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Si la classe ouvrière en Pologne n'a pas fait de nouvelles avancées et si aujourd'hui elle marque le pas, on ne peut pas dire qu'elle ait reculé. Aujourd'hui, comme hier, elle ne plie ni aux diktats de l'Etat ni ne cède au chantage "à la catastrophe" des nouveaux bureaucrates du syndicat dit " libre".
Malgré la pression de la bourgeoisie mondiale, malgré le barrage des "nouveaux" syndicats, par sa combativité et sa mobilisation générale la classe ouvrière en Pologne conserve les positions gagnées dans la lutte.
Depuis bientôt maintenant cinq mois l'Etat polonais assisté et financé par la bourgeoisie mondiale ne parvient plus à imposer l'ordre ; l'ordre de la pénurie, de la crise, de la misère et du sacrifice, "l'ordre national" de la police et de l'armée.
Dans la situation mondiale actuelle, un mouvement de l'ampleur de celui qu'a mené la classe ouvrière en Pologne ne recule pas comme ça.
Pour que la classe ouvrière recule il faudrait, soit que l'Etat l'écrase militairement, lui impose son point de vue par la force des fusils et des chars, soit qu'elle suive docilement l'orientation de "reconstruction nationale" des syndicats qui n'ont finalement fait que remplacer l'ancien syndicat officiel.
Chaque jour qui passe apporte avec les événements autant de nouvelles preuves de l'intégration de plus en plus effective des syndicats dans l'Etat polonais. Négociations secrètes de Walesa et Kanya, appels quotidiens à l'ordre et à la reconstruction nationale.
Mais si il est évident que les "nouveaux" syndicats ont réussi â constituer un BARRAGE à la lutte.il est tout aussi évident qu'ils n'ont par contre pas réussi à persuader les ouvriers de se sacrifier à nouveau pour la patrie, de laisser de côté revendications économiques et politiques, d'abandonner 1eur mobilisation générale. Pour i1ustrer cette situation et ne prendre qu'un exemple parmi les plus récents, on peut se référer aux événements que relate "Le Monde" du 22-11-80 :
La première victoire de la classe ouvrière en Pologne a été de faire reculer l'Etat et sans se presser d'aller le plus loin possible, sa seconde victoire consiste à ne pas lâcher prise.
Cela dit si la classe ouvrière conserve aujourd'hui encore ses positions acquises dans sa lutte face à l'Etat et que celui n'arrive pas à reprendre l'initiative, malgré l'aide précieuse de ses syndicats l'avenir de la lutte ne dépend pas de la classe ouvrière en Pologne mais de la classe ouvrière mondiale.
Ce que craint fondamentalement la bourgeoisie, c'est une extension internationale de la lutte de classe, elle craint par-dessus tout que l'exemple des ouvriers polonais refusant fermement les conséquences de la crise économique, ne pouvant et ne voulant plus vivre comme auparavant ne fasse tâche d'huile.
C'EST POUR CELA QUE LA CAPACITE DE LA BOURGEOISIE A COMBATTRE LA LUTTE DES OUVRIERS POLONAIS PASSE AVANT TOUT PAR SA CAPACITE A LA MAINTENIR DANS LE CADRE DES FRONTIERES POLONAISES.
Ce qui retient le bras armé de la bourgeoisie, ce qui l'empêche d'écraser dans le sang la révolte des ouvriers polonais, c'est bien sûr la puissance du mouvement ouvrier en Pologne mais c'est surtout la lutte de classe internationale, la peur qu'une telle répression ne provoque des mouvements ouvriers de solidarité dans les pays de l'Est comme dans les pays
occidentaux.. Ce n'est sûrement pas la volonté de régler "démocratiquement" les conflits sociaux comme l'affirme le pseudo parti communiste français. Comme les gigantesques crédits alloués à l'Etat polonais par tous les pays occidentaux, ne sont pas le fruit de leur sympathie pour les Etats du bloc russe, encore moins pour la classe ouvrière.
Cette situation est la preuve formelle que le rapport de forces entre prolétariat et bourgeoisie est un rapport de forces international. Si ce rapport de forces international a permis à la classe ouvrière polonaise d'aller jusqu'où elle est allée, sans se faire stopper par les chars, ils faut aussi noter que la classe ouvrière en Pologne ne peut aller beaucoup plus loin dans sa lutte sans se confronter aux limites du cadre national. Aujourd'hui, ce n'est pas un hasard si la défense de la "patrie" et de "l'économie nationale" est le principal thème et recours des syndicats "libres" et qu'en même temps ils constituent le barrage le plus efficace à la lutte de classe.
