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Dès qu'un courant de luttes ouvrières se développe aujourd’hui, il rencontre immanquablement 1'Etat. Ce qu’on a vu à Longwy-Denain ou bien au cours des grèves des sidérurgistes de Grande-Bretagne, on l'a également observé en Espagne, en Italie, au Brésil, partout, et, exemple le plus parlant de tous, en Pologne. Ce que rencontre ainsi la mobilisation ouvrière, nécessaire riposte à la misère capitaliste, c'est le totalitarisme de l'Etat bourgeois. C'est l'implacable férule autoritaire d'une classe dominante qui ne peut absolument plus tolérer quelque remise en cause que ce soit de son ordre social.
Sous un autre rapport, il n'y a plus de lutte ouvrière de quelque envergure, aujourd'hui, qui, portée par sa dynamique propre et ses exigences concrètes à se développer en s’étendant et en s'auto-organisant, ne rencontre comme obstacle à son élan les syndicats, le syndicalisme et les partis de gauche.
En vérité, ces deux éléments d'opposition à la lutte ouvrière n'en font qu'un. Syndicats, partis de gauche et gauchistes sont la première avant-garde de l'Etat bourgeois que le prolétariat affronte sur le chemin de sa lutte.
Le présent article voudrait démontrer que les syndicats et les partis de gauche sont justement l’expression du totalitarisme étatique en milieu ouvrier. L'Etat a absolument besoin d'eux comme instruments de sa dictature totale sur la société. Notre position contre les syndicats et les partis de gauche ne nous est pas inspirée par le sectarisme ou un radicalisme irresponsable, alors que d'importantes fractions ouvrières manifestent encore une certaine confiance dans ces organisations. C'est la compréhension de ce qui force ainsi, maintenant, le prolétariat à lutter en permanence, c'est la compréhension de ce que porte en lui d'espérances révolutionnaires le combat de notre classe qui exige de nous que nous sachions contribuer à clarifier la conscience du prolétariat, de ses ennemis ; que nous tendions tous nos efforts à lui rendre bien net le rôle anti-ouvrier réel des syndicats et des partis de gauche. Par rapport aux vastes combats de classes que la période annonce, cette exigence est vraiment primordiale.
L'ordre bourgeois, l'ordre capitaliste, a toujours été une dictature sur les exploités, et en particulier sur la classe ouvrière. Mais, au XXème siècle, la nécessité pour la bourgeoisie de cette dictature s'impose à elle d'une manière totale, négatrice de toutes les libertés et de toutes les réformes sociales qu'au XlXème siècle elle pouvait, fut-ce de manière limitée et provisoire, octroyer aux revendications des exploités.
C'est qu'au siècle dernier, le développement continu du capitalisme, ses capacités à promouvoir des conditions d'existence toujours supérieures par l'ensemble de la société, lui offraient l'opportunité de trouver des exutoires, au moins temporaires, aux contradictions minant le système de l'intérieur, au sein même des couches bourgeoises, et, surtout, à l'antagonisme fondamental opposant la bourgeoisie au prolétariat.
Expression de cette situation historique prévalant alors, l’Etat bourgeois était en mesure d'intégrer en lui le libre jeu de tous les partis du capitalisme ainsi que d'autoriser, non sans lui opposer toujours une résistance acharnée, l'action légale des partis et syndicats que les ouvriers avaient créés dans le cours même de leur lutte. A cette époque, le combat ouvrier pour des réformes avait donc un contenu réel, avec la possibilité d'utiliser le parlement.
La situation a fondamentalement changé, à l'aube du siècle présent, dès lors que le capitalisme, achevant son emprise sur le monde entier, perdait toute capacité de développement supérieur. Alors, le capitalisme a cessé d'être un facteur de progrès, ne serait-ce que par rapport au monde féodal, pour n'être plus qu'un ordre social décadent porteur de toutes les calamités pour l'humanité ; les crises, les guerres mondiales et tous les types de catastrophes, famines, génocides...
