Lutte de classes en Europe de l’est (1970 -1980)

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L'unification internationale du prolétariat dans le processus de la révolution mondiale est la condition matérielle la plus décisive du communisme. Après avoir mis en relief la puissance des luttes ouvrières dans les pays de l'Est de l920 à 1970 et les limites que leur a imposé leur isolement international (Revue Internationale n° 27 et 28), la fin de cette étude montre comment les luttes des années 80 ouvrent la perspective de la fin de cet isolement.

LA VAGUE DE  LUTTES DES ANNEES 70 A L’EST

En septembre 1976, les oppositionnels tchèques faisaient état dans le journal "Listy Blâtter" du développement d'une nouvelle vague de résistance en URSS :

"Le 8 novembre de 1'année dernière, soixante marins russes, Lettoniens et Estoniens de la flotte du Drapeau Rouge, se mutinèrent à bord du destroyer "Storoschewoi". Le bateau  après avoir quitté le port  de Riga  fut  attaqué en haute mer par des hélicoptères et des sous-marins. La bataille passe pour avoir été très sanglante, la majorité des marins ayant été  tués et les survivants passés en cour martiale ou exécutés. La cause de la rébellion : des conditions sociales insupportables et des traitements inhumains, similaires à ceux du vaisseau tsariste "Potemkine" en 1905 à Odessa. Il y a également 1'agitation continuelle dans la métropole géorgienne 'Tiflis' qui fut rapportée en avril par 1'organe du parti "Sarja Wostoka". Manifestations de rue de lycéens et d'étudiants, assassinats de fonctionnaires du parti russe et de leurs collaborateurs, des manifestations spontanées pour la liberté d'ouvriers et de femmes, et même des affrontements de rues, barricades et  attentats à la bombe contre  les palaces du parti. L'agitation a pris un caractère de masse, et  ne peut  être complètement contenue par la police secrète.

En dernier lieu, nous devons mentionner la vague de grèves récentes provoquée par le rationnement alimentaire, concentrée ici encore, dans les centres industriels des régions en dehors de la Russie (Baltique, Ukraine). Le ravitaillement  échauffe 1'atmosphère de pré-révolution; des arrêts de travail  spontanés, des rassemblements de masse, des marches, des meetings de protestations  ont été rapportés, venant des villes de Rostov sur le Don, Lvov, Kiev, Dniepropetrovsk, Riga et Dnieprodzeijinsk Dans la métropole ukrainienne de Kiev, des affrontements sanglants eurent lieu  entre des femmes ouvrières et la milice en face des magasins d'alimentation vides. Les rationnements les plus importants concernent 1'approvisionnement en aliments de première nécessité -viande, pain, produits  laitiers. Dans  les entreprises de machine-outil Tscheljabinsk et d'industrie chimique Schtschokino, des grèves ont  éclaté  en  réaction aux lock-out".

Mis à part le caractère aberrant de l'expression "une atmosphère prérévolutionnaire", il ne peut y avoir aucun doute sur l'étendue des troubles sociaux qui ont saisi de larges régions d'URSS vers la fin des années 1970. Un rapport raconte à quelle vitesse Brejnev fut obligé de se rendre à Toula en 1977 à cause d'un mouvement de grève oui s'y était déclenché. Les ouvriers, là, avaient refusé d'aller chercher leurs salaires durant deux mois, parce qu'ils ne pouvaient rien acheter avec. Brejnev décida -33 ans après la fin de la dernière guerre- de proclamer Toula "ville héroïque" pour son rôle dans la victoire contre Hitler. Ce statut impliqua un meilleur approvisionnement en nourriture (rapporté dans "Osteuropakomitee, Info 32" Socialist review, été 80).

Au mois de décembre de la même année eut lieu une violente grève dans la grande usine de caoutchouc de Kaunas en Lituanie et peu après, une grève perlée dans l'industrie mécanique (Poutilov) à Leningrad, celle qui fut au cœur de la révolution d'octobre, en protestation contre le mauvais traitement des prisonniers travaillant dans l'usine (rapporté dans "Listy").

