Situation internationale : le nouveau désordre mondial du capitalisme

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 « The new world (dis)order », le nouveau (dés)ordre mondial, voilà comment la presse anglo-saxonne qualifie maintenant le « nouvel ordre mondial » que lègue l'ex-président Bush à son successeur. Le panorama est ef­frayant et catastrophique. La liste des malheurs qui frappent l'humanité, est longue. La presse bourgeoise et la télévision en rendent compte. Voudraient-elles cacher les faits, qu'elles ne le pourraient pas et se déconsidé­reraient complètement. Mais, au service de l'idéologie bour­geoise, elles séparent les évé­nements tragiques qui se multi­plient, refusent de voir le lien, la racine commune, c'est-à-dire l'impasse historique du capita­lisme et sa putréfaction, qui unit la multiplication des guerres im­périalistes, l'aggravation brutale de la crise économique mon­diale et les ravages qu'elle pro­voque. Reconnaître l'unité entre toutes ces caractéristiques du capitalisme d'aujourd'hui, re­connaître la concomitance de leur aggravation respective, met à nu la barbarie sans fin dans laquelle le capitalisme nous en­traîne, le gouffre sans fond dans lequel il plonge l'espèce hu­maine.

La reconnaissance du lien, de la cause, et de l'unité entre ces dif­férents éléments de la réalité du capital facilite aussi la prise de conscience des enjeux histo­riques qui se présentent à l'humanité. Il existe une alterna­tive à la catastrophe irréversible, et une seule. Détruire la société capitaliste et en instaurer une autre, radicalement différente. Il existe une force sociale, et une seule, capable d'assumer une telle tâche. Le prolétariat qui est à la fois classe exploitée et classe révolutionnaire, est cette force. Lui seul peut mettre à bas le capital, en terminer avec toutes ces catastrophes, et faire naître le communisme où les hommes ne seront plus conduits à s'entretuer sauvagement et où ils pourront vivre en harmonie.

Les mots et les phrases sont de peu de poids pour dénoncer la barbarie et la multitude de conflits locaux meurtriers qui ensanglantent la planète. Pas un seul continent n'est épargné. Ces conflits ne sont pas le résultat de haines ancestrales qui les rendraient fatals, inévitables, ni d'une loi naturelle selon laquelle l'homme serait foncièrement mau­vais, toujours en quête d'affrontements et de guerres. Cette dynamique barbare de chute dans la guerre impérialiste n’est pas une fatalité naturelle. Elle est produite par l’impasse historique dans laquelle se trouve le capita­lisme. La décomposition qui frappe la société capitaliste, l'absence de perspective et d'espoir autres que celui de la survie individuelle, ou comme bandes armées, contre tous les autres, est respon­sable de l'explosion des guerres lo­cales entre populations qui vi­vaient, pour la plupart, en bonne harmonie, ou cohabitaient, depuis des décennies ou des siècles.

La putréfaction du capitalisme est responsable des milliers de morts, des tueries, des viols et des tor­tures, des famines et des privations qui touchent les populations, les hommes, les femmes, les vieillards. Elle est responsable des millions de réfugiés terrorisés, obligés de quit­ter leur maison, leur village, leur région, sans doute pour toujours. Elle est responsable de la sépara­tion des familles endeuillées, des enfants qu'on envoie ailleurs en es­pérant qu'ils échapperont à l'horreur, au massacre, à la mort, ou à l'enrôlement forcé, et qu'on ne reverra plus. Elle est respon­sable aussi du fossé de sang et de vengeances qui va séparer pour longtemps des peuples, des eth­nies, des régions, des villages, des voisins, des parents. Elle est res­ponsable du cauchemar quotidien dans lequel vivent des milliards d'êtres humains.

