Résolution sur la situation internationale 1986

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1)  La résolution sur la situation internationale du 6ème Congrès du CCI (Revue Internationale n°44) en novembre 85, était placée sous le signe de la dénonciation de toute une série de mensonges mis en avant par la bourgeoisie pour tenter de masquer les enjeux véritables de cette situation :

-   "mythe d'une amélioration de la situation du ca­pitalisme mondial dont les 'succès' de l'économie américaine en 1983 et 84, seraient l'incarnation','

-   prétendue "atténuation des tensions impérialis­tes avec la modification en 1984 des discours reaganiens et la 'main tendue' aux négociations avec 1’URSS qui trouvent leur pendant avec 1'offensive de séduction diplomatique du nouveau venu Gorbat­chev",

-   battage sur "l'idée que le prolétariat ne lutte pas, qu'il a renoncé à défendre ses  intérêts de classe, qu'il n'est plus un acteur de la scène po­litique internationale."

Si, à l'époque, ces mensonges pouvaient s'appuyer sur un semblant de réalité, huit mois après, cette même réalité s'est chargée de démentir ouvertement toutes les campagnes précédentes, confirmant une nouvelle fois que les années 80 sont bien celles où la faillite historique du capitalisme, sa natu­re décadente et barbare sont appelées à se révéler dans toute leur nudité, où se précisent de plus en plus ouvertement les véritables enjeux de toute la période historique que nous vivons. De plus, la ra­pidité avec laquelle les événements sont venus bat­tre en brèche les mensonges de 85 illustre une au­tre caractéristique fondamentale de ces années de vérité : l'accélération croissante de l'histoire.

Ainsi, la présente résolution ne se propose pas de redémontrer, après celle de novembre 85, toute la vanité des discours bourgeois. Elle prend appui sur cette dernière résolution, dont elle constitue le complément, pour mettre en évidence en quoi les huit mois écoulés ont confirmé ses  orientations, pour souligner cette accélération de l'histoire, de même qu'elle se propose de signaler les pre­miers enseignements des expériences de la classe ouvrière au cours de cette dernière période.

L'ACCELERATION DE L'EFFONDREMENT ECONOMIQUE       

2)  La résolution du 6ème Congrès du CCI indiquait les limites de la "reprise" aux USA de même que de la capacité de ce pays de servir de "locomotive" pour les économies des autres pays de son bloc :

"C'est principalement le formidable endettement du tiers-monde dans la seconde moitié des années 70... qui a permis pour un temps aux puissances indus­trielles de redresser leurs ventes et de relancer leur production.

Après 82, c'est... 1'endettement encore plus consi­dérable des USA, tant extérieur... qu'intérieur...

qui a permis à ce pays de connaître ses taux de croissance records en 1984 de même que ce sont ses énormes déficits commerciaux qui ont bénéficié mo­mentanément aux exportations de quelques autres pays (telle la RFA) et donc au niveau de leur pro­duction.

En fin de compte, de même que l'endettement astro­nomique des pays du tiers-monde n'avait pu aboutir qu'à un choc en retour catastrophique, en forme d'une austérité et d'une récession sans précédent, l'endettement encore plus considérable de l'écono­mie américaine ne peut, sous peine d'une explosion dé son système financier... que déboucher sur une nouvelle récession tant de cette économie que des autres économies dont les marchés extérieurs vont se réduire comme peau de chagrin."

L'évolution de la situation ces derniers mois cons­titue une illustration concrète de ces limites :

-   le déficit du budget fédéral des USA, qui avait permis la création d'une demande artificielle pour les entreprises de ce pays (380 milliards de $ pour 83 et 84), sera impérativement réduit (le Congrès US a adopté une loi (Gramm-Rudman) instaurant des cou­pes automatiques des budgets en cas de déficit),

-   plus encore, la baisse du dollar de 30 %  en quel­ques mois (baisse voulue et organisée par les auto­rités) signifie que les USA sont déterminés à rédui­re drastiquement leur déficit commercial devenu as­tronomique (et qui a placé ce pays dans le peloton de tête des pays les plus endettés du monde) et donc à repartir à la reconquête de leurs marchés tant intérieurs qu'extérieurs.

Ce dernier fait signifie donc une intensification de la guerre commerciale avec les concurrents (qui sont aussi les alliés) des USA (Japon et Europe oc­cidentale), lesquels verront leurs propres marchés s'effondrer (sans que cela signifie d'ailleurs un regain de santé de l'économie US du fait du rétré­cissement général du marché mondial). De même, cet­te baisse du dollar signifie que ces mêmes pays se voient rembourser leurs prêts 30 % moins cher que leur valeur initiale.

