement avec les trotskistes (c'est le CCI qui nous l'a dit) mais pour justifier la carrière politique de son fondateur[4]."
Dans ce passage, il y a une affirmation de base qui mérite immédiatement notre réplique. L'affirmation de la CWO, sur le moment où Trotski et les trotskistes sont passés dans le camp bourgeois, présente un semblant d'analyse politique, mais elle est historiquement hors de propos.
Réglons en passant un point d'histoire que nos sourcilleux contradicteurs devraient savoir, eux qui sont si prompts à fixer des dates aussi précises et sans recours. C'est en 1934 et non en 1935 que Trotski écrit "Pourquoi nous adhérons à la SFIO ?" (cet article est en effet publié en septembre 1934 par "La Vérité", organe du courant officiel trotskiste en France).
Avant de répondre sur l'histoire des relations entre la Fraction Italienne et Trotski, nous devons rappeler que des ruptures au sein du mouvement ouvrier ont existé indépendamment d'un passage de l'une ou l'autre des deux parties dans le camp bourgeois. C'est le cas des "tribunistes" hollandais, qui ont quitté la social-démocratie, et également celui des bolcheviks comme des mencheviks, qui se sont organisationnellement séparés en 1903. L'histoire plus récente du "bordiguisme" nous fournit un autre exemple: le divorce politique de 1952 entre "Battaglia Comunista" et "Programma Comunista", en Italie, ne fait pas passer un des deux groupes dans le camp de la bourgeoisie. Il en va pareillement de Trotski et de la Gauche Italienne après leur rupture organique en 1933. Celle-ci ne voulait pas dire que l'un des deux groupes avait définitivement trahi la classe ouvrière.
La CWO devrait tenir compte plus largement de l'article cité par elle, celui du n°11 (septembre 1934) de "Bilan", l'organe de la Gauche Italienne, qui a pour titre : "Les bolcheviks-léninistes entrent à la SFIO". La Fraction y écrit certes que la tactique entriste rendait nécessaire de "mener une lutte impitoyable et sans merci contre lui (Trotski, NDR) et ses partisans qui ont passé le Rubicon et rejoint la social-démocratie". Mais elle dit aussi plus loin : "Actuellement, (Trotski) sombre et on se demande s'il s'agit d'une chute totale, définitive de sa part, ou bien s'il s'agit seulement d'une éclipse que les évènements de demain dissiperont." Et en fait, trois ans après, dans le n° 38 de sa revue, la Gauche Italienne continuait d'exprimer sa solidarité foncière à Trotski. Dans le texte "Trotski pourra-t-il rester au Mexique ?", rédigé en réponse à une campagne internationale de dénigrement contre ce révolutionnaire, elle se prononce ainsi : "Nous présenterons à Trotski, duquel nous séparent de profondes divergences de principe et que nous avons combattu sur le terrain idéologique sans le confondre avec ses suiveurs, toute notre solidarité de classe. Nous appelons les ouvriers à prendre vigoureusement sa défense, et à réagir violemment contre toute atteinte à sa personne. Et demain, lorsque le feu de la révolution resurgira des cendres du mouvement ouvrier actuel, Trotski trouvera une place : celle qui revient à son dévouement indéfectible à la classe ouvrière, à ses capacités géniales.".
Ainsi, "Bilan", dont le CCI suit là-dessus l'exemple, ne classait pas Trotski dans le camp de la bourgeoisie et ne pensait pas que la tactique entriste, bien que constituant une grave capitulation face à la bourgeoisie, représentait la trahison finale.
Mais il pourrait y avoir plus grave encore du point de vue de la CWO. En effet, la Fraction était plus pointilleuse sur la question de la guerre impérialiste. Et on se doit de rappeler que l'organe de la Fraction publiait dans son n° 46 (décembre 1937-janvier 1938) un article sur la position de Trotski face à la guerre en Chine où elle le traite de "renégat" et parle de "trahison" en fonction de son soutien à la bourgeoisie chinoise contre l'invasion japonaise. Rétrospectivement, nous pouvons affirmer que ce jugement est prématuré puisque la ligne de partage n'est pas une guerre locale mais la guerre mondiale (voir la note 3). Comme nous l'avons déjà mentionné, le Trotski de 1940 n'avait pas fermé toutes les portes à une révision des positions opportunistes et désastreuses qui l'avaient conduit à l'extrême limite du camp prolétarien, à l'orée de celui de la bourgeoisie. Et en fait, c'est bien en suivant la logique de ses dernières interrogations que Natalia Trotski, Munis et d'autres ont été capables de rompre avec le trotskisme officiel de la IVe Internationale; en mesure de prendre une position internationaliste authentique contre l'impérialisme "soviétique" et la seconde guerre mondiale.