La décomposition du capitalisme est responsable aussi du rejet hors de la production capitaliste, et de toute production, de centaines de millions d'hommes et de femmes dans le monde, réduits à s'entasser dans les immenses bidonvilles des mégalopoles, les plus chanceux trouvant de temps en temps un tra­vail surexploité qui parvient à peine à les nourrir (et encore) ; et les autres, poussés par la faim, obligés de mendier, de voler, de trafiquer, de fouiller dans les dé­charges publiques pour trouver leur pitance, inexorablement ame­nés à la délinquance, à la drogue et à l'alcool, poussés à abandonner ou vendre leurs enfants encore bé­bés qui sont achetés comme es­claves pour travailler dans les mines, dans les innombrables pe­tits ateliers, ou bien contraints de se prostituer dès leur plus jeune âge. Le pire n'est-il pas la multipli­cation des enlèvements de gamins à qui l'on prélève des organes, qui un rein, qui un oeil, ou les deux, pour les revendre ? Comment s'étonner après, que cette déchéance maté­rielle et morale, qui touche des millions d'être humains, fournisse en quantité, des hommes, des adolescents, des mômes qui n'ont pas 10 ans, prêts à toutes les horreurs et infamies, « libres » de toute morale, de toute valeur, de tout respect, pour qui la vie des autres n'est rien puisque la leur n'est rien depuis leur plus jeune âge, prêts à devenir mercenaires de n'importe quelle armée, guérilla ou bande, dirigée par n'importe quel caïd, général, colonel, sergent, chef mafieux, s'abaissant à la torture, aux tueries, aux viols systéma­tiques, au service du «nettoyage ethnique » et autres horreurs ?

Il y a une cause et un responsable à cette folie croissante : l'impasse historique du capitalisme.

La décomposition du capitalisme pousse aux guerres et aux conflits locaux

La décomposition du capitalisme est responsable des guerres ef­froyables qui se propagent dans le territoire de l'ex-URSS, au Tadji­kistan, en Arménie, en Géorgie... Elle est responsable de la poursuite sans fin des affrontements entre milices, hier alliées, en Afghanis­tan, qui balancent à tour de rôle leurs missiles et leur obus à l'aveuglette sur Kaboul. Elle est responsable de la continuation de la guerre au Cambodge qui met le pays à feu et à sang. Elle est res­ponsable de la propagation drama­tique des guerres et des affronte­ments inter-ethniques sur tout le continent africain. Elle est respon­sable du renouveau des petites guerres, si l’on peut dire, entre ar­mées, guérillas et mafias au Pérou, en Colombie, en Amérique cen­trale. Si les populations manquent de tout, ces bandes armées, éta­tiques ou non, ont des stocks considérables d'armes, provenant bien souvent de l'argent du trafic de drogue, en pleine expansion mondiale, qu'elles contrôlent et pratiquent elles-mêmes.

La décomposition du capitalisme est responsable de l'éclatement de la Yougoslavie et du chaos qui s'y est développé. Les ouvriers qui tra­vaillaient dans les mêmes usines, qui luttaient et faisaient grève en­semble, au coude à coude, contre l'Etat capitaliste yougoslave, les paysans qui cultivaient les terres voisines, les enfants qui allaient à la même école, les nombreuses fa­milles, fruits de mariages a mixtes »y sont aujourd'hui séparés par un abîme de sang, de tueries, de tortures, de viols, de vols.

« Les combats entre Serbes et Croates ont fait quelques 10 000 morts. Ceux qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine plusieurs di­zaine de milliers (le président bos­niaque parle de 200 000), dont plus de 8 000 à Sarajevo. (...) Sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, on estime à 2 millions le nombre de ré­fugiés et des victimes du "nettoyage ethnique". »([1])

Des millions d'hommes et de femmes, de familles, voient leur vie et leurs espoirs ruinés, sans retour en arrière possible. Sans aucune pers­pective sinon le désespoir, voire, pire, la vengeance aveugle.