3) De même, cette baisse du dollar ne signifiera nul répit pour les pays du tiers-monde. Si, d'un côté, leur endettement de 1.000 milliards de dol­lars (la plupart du temps libellé en cette mon­naie) sera partiellement réduit, les revenus de leurs exportations servant à son remboursement se­ront amputés d'autant (puisque exprimés également en dollars). De plus, leur situation ne pourra que s'aggraver avec la baisse souvent considéra­ble des prix des matières premières qui, sous la pression de la surproduction généralisée, caracté­rise la période actuelle, dans la mesure où celles-ci constituent leur poste principal (sinon exclu­sif) d'exportation. Cette situation est particu­lièrement spectaculaire et dramatique en ce qui concerne la principale des matières premières, le pétrole (dont l'effondrement des prix démontre le caractère uniquement spéculatif, et nullement basé sur une quelconque "pénurie", des flambées de 1973 et 1979). Des pays comme le Mexique ou le Venezue­la, déjà incapables de faire face à leurs dettes phénoménales lorsqu'ils vendaient leur baril à 30 dollars, sont plongés avec le baril à 15 dollars, dans une banqueroute totale. Ainsi s'amplifie en­core cette barbarie sans nom, cet enfer permanent dans le tiers-monde, que la résolution de novembre 85 présentait comme un des indices les plus élo­quents de l'effondrement de l'économie mondiale.

De même aussi, les pays du bloc russe, à commencer par l'URSS elle-même, dont les matières premières constituent (à l'image des pays sous-développés) la principale exportation, verront-ils encore s'aggraver une situation économique déjà déplorable et devront-ils renoncer encore plus à acheter en occi­dent les équipements industriels modernes qui leur font tant défaut (ce qui viendra encore réduire les débouchés de leurs fournisseurs occidentaux).

4) Pour ce qui concerne l'Europe occidentale, dont la résolution de novembre 85 soulignait la gravité de la situation économique, la baisse des matières premières et notamment du pétrole, ne permet d'es­pérer aucune amélioration sensible. Contrairement aux déclarations satisfaites présentant ces bais­ses (cumulées avec celle du dollar) comme un "ballon d'oxygène" du fait de la réduction de l'infla­tion et des déficits commerciaux qu'elles sont cen­sées provoquer, c'est une nouvelle aggravation de la situation qu'il faut en attendre à terme. D'une part des pays comme la Grande-Bretagne et la Norvège ou les Pays-Bas sont directement victimes de la baisse du pétrole (et du gaz naturel dont le prix est lié à celui du pétrole). D'autre part, et surtout, l'ensemble des pays d'Europe occidentale qui exportent une part importante de leur production vers les pays du tiers-monde et notamment les pays producteurs de pétrole, verront de plus en plus se fermer le marché de ces pays en même temps que s'épuiseront leurs sources de devises. En fait d'"oxygène"c'est du gaz asphyxiant que contient ce "ballon" tant vanté de la baisse des matières premières et du pétrole. D'ailleurs, derrière cet­te euphorie de façade, la bourgeoisie des pays d'Europe occidentale est consciente de l'extrême noirceur des perspectives économiques résultant du cumul de la fermeture croissante du marché des USA (du fait de la baisse du dollar et des mesures pro­tectionnistes prises par ce pays), de 1'anémie du marché du COMECON et de l'épuisement des contrats mirifiques des pays de l'OPEP, alors que dès main­tenant c'est plus de 11 % (en chiffres officiels, donc sous-estimés) de la force de travail qu'elle ne peut employer. C'est justement parce qu'elle ne se fait pas d'illusions que, dans tous les pays, cette bourgeoisie multiplie les mesures brutales d'austérité (comme celles du gouvernement Martens en Belgique) afin de préserver du mieux possible sa compétitivité déjà faible en prévision de la terrible guerre commerciale que va déchaîner la ré­cession qui s'annonce.

Dans ces centres vitaux du capitalisme, où se trou­vent les plus grandes et anciennes concentrations industrielles, et donc ouvrières, c'est donc une nouvelle et considérable détérioration de la situa­tion économique - avec les terribles attaques anti­ouvrières qu'elle comporte - qui constitue la seu­le perspective, à court terme, détérioration qui ne pourra que se répercuter, en fin de compte, sur les pays (USA et Japon) jusqu'à présent les mieux lotis.

L'INTENSIFICATION DES CONFLITS IMPERIALISTES

5) Comme le CCI, avec tous les marxistes, l'a tou­jours souligné (et rappelé dans la résolution de novembre 85), 1'effondrement de 1'infrastructure économique de la société capitaliste ne peut débou­cher que sur une fuite en avant vers un affronte­ment impérialiste généralisé. A peine 6 mois après le grand "show" au sommet de Genève, les embrassa­des des duettistes Reagan et Gorbatchev sont com­plètement oubliées (comme l'annonçait cette résolu­tion). Avec autant de promptitude qu'il les avait abandonnées lors de sa campagne électorale, Reagan a repris ses  diatribes contre "l'empire du mal" dé­nonçant avec une vigueur renouvelée les "viola­tions des droits de l'homme" et les "intentions belliqueuses" de l'URSS de même que l'hypocrisie de ses propositions de réduction des armements, ce qui s'est notamment concrétisé tout récemment par la dénonciation, de la part de la Maison Blanche, des accords SALT II. Ainsi se confirme avec éclat l'offensive du bloc occidental en vue de "parache­ver l'encerclement de l'URSS, de dépouiller ce pays de toutes les positions qu'il a pu conserver hors de son glacis direct" (Résolution du 6ème Congrès du CCI). En ce domaine est particulière­ment significatif de l'accélération générale dé l'histoire imprimée par l'effondrement économique du capitalisme, le bombardement par l'aviation amé­ricaine des deux plus grandes villes de Libye ain­si que des principales bases militaires de ce pays. C'est une nouvelle illustration du fait qu'une "des caractéristiques majeures de cette offensive est l'emploi de plus en plus massif par le bloc de sa puissance militaire" (Ibid.).