En 1973, des grèves de protestations éclatèrent dans les mines de Roumanie. Comme en 70, elles furent violentes mais elles restèrent sporadiques et isolées (rapporté dans "Der Spiegel, 12.12.77). En 1977, les mineurs, le cœur militant de la classe ouvrière en Roumanie, reprenaient le flambeau de la lutte. La grève éclata à Lupeni et s'étendit immédiatement à toutes les vallées minières voisines. En tout, 90.000 personnes se mirent en grève, dont 35.000, retranchées dans Lupeni pour prévenir le danger d'une répression. Le second jour, plusieurs des membres d'une délégation du sommet du parti, envoyés pour "négocier" furent fait prisonniers, et d'autres eurent le visage barbouillé de l'infâme nourriture que l'on donne à manger aux ouvriers. Ceausescu vint alors en personne et eut beaucoup de chance de s'en tirer vivant. Les ouvriers tentèrent de le lyncher. Il s'enfuit immédiatement au Kremlin pour s'entretenir avec Brejnev. Un détachement de l'Armée Rouge envoyé pour disperser les ouvriers changea d'avis quand il rencontra leur résistance. Puis, alors que la grève commençait à s'étendre au delà des bassins miniers de la vallée de Jiul -aux chemins de fer, à une usine textile de Brasov, à une usine de machinerie lourde de Bucarest- Ceausescu revint pour satisfaire les revendications ouvrières. Deux semaines durant, la situation de l'approvisionnement s'aggrava gravement. L'armée revint alors : 2000 hommes appartenant aux troupes de choc furent envoyés à Lupeni. Ils attaquèrent les ouvriers, et en battirent un grand nombre jusqu'à les rendre infirmes à vie. Puis ils déportèrent 16.000 mineurs avec leurs familles dans différentes parties du pays. Beaucoup furent envoyés travailler dans les mines d'uranium où ils perdirent leurs cheveux en quelques semaines; le cancer se répandit parmi eux en quelques mois. Le slogan principal des mineurs de Lupeni était "à bas la bourgeoisie prolétarienne". Dans leur cinquième lettre à "Radio free Europe", les ouvriers écrivirent :

"De tout notre cœur, nous vous demandons de  lire cette lettre au micro; n'ayez pas peur qu'il soit connu qu'il y a des grève dans un Etat socialiste. Il y en aura encore plus car nous n'avons pas d'autre solution que de rendre la justice nous-mêmes avec nos manches de pioches".

En septembre, l'agence allemande d'informations DPA parla de nouvelles grèves dans la région. A partir du 1er janvier 1978, la vallée de Jiul fut déclarée "zone interdite", isolée de tout contact extérieur.

Les problèmes de l'isolement des ouvriers de Roumanie sont semblables à ceux rencontrés en URSS. Ceci explique la nature pernicieuse du régime de Ceausescu, tant exalté à l'ouest pour son "indépendance" vis à vis de Moscou et son soi-disant "engagement à la paix". Le gouvernement de Ceausescu est en fait le plus haï de tous ceux du bloc de l'Est, à l'exception du régime de Honecker en RDA.

Vers la fin des années 70, le mécontentement de la classe ouvrière a commencé à se manifester dans la partie ouest du bloc. Déjà en 1971, une série de grèves ont eu lieu à Budapest selon certains rapports. En 1975, "Der Spiegel" rapporte ce qui suit sur la situation en Tchécoslovaquie :

"Des tracts distribués dans de nombreuses usines parlent d'actions de protestations qui montrent un mécontentement des ouvriers dirigé contre le régime : dans le complexe industriel de Prague, dans des entreprises sidérurgiques de 1'est de la Slovaquie, parmi les cheminots". (Der Spiegel n°18).

Des rapports sur des comités de grève de protestation sont parvenus de Tchécoslovaquie de manière fréquente depuis lors, par exemple, dans l'usine CKD de construction de machines à Pragueen lutte contre la hausse des prix (rapporté dans "Intercon­tinental Press" n°49. 1978).