Dans cette nouvelle situation historique, toutes les contradictions contenues dans le capitalisme, puisque les exutoires liés à son développement sont désormais interdits, tendent à exploser au grand jour. La bourgeoisie n'est plus qu'une meute criminelle de capitalismes nationaux se déchirant sans cesse entre eux pour le repartage du marché économique mondial. La société civile est convulsée toute entière par les antagonismes sociaux. Par-dessus tout, l'impossibilité nouvelle d'accorder des réformes sociales de fond fait apparaître dans toute sa dimension historique l'opposition violente entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Dans cette situation, le problème primordial de la bourgeoisie est simplement celui de la conservation autoritaire de son système. Ainsi placée en position d'affaiblissement, la bourgeoisie a le besoin imprescriptible d'une force capable de fondre en une seule toutes les exigences capitalistes et nationales, de réguler l'ensemble de la vie économique par une loi dictatoriale. Il a besoin d’une force apte à investir l’entièreté de la vie civile de la société, jusqu'à s'immiscer dans les moindres aspects de la vie privée des individus.
C’est le totalitarisme, expression suprême de l'âge décadent du capitalisme, sa tendance universelle s'imposant, qu'importe les différences formelles, de l'ouest à l'est du monde bourgeois. Et ce totalitarisme, suint organique du capitalisme historiquement sénile, c'est l'Etat bourgeois qui en concentre la réalité ! L’Etat français, comme l'Etat russe, seul corps aujourd'hui capable de maintenir en vie l'ordre capitaliste.
L'Etat n'est plus que le Conseil d'Administration des intérêts capitalistes, il se remplit de leur substance et en devient l’expression même. Selon la formule d'Engels, il devient le capitalisme collectif. Monstrueusement grossi par l'incorporation en lui de toute l'activité bourgeoise, il s'impose à la société comme un écrasant appareil de domination totalitaire et terroriste de la vie humaine. L'Etat bourgeois du XXème siècle est la réalisation, poussée à son terme extrême, la nature dévoilée de l'ordre d'exploitation capitaliste.
Mais si c'est sur l'ensemble de la société que doit peser la férule totalitaire de l'Etat, afin d'écraser toutes les expressions d'antagonismes sociaux, devenus un luxe inadmissible pour le capitalisme, c'est particulièrement vis-à-vis du prolétariat que cette exigence est pressante. Ceci, parce que le prolétariat est la principale force de production, dont le travail associé, fournit la plus-value que doit accumuler le capitalisme. D'abord, mais ensuite et plus encore, parce qu'il est l'unique force capable d'une révolution contre le capitalisme, d'entraîner derrière lui tous ceux que l'oppression et la misère dressent contre l'ordre existant.
C'est pourquoi l'Etat doit occuper tout le champ d'existence du prolétariat et le soumettre à la loi du capital, en surveillant le moindre de ses mouvements, en prévenant et en dénaturant toutes ses initiatives, en canalisant vers des voies de garage ses revendications, en étouffant dans l'œuf ses luttes, en isolant les foyers de combat les plus ardents, en matant ou en corrompant ses militants les plus radicaux.
C'est seulement ainsi que l'Etat peut satisfaire aux deux nécessités vitales de l'ensemble du capital national à notre époque : maintenir la paix sociale et pressurer au maximum les ouvriers, leur faire consentir les plus grands sacrifices pour que le capital national soutienne sa position sur le marché mondial
Comment l'Etat réalise-t-il ce contrôle totalitaire du prolétariat et de toute la société ? Historiquement, il se démontre que deux méthodes existent : la "démocratie" et la "dictature". Mais ce ne sont justement que deux méthodes parce que :
Sous la forme dictatoriale (fascisme, dictature militaire ou parti unique) le contrôle et, le quadrillage du prolétariat est réalisé directement par les corps policiers de l'Etat, aidé par les structures du parti unique et la syndicalisation obligatoire.
C'est ce qu'on a pu voir dans l'Espagne franquiste où une police et une armée omniprésente étaient relayées par l'appareil du Mouvement National et le Syndicat Vertical. Dans l'Allemagne nazie ou dans l'Italie fasciste fonctionnait le même schéma de fond. C'est encore le calque du même schéma qui se présente dans les dictatures militaires d'Amérique Latine ou dans les pays de l'Est. Pour ces derniers, le centre de l'appareil policier est carrément le parti staliniste lui-même d’où partent les excroissances de la police et de l'armée et de toute la machinerie syndicale.