6) Si le raid américain d'avril 86 n'était pas di­rectement dirigé contre l'URSS ou une de ses positions stratégiques, dans la mesure où la Libye n'a jamais été un membre du bloc de l'Est, c'est bien l'offensive d'ensemble contre ce bloc qui constitue l'arrière-plan de cette action d'éclat. En effet, celle-ci visait à :

-   confirmer avec force et de façon spectaculaire que la Méditerranée est désormais un "mare nostrum" américain (à la veille des bombardements, l'URSS éloigne prudemment ses navires des côtes libyennes ce qui illustre bien qu'elle a renoncé à contester l'hégémonie totale des USA dans cette région du monde) ;

-   envoyer un avertissement à tous les pays (et pas seulement à la Libye) qui, sans appartenir au bloc de l'Est, manifestent au gré des USA une trop gran­de indépendance à leur égard ou une soumission in­suffisante.

En particulier, il était signifié à la Syrie qu'el­le se devait d'exécuter avec plus d'efficacité le contrat passé avec elle en échange du départ des corps expéditionnaires occidentaux du Liban en 84 et consistant à faire, en compagnie d'Israël, "le gendarme" dans ce pays (notamment par la mise au pas des groupements pro-iraniens). Mais le princi­pal destinataire du message porté par les Fil amé­ricains, c'est une nouvelle fois l'Iran dont la ré­insertion dans le bloc US continue de constituer l'objectif majeur de l'étape présente de l'offen­sive occidentale. Et il semble bien que le message ait été reçu par ce pays : son récent rapproche­ment diplomatique avec la France (qui a fait "un geste" en "poussant" Massoud Radjavi hors de ses frontières tout en maintenant son plein soutien mi­litaire à l'Irak) indique que le régime de Téhéran commence à comprendre "où se trouve son intérêt".

Cependant, la fonction du raid américain ne se li­mitait pas à des questions de stratégie impéria­liste. Avec tout le battage médiatique qui l'a ac­compagné, notamment autour de la "dénonciation du terrorisme", cette opération se voulait également une contribution à toutes les campagnes idéologi­ques visant à détourner la classe ouvrière des lut­tes qui ne peuvent manquer de se déployer face à 1'intensification des attaques économiques qui se développent à l'heure actuelle. Car pour la bourgeoisie de tous les pays, plus important encore que le problème des antagonismes commerciaux entre nations, des affrontements impérialistes entre blocs, est le problème que lui pose l'énorme poten­tiel de combativité existant au sein du proléta­riat, notamment celui des pays centraux du capita­lisme, et qui constitue la clé de voûte de toute la situation mondiale présente, l'élément détermi­nant le cours historique actuel.

L'ACCELERATION   DU   DEVELOPPEMENT DES COMBATS DE CLASSE

7) S'il est un domaine où l'accélération de l'his­toire se manifeste de façon particulièrement nette, c'est bien celui du développement de la lutte de la classe ouvrière. Cela "se traduit en particu­lier par le fait que les moments de recul de la lutte (comme celui de 1981-83) sont de plus en plus brefs, alors que le point culminant de chaque vague de combats se situe à un niveau plus élevé que le précédent" (Ibid.). De même, au sein de cha­cune de ces vagues, les "moments inévitables de ré­pit, de maturation, de réflexion" (ibid.) sont eux-mêmes d'une durée de plus en plus courte. Ainsi toute la campagne récente sur la "passivité" de la classe ouvrière, basée sur une baisse apparente de la combativité en 1985, a fait aujourd'hui long feu avec les formidables combats de classe qui vien­nent de se dérouler en avril et mai en Belgique."Ces combats qui viennent après des mouvements de très grande ampleur en Scandinavie et surtout en Nor­vège (et qui, compte tenu du faible niveau des luttes ouvrières dans cette région auparavant, sont significatifs de la profondeur de la vague actuelle des combats de classe), constituent une confir­mation éclatante de ce qu'affirmait la résolution du 6ème Congrès du CCI :

"...les actuels moments de répit... que peut s'ac­corder aujourd'hui la classe restent limités dans le temps comme dans l'espace, et bien que la bour­geoisie fasse tout pour transformer cet effort de réflexion qui s'opère dans la classe en expectative et en passivité, la situation reste caractérisée par une accumulation de mécontentement et de com­bativité potentielle prête à exploser d'un moment à l'autre."