La paix sociale fragile qui a régné en Allemagne de l'Est depuis 1953, en raison de la hausse dissimulée des prix prit fin à l'automne 1977. En octobre de cette année là, un mouvement de grève éclata à Karl-Marx Stadt qui fut violemment écrasé par des troupes de choc et par la police politique. 50 ouvriers furent arrêtés. Les chefs de l'administration locale furent décorés de la "médaille Karl Marx" en récompense pour le rôle qu'ils ont joué dans l'écrasement de la révolte. Le 7 octobre, une foule de jeunes gens se battirent contre la police dans le centre de Berlin-Est alors qu'elle tentait de disperser un concert de rock. Plusieurs personnes furent tuées dont deux policiers. La population dans les quartiers ouvriers voisins du lieu ("Prenz lauerberg") protégèrent les jeunes gens en les cachant dans leurs maisons et en jetant de l'huile bouillante sur les policiers qui les poursuivaient. Quelques jours après, les ouvriers des ateliers de Narva à Berlin-Est entrèrent en grève, demandant qu'un tiers de leur salaire soit payé en devises occidentales. La Stasi (police politique) dut se rendre chez les ouvriers chaque jour, les forcer à travailler, et les ramener chez eux le soir (rapporté par R. Havemann dans une interview avec "Le Monde" du 21/1/78).

Une série de grèves eurent lieu aussi à Dresde où la même revendication fut soulevée. Au cours du même mois, les ouvriers du bâtiment se mirent en grève ("Der Spiegel". 17/10/77). Une nouvelle loi fut promulguée le 1/1/78 prévoyant des amendes d'un demi-million de marks pour les ouvriers en grève! De telles mesures n'ont pas réussi à intimider les ouvriers. En mai 1978, dans les villes de Witten-berge et d'Erfurt, des affrontements violents avec la police furent signalés. Dans la seconde moitié de 1979 jusqu'en 1980, des rapports sur des grèves et des actions de protestations furent connus à l'ouest; par exemple, une grève des dockers de Rostock qui retinrent du matériel de guerre en partance pour le Vietnam ainsi qu'une grande grève à Walterhausen qui se termina par une série d'arrestations.

LES EFFETS DE LA CRISE

La progression quantitative et qualitative de la lutte de classe dans les pays de l'Est ne peut être comprise que dans le contexte d'une aggravation de la crise de l'économie mondiale qui a éliminé les dernières illusions sur le fait que les pays de l'est pourraient offrir un débouché à la surproduction du bloc occidental. L'exacerbation de la crise et donc de la concurrence sur le marché mondial rend de plus en plus difficile pour le C0MEC0M de vendre ses produits à l'étranger et donc d'obtenir des devises, nécessaires au remboursement de ses dettes aux pays du bloc de l'Ouest Plus la crise mondiale se développe, plus s'exacerbe la concurrence sur les marchés et plus les pays membres du C0MEC0N tendent à chancelier vers la faillite.

Par ailleurs la crise exacerbe les conflits in-ter-impérialistes entre les deux blocs et force la bourgeoisie de chaque bloc à attaquer le prolétariat plus âprement afin de fournir un effort militaire grandissant. La solution bourgeoise à la crise, c'est la guerre. Si la crise a provoqué une chute rapide du niveau de vie de la classe ouvrière (hausse des prix et rationnement de plus en plus fort dans tous les pays du COMECON), elle a rendu aussi nécessaire en 1979 l'invasion de l'Afghanistan. Et ce tournant dans l'accélération de la militarisation appelle à des attaques encore plus dures contre la classe ouvrière.