Les antagonismes impérialistes exacerbent les conflits locaux

Il faut dénoncer avec force les mensonges de la bourgeoisie qui affirme que cette période de chaos est passagère. Elle serait le prix à payer pour la mort du stalinisme dans les pays de l'Est. Nous, com­munistes, disons que le chaos et les guerres vont encore se développer et se multiplier. La phase de décomposition du capitalisme ne meut offrir ni paix, ni prospérité, bien au contraire, elle exacerbe, encore plus que par le passé les appétits impérialistes de tous les Etats capitalistes qu'ils soient puissants ou faibles. Le « chacun pour soi » et le «  tous contre tous » s'imposent à tous, petits ou grands. Il n'est pas un conflit dans lequel des intérêts impérialistes ne soient absents. La nature a horreur du vide, dit-on. Ainsi en va-t-il de l'impérialisme. Chacun, quelle que soit sa force, ne peut laisser une ré­gion, un pays « à sa portée» à l'abandon, sous peine de voir un rival s'en emparer. La logique in­fernale du capitalisme pousse inévitablement à l'intervention des différents impérialismes.

Aucun Etat, quel qu'il soit, grand ou petit, puissant ou faible, n'échappe à la logique implacable des rivalités et des affrontements impérialistes. Simplement, les pays les plus faibles, en essayant de dé­fendre leurs intérêts particuliers au mieux, s'alignent comme ils peu­vent, de gré ou de force, en fonc­tion de l'évolution des grands an­tagonismes impérialistes mon­diaux. Ils participent ainsi tous au développement ravageur des guerres locales.

Cette période de chaos n'est pas passagère. L'évolution des aligne­ments impérialistes globaux autour des principales puissances impé­rialistes mondiales, telles les USA bien sûr, mais aussi l'Allemagne, le Japon, et, à des degrés moindres, la France, la Grande-Bretagne, la Russie ([2]), la Chine, met de l'huile sur le feu des guerres locales. En fait, c'est le coeur même du capitalisme mondial, particulièrement es vieilles puissances impérialistes occidentales, qui alimente le feu des affrontements et des guerres locales. C'est le cas en Afghanistan, dans les républiques asiatiques de l’ex-URSS,  au Moyen-Orient, en Afrique tel en Angola, au Rwanda, en Somalie, et bien sûr en Yougoslavie.

En Yougoslavie, les difficultés croissantes de l'impérialisme américain pour imposer son leadership sur les autres puissances

L'ex-Yougoslavie est  devenue le  point central des rivalités impérialistes globales, le lieu où, à travers l'effroyable guerre qui s'y déroule, se cristallisent les principaux enjeux impérialistes de la période actuelle. Si l’impasse historique du capitalisme décadent, sa phase de décomposition, est responsable de l'éclatement de la Yougoslavie (tout comme de celui de l'URSS) et de l'aggravation des tensions entre les peuples qui en faisaient partie, ce sont les intérêts impérialistes des grandes puissances qui sont responsables de l'éclatement et de l'aggravation dramatique de la  guerre. La reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie par l'Allemagne a provoqué la guerre, comme le dit et le répète, non sans arrière-pensées, la presse anglo-saxonne. Les USA bien sûr, mais aussi la France et la Grande-Bretagne, ont sciemment poussé la Serbie, qui n'attendait que ça, à corriger militairement la Croatie. Et à partir de là, les intérêts impérialistes divergents des grandes puissances déjà citées, ont déterminé la chute dans la barbarie guerrière.

Les atrocités commises par les uns et les autres, et particulièrement l'horrible «  nettoyage ethnique » dont les milices serbes se sont rendues coupables en Bosnie, sont cyniquement utilisées par la propagande médiatique des puissances occidentales pour justifier leurs interventions politiques, diplomatiques et militaires, et pour masquer leurs intérêts impérialistes divergents. En fait, derrière les discours humanitaires, les grandes puissances s'affrontent et entretiennent l'incendie tout en se faisant passer pour les pompiers.