Mais ce que traduit principalement le mouvement des ouvriers en Belgique c'est l'étroitesse des limites de la politique bourgeoise qui avait permis en 1985, non une extinction des manifestations de combativi­té, mais une dispersion de ces manifestations en une série de luttes isolées, menées par un nombre bien plus limité d'ouvriers que dans la première phase (83-84) de la troisième vague de luttes depuis la reprise historique de 1968 et qui avait débuté par les combats massifs du secteur public en septem­bre 83 dans ce même pays.

8) Cette politique de dispersion des luttes, la bourgeoisie l'avait basée essentiellement sur une dispersion des attaques économiques elles-mêmes, sur une planification et un étalement dans le temps et l'espace de celles-ci. Cela lui était permis par la petite marge de manoeuvre que lui laissaient les retombées de la "reprise" américaine de 83-84, ce qui d'emblée posait les limites objectives de cette politique du fait même que, pour l'économie capitaliste, ce répit ne pouvait être que de courte durée. De plus, cette politique contenait toute une série d'autres limites :

- dans la mesure où, dans les pays les plus avancés, une part non négligeable du prix de la force de travail est versée sous forme de prestations so­ciales de toutes sortes (sécurité sociale, alloca­tions familiales, etc.) toute réduction de cette part de salaire ne peut se faire que de façon glo­bale, au détriment de toutes les ouvriers et non de ceux de tel ou tel secteur;

- du fait que, dans ces mêmes pays, une énorme pro­portion (souvent la majorité) des ouvriers dépen­dent d'un "patron" unique, l'Etat, soit parce qu'ils travaillent dans le secteur public, soit parce que sans emploi, ils ne survivent que de ses subsides, le champ d'application de cette po­litique se limite essentiellement à un secteur particulier de la classe, celui qui travaille dans le secteur privé (ce qui explique en grande partie tous les efforts de beaucoup de gouvernements en vue de "reprivatiser" le plus possible l'économie).

Ce qui vient de se passer en Belgique confirme que 1'ensemble dé ces  limites commence à être atteint, que c'est de façon de plus en plus massive et sur­tout frontale que la bourgeoisie est obligée de porter ses  attaques, que la tendance générale des luttes n'est plus au maintien dans la dispersion mais au dépassement de cette dispersion. C'est particulièrement clair lorsqu'on constate que les mesures qui ont provoqué cette formidable réponse de la classe :

- sont dictées à la bourgeoisie par l'absence pres­que totale de marge de manoeuvre économique, par l'urgence d'"assainir" et d'adapter l'économie du pays notamment face à la perspective de 1'intensi­fication sans précédent de la guerre commerciale que va provoquer la récession qui vient, urgence qui ne lui permet plus d'étaler ou de reporter ses attaques,

- concernent tous les secteurs de la classe ouvriè­re (privé, public et chômeurs) et mettent en cau­se toutes les composantes du salaire (salaire no­minal et salaire "social").

C'est encore plus clair lorsqu'on voit pratiquement tous les secteurs de la classe ouvrière participer massivement au mouvement, non seulement d'une sim­ple façon simultanée, mais avec des tentatives de plus en plus déterminées de rechercher la solida­rité et l'unification des luttes d'un secteur à l'autre.

9) De même que la grève du secteur public en Belgi­que en 83 annonçait l'entrée de la classe ouvrière mondiale, et tout particulièrement en Europe occi­dentale, dans la première phase de la troisième vague de luttes, celle qui fut marquée par des lut­tes massives et d'une très grande simultanéité .in­ternationale, les récentes grèves dans ce même pays, annoncent 1'entrée de cette même classe ou­vrière dans une troisième phase de cette vague, celle qui après la deuxième phase marquée par la dispersion des luttes, va manifester des tendances de plus en plus nettes vers 1'unification de cel­les-ci. Le fait que dans les deux cas ce soit la classe ouvrière du même pays qui se soit retrouvée aux avant-postes n'est pas sans signification. En effet, malgré la petite taille de ce pays, la situation de la Belgique constitue un résumé des ca­ractéristiques fondamentales de l'ensemble des pays d'Europe occidentale :

- situation catastrophique d'une économie nationale développée, par ailleurs extrêmement dépendante du marché mondial (70% de la production de ce pays est exportée)

- taux très élevé du chômage

- très forte concentration industrielle sur une surface réduite

- ancienneté tant de la bourgeoisie que du proléta­riat

- vieille et forte expérience pour ces deux classes de leurs affrontements communs.