Aujourd'hui, dans sa pratique, le prolétariat polonais pose la question de l'internationalisation de la lutte de classes, mais ce n'est pas lui qui peut y répondre : seule la classe ouvrière mondiale au travers du développement de sa lutte.au delà et contre les frontières nationales résoudra la question.
M. Prénat
LES LUTTES OUVRIERES EN POLOGNE 70 SONT ENCORE VIVANTES. AUJOURD'HUI, LES OUVRIERS EN POLOGNE ONT SU TIRER, DANS LEURS LUTTES, LES LEÇONS DE LA LUTTE QUI LES AVAIT OPPOSE A L'ETAT DANS L'HIVER 70-71.
DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL BEAUCOUP PLUS FAVORABLE, LES OUVRIERS NOUS MONTRENT COMMENT LA CLASSE AVANCE DANS SA PREPARATION AUX AFFRONTEMENTS DECISIFS DE DEMAIN.
Dans la grève de 1980, une chose est certaine : la position de force des ouvriers, la masse, la cohésion, la détermination de leur mouvement, MALGRE 1'Eglise, MALGRE les "syndicats libres", MALGRE le KOR.
A première vue, certaines faiblesses sont apparues plus clairement qu'en 70 : les illusions sur la "démocratie" et le nationalisme en particulier.
En 70, les ouvriers en Pologne ont ATTAQUE les centres de l'Etat, en réponse à la répression, force contre force. En s'attaquant aux syndicats, la police, au parti, ils mettaient au clair la nature de l'affrontement entre la classe ouvrière et l'Etat : deux intérêts antagoniques qui ne peuvent plus se faire de concessions. En 80, les syndicats libres paraissent avoir occulté un temps le vrai problème en le posant en termes de conciliation dans le cadre de la patrie commune.
Il y a 10 ans, les ouvriers ne chantaient pas l'hymne national, et quand le drapeau polonais apparaissait dans une manifestation, c'était trempé dans le sang des ouvriers tués lors des affrontements. Cet été, certains chantaient l'hymne national, et les drapeaux polonais flottaient sur des autobus en grève.
Mais les apparences ne suffisent pas. Profondément, les illusions ne pèsent pas plus sur le mouvement qu'elles ne pesaient en 70, et les mouvements actuels marquent une plus grande force, une plus grande maturité que ceux de l'hiver 70-71, y compris sur la question de l'affrontement avec l'Etat. Les évènements actuels sont UNE CONTINUATION de 70, un pas en avant dû à 1'expérience.
Les ouvriers aujourd'hui n'ont pas encore incendié de local du parti, pas pendu de bureaucrates. Pourtant, ils n'ont pas plus d'illusions sur ceux qui les gouvernent. Ils savent qu'il faudra les affronter.
Les ouvriers en Pologne n'ont guère d'illusions sur le "coude à coude" avec la classe dirigeante. Nous sommes loin de la liesse avec laquelle avait été accueilli Gomulka en arrivant au pouvoir en 56, arrivée ressentie comme la victoire d'une tendance "ouvrière" dans 1'Etat.
En 70, la rupture était déjà nette : la répression, ils ne l'attendaient pas non plus de Gomulka, et ils l'ont eue... Bien que les concessions de Gierek soient soi-disant "sans précédent" (discuter avec des comités de grève, promettre qu'aucune répression ne sera exercée), c'est avec méfiance que les ouvriers ont accueilli ses promesses et ses tirades quand il déclarait à Szczecin : "Nous sommes de la même pâte et nous avons le même but." D'autant que, lorsqu'il s'est rendu aux chantiers de Szczecin pour "négocier", l'armée encerclait les chantiers, des renforts étaient, mobilisés dans tout le pays, l'eau et les vivres étaient coupées. L'épreuve de force était claire.
Aujourd'hui, cette rupture n'a fait que se renforcer. Gierek, le "mineur de Silésie" avait promis l'augmentation du niveau de vie... les ouvriers ont eu le travail du dimanche, les cadences renforcées, pour en arriver à la situation d'aujourd'hui : plus de viande, plus de lait, plus de beurre, plus de chauffage; Gierek avait promis de ne pas réprimer, et les ouvriers grévistes ont été pourchassés un par un, traqués comme des lapins. La classe ouvrière ne croit plus aux promesses de la bourgeoisie. Kanya a remplacé Gierek dans l'indifférence la plus totale.