Depuis la fin de la guerre froide et la disparition des blocs impéria­listes qui l'a accompagnée, l'allégeance à l'impérialisme américain de la part de puissances comme l'Allemagne, la France et le Japon, pour ne citer que les plus  hardies, a disparu inévitablement, un pays comme l'Allemagne est destiné à se poser en pôle, exerçant une attraction impérialiste alternative au pôle américain. Depuis la fin de la guerre du Golfe, ces puis­sances ont de plus en plus défendu leurs intérêts propres, remettant en cause le leadership US.

L'éclatement de la Yougoslavie et l'influence croissante de l'Allemagne dans la région, en Croatie particulièrement, donc sur la Méditerranée, représente un re­vers pour la bourgeoisie améri­caine, en termes stratégiques,([3]) et un mauvais exemple de ses capaci­tés d'intervention politique, di­plomatique et militaire. Tout le contraire de la leçon qu'elle avait administrée, à dessein, lors de la guerre du Golfe.

« Nous avons échoué » a affirmé Eagleburger, l'ex-secrétaire d'Etat (le ministre des Affaires étrangères) de Bush. «Depuis le début jusqu'à maintenant, je vous dis que je ne connais aucun moyen de stopper (la guerre), sinon au moyen d'un usage massif de la force militaire. » ([4]) Comment se fait-il que l'impérialisme américain, si prompt à utiliser une incroyable armada contre l'Irak il y a deux ans, n'ait pas eu recours jusqu'à maintenant à l'usage massif de la force militaire ?

Depuis l'été dernier, à chaque fois que les américains étaient sur le point d'intervenir militairement en Yougoslavie, quand ils voulaient bombarder les positions et les aé­roports serbes, à chaque fois un grain de sable déposé à propos par les rivaux impérialistes européens, est venu enrayer la machine de guerre américaine. En juin dernier, le voyage de Mitterrand à Sarajevo, au nom de « l’ingérence humani­taire », a permis aux Serbes de dé­bloquer l'aéroport tout en sauvant la face devant les menaces d'intervention US ; l'envoi de forces françaises et britanniques parmi les soldats de l'ONU, puis leur renforcement, puis les négo­ciations du Plan Owen-Vance entre toutes les parties en conflit, ont enlevé les justifications et, surtout, affaibli considérablement les ga­ranties de succès d'une interven­tion militaire US. Par contre, elles ont aggravé les combats et les mas­sacres. Comme on l'a vu lors des négociations de Genève du Plan Owen-Vance mises à profit par les Croates pour relancer la guerre contre la Serbie en Krajina.

Les hésitations de la nouvelle ad­ministration Clinton pour appuyer le Plan Owen-Vance au nom de la CEE et de l'ONU, révèlent les dif­ficultés américaines. Lee H. Hamilton, Président démocrate du Comité des affaires étrangères pour la Chambre des représentants résume bien le problème auquel se trouve confrontée la politique impérialiste US : «Le fait saillant ici est qu'aucun leader n'est prêt à intervenir massivement dans l’ex-Yougoslavie avec le genre de moyens que nous avons utilisé dans le Golfe pour repousser l'agression, et si vous n'êtes pas prêts à intervenir de cette façon, alors vous devez vous arranger avec des moyens plus faibles et travailler dans ce cadre. » ([5])