De ce fait, les combats qui viennent de se dérou­ler dans ce pays ne sauraient être considérés com­me un feu de paille, un événement non significatif à l'échelle européenne et mondiale. Au contraire, ils ne font qu'augurer de ce qui attend les autres pays d'Europe occidentale, et plus généralement les principaux pays avancés, dans la période qui vient. Et cela notamment du point de vue de leurs principales caractéristiques dont la plupart avaient déjà été identifiées dès le début de la troisième vague de luttes :

1."tendance à des mouvements de grande ampleur im­pliquant un nombre élevé d'ouvriers, touchant des secteurs entiers ou plusieurs secteurs simultané­ment dans un même pays, posant ainsi les bases de l'extension géographique des luttes;

2. tendance au surgissement de mouvements spontanés manifestant, en particulier à leurs débuts, un cer­tain débordement des syndicats;

3. développement progressif au sein de l'ensemble du prolétariat de sa confiance en soi, de la cons­cience de sa force, de sa capacité à s'opposer com­me classe aux attaques capitalistes"(Ibid.);

4. recherche de la solidarité active et de l'unifi­cation par delà les usines, les catégories ou les régions, notamment sous forme de manifestations de rue et en particulier de délégations massives d'un centre ouvrier à l'autre, mouvement qui se fera en confrontation croissante avec tous les obstacles placés par le syndicalisme et au cours duquel "s'imposera de plus en plus aux ouvriers des gran­des métropoles capitalistes, notamment ceux d'Eu­rope occidentale, la nécessité de l'auto-organisa­tion de leur combat" (Ibid.)

10) Cette nécessité de l'auto-organisation et cet­te tendance à la recherche active de l'unification, au-delà de la simple extension des luttes, consti­tuent le trait majeur de la 3ème phase de la 3ème vague de luttes. Ce trait (qui n'avait pas encore été identifié lors du 6ème Congrès du CCI) décou­lait de la politique bourgeoise d ' éparpillement des luttes basée sur 1'éparpillement des attaques économiques (mise en évidence, par contre, au début de l'année 86 dans l'éditorial de la Revue Interna­tionale n°45).

Du fait même qu'il fait suite à une offensive bour­geoise tendant à briser l'élan de la 3ème vague de luttes, et qu'il s'inscrit en dépassement des dif­ficultés engendrées par cette offensive, ce trait introduit dans cette 3ème vague de luttes une di­mension générale de la plus haute importance, d'une portée comparable à cette autre caractéris­tique mise en évidence dès son début : "la simulta­néité croissante des luttes au niveau internatio­nal, jetant les jalons pour la future généralisa­tion mondiale des luttes." (Revue Internationale n°37, 1er trimestre 84). Cependant malgré leur im­portance comparable, ces deux caractéristiques n'ont pas la même signification du point de vue du développement concret des luttes ouvrières, et par­tant, de 1'intervention des révolutionnaires en leur sein. La simultanéité internationale, malgré toute sa dimension historique en tant que préfigu­ration de la future généralisation, est bien plus, à l'heure actuelle, un état de fait découlant no­tamment de la simultanéité des attaques bourgeoi­ses dans tous les pays que d'une démarche délibé­rée, prise en charge de façon consciente par les ouvriers de ces pays, et cela notamment du fait de la politique systématique de black-out menée par la bourgeoisie. Par contre la tendance à l'unifica­tion des luttes, tout en ayant une portée histori­que comparable, en tant que jalon vers la grève de masse, et partant vers la révolution, constitue également une donnée immédiate au sein des combats prolétariens actuels, une composante de ces com­bats que les ouvriers doivent nécessairement pren­dre en charge de façon consciente. En ce sens, si la simultanéité internationale des luttes pose les jalons, le cadre historique de leur généralisation mondiale future, le chemin concret qui y conduit, dans la mesure où cette généralisation ne pourra être qu'un acte conscient, passe nécessairement par le développement des tendances à 1'unification qui s'expriment dès maintenant. C'est pour cela qu'il revient aux révolutionnaires de souligner dans leur intervention toute 1'importance de cette marche vers l'unification. Et cela d'autant plus que c'est dans cette marche que la classe sera contraint de développer de façon croissante son auto ­organisation face aux confrontations répétées con­tre les obstacles syndicaux.

11) Une des composantes de ce mouvement vers l'auto organisation, et qui s'était déjà manifes­tée dans les luttes récentes, s'est exprimée de fa­çon très claire lors des derniers combats en Belgi­que : la tendance au surgissement spontané des lut­tes, en dehors de toute consigne syndicale, tendan­ce déjà mise en évidence dès le début de la 3ème vague. A propos de cette tendance,  il importe de souligner les points suivants :

11-1. Elle participe d'une composante générale de la lutte de classe dans la période de décadence déjà identifiée depuis longtemps par les révolu­tionnaires : "Un tel type de luttes, propre à la période de décadence, ne peut se préparer d'avance sur le plan organisationnel. Les luttes explosent spontanément et tendent à se généraliser...ce sont là des caractéristiques qui préfigurent l'affronte­ment révolutionnaire."(Revue Internationale N°23, "Le prolétariat dans le capitalisme décadent").

11-2. Cependant les mouvements spontanés ne traduisent pas nécessairement un niveau de cons­cience plus élevé que les mouvements se dévelop­pant à l'appel des syndicats :

-  d'une part, de nombreuses luttes surgies sponta­nément ont été et sont encore reprises en main fa­cilement par les syndicats,

-  d'autre part, l'occupation systématique du ter­rain social par la gauche dans l'opposition con­duit souvent les syndicats à prendre les devants de combats porteurs d'un fort potentiel de prise de conscience,

-  enfin, dans certaines circonstances historiques, notamment celles où la gauche est au gouvernement, comme ce fut le cas fréquemment au cours des an­nées 60-70, des grèves spontanées ou même sauvages, peuvent n'être que la simple traduction pratique de 1'opposition déclarée des syndicats à toute lutte sans pour cela exprimer un niveau élevé de la conscience dans la classe.