Le débat ne porte pas sur les faits mais sur la méthode. La Gauche Italienne nous a enseigné la prudence dans les jugements politiques. C'est une leçon que devrait méditer la CWO. Avant de rejeter définitivement un groupe politique dans le camp de la bourgeoisie -même si nous devons en dénoncer avec la plus grande sévérité les tares opportunistes- il faut s'appuyer sur des critères concrets et objectifs comme le rejet de l'internationalisme pendant une guerre impérialiste. C'est ainsi, par exemple, que la minorité de la Fraction Italienne qui adopte la même position que Trotski en 1936 pendant la guerre d'Espagne (engagement dans les milices du POUM) est vivement stigmatisée mais n'est pas rejetée, "ipso facto", dans les rangs de la classe ennemie.
Au cours des années 70, nous avons eu une discussion du même genre avec la CWO sur la question de la dégénérescence de la Révolution, russe (qui, par un décret de nos censeurs, doit à tout prix s'achever en 1921). Au milieu de la décennie suivante, nous l'avons encore eue avec la tendance qui a quitté le CCI et formé la "Fraction Externe du CCI" (FECCI), mais, cette fois-ci, la dispute portait sur la date exacte de la fin définitive des partis socialistes et communistes. Dans les deux cas nos critiques rejetaient la méthode marxiste en faveur d'un pseudo-radicalisme sectaire et armé de désastreux ultimatums du type: ou vous acceptez que le bolchevisme est mort en 1921 ou bien vous justifiez Kronstadt; admettez que les PS trahissent tous en 1914 et les PC en telle année ou vous êtes des sociaux-démocrates et des staliniens vous-mêmes.
Ayant survécu à ces diffamations, le CCI peut bien résister à l'accusation de "trotskisme". Par contre, nous insistons, dans la tradition de "Bilan", sur la nécessité d'être méthodique et prudent avant de reléguer des parties de notre propre classe dans le camp adverse.
Eymeric, d'après "Word Révolution", n° 160, janvier 1993.
[1] Communist Workers Organization, BM Box, London WCIN.
[2] Plusieurs évènements récents nous en font douter, comme la publication de façon irresponsable, dans les dernières parutions des organes de cette organisation, d'informations mettant en danger des militants révolutionnaires.
[3] Le manque de méthode de la CWO, son incapacité à saisir le concept d'opportunisme, est particulièrement révélé dans cette phrase. Les camarades ne semblent pas encore comprendre que des organisations prolétariennes peuvent défendre certaines positions fondamentalement bourgeoises sans automatiquement passer dans le camp capitaliste. Pour prendre un exemple moins lointain, ce n'est pas parce que "Programme Communiste" -"Le Prolétaire” a soutenu les Khmers rouges dans les années 70, position franchement bourgeoise, qu'il faut "ipso facto" ranger ce groupe parmi les forces politiques de la classe capitaliste.
[4] La CWO évoque ici la personne de notre camarade Marc, décédé à la fin de 1990. Dans le prochain numéro de notre journal, en poursuivant la citation du même article de "Workers' Voice" avec la partie dédiée aux prétendues "icônes du CCI", nous aurons à faire justice des odieuses accusations portées contre ce militant.
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Dans le dernier numéro de "Révolution Internationale", nous avons répondu à la première affirmation de la Communist Workers Organisation[1] (CWO) : "Trotsky est passé dans le camp bourgeois en 1935 avec sa politique d’entrisme dans la social-démocratie" avec pour corollaire que "cette position, sur Trotsky, a déjà été défendue dans les années 30 par la Fraction italienne de la gauche communiste"[2]. Nous avons rappelé les raisons qui font que Trotsky a été assassiné en 1940 avant le début du déchaînement de la guerre impérialiste sans avoir trahi la classe ouvrière. Dans cet article nous répondrons à la deuxième affirmation de la CWO qui porte sur notre camarade "Marc"[3].