Les ouvriers ne provoquent pas un affrontement sans se sentir assez forts pour le faire. En 1970, ils ne l'ont pas PROVOQUE. Ce fut une réponse à la répression, la seule : force contre force. Pourtant, le mouvement n'était pas prêt au départ à une telle épreuve de force. A Szczecin sûrs du caractère pacifique de leur manifestation, les manifestants avaient placé en tête femmes et enfants. La police était là, elle a tiré. A Slupsk, c'est sur une manifestation pacifique aux cris de “nous voulons du pain", que la police a tiré. La rapidité de réaction de la classe n'en a été que plus impressionnante.
Aujourd'hui, aucune délégation n'a été arrêtée, aucun coup de feu n'a été tiré, comme ce fut le cas en 70. Les ouvriers, au mois d’août, y étaient prêts : par mesure de précaution, les délégations ne sortaient pas de l'usine, et des milices avaient été organisées. Mais sans répression la classe ouvrière a choisi de se RENFORCER, de préparer sa cohésion : géant auquel les syndicats libres tâchent d'attacher des menottes trop petites.
Aujourd'hui, les ouvriers ont tiré les leçons de 70 : on n'affronte pas l'Etat en ordre dispersé. En 70, pendant la répression, il n'y avait aucun lien entre les villes, tout juste entre les usines. Ce n'est qu'à la fin de la grève que ces liaisons ont commencé à apparaître. A Szczecin, en 70, le rétablissement des liaisons entre les villes venait en 18ème condition de "revendications non reconnues par le gouvernement". En août, ce fut le PREALABLE imposé par les ouvriers : d'abord, l'extérieur, la circulation des informations, permettre une organisation la plus large de la force ouvrière.
En 70, des pas énormes, y compris dans l'organisation de la lutte, ont été faits. Il est manifeste que la rapidité d'organisation de la classe cette fois-ci puise ses racines dans l'expérience antérieure. En 70, par exemple, il est clair que ce sont les comités de grève qui ont organisé les manifestations : en réponse à l'arrestation de leur délégation, les ouvriers partent en manifestation devant le parti, manifestation grossie par la population. La police est là, et lors des affrontements, les manifestants reculent... pour se diviser immédiatement en 3 chercher la solidarité : vers les chantiers encore au travail, vers les universités, vers la radio : le rendez-vous est le soir même une attaque du local du parti qui se terminera par un incendie. A Krakov, Varsovie, Wroclaw, et dans bien d'autres villes, les ouvriers agissent comme une force autonome et décidée. L'importance du noyau fort de l'usine est encore plus manifeste quand on voit l'exemple de Gdynia, où la bourgeoisie a pu faire une répression sans précédents : alors que dans les autres villes, l'armée, même après avoir reconquis la rue, ne put pas rentrer dans les usines, à Gdynia, elle a commencé par investir les usines AVANT que les évènements ne prennent un tour violent. Après, elle a PROVOQUE un affrontement en tirant sur des ouvriers isolés se rendant à l'usine le matin. La bataille qui s'en suivit fut la plus meurtrière de toute la Pologne : aveuglées de colère, des masses inorganisées et sans cohérence se battaient dispersées, dans les rues, les gares. Ce fut plus un massacre qu'un affrontement. En 80, les ouvriers ne l'ont pas oublié : la fermeture des usines correspondait aussi à l'affirmation de la classe ouvrière en tant que telle.
Par la suite, en 70, l'organisation des ouvriers se développa. A Szczecin, en janvier 71, la force ouvrière était telle que "la ville s'est transformée en une véritable république ouvrière, où tous les pouvoirs étaient exercés par le comité de grève... la grève ne prit fin que lorsque le comité de grève reçut l'assurance de l'immunité complète pour tous." A ce stade-là, des liaisons existent un peu partout, entre la Baltique, Poznan, Ursus, Varsovie...
Cette conscience de la nécessité de se renforcer face au pouvoir en étendant la lutte, les ouvriers aujourd'hui ne l'ont pas oublié : d'emblée, ils se sont affirmés en dehors des secteurs d'industrie, et se sont organisés en 4 organisations régionales ayant pour base les délégués d'assemblées générales.