Cette forme de totalitarisme étatique se maintient exclusivement par le moyen de la terreur et de la surveillance policière. Elle est dépourvue, par contre, de toute capacité politique d'encadrer le prolétariat. Il en est ainsi, parce que les organes chargés de cela (parti unique, syndicat obligatoire) sont privés de toute crédibilité pour tromper les ouvriers et faire qu'ils soient considérés comme leurs représentants et leurs défenseurs. En effet, leur affiliation directe au gouvernement et à la classe dominante, leur idéologie effrontément réactionnaire de soutien à l'ordre existant, leur caractère monopoliste et imposé, leur rôle, enfin, de simple courroie de transmission du pouvoir exécutif, leur ôte toute possibilité d'abuser idéologiquement les travailleurs.
Pour ces raisons, ces formes dictatoriales n'ont de validité pour la bourgeoisie qu'aux époques de total écrasement et soumission du prolétariat, ou bien dans les situations extrêmes de chaos économique, de crise politique inextricable ou de guerre imminente. A l'opposé, ces formes sont absolument inaptes à contenir un mouvement prolétarien ascendant : l'échec du régime franquiste, comme celui du stalinisme en Pologne est bien la preuve pratique de ce que la simple répression policière ne suffit plus pour juguler l’éveil de la lutte autonome du prolétariat.
La forme de domination la plus efficace dont dispose la bourgeoisie pour affronter le prolétariat, et a fortiori quand la lutte de celui-ci est en train de se développer, c'est le totalitarisme démocratique.
C'est d'ailleurs bien pourquoi des pays comme l'Espagne, le Portugal, la Grèce ont accompli une spectaculaire "démocratisation" et pourquoi aujourd'hui, en Pologne, on voit cette même manœuvre bourgeoise s’effectuer.
Dans son mode "démocratique", l'Etat bourgeois maintient absolument intacts aussi, bien son contrôle omniprésent sur l'ensemble de la vie sociale que ses appendices hypertrophiés de la police et de l'armée, avec la différence qu'il est renforcé et protégé :
1°) par une façade de "libertés", de "droits", d'"organes de représentation populaire, qui tente de créer aux yeux du prolétariat de l'ensemble de la population une image, totalement vide de contenu, de participation à leur destinée : la Nation ;
2°) par un corps de partis de gauche et de syndicats "de classe", théoriquement indépendants du gouvernement et du patronat, donnant même 1'apparence de leur être opposés, dotés d'une idéologie "ouvrière" et "progressiste" et qui se présentent comme les "porte-parole" et les "défenseurs" de la classe ouvrière.
Cet ordonnancement de l'Etat est mille fois plus efficace. Il est surtout mieux adapté en période de montée générale des luttes ouvrières.
Le totalitarisme démocratique oppose à la lutte de classes un double obstacle : en première ligne, la police, sans uniformes et sans armes de la gauche et des syndicats ; en second rideau, prête à intervenir à tout moment, la police, costumée et équipée, des corps répressifs de l'Etat.
Les deux appareils combinent leur action, se renforçant mutuellement. La gauche et les syndicats, par le moyen des mystifications ’démocratiques" et légalistes, en lançant la classe ouvrière sur des voies de garage, affaiblissent la résistance de celle-ci à la répression. C'est justement le but recherché : faciliter l'action répressive. De l'autre côté, les corps répressifs au moyen d’attaques sélectives, et de l'intimidation, concourent à rabattre les ouvriers mis en état de faiblesse clans les alternatives de conciliation et d'abdication de la lutte, de la gauche et des syndicats
L'action combinée des deux appareils est mue par les nécessités globales du capital. Divisée en contradictions internes et fractions rivales, la bourgeoisie tend toujours à faire bloc contre la menace ouvrière.
L'action anti-ouvrière des syndicats ne se résume pas en une pure démagogie ; sa force mystificatrice ne dérive pas de la simple idéologie, elle est, avant tout, le produit d'une force matérielle, le résultat d'un appareil qui enracine ses ramifications bureaucratiques dans toutes les cellules de la vie ouvrière (quartier, usine, agence d'emploi) et, ainsi implanté, effectue un labeur permanent de :
Nous venons de définir l'ensemble du fonctionnement de l'Etat totalitaire bourgeois dans sa forme la plus apte à affronter un prolétariat combatif : la démocratie. Du même coup, nous avons établi le rôle irremplaçable, indispensable, qu'y tiennent les partis de gauche et les syndicats, contre le prolétariat. C'était l'objet propre de cet article, qui laisse naturellement la place à d'autres questions que nous ne traitons pas ici, mais sur lesquelles nous aurons, d'une façon ou d'une autre, à écrire dans de prochains articles- notamment pour dénoncer :
Tous ces travaux répondent à une claire volonté militante d'alerter le prolétariat sur les obstacles que présentent à sa lutte ses ennemis de classe.