Voici ce qui dit Workers Voice (numéro 52), dans son article à propos d’un meeting du CCI sur la Gauche Communiste Italienne :
Voilà bien la véritable argumentation tordue de la CWO : notre défense de Trotsky sert en fait à justifier le parcours politique du camarade Marc. D’après la CWO, ce camarade provenait de l’Opposition de gauche et aurait en conséquence, eu des "tentations" trotskistes. Et ce "prétendu" trotskisme a pour but de critiquer les fondements du CCI à travers le camarade Marc. On peut mesurer l’aspect tordu et le caractère sordide d’une telle accusation. On quitte tout à fait le terrain du débat politique. La CWO, qui n’a jamais cessé de clamer que le CCI a recours à des méthodes non "fair play" dans ses polémiques au point que cela ne vaut pas la peine de débattre avec lui, devrait sérieusement réfléchir sur ses propres méthodes. Considérons simplement l’"argument" que la CWO nous met dans la bouche : Marc était un "trotskiste"; Trotsky mourut en tant que militant prolétarien; par conséquent Marc est "une icône sacrée".
Tout ce fatras serait imbécile s’il n’était, en sus, complètement faux. Il disqualifie malheureusement la CWO qui agit de façon aussi bête et irresponsable que le font des groupes parasites qui jouent sur le principe "calomnions, calomnions toujours, il en restera quelque chose !"
Il est vrai que Marc a été dans l’Opposition de gauche internationale puisque il a adhéré à la "Ligue communiste" à la fin des années 20 après avoir été dans le groupe du "Redressement communiste" avec Treint et Barré. Mais à cette époque, personne parmi les révolutionnaires ne parle de "trotskisme" pour qualifier les groupes de L’"Opposition de Gauche Internationale". L’Opposition de gauche de cette époque ne s’identifiait pas du tout à Trotsky et encore moins au "trotskisme". C’était un mouvement très hétérogène qui, à côté d’autres sortes de groupes confus notamment "la Gauche communiste allemande" de Kurt Landau ou "espagnole", contenait beaucoup d’éléments qui étaient plus ou moins sur les positions de la "gauche communiste italienne" comme "l’Opposition communiste belge". Quand on parlait des groupes qui épousaient les positions de Trotsky, à l’époque, il était question de "l’Opposition de Gauche russe". On voit bien qu’on faisait la distinction entre Trotsky et les groupes oppositionnels de gauche.
Marc était certainement parmi ceux qui se situaient plus près de la "Gauche communiste italienne" comme on peut le constater dans nos articles à sot sujet dans les Revues Internationales 65 et 66. Et, en fait, la Fraction italienne se considérait elle-même comme faisant partie de ce milieu. Ainsi décrire Marc comme ayant été un trotskiste est particulièrement hors de propos.
Qui a créé le concept de "trotskiste" à l’époque ?
C’est Zinoviev, qui, le premier crée ce mot afin de resserrer les "vieux bolcheviks" (les bolcheviks d’avant 1917) autour de lui et de Staline et d’engager le combat en 1923 contre Trotsky pour, d’une part, le discréditer en rappelant son passé menchevik et, d’autre part, conquérir l’Internationale et le PCUS[4].
On mesure où va se vautrer la CWO en allant chercher de tels arguments staliniens.
Le véritable concept de "trotskisme" naît après l’assassinat de Trotsky, et il naît sur la base du "Programme de transition" de 1938, porté au bout de sa logique par les trotskistes au cours de la deuxième guerre mondiale impérialiste.
En fait, l’évolution politique de Marc a suivi de façon très proche celle de BILAN (organe théorique de la Gauche italienne): en 1936, quand il rompit avec "L’Union communiste", particulièrement sur la guerre d’Espagne, il trouva la cohérence qu’il cherchait précisément dans BILAN.