L'étendue de la force qu'ils peuvent avoir sur la société, ils ne l'ont pas oublié non plus : c'est au siège du comité de grève central, devant le chantier Lénine, que la population s'est massée, c'était là le cœur de l'action. La façon dont les ouvriers ont su organiser transports, hôpitaux, ravitaillement, n'expriment pas une tentative d'autogestion, mais la conscience de la nécessité de maintenir certaines fonctions vitales aux ouvriers et à la grève même : le début d'une concrétisation de la possibilité qu'a la classe ouvrière de prendre la direction de la société.
En 70, les ouvriers avaient conscience qu'il leur restait des pas à faire : "Nous reprenons le travail. C'est au moins ce que nous savons faire de mieux, car nous ne savons pas encore faire grève." (président du comité de grève de Szczecin ). En 80, les ouvriers ont su organiser une grève de masse à l'échelle du pays. Ils ont mis en action la conscience tirée de 70 qu'une organisation plus étendue de la classe ouvrière était nécessaire pour lutter contre l'Etat.
En 80, la classe ouvrière ne s'est pas jetée les mains nues contre les chars. Mais elle a étendu sa puissance jusqu'à faire trembler tous les remparts de la société bourgeoise. C'est de cette force là que la classe ouvrière a besoin contre l'Etat, contre l'armée. L'affrontement ne suffit pas. Il faut encore le gagner.
Dans les pays de l’Est, plus encore qu'à l'ouest, c'est une entrave énorme. Le sentiment viscéral anti-russe, vu le degré d'exploitation qu'impose sa mainmise sur la Pologne amène le prolétariat à penser en termes de "nation" à affirmer contre l'URSS... ce qui empêche de voir l'URSS en termes de classe ouvrière russe.
En 70, cet aspect était occulté par la violence de l'affrontement entre Etat national et classe ouvrière. Une bourgeoisie qui massacre les ouvriers peut difficilement faire appel au “patriotisme", avec ses allures "démocratiques" et "syndicalistes". Bien que l'opposition syndicaliste ait quand même fait un bon travail de barrage, en 80, travail rendu plus facile par l'absence de répression, cette conscience de la rupture entre l'Etat national et les ouvriers n'a pas disparu. L'expérience est là, et les ouvriers n'ont aucune raison concrète d'avoir confiance dans le langage des "efforts pour le bien national", même dans une nation "rénovée".
Mais pour que l'illusion d'une possibilité de changement dans le cadre national disparaisse, cela ne dépend pas que de la Pologne. Un mouvement de grève en Russie ferait plus avancer la question que 10 affrontements en Pologne.
Et, du point de vue international, les conditions ont évolué depuis 70. Ce qui avait pu être ignoré de la Pologne en 70, en Europe de l'ouest notamment (où la grande affaire d'alors était "Puig Anti ch", tentative antifasciste vite oubliée), n'est plus possible à cacher en 80. Les ouvriers polonais aujourd'hui SAVENT que le monde les regarde. Et les grèves en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Allemagne, plus directement encore que celles qui se sont développées de par le monde, sont autant de feux de reconnaissance de la classe ouvrière internationale.
Du point de vue international, les conditions vont dans le sens d'un dépassement du nationalisme. En Pologne même, il reste aux ouvriers à apprendre que, de la même façon qu'une grève ne peut prendre sa force que dans la généralisation à d'autres secteurs, une grève de masse doit chercher sa prochaine force dans la lutte de classe internationale. L'issue de la lutte, répression ou renforcement, dépend d'elle. Malgré un regain d'illusions dû au matraquage de "l'opposition" sur les réformes nationales, la classe ouvrière en Pologne a créé aujourd'hui un ébranlement de l'Etat pire que 70. Et ébranler l'Etat dans ses fondements, même en chantant l'hymne polonais, porte une dynamique qui dépasse même ceux qui la font.
D.N.
Quand, pour éclairer la route, nous avons une torche aussi flamboyante que celle du combat du prolétariat en Pologne, comment ne pas nourrir la plus grande assurance dans notre avenir ! Prolétaires, camarades, l'heure est à la confiance dans notre force. Lucidement, sans emballement aucun ni exagération, rendons-nous compte que le temps est en train de travailler en notre faveur. Sachons-nous en saisir.