11-3. Toutefois, le fait que la tendance à la multiplication des luttes spontanées se développe alors que la bourgeoisie a placé ses forces de gau­che dans l'opposition, que celles-ci radicalisent de façon très importante leur langage, confère aux luttes spontanées d'aujourd'hui une signification toute différente de celle des luttes évoquées plus haut. Ce fait révèle notamment un discrédit crois­sant des syndicats aux yeux des ouvriers, discré­dit qui, résultant de manoeuvres où les syndicats se présentent en permanence comme "l'avant-garde" des combats, et même s'il ne débouche pas mécani­quement sur une prise de conscience de fond de la véritable nature du syndicalisme et de la nécessi­té de l'auto-organisation, crée les conditions de cette prise de conscience.

11-4. Une des causes importantes de cette ten­dance aux surgissements spontanés réside dans l'accumulation d'un énorme mécontentement qui ex­plose bien souvent de façon inattendue. Mais là encore, une des raisons de cette accumulation de mécontentement est constituée par le fait que le discrédit qui pèse sur les syndicats les empêche aujourd'hui d'organiser des "actions" destinées à servir de soupape de sécurité à ce mécontentement.

Ainsi, en exprimant globalement une maturation de la combativité et de la conscience, notamment du point de vue de la compréhension croissante du rô­le du syndicalisme et des nécessités de la lutte, le développement actuel des mouvements spontanés de la classe s'inscrit pleinement dans le long pro­cessus historique qui conduit aux affrontements ré­volutionnaires.

12) Ce discrédit des syndicats, dont l'accroisse­ment est une condition, certes insuffisante, mais indispensable au développement de la conscience dans la classe, est appelé à s'amplifier de façon significative dans la phase actuelle de la lutte de classe. En effet, si la mise à contribution de­puis de nombreuses années,du syndicalisme et de la gauche en général comme élément central de la poli­tique bourgeoise de division de la classe, de sabo­tage, dévoiement et épuisement des luttes, permet d'expliquer le degré de méfiance d'ores et déjà at­teint par les ouvriers à 1'égard des syndicats, si le début de la 3ème vague correspondait déjà à une certaine usure de la gauche dans l'opposition après que cette carte jouée à partir de 78-79 ait été grandement responsable de l'épuisement prématuré de la 2ème vague et du désarroi qui accompagne la défaite en Pologne de 1981, la période pendant la­quelle la bourgeoisie a été capable de mener sa po­litique de dispersion des attaques a permis à cel­le-ci, dans la plupart des pays, de s'épargner un emploi trop voyant de ses forces de gauche et de ses syndicats. En effet, durant cette période, ce sont les secteurs de droite et le patronat privé qui se sont trouvés aux avant-postes dans la mise en oeuvre de la stratégie de division des luttes ouvrières dans la mesure où celle-ci se basait avant tout, non sur les manoeuvres de la gauche, mais sur la façon dont les attaques directes étaient elles-mêmes conduites, les syndicats ne faisant qu'accentuer le caractère dispersé des luttes découlant de la forme même des attaques 'aux­quelles ces luttes ripostaient.

Mais dès lors que par l'épuisement de sa marge de manoeuvre économique, la bourgeoisie est contrain­te de renoncer à la dispersion des attaques, qu'el­le est obligée de les mener de façon frontale, el­le ne dispose plus pour poursuivre sa politique de division des ouvriers (politique qu'elle maintien­dra jusqu'à la révolution) que de la gauche et des syndicats, lesquels sont beaucoup plus ouvertement mis à contribution et sont amenés, de ce fait, à dévoiler bien plus leur véritable fonction. La multitude de manoeuvres entreprises par les syndi­cats lors des récentes luttes en Belgique (notam­ment le saucissonnage des journées d'action par secteur) en vue de casser en morceaux la riposte ouvrière aux mesures gouvernementales, la prise de conscience constatée chez les ouvriers du rôle de diviseurs joué par les syndicats, constituent une première concrétisation probante de cette tendance générale à l'accentuation du discrédit de la gauche et des syndicats qui est propre à la phase actuel­le du développement des combats de classe.

13)  La méfiance croissante des ouvriers à l'égard de la gauche et des syndicats est riche, comme on l'a vu, de potentialités de surgissements massifs de la lutte du prolétariat, du développement de l'auto-organisation et de la conscience de celui-ci. En particulier, la période qui vient verra se mani­fester de plus en plus nettement une tendance à la formation au sein de la classe de groupements plus ou moins formels d'ouvriers cherchant à se défaire des nasses paralysantes du syndicalisme, à réflé­chir sur les perspectives plus générales de leur combat.