A ce moment-là un vaste gouffre s’était ouvert entre BILAN et Trotsky. Ainsi pour être exact, l’affirmation que Trotsky est une "couverture" pour le passé de Marc est impossible à soutenir: comme le reste de la Gauche communiste, Marc combattit bec et ongles contre toutes les positions fausses de Trotsky pendant les années 30, et pendant la guerre d’Espagne. Ce sont précisément des camarades comme Marc qui reconnurent durant la deuxième guerre mondiale que les épigones de Trotsky avaient définitivement "franchi le Rubicon" pour passer dans le camp capitaliste.
En fait, la gauche italienne est redevable à Marc, comme à quelques autres militants, pour avoir poursuivi son travail et sauvé son honneur politique alors que le Comité central de la fraction à Bruxelles autour de Perrone (Vercesi) avait déclaré sa dissolution au début de la guerre.
L’honneur de la gauche italienne et la défense de l’internationalisme prolétarien reviennent à la Fraction italienne reconstituée en 1941 à Marseille autour de quelques camarades, Lecci, Stefanini, Tullio, etc. et Marc notamment.
Quant au tract signé avec des trotskistes pour le 1er Mai 1945, il s’agit d’un tract rédigé en commun avec les RKD[5] dénonçant la guerre impérialiste mondiale. Et l’"expulsion de la gauche" de Marc sous l’accusation de trotskisme, n’est qu’un exemple des falsifications politiques de la CWO et de la campagne de dénigrement contre Marc qui se développe à l’heure actuelle. La CWO est encore une fois prise la main dans le sac de la malhonnêteté. L’ignorance historique n’est pas une excuse, il faut s’informer avant de porter de telles accusations aussi graves.
Marc n’a jamais été exclu par la Fraction italienne et certainement pas pour "trotskisme".
La Fraction italienne décide de se dissoudre à sa conférence en mai 1945 et d’adhérer individuellement au Partito Comunista Intemazionalista. Immédiatement, à la lecture de ce document préparé en secret, Marc quitte la Conférence sur la base d’une déclaration car il estime que cet acte est irresponsable, la Fraction ne peut pas adhérer à un Parti dont on ne connaît pas encore le programme politique. «Ne voulant en aucune façon m’associer à l’acte de liquidation de la Fraction... Je déclare quitter la Conférence... Vive la fraction!» (Déclaration du25mai 1945 in Bulletin de la gauche communiste de France - Juin 1945). Le camarade Marc adhère alors à la "Fraction Française de la Gauche Communiste" qui vient de se créer. Marc n’est donc pas exclu puisqu’il a quitté un groupe qui s’est auto-dissout.
La Fraction italienne "dissoute" se "réveille" de nouveau pour publier un communiqué le 15 juin 1945 «excluant le camarade Marc pour indignité politique». Non seulement il est quelque peu bizarre qu’un groupe dissout exclue un membre en l’accusant d’indignité pour avoir lutté contre son auto-dissolution (!), mais encore force est de constater qu’il n’y a aucune exclusion pour trotskisme dans ce document. Où la CWO a pu comprendre qu’il y avait eu exclusion pour trotskisme? En fait c’est la jeune "Fraction française" qui a été critiquée pour "tendances trotskistes" dans le Bulletin de la Gauche italienne n°8 publié quelques temps avant sa dissolution.
Toutefois, il n’y a aucune concession au trotskisme dans le fait de rédiger un tract en commun avec des éléments en rupture avec le trotskisme sur la question essentielle de la guerre impérialiste. C’est même une attitude militante que nous soutenons.
Le "Parti Communiste International" formé en Italie à la fin de la guerre n’a même pas justifié la rupture des relations avec la Fraction française sur la base que celle-ci aurait pris en charge un travail commun avec des "trotskistes"[6].
Qu’a fait le Parti Communiste Internationaliste? A-t-il été très ferme sur les principes? Non, il n’a pas exclu le camarade Marc. Il a pris une résolution opportuniste le 4 novembre 1945 «Sur la dissidence en France. (...) 1° le Parti affirme qu’il tiendra des relations internationales qu'avec une seule fraction de gauche dans chaque pays, (..) 2° Invite en conséquence la fraction française à résoudre le problème de la dissidence...». En fait le Parti ne prend aucune décision claire, il biaise et renvoie la décision aux autres fractions, (notamment à la fraction belge et française). Quel courage!