Suivant les conseils réalistes d'Hamilton, le gouvernement Clin­ton s'est rendu à la raison et a dé­cidé finalement de soutenir le Plan Owen-Vance. Comme dans une partie de poker, il a aussitôt décidé de relancer la mise sur le terrain des convois humanitaires et d'envoyer son aviation parachuter des vivres aux populations affa­mées de Bosnie. ([6]) A l'heure où nous écrivons, les containers de nourritures largués dans la nature, n'ont toujours pas été retrouvés ! Apparemment, les parachutages «humanitaires» sont aussi précis que les bombes de la guerre «chirurgicale» en Irak. En re­vanche, ils ont eu comme résultat de relancer la guerre autour des villes assiégées. Le nombre de vic­times augmente dramatiquement, les exactions se multiplient encore plus, et des milliers de vieillards, d'hommes, de femmes et d'enfants sont contraints à la fuite déses­pérée dans la neige et le froid, sous les bombardements, les tirs des « snippers » isolés. Mais, pour la bourgeoisie américaine, l'important est de pouvoir commencer à imposer sa présence militaire sur le terrain. D'ailleurs les ri­vaux ne s'y trompent pas. « Devant la recrudescence des combats et à titre humanitaire», bien sûr, les bourgeoisies allemande et russe parlent ouvertement d'intervenir à leur tour en participant au para­chutage de vivres, et même à l'envoi de troupes sur le terrain. La population peut être inquiète, elle n'est pas au bout de son calvaire.

L'impérialisme mène aux affrontements militaires

Tous les propos des dirigeants américains le confirment : les Etats-Unis sont amenés de plus en plus à faire usage de la force mili­taire. Et donc à attiser les conflits et les guerres. Les campagnes hu­manitaires ont été la justification des démonstrations de force que les USA ont réalisées en Somalie et en Irak dernièrement. Ces démonstra­tions « humanitaires » avaient pour but de réaffirmer la puissance mili­taire US aux yeux du monde, et conséquemment l'impuissance eu­ropéenne en Yougoslavie. Elles avaient aussi pour but de préparer l'intervention militaire en Yougoslavie vis-à-vis des autres impérialismes rivaux (ainsi qu'aux yeux de la population américaine). Comme on vient de le voir, le résultat n'a pas été à la hauteur de leurs espé­rances, jusqu'à présent. Par contre, la famine et les affronte­ments militaires entre fractions ri­vales se poursuivent en Somalie. Par contre, les tensions impéria­listes régionales s'exacerbent au Moyen-Orient, et les populations kurdes et chiites continuent de subir la terreur des Etats de la région.

 

L'utilisation croissante de la carte militaire par l'impérialisme US a pour conséquence de pousser ses rivaux à développer leur propre force militaire. C'est le cas du Japon et de l'Allemagne qui veulent changer leurs Constitutions respectives, héritées de la défaite de 1945, qui limitent leur capacité d'intervention armée. Elle a pour conséquence aussi la montée de la rivalité entre les USA et l'Europe sur le plan militaire. Bien sûr la constitution du corps d'armée franco-allemand en a été une ma­nifestation. En Yougoslavie, une véritable bataille politique est en­gagée pour savoir si «l'ingérence humanitaire » doit être réalisée sous commandement de l'ONU ou de l'OTAN. De manière plus géné­rale, « une situation critique se développe entre le gouvernement de Bonn et l'OTAN » ([7]) ce qu'affirme aussi l'ancien Président français Giscard d'Estaing : « Quant à la dé­fense, c'est le point de blocage des relations euro-américaines.» ([8])

L'hypocrisie répugnante de la bourgeoisie n'a pas de borne. Toutes les interventions militaires américaines, ou sous couvert de l'ONU, Somalie, Irak, Cambodge, Yougoslavie, se sont faites au nom de l'aide et de l'ingérence humanitaire. Elles ont toutes relancé et aggravé l'horreur, les guerres, les massacres, les réfugiés fuyant les combats, la misère et la famine. Elles ont aussi manifesté, et porté à un point plus élevé, les rivalités im­périalistes entre petites, moyennes, et surtout grandes puissances. Toutes sont poussées à développer leurs dépenses d'armement, à réor­ganiser leurs forces militaires en fonction des nouveaux antago­nismes. Telle est la signification réelle du «devoir d'ingérence hu­manitaire» que s'attribue la bour­geoisie, tels sont les résultats des campagnes sur l'humanitaire et la défense des droits de l'homme.