C'est bien pour ces raisons que la bourgeoisie met­tra de plus en plus en avant l'arme du"Syndicalisme "de base" ou "de combat" - comme cela s'est illus­tré clairement dans les luttes en Belgique - desti­né, avec son langage "radical", à ramener à l'inté­rieur du carcan syndical (des syndicats existants ou du syndicalisme) les ouvriers qui tentent de briser ce carcan. Dans cette situation, il importe de pouvoir distinguer ce qui témoigne de la vitali­té de la classe (l'apparition de groupes ou comités d'ouvriers combatifs engagés dans une démarche de rupture avec la gauche ou le syndicalisme) de ce qui relève d'une politique bourgeoise destinée no­tamment à entraver cette démarche (le développement du syndicalisme de base), d'autant qu'au début d'un tel processus, les éléments de la classe qui se sont engagés dans cet effort de rupture peuvent adopter des positions apparemment en retrait par rapport à celles du syndicalisme de base et des gauchistes, spécialistes de la phrase "radicale". Il appartient par conséquent aux révolutionnaires de ne pas juger de façon statique les phénomènes de ces deux types qui apparaîtront au cours du dé­veloppement des luttes, mais d'avoir en vue, sur la base d'un examen attentif, la dynamique de cha­que phénomène particulier afin de pouvoir combattre avec la plus grande vigueur toute manoeuvre "radicale" de la bourgeoisie mais aussi de savoir encou­rager et impulser les efforts encore embryonnaires de la classe en direction d'une prise de conscience et non les stériliser en les confondant avec ces manoeuvres bourgeoises.

14)  Un des autres enseignements des récents combats en Belgique, qui vient confirmer ce que les marxis­tes ont toujours affirmé contre les proudhoniens et les lassaliens, et plus récemment contre les moder­nistes, c'est que la classe ouvrière, non seulement peut et doit lutter pour la défense de ses intérêts immédiats en préparation de sa lutte comme classe révolutionnaire, mais peut aussi sur ce terrain faire reculer la bourgeoisie. Si la décadence du capitalisme interdit à cette dernière d'accorder de réelles réformes à la classe ouvrière, si la phase de crise aiguë - comme celle où nous sommes entrés - ne lui offre d'autre possibilité que d'attaquer les ouvriers de plus en plus brutalement, cela ne signifie nullement que la classe ouvriè­re n'ait d'autre choix qu'entre faire (ou pré­parer) immédiatement la révolution et subir pas­sivement ces attaques sans espoir de les limiter. Même lorsque la situation d'un capital national ap­paraît comme désespérée, comme c'est le cas de la Belgique aujourd'hui, que les attaques impliquées par cette situation ne semblent pas pouvoir être différées ou atténuées, la bourgeoisie conserve en­core une petite marge de manoeuvre lui permettant de renoncer momentanément - et même au prix de dif­ficultés futures bien pires encore - à certaines de ses attaques si elle se confronte à un niveau significatif de résistance de la part du proléta­riat. C'est ce qu'on a pu également constater en Belgique avec le "réexamen" des mesures touchant les mines du Limbourg et les chantiers navals, de même qu'avec le report du plan d'austérité du gou­vernement Martens.

Il en est en fin de compte du degré d'urgence et de gravité des attaques capitalistes comme du de gré de saturation des marchés qui les dicte : de même que, si elle tend à devenir de plus en plus totale, cette saturation n'atteint jamais un point absolu, la marge de manoeuvre économique de chaque capital national, tout en s'approchant toujours plus de zéro, n'atteint jamais une telle limite. Il importe donc que les révolutionnaires, s'ils doivent mettre en évidence la perspective d'effondrement de plus en plus total du capitalisme et donc la nécessité de le remplacer par la société communiste, soient également capables, en vue d'im­pulser les luttes immédiates, de montrer que cel­les-ci "paient" et qu'elles "paient" d'autant plus qu'elles sont menées à une grande échelle, de fa­çon unie et solidaire, que plus la bourgeoisie s'affrontera à une classe ouvrière forte et plus elle sera contrainte d'atténuer, et reporter les attaques qu'elle se proposé de mener.

15) Une des autres confirmations qu'apportent les événements d'avril-mai 86 en Belgique, c'est l'im­portance croissante de la lutte des chômeurs, la capacité de ce secteur de la classe ouvrière de s'intégrer de plus en plus dans les combats géné­raux de la classe, même si ce phénomène n'a été constaté que sous une forme encore embryonnaire au cours de cette période. Avec cet autre phénomène constitué par l'apparition et le développement ces dernières années de nombreux comités de chômeurs dans les principaux pays d ' Europe occidentale, c'est bien une confirmation de l'analyse selon laquelle :

-   le chômage deviendra "un élément essentiel du dé­veloppement des luttes ouvrières jusque-là la période révolutionnaire...

-   les ouvriers au chômage tendront de plus en plus à se retrouver aux avant-postes des combats de classe."(Résolution du 6ème Congrès du CCI).