La rivalité entre les blocs et la lutte entre classes sont les deux pôles autour desquels tourne le capitalisme décadent. De ces deux pôles, celui de la lutte de classe est fondamental. En 1'ABSEN­CE de guerre de classe, la rivalité entre les blocs devient dominante. Quand nous parlons de guerre de classe, nous voulons parler du combat prolétarien car l'attaque de la bourgeoisie contre la classe ouvrière est, elle, permanente. Depuis la fin des années 60, la guerre de classe a été le facteur dominant dans le monde pour la première fois depuis presque un demi-siècle. L'invasion russe en Afghanistan n'est pas venue altérer ce fait. Celle-ci a exprimé une tension grandissante entre les blocs, mais cette tension reste secondaire si, en retour, elle provoque de la part des ouvriers une réponse à un niveau qualitativement plus élevé. Les deux pôles dominant dans le capitalisme décadent, la rivalité entre les blocs et la guerre de classe sont déterminés par leur objectif respectif : guerre ou révolution. Ceux-ci sont diamétralement opposés l'un à l'autre, mais étant donné que la pleine participation du prolétariat est essentielle pour les deux, la trajectoire de la société dépend de la réponse ouvrière à la crise.

Les luttes des années 50 ont nécessité une collaboration temporaire de la bourgeoisie mondiale. Mais du fait de la restriction de ces luttes à un bloc (en opposition avec la période révolutionnaire de 1917-23 où les deux fronts de guerre étaient touchés par la lutte de classe spécialement sur le front de l'est), elle ne remettait pas en question la domination des rivalités inter-impérialistes sur la société. En face du prolétariat, la bourgeoisie a installé des gouvernements populaires (Gomulka, Naqy, Kroutchev même)  soutenus par de nombreuses oppositions de gauche, qui ont essayé d'attacher les ouvriers à ces gouvernements. Le régime de Dubcek en Tchécoslovaquie fut la dernière tentative réussie de contrôler les ouvriers par un gouvernement "populaire". De même, la terreur de masse de l'époque stalinienne touchait à sa fin. Elle était remplacée par une terreur sélective qui avait pour fonction d'aligner immédiatement contre les murs les militants ouvriers dans les usines, mais qui laissait tout de même assez de place aux oppositionnels bourgeois pour mieux manœuvrer contre la classe ouvrière. Ce changement de climat ne correspondait pas encore à une altération dans l'équilibre des forces entre les deux classes antagoniques. Les oppositionnels étaient là pour faire du battage sur l'image démocratique des régimes comme ceux de l'URSS où les "plaintes" du "Samizdat" circulaient sous les yeux du KGB .Et ce dans le même temps où il y avait au moins un million de prisonniers politiques détenus, la plupart prolétaires !

Ces oppositions étaient présentées comme une garantie au fait que le régime pourrait accorder une pleine démocratie aux ouvriers, si ceux-ci étaient prêts à se battre pour la mère-patrie de Kroutchev. Elles étaient "antistaliniennes" et mettaient en garde contre un "retour aux méthodes de Staline". Même quand elles se sont déclarées "marxiste-léniniste", considérant l'URSS comme un Etat capitaliste, (concession évidente à une opinion couramment répandue chez un grand nombre d'ouvriers !), ces oppositions déclaraient habituellement leur loyauté à la constitution (de Staline !), au parti communiste contre "la restauration de la bourgeoisie" (sic) etc.  A cette époque, ceux qui étaient pro-occidentaux étaient immédiatement réprimés ou déportés. La principale thèse des "Démocrates" de Russie, d'Ukraine et de la Baltique par exemple (mouvement prétendant avoir 20.000 militants et 180.000 sympathisants) consistait à dire que c'était dans l'intérêt même des gouvernements de se réformer.

UNE NOUVELLE PERIODE DE LUITES

Le resurgissement international de la lutte de classe dans les années 70 a change" l'équilibre des forces entre classes et a laissé la bourgeoisie, y compris ses fractions oppositionnelles dans le désarroi.