(d'après "Accion Proletaria", publication en Espagne du CCI, n° 35).
Les magouilles du .syndicat "Solidarité" pour étouffer toutes les dernières grèves, de Jelenia Gora Radom, ont trouvé leur apothéose dans la façon dont Walesa a manœuvré pour éviter que les réactions à la répression à Bydgoszcz ne se transforment en grève généralisée.
Si ce dernier coup porté au mouvement en Pologne semble avoir réussi provisoirement à déboussoler et démoraliser les ouvriers, elles ont aussi commencé pour certains à leur ouvrir les yeux sur ce qu’est le travail syndical. "Walesa, tu nous as trahis !" ont dit les ouvriers à Bydgoszcz.
Mais les accords-bidons entre "Solidarité" et l'Etat dans le seul but de museler la grève ne sont pas qu'une trahison d'un dirigeant syndical ; c’est la continuité de tout le travail syndical des accords de Gdansk à aujourd'hui qui en s'opposant en tous points à ce qui a fait la force du mouvement en Pologne désigne le camp où il se situe : celui de la bourgeoisie.
"La démocratie, il faut l'apprendre ; car, à vrai dire, telle que nous la pratiquons dans le syndicat, j'en ai assez. Chacun veut présenter ses arguments. Il faut apprendre à déléguer ses décisions". (Walesa - "Le Monde” du 21.3.81)
En août dernier, les ouvriers n'ont pas eu besoin qu'un syndicat leur apprenne ce qu'était la démocratie et la délégation de décisions. L'une des forces du mouvement a justement été l'organisation centralisée des comités inter-entreprises, le MKS, qui est l’opposition vivante à la forme syndicale.
C'est justement dans le bouillonnement permanent des assemblées générales où "chacun peut présenter ses arguments" en permanence que le mouvement a puisé sa force.
C'est parce que les ouvriers n'avaient pas appris à déléguer leurs décisions aux mains de délégués patentés "spécialistes" de la négociation, mais au contraire gardaient le contrôle sur ce que disaient et faisaient les délégués des comités de grève que ce mouvement a gardé sa force. Les négociations de Gdansk étaient retransmises en direct par des haut-parleurs et chacun pouvait y intervenir.
La démocratie syndicale dont rêve un Walesa nous la voyons à 1'oeuvre, lorsqu'il brise les grèves, en prétendant parler au nom des intérêts de la classe ouvrière; lorsque comme à Bydgoszcz il décide à la place des ouvriers; lorsque, comme par hasard, les haut-parleurs se détraquaient lors des moments difficiles des négociations de Gdansk.
La démocratie à la Walesa est une démocratie bâillonnée où apprendre à déléguer des décisions, c’est apprendre à se taire. On comprend qu'il faille apprendre une telle démocratie aux ouvriers quand on prône comme le fait "Solidarité", la remise au travail et les sacrifices, quand il n'y a rien à négocier et rien à concilier, les spécialistes de la conciliation et de la négociation auxquels la classe délègue son pouvoir de décision sans le contrôle permanent que permet une mobilisation permanente en assemblées générales, ne peuvent que devenir les porte-parole des intérêts de la bourgeoisie. Ce qu'est "Solidarité" comme tous les syndicats du monde.
"Au début de notre action, nous réclamions que la vie publique se déroule au grand jour. Maintenant que c'est dans le syndicat, c'est de mal en pire". (Un ouvrier polonais, cité par "Le Matin” du 2 avril 1981)
"Il y a d'autres moyens que la grève... On peut comme en France faire des meetings après les heures de travail pour amener les autorités à négocier. On peut inventer beaucoup de choses, faire des marches de protestation... et puis nous allons avoir notre hebdomadaire" (Walesa - ''Le Monde" du 21.3.81).