En revanche, nous pourrions rappeler à la CWO, la position de la fraction belge de la Gauche communiste qui veut publier un journal avec les trotskistes. Et qu’en est-il de Romeo Mangano, Messieurs nos accusateurs ?
Mangano, ancien secrétaire de la Fédération des Pouilles du PCI dans les années 20, au sortir de la guerre se remet à militer et fonde en 1945 le POC (Parti Ouvrier Communiste-bolchevik-léniniste) avec Nicolas Di Bartolomeo "Fosco", et des trotskistes[7]. Ce parti adhère à la IV° Internationale et devient sa section italienne, avant d’en être exclu à son 2ème congrès mondial en avril 1948. Quelques années plus tard, Mangano adhère au Parti Communiste Internationaliste (Battaglia Comunista); nous ne connaissons aucune des critiques qui lui ont été faites sur ces inconséquences passées. Mais peut être existent-elles? Nous ne pouvons que réclamer à la CWO -qui est si prompte à critiquer des faits inexistants- qu’elle demande des explications au Parti Communiste Internationaliste -avec lequel elle est liée au sein du BIPR- sur cette politique d’entrisme trotskiste.
Quant aux prétendus "icônes du CCI", nous ne les avons pas rencontrées. Notre camarade Marc a eu toute sa vie une politique révolutionnaire qui est allée vers la recherche de la clarté maximum et de la transparence dans ses actes politiques. Il s’est quelques fois trompé, nous le reconnaissons, comme lui-même d’ailleurs le reconnaissait, car nous ne pensons pas que les révolutionnaires soient infaillibles. Mais, au-delà de l’individu Marc, c’est ce qu’il représente que la CWO cherche à bafouer: un maillon essentiel dans la défense de la continuité organique des positions de classe entre la GCF et les organisations révolutionnaires d’aujourd’hui. C’est pour cela que, s’il est une chose que nous ne pouvons laisser passer, c’est la malveillance et l’ignorance de la CWO dans cette dernière polémique.
Eymeric.
[1] Communist Workers Organization - BM Box - London WC1N3XX.
[2] Pour une histoire de la Gauche communiste italienne en exil (1928 - 1945) lire la brochure du CCI qui y est consacrée.
[3] Pour connaître l’histoire de ce militant, voir Revue Internationale du CCI n° 65 et 66.
[4] cf. brochure du CCI : Le trotskisme contre la classe ouvrière.
[5] Les RKD ou Communistes Révolutionnaires d’Allemagne étaient un regroupement des éléments autrichiens qui s’étaient opposés à la fondation de la IV° Internationale en 1938 à Périgny et de révolutionnaires allemands. En 1944 ils possédaient encore beaucoup de positions trotskistes mais, sur la question essentielle de la nature de la guerre impérialiste, ils possédaient la même position que la Fraction italienne regroupée à Marseille.
[6] Cette accusation était particulièrement hypocrite en ce qu'elle provenait d’un "parti" que la tendance de Marc au sein de la Gauche communiste avait précisément critiqué parce qu’il s’était formé sur des bases hautement opportunistes: incluant la "minorité" de la Fraction qui avait participé aux milices du POUM pendant la guerre d’Espagne et de Vercesi qui avait fondé un Comité antifasciste à Bruxelles en 1945. Au départ ce parti avait été impliqué dans des rapports extrêmement ambigus avec les résistants bourgeois en Italie et avait écrit des "lettres ouvertes" aux staliniens. Mais nous pouvons rappeler d’autres faits que la CWO, grande inquisitrice des faits et gestes du CCI ne devrait pas ignorer: la fraction Belge de la Gauche communiste en 1945 a proposé un journal théorique en collaboration avec les trotskistes belges. Et plus tard, les descendants de ce groupe- aujourd’hui Battaglia Comunista ont aussi tenté de débattre avec l’IS de Tony Cliff et le groupe français "Lutte ouvrière" dans les années 1970.
[7] Déclaration de Mangano à A Peregalli : «nous crûmes utiles de nous mettre à leurs côtés pour la possibilité que nous donnait une organisation internationale».