Qu'est-ce que nous dit la formidable lutte que les ouvriers mènent en Pologne depuis 5 moisi Qu'il n'y avait aucun hasard à la succession des grands mouvements ouvriers de ces dernières années, des sidérurgistes de Longwy et Denain en 79 à leurs frères de Grande- Bretagne, en 80 ; des dockers de Rotterdam aux métallurgistes de Sao Paulo, au Brésil, en 79. Le magnifique combat de Pologne n'est donc que le couronnement et l'explication de tout un processus qui a nom : le développement généralisé de la lutte ouvrière dans le monde. A côté de ces grands mouvements cités, ce sont cent, mille autres exemples qui, a divers degrés, viennent certifier cette réalité. Parlons des grandes grèves dans l'automobile, en Espagne et en Italie, de la dure lutte des ouvriers du textile d'Izmir en Turquie, des mineurs aux USA. On pourrait allonger indéfiniment la liste des luttes, des secteurs de travail et des contrées touchées par elles : Suède,
Corée, Tunisie (Gafsa), Algérie (Tizi- Ouzou), Soudan, Liberia, Zimbabwe, Afrique du Sud, Pérou, Venezuela, Colombie, Inde, Portugal, Iran... entre 1977 et 1980. Voilà maintenant que la lutte allumée en Pologne commence à se répandre en Hongrie, en Roumanie, en Tchécoslovaquie, en RDA et en URSS même.
Oui, l'heure est au développement de la lutte ouvrière. Nous assistons déjà à une internalisation dans les faits de la lutte de classe. C'est que la crise capitaliste, en s'approfondissant, n'a pas manqué d'harmoniser le désillusionnement des ouvriers et de déterminer, partout, les mêmes nécessités de lutte, et les mêmes objectifs du combat ouvrier. C'est jusque dans les formes même de cette lutte, qu'on voit une tendance à l'unification. A la situation d'hier dans laquelle les ouvriers croyaient encore pouvoir s'en sortir chacun dans leur coin, donnant pièce aux grandes tromperies bourgeoises sur les spécificités et les particularismes nationaux, depuis les prétendus privilèges du prolétariat des pays d’Occident jusqu'à la voie spéciale de lutte des prolétariats du tiers-monde, commence à faire place un état de fait oû le mouvement ouvrier s'aperçoit comme une dynamique unique, cimentée par une réalité capitaliste identique. C'est cependant du sein même de ces pays que la mystification bourgeoise, à l'Est comme à l'Ouest, présente comme socialistes que la lutte des travailleurs en Pologne vient sans doute apporter la preuve la moins discutable de la profondeur du mouvement ouvrier actuel et du réalisme qui le porte.
Cette progression au réalisme et l'usure des mystifications bourgeoises qu'elle traduit, s'exprime généralement dans la société par une multiplication des explosions sociales de par le monde, de Bristol à Miami, Amsterdam et Zurich. Cela se manifeste encore par la perte de crédibilité des hommes politiques (voir les sondages), par l'abstentionnisme aux élections (voir l'exemple américain récent), la désyndicalisation ou même parce que la presse bourgeoise française nomme l'effet Coluche. Ce qui rend cependant ce contexte d'insoumission vraiment menaçant pour la bourgeoisie, c'est la question ouvrière, car le prolétariat est capable de donner à la révolte sociale une orientation révolutionnaire, anti-étatique.
"Gdansk, Turin, même combat", clamait récemment un ouvrier italien de la Fiat. Cela mieux que tout, traduit l'internationalisation de fait de la lutte ouvrière et l'homogénéisation mondiale de la conscience de classe. Cela annonce le pas prochain du prolétariat : le passage de l'internalisation factuelle à l'internationalisme prolétarien. La classe ouvrière, luttant simultanément aux quatre coins du monde, n'est pas encore au point, cependant, de poser le cadre international de chacune de ses luttes. Mais c'est à travers l'expérience répétée, simultanée de l'impasse de ses multiples combats encore localisés et parcellisés par la gauche dans l'opposition, que sont créées pour elle les conditions d'y parvenir. C'est l'obligation oû la pousse la crise capitaliste de devoir lutter sans rémission pour la satisfaction de ses exigences les plus vitales et, à travers cela, la prise de conscience de l'impossibilité pour la bourgeoisie de les satisfaire, même momentanément qui, faisant nécessairement sortir la classe ouvrière hors de tous les cadres de la conciliation avec le capitalisme : lois, nations, syndicats, pacifisme, qui, lui révélant ses amis et ses ennemis, ce qui aide sa lutte et ce qui l'entrave, qui, l'amenant à surmonter les divisions installées en son sein par la bourgeoisie (comme la division entre travailleurs immigrés et ouvriers du pays) conduiront le prolétariat à la proclamation de son grand mot d'ordre historique du combat révolutionnaire :