La décomposition et les rivalités impérialistes accrues sont le produit de l'impasse économique du capitalisme

A l'origine de l'impasse historique du capitalisme qui provoque la multiplication et l'horrible aggra­vation des tueries impérialistes, se trouve son incapacité à dépasser et à résoudre les contradictions in­surmontables  que  rencontre  son économie. La bourgeoisie est im­puissante à résoudre la crise éco­nomique. S'inquiétant de l'avenir des habitants du Bangladesh, et du capital voilà comment un économiste bourgeois présente cette contradiction :

« Même si, par quelque miracle de la science (sic), on pouvait produire assez de nourriture pour qu'ils puis­sent manger, comment trouveraient-ils l'emploi rémunéré nécessaire pour l'acheter ? » ([9])

D'abord, quel culot ce type ! Af­firmer aujourd'hui qu'il est impos­sible, sauf miracle dit-il, de nourrir la population du Bangladesh, (et nous, nous disons du monde entier) est scandaleuse. Et c'est le capital lui-même qui le prouve, en incitant et en payant les paysans des pays industrialisés pour qu'ils limitent leur production et mettent en ja­chère chaque fois plus de terres. Il n'y a pas sous-production, mais surproduction de biens. Ce n'est évidemment pas une surproduction de biens, de nourriture en particu­lier, par rapport aux besoins des hommes, mais, comme le souligne notre éminent professeur d'univer­sité, impuissant (car il ne peut ré­soudre la contradiction) et hypo­crite (car il fait comme si elle n'existait pas en éliminant les ca­pacités immenses de production), c'est une surproduction parce que la plus grande partie de la popula­tion mondiale ne peut acheter. Parce que les marchés sont saturés.

Aujourd'hui, le capitalisme mon­dial, c'est des millions d'être hu­mains qui meurent faute de pouvoir se procurer de la nourriture, des milliards qui ont à peine de quoi manger alors que les principales puissances industrialisées, les mêmes qui dépensent des milliards de dollars pour leurs interventions militaires impérialistes, imposent à leurs paysans de diminuer leur production. Non seulement le ca­pitalisme est barbare et meurtrier, mais en plus il est totalement ab­surde et irrationnel. D'un côté, surproduction qui oblige à fermer les usines, à laisser les terres culti­vables à l'abandon, et des millions d'ouvriers sans travail, de l'autre des milliards d'individus sans res­sources et torturés par la faim.

Le capitalisme ne peut plus sur­monter cette contradiction comme il le faisait au siècle dernier en conquérant de nouveaux marchés. Il n'en reste plus sur la planète. Il ne peut pas non plus, pour le mo­ment, s'engager dans la seule pers­pective qu'il puisse offrir à la so­ciété, une 3e guerre mondiale, comme il a pu le faire déjà à deux reprises depuis 1914, lors des deux guerres mondiales, au prix de plu­sieurs dizaines de millions de morts. D'une part, il n'y a plus de blocs impérialistes constitués né­cessaires pour un tel holocauste depuis la disparition de l'URSS et du Pacte de Varsovie ; d'autre part la population, et tout spécialement le prolétariat, des principales puis­sances impérialistes d'Occident, n'est pas prête pour un tel sacri­fice. Alors le capitalisme s'enfonce dans une situation sans issue dans laquelle il pourrit sur pied.

Dans ces conditions d'impasse his­torique, les rivalités économiques s'exacerbent autant que les rivalités impérialistes. La guerre commer­ciale s'aggrave tout comme les guerres impérialistes. Et la décom­position de l'URSS, qui a marqué une étape importante dans le dé­veloppement dramatique du chaos généralisé au plan impérialiste, marque aussi une étape importante dans l'accélération de la concur­rence entre toutes les nations capi­talistes, et tout spécialement entre les grandes puissances: «Avec la chute de la menace soviétique, les inégalités et les conflits écono­miques entre les pays riches sont plus difficiles à maîtriser. »([10]) D'où l'impossibilité, jusqu'à main­tenant, de clore les négociations du GATT, d'où les disputes et les me­naces de protectionnisme entre les USA, l'Europe et le Japon.