En Pologne, les ouvriers ont fini de croire qu'il était possible de "régénérer" une quelconque partie de l'appareil stalinien; ainsi les oppositionnels issus de la crise de 1956 et du mouvement étudiant des années 1960 (comme Kuron) n'eurent que cela comme objectif de propagande et se sont trouvés complètement isolés de la classe. Cela a créé un dangereux vide politique dans lequel la lutte de classe a pu se développer. Après les mouvements de grève de 1970/71, des ouvriers combatifs de Szczecin et d'autres centres ont essayé de résister à la dissolution des comités de grève en les transformant en noyau d'un syndicat oppositionnel. Les oppositionnels, à l'intérieur et à l'extérieur du parti communiste purent ainsi canaliser les illusions des ouvriers dans le syndicalisme à l'aide d'un projet de transformation des syndicats existants en des organes "indépendants du gouvernement". Le projet de contrôler les ouvriers de cette manière échoua misérablement parce que les ouvriers avaient perdu toute confiance dans les syndicats existants, et d'autre part, parce que la bourgeoisie était préparée à organiser une façade démocratique pour les syndicats mais ne pouvait leur permettre d'organiser des qrèves et des actions revendicatives, a l'Ouest, les syndicats maintiennent leur pression sur les ouvriers en organisant des actions  mort-nées afin de les empêcher de prendre leur destinée en main . A l'Est, les staliniens se sont traditionnellement reposés sur la police pour maintenir l'ordre dans la mesure où chaque arrêt de la production, même organisé par les syndicats, entraîne un retard considérable des pays de l'Est dans la course aux armements avec les pays de l'Ouest.

Les années 70 ont connu d'importants changements dans l'atmosphère sociale au sein du bloc de 1'Est» spécialement en URSS. La nouvelle génération d'ouvriers qui n'ont pas vécu sous la période de contre-révolution stalinienne sont beaucoup plus décidés et moins dominés par la peur. Sur les places des marchés de Tachkent ou dans le métro de Moscou, ils critiquent ouvertement le régime. Mais ils ont encore beaucoup d'illusions sur les régimes à l'Ouest, particulièrement sur les "syndicats libres" et la démocratie occidentale. En URSS, les grèves sont devenues des faits journaliers habituels dans les petites et moyennes entreprises où, de toute façon, la production est très faible. Les ouvriers sont sous-alimentés, souvent affamés et la productivité est plus que médiocre.

Dans les grandes usines produisant pour l'économie de guerre en Silésie, la police surveille les ouvriers, armée de mitraillettes, pour les garder au travail. Dans ces usines, il ne peut y avoir de grèves. La seule alternative est : production ou guerre civile.     généralisation de la lutte de classe en URSS et dans les autres pays du monde peut seule permettre que ces ouvriers se révoltent aussi; ceci n'est qu'une question de temps. La vague de grèves des années 70 a rendu ce fait très clair à la bourgeoisie. Elle est assise sur un baril de poudre.

L'invasion de l'Afghanistan a exacerbé encore plus la tension sociale. Il devient très clair que le motif  des sacrifices des ouvriers n'est pas un avenir meilleur, le "communisme" mais celui de la guerre mondiale. Cette perspective a renforcé la détermination du prolétariat de ne faire aucun sacrifice pour assurer la défense du système. Les désertions massives en Afghanistan de l'armée russe ne sont qu'un symptôme de cette vérité première.

De manière très significative en Russie, la dernière identification avec la mère-Patrie qui pouvait subsister de la seconde guerre mondiale est morte avec l'Afghanistan. La contradiction absolue entre les intérêts du prolétariat et ceux de la mère-Russie est en train de devenir particulièrement claire.

LA NECESSITE DE LA GAUCHE DANS L'OPPOSITION

Avec l'entrée en lutte des ouvriers à l'Est contre leurs propres gouvernements, lutte freinée uniquement par l'étendue de l'appareil de répression, le développement d'une "opposition" forte et crédible est devenu un souci majeur de la bourgeoisie mondiale!

Il est nécessaire de rappeler ici, qu'étant donné l'absence d'une presse développée par les groupes oppositionnels dans les pays de l'est (le KOR à la fin des années 70 ne distribuait que 30.000 exemplaires de "Robotnik" à chaque numéro), leurs analyses politiques sont transmises à des millions d'ouvriers nuit et jour par l'intermédiaire des émissions des radios occidentales .Ce sont ces organes de propagande que les ouvriers écoutent, et non "La Pravda" ou "Neues Deutschland".