Une autre confirmation apportée par la dernière pé­riode concerne l'organisation des chômeurs : ce qu'a montré une nouvelle fois 1'expérience de la Conférence de Gottingen en RFA (en 1985) de même que de plusieurs comités de chômeurs comme celui de Toulouse en France, c'est que, fondamentalement, l'organisation des chômeurs est à l'image de celle de l'ensemble de la classe : elle surgit et se cen­tralise dans la lutte et pour les besoins de la lutte. Même si les comités de chômeurs peuvent exister de façon plus durable que les comités de grève, toute tentative pour maintenir en vie de tels organes, de les doter d'une structure centralisée en dehors de tels besoins, ne peut que les conduire à devenir tout autre chose que des organisations unitaires de lutte : au meilleur des cas, des groupes ouvriers de discussion, au pire de nou­veaux syndicats.

16) Les luttes en Belgique apportent enfin une au­tre confirmation de ce que les révolutionnaires ont mis en évidence depuis le surgissement historique du prolétariat à la fin des années 60 et plus particulièrement avec 1'accélération considérable de l'histoire qui marque les années 80 : du fait que la crise laisse de moins en moins de répit à la bourgeoisie et que celle-ci est amenée à en laisser de moins en moins à la classe ouvrière,, cette dernière est conduite, au cours d'une même génération, à accumuler les expériences de lutte contre le capital et "cette accumulation d'expé­riences de lutte du prolétariat, comme la proximi­té de plus en plus grande entre chacune d'elles, constitue un élément essentiel de prise de conscience par l'ensemble de la classe (des conditions et des véritables enjeux de son combat."(Ibid.)

Ainsi, il est clair qu'en Belgique, les ouvriers ont été capables de donner une telle ampleur à leurs combats du printemps 86 parce qu'ils avaient tiré et conservé de nombreux enseignements des lut­tes menées trois ans auparavant. C'est là un phéno­mène qui tendra à se généraliser et s'intensifier dans tous les pays centraux du capitalisme, ce qui donne la mesure des potentialités de lutte considé­rables, d'une ampleur inconnue jusque-là présent, qui existent dans ces pays et que ne doivent pas sous-estimer les révolutionnaires. Et cela d'autant plus que, contrairement à ce qui s'était déroulé dans le passé où la récession de 74-75 avait frappé une classe ouvrière en recul momentané, où celle de 81-82 est intervenue alors que le prolétariat subis­sait encore le poids de la défaite de 81 en Polo­gne, la récession qui s'annonce va rencontrer et impulser des luttes ouvrières en plein essor.

Toutefois il serait faux et dangereux de s'imaginer que, d'ores et déjà, est ouvert un chemin rectiligne vers la période révolutionnaire, La classe ou­vrière est encore loin d'une telle période. Pour y parvenir elle doit opérer en son sein toute une transformation qui fera de la classe exploitée qu'elle est au sein du capitalisme - et à travers ses luttes comme classe exploitée - la classe révo­lutionnaire capable de prendre en charge l'avenir de l'humanité. C'est dire toute la dimension et la difficulté du chemin qu'il lui reste à parcourir, notamment pour se défaire de toute la pression de 1’idéologie dominante qui pèse sur elle et tout particulièrement pour venir à bout, à travers des confrontations répétées et de plus en plus cons­cientes, des multiples mystifications et pièges que la bourgeoisie, sa gauche et ses  syndicats, op­posent et continueront d'opposer à ses luttes et à sa prise de conscience. Même condamnée historiquement, et telle un fauve blessé à mort, la bourgeoi­sie continuera à se défendre bec et ongles jusqu'au bout, et l'expérience montre à quel point elle est capable d'inventer en permanence de nouveaux pièges visant à défaire le prolétariat, ou au moins à ra­lentir sa progression.

C'est pourquoi il importe de souligner le caractè­re heurté du combat de la classe ouvrière, d'avoir en mémoire les enseignements déjà tirés par Rosa Luxemburg lors des combats de 1905 dans l'Empire russe, le fait notamment que la grève de masse, qui marque l'entrée dans une période révolutionnaire, est un "océan de phénomènes" aux apparences contradictoires, de multiples formes de lutte, d'avan­cées puis de reculs au cours desquels il semble que se soit éteint le feu de la lutte, mais qui ne font que préparer des combats encore plus vastes.

Malgré leurs limites et bien qu'elles fussent en­core bien loin de la grève de masse (laquelle cons­titue une perspective à long terme dans les pays avancés) les récentes luttes en Belgique, avec leurs divers rebondissements, nous confirment la nécessité de prendre en compte cette démarche heur­tée, de ne pas enterrer un mouvement dès ses pre­miers revers, de garder confiance dans toutes les potentialités qu'il peut receler et qui ne s'expri­ment pas immédiatement.

S'il appartient aux révolutionnaires de souligner aux yeux de leur classe toute l'importance et tou­tes les potentialités de ses luttes actuelles, il leur appartient aussi de lui montrer la longueur et la difficulté du chemin à parcourir et cela, non pour la démoraliser, mais au contraire pour lutter contre la démoralisation qui menace après chaque revers. C'est le propre des révolutionnai­res que d'exprimer au plus haut point ces qualités de la classe porteuse du futur de l'humanité : la patience, la conscience de l'ampleur immense de la tâche à accomplir, une confiance sereine mais in­destructible en l'avenir.

25/6/86

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