Le capitalisme fait faillite et la guerre commerciale se déchaîne. La récession ravage jusqu'aux éco­nomies les plus fortes, les USA, l'Allemagne, le Japon, tous les Etats européens. Aucun pays n'est à l'abri. Elle oblige chacun à dé­fendre avec acharnement ses inté­rêts. C'est un facteur supplémen­taire de tensions entre les grandes puissances.

A partir de la décomposition du capitalisme, du chaos qui l'accompagne et, en particulier, à partir de l'explosion de l'URSS, les guerres impérialistes sont devenues plus sauvages, plus barbares et en même temps plus nombreuses. Aucun continent n'est épargné. De même, aujourd'hui, la crise éco­nomique prend un caractère plus profond, plus irréversible que ja­mais, plus dramatique, et elle touche tous les pays du globe. L'un et l'autre viennent aggraver dramatiquement la catastrophe générali­sée que représente la survie du ca­pitalisme. Chaque jour qui passe est une tragédie de plus pour des milliards d'êtres humains. Chaque jour qui passe est aussi un pas de plus vers la chute irréversible du capitalisme dans la destruction de l'humanité. Les enjeux sont ter­ribles : chute définitive dans la barbarie, sans retour, ou bien ré­volution prolétarienne et ouverture de la perspective d'un monde dans lequel les hommes vivront en une communauté harmonieuse.

Ouvriers de tous pays, au combat contre le capitalisme !

RL, 4mars 1993.

 

Le réveil de la combativité ouvrière.

 

La crise économique pousse le prolétariat à lutter

La faillite économique du capita­lisme a des conséquences terribles pour le prolétariat mondial. Les fermetures d'entreprises, les licen­ciements, se multiplient partout dans le monde. Et particulière­ ment, dans les principales puissances économiques et impéria­listes, aux USA, en Europe occi­dentale, et même au Japon ; dans les secteurs centraux tels l'automobile, la construction d'avions, la sidérurgie, l'informatique, les banques et les assurances, les secteurs publics, etc. Juste pour donner une maigre illustration de ce qui est officielle­ment prévu : 30 000 licenciements à Volkswagen, 28 000 à Boeing, 40 000 dans la sidérurgie alle­mande, 25 000 à IBM alors qu'il y en a déjà eu 42 900 en 1992... Ces coupes massives dans les rangs des ouvriers actifs, s'accompagnent d'une baisse des salaires, de réduc­tions drastiques du «salaire social », de la Sécurité sociale, des aides, allocations diverses, des retraites, etc. Les conditions de travail pour ceux qui ont encore «la chance» de travailler se détériorent gravement. Les allocations chômage pour les autres se réduisent considérable­ment, quand elles existent encore. Le nombre de sans-abri, de fa­milles ouvrières réduites aux soupes populaires, de mendiants, explose dans tous les pays industrialisés. Les ouvriers d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale souffrent de la paupérisation ab­solue comme, avant eux, leurs frères de classe des pays dits du «tiers-monde» et d'Europe de l'Est.

Tout comme les conflits impéria­listes éclatent sur tous les conti­nents en même temps, avec une in­croyable sauvagerie, les attaques contre les ouvriers tombent avec une dureté inimaginable il y a peu encore, dans tous les secteurs et dans tous les pays, en même temps.

Mais à la différence des conflits guerriers produits par la décompo­sition du capitalisme, la catas­trophe économique du capitalisme et ses conséquences pour la classe ouvrière, peuvent permettre le ré­veil de l'espoir et de la perspective de l'alternative communiste à ce monde de misères effroyables et d'atrocités inouïes.