Ce que les syndicats reprochent à la grève, ce n'est pas la perte qu'elle constitue pour la classe, c'est la perte qu'elle constitue pour le capital national, et le danger que constitue pour lui le fait que les ouvriers soient en discussion permanente sur la façon de mener leur combat. Une des forces de la classe ouvrière est que justement elle a la capacité d'arrêter ou de redémarrer la production. L'affaiblissement du capital national qu'elle entraîne n'est pas SON affaiblissement à elle. Dans les grèves en masses d'août, les ouvriers ont appris beaucoup de choses sur les moyens de leur combat, mais certainement pas dans le sens où l'entend Walesa.
Pour défouler la combativité dans des amusettes, les syndicats occidentaux ne manquent pas de créativité : meetings, rallies, manifestations-kermesses, pétitions, journaux, réunions syndicales... Walesa a bien appris sa leçon au contact de ses "grands frères" occidentaux.
Entre les ouvriers bien embrigadés et dociles des mornes défilés syndicaux et l'explosion incontrôlable de la grève de masse de Pologne, l'efficacité de ces autres formes de lutte saute aux yeux... pour la bourgeoisie.
"Nous ne faisons par nos luttes que nous mettre au service de notre pays. Nous voulons que les ouvriers travaillent pour le bien de la Patrie". (Walesa, TF1, le 15 janvier 1981).
L'homme est né pour servir, tout est pour le mieux, le bonheur est dans l'esclavage. Tel a été, en gros, tout le sens des propos de Walesa lors de cette interview à TF1 : "plus l'homme est grand, plus il doit servir les autres".
Quel est l'ordre "naturel" des choses pour Solidarité ? Une bourgeoisie forte qui exploite ses ouvriers avec leur libre consentement et dans l'illusion que travailler beaucoup profite à tout le monde, bourgeois et prolétaires.
"Nous voulons que le gouvernement soit fort et il ne faut pas 1'empêcher de travailler. Il a besoin de temps pour cacher les vieux meubles et changer de décor... les voleurs ont volé, c'est fini. Maintenant c’est à nous de travailler, car nous voulons vivre mieux et cela dépend de nous” (Discours de Walesa à Radom, le 16 mars 1981).
"Nous ne ménagerons ni le gouvernement ni le parti, ni le socialisme, ni les alliances signées, nous n'attaquons ni la milice, ni l'appareil du pouvoir" (Walesa)
"Il faut que le syndicat prenne en compte la réalité des difficultés économiques et en explique les conséquences, c'est pourquoi il faut arrêter toutes les actions revendicatives" (un expert de "Solidarité'- "Le Monde" du 17.12.80).
Quelle différence y a-t-il entre ces propos et ceux d'un Kania et d'un Jaruzelski pour qui "il ne faut pas désorganiser la vie économique sociale et politique. La grève dans la situation actuelle est une invitation à l'auto-destruction" ? AUCUNE. Le but est le même : être fort pour imposer à la classe ouvrière les sacrifices, imposer l'ordre capitaliste. Les façons d'y parvenir diffèrent mais se complètent pendant que le gouvernement agite la matraque de la répression, “Solidarité" use de son auréole ouvrière pour obtenir le même résultat par la persuasion.
En luttant cet été dernier par la grève de masse, en réclamant des augmentations de salaire "irréalistes" pour l'économie polonaise, les ouvriers ne se battaient ni pour le bien de la patrie, ni pour un gouvernement fort.
Il n'y a aucun terrain d'entente possible entre exploiteurs et exploités, les intérêts des uns ne peuvent que s'opposer aux intérêts des autres. En affirmant ses propres intérêts de classe indépendamment des "réalités" du capital, la classe ouvrière en Pologne mettait en cause l'existence de l'Etat capitaliste.
Mais ce que dit Solidarité aujourd'hui plus crûment n'est pas différent de ce qu'il disait dès sa création lors des accords de Gdansk :
Un ouvrier bâillonné qui se consacre avec ardeur à son travail pour mieux servir sa patrie en défilant docilement après ses heures de travail, et donne jusqu’à la dernière goutte de sa sueur et de son sang pour défendre l'intérêt national dans la joie du service accompli. N'est-ce pas là le rêve de toute bourgeoisie ?
Transformer la puissance des ouvriers polonais unis par la lutte en une somme d'esclaves rampant aux pieds de la bourgeoisie, tel est le sens des efforts de Solidarité. Tel est le sens des efforts de tous les syndicats du monde.
G.N.