Le nationalisme est une arme primordiale pour contrôler les ouvriers et les attacher à la défense du système capitaliste. Dans les années 50 et 60, les gouvernements des pays de l'Est avaient la possibilité de l'utiliser pour renforcer leur contrôle sur la classe ouvrière (Gomulka, par exemple). En URSS, la réforme de décentralisation de Kroutchev tentait de donner aux PC d'Ukraine, de Géorgie, etc. plus de liberté de mouvement afin de dévier le mécontentement contre "les russes". De plus, elle opposait les différentes nationalités les unes aux autres. En 1978, par exemple, une vague de grève déferla sur la province autonome d'Abkhazie  appartenant à la Géorgie, saisit la capitale Soukhoumi et les districts miniers, gagnant également un soutien actif des ouvriers agricoles et des paysans. Ce mouvement social intense resta complètement isolé parce qu'il fut dévié vers une lutte de libération nationale contre les "géorgiens". "L'Abkhazien" vend sa production industrielle et agricole à la Géorgie à un prix fixé et Tbilissi est libre d'en revendre une partie à la Russie avec profit. Dans de telles circonstances, il ne fut pas difficile aux oppositionnels de mener le mouvement ouvrier dans une impasse bourgeoise engageant les ouvriers dans une "guerre des douanes" à la frontière (rapporté par "Schwendtke).

Au début des années 70, la capacité des partis communistes au pouvoir à renforcer la mystification nationaliste en Europe de l'Est ou dans la partie non russe de l'URSS était en train de disparaître. Plus personne ne croyait ce qu'ils disaient; d'autre part, le seul nationalisme convaincant dans le bloc de l'Est devait être fatalement si antirusse qu'aucune équipe gouvernementale ne, pouvait et ne peut toujours se le permettre. Pour éviter cela, le Kremlin décida de laisser cette tâche à l'opposition. La position officielle du gouvernement contre le nationalisme antirusse, sous n'importe quelle manière ou forme ne pouvait que renforcer la crédibilité de l'opposition. C'est ce raisonnement qui est présent derrière les "doctrines" de Brejnev:

-   après l'invasion de Prague, la soi-disant "souveraineté" limitée des Etats socialistes;

-   en décembre 1972, la proclamation de la "solution" de la question nationale en URSS avec la création d'un "unique grand peuple soviétique".

Comme en Pologne et en Tchécoslovaquie, les réformistes du parti et les oppositionnels favorables aux "Droits de l'homme" et aux occidentaux en URSS, entrèrent en crise avec le resurgissement de la lutte de classe. L'avenir appartenait alors clairement à ceux qui avaient la capacité de se radicaliser et d'avoir une présence à l'intérieur du prolétariat.

En Ukraine et dans d'autres régions d'URSS où la lutte de classe est devenue particulièrement puissante, les oppositionnels sont radicaux, et depuis longtemps, se sont attachés à gagner de l'influence parmi les ouvriers. Parmi de tels groupes, on pouvait compter: "Tout le pouvoir aux Soviets" (Moldavie, 1964), "Les Jeunes 0uvriers"(Alma-Ata,, 1977), "Les Groupes de La Commune", "Les Ouvriers de l'Oural" (Sverdlovsk 1970), "Pour la réalisation des idées de Lénine" (Vorochilovgrad 1970) (Voir Die Politische Opposition in der Ukraine dans Sozialistisches Osteuropakomitee, Info 32). Nous ne possédons pas suffisamment de documentation pour juger si quelques-uns de ces groupes ont ou non représenté une quelconque expression du prolétariat. Ce qui est certain, pour la majorité de ces groupes, malgré tout leur radicalisme verbal, c'est qu'ils ont représenté des programmes de "démocratisation" du capitalisme russe, afin d'éviter les explosions sociales. Le fait que ces groupes aient été obligés, dans nombre de cas, de parler d'un "capitalisme soviétique" et d'une "nouvelle bourgeoisie" en URSS afin d'avoir un impact sur les ouvriers, reflète certainement l'attitude répandue parmi les militants ouvriers vis-à-vis de la "patrie socialiste". Les radicaux ont été divisés entre différentes lignes nationalistes dures, travaillant dans la clandestinité la plus stricte, faisant de la propagande pour la lutte armée, et même s'y entraînant ; tandis que d'autres courants plus orientés vers la classe ouvrière, mélangeaient le poison nationaliste avec des revendications pour les "syndicats 1ibres". Pendant les années 70, en Ukraine par exemple, de tels gauchistes ont développé une activité dans les usines. Il y a des centaines d'organisations de ce genre dans toute l'URSS.

De plus, vers la fin des années 1970, une série de tentatives ont été faites pour installer de larges syndicats oppositionnels républicains, le plus connu et récent étant le SMOT, avec des sections dans une douzaine de villes. Alors que les ouvriers qui font grève dans les usines d'importance stratégique vitale sont purement et simplement exécutés, les oppositionnels, ces robustes défenseurs de l'Etat capitaliste, ne connaissent que tracasseries et arrestations par le KGB. Si la police les laissait absolument tranquilles, les ouvriers pourraient difficilement avoir confiance en eux.

La formation du KOR en Pologne en 1976, qui eut comme effet immédiat de canaliser la réponse ouvrière à la répression de 76 vers une impasse légaliste et démocratique, cette formation est un bon exemple de développement d'un courant oppositionnel et radical, qui se proclame le défenseur des ouvriers contre le gouvernement, afin de décapiter la montée de la lutte de classe.

Le KOR abandonna la revendication portant sur la réforme du stalinisme pour appeler les ouvriers à s'organiser "en dehors et  contre  l'Etat capitaliste') mais de toute façon en organes étatiques, en syndicats qui entretiennent l'illusion chez les ouvriers de pouvoir, de manière permanente, se défendre, sans maintenir leur lutte et leur organisation dans cette lutte. Ce travail de propagande (des membres du KOR ont été par exemple milité et travailler aux chantiers "Lénine" avant l'été 1980), a aidé à former les bases sur lesquelles allait se former Solidarnosc, aujourd'hui la force numéro 1 travaillant pour la loi et l'ordre en Pologne.

Nous n'avons pas l'intention ici de revenir en détails sur tous les aspects de la grève de masse en Pologne, et ses répercussions internationales. Nous renvoyons nos lecteurs aux articles parus dans notre presse territoriale et dans les Revues Internationales parues depuis août80.

Le tournant à gauche de l'opposition et la volonté de l'Etat de tolérer leur activité furent des facteurs clés de la stratégie bourgeoise contre la classe ouvrière, après l'Afghanistan et surtout après l'éruption en 1980 en Pologne. Comprenant l'impossibilité d'empêcher l'éclatement de la grève de masse, la bourgeoisie s'affaire à restreindre à un seul Etat national toute la portée de ce mouvement. La menace d'une invasion en Pologne qui était plutôt dirigée vers les ouvriers des autres pays d'Europe de l'Est pour les tenir en échec, fut renforcée et complétée par la mise en avant dans le mouvement, de buts bourgeois (par l'opposition fraîchement radicalisée) qui mena à un enfermement du mouvement et un renforcement de l'Etat à travers la consolidation de l'aile oppositionnelle de son appareil avec les nouveaux syndicats.

L'idéologie de la démocratie et du syndicalisme libre n'a pas seulement réussi -après un an de lutte- à stopper la grève de masse. Elle a aussi permis à la bourgeoisie mondiale- en Europe de l'Est par l'intermédiaire des oppositionnels-de présenter des leçons fausses d'une lutte en Pologne qui captait l'attention des ouvriers de toute la surface du globe. Si les ouvriers d' Europe de l'Est ne se sont pas joints au mouvement de masse, ce n'est pas seulement du fait qu'en Allemagne de l'Est, et en Hongrie par exemple, l'approvisionnement soit moins précaire qu'en Pologne, ou du fait de l'omniprésence de l'armée russe dans ces pays, ou encore parce que les gouvernements auraient pu persuader leurs populations que le mouvement de grève détruisait l'économie polonaise,  mais c'est avant tout parce que l'opposition dans ces pays disait à la classe que les ouvriers de Pologne avaient réussi à opposer une telle résistance massive parce qu'ils s'étaient d'abord organisés en syndicats libres. Ainsi la tâche du prolétariat d'Europe de l'