Déjà, depuis l'automne 1992 et la réaction ouvrière massive en Italie, le prolétariat recommence à lutter. Malgré leurs faiblesses, les mani­festations des mineurs en Grande-Bretagne, les signes de colères en France, en Espagne, et les mani­festations de rue des ouvriers de la sidérurgie en Allemagne, expri­ment le retour de la combativité ouvrière. Inévitablement, le prolétariat international doit ré­pondre aux attaques dont il fait l'objet. Inévitablement, il reprend le chemin du combat de classe. Mais la voie est encore longue avant qu'il puisse présenter claire­ment à l'humanité souffrante, la perspective de la révolution prolé­tarienne et du communisme. Non seulement il doit lutter bien sûr, mais il doit aussi apprendre com­ment se battre. Dans la défense de ses conditions d'existence, dans ses luttes économiques, dans la re­cherche de son unité chaque fois plus large, il va devoir s'affronter aux manoeuvres et aux obstacles des syndicats, il va devoir déjouer les pièges corporatistes et de division des syndicalistes radicaux, «de base», et rejeter les impasses politiques faussement radicales des gauchistes. Il va devoir développer ses capacités d'organisation, se regrouper, tenir des assemblées gé­nérales ouvertes à tous, travailleurs actifs ou chômeurs, constituer des comités de lutte, manifester dans la rue en appelant à la solidarité ac­tive. Bref, il va devoir mener un combat politique, difficile et acharné, pour le développement de ses luttes et l'affirmation de sa perspective révolutionnaire. Pour les ouvriers, il n'y a pas de choix, sinon la lutte et le combat poli­tique. Il en va de leurs conditions générales d'existence. Il en va de leur futur. Il en va du futur de l'humanité toute entière.

RL, 5 mars 1993.



[1] Le Monde des débats, février 1993.

[2] Après la fin de l'URSS, allons-nous voir l'éclatement de la Fédération de Russie ? En tout cas, la situation se détériore rapide­ment tant sur le plan économique que poli­tique. Le chaos se développe, l'anarchie, les violences et les mafias règnent, la gabegie et la récession brutale frappent, la misère et le désespoir s'étendent, Eltsine semble ne plus gouverner grand chose et son pouvoir est de plus en plus affaibli et remis en cause. L'aggravation de la situation en Russie ne manquera pas, par ailleurs, d'avoir de graves conséquences au niveau internatio­nal.

[3] L'intérêt   directement   économique, le gain d'un marché particulier, est de plus en plus secondaire dans le développement des rivalités impérialistes. Par exemple, le contrôle du Moyen-Orient, et donc du pé­trole, par les USA, correspond plus à un intérêt stratégique vis-à-vis des autres puis­sances rivales, l'Allemagne et le Japon tout particulièrement,    qui   sont   dépendantes pour leur approvisionnement de cette région, plutôt que par les bénéfices financiers A qu'ils pourraient en tirer.

[4] International Herald Tribune, 9/2/93.

[5] International Herald Tribune, 5/2/93.

[6] Au moment où nous écrivons, l'attentat du World Trade Center de New-York, n'est toujours pas élucidé. Il est fort probable qu'il s'inscrive dans l'exacerbation des riva­lités impérialistes. Soit qu'il soit le fait d'un Etat qui essaie de faire pression sur la bour­geoisie US (comme c'était le cas lors des at­tentats terroristes de septembre 1986 à Pa­ris), soit une provocation, ce qui est tout à fait possible aussi. En tout cas, le crime est utilisé par la bourgeoisie américaine pour créer un sentiment de peur dans la popula­tion, pour amener celle-ci à resserrer les liens autour de l'Etat, et pour justifier les in­terventions militaires à venir.

[7] Die Welt, 8 février 1993.

[8] Le Monde, 13 février 1993.

[9] M.F. Perutz de l'Université de Cam­bridge cité par Y International Herald Tri­bune, 20 février 1993.

[10] Washington Post cité par l’International Herald Tribune, 15 février 1993.

Questions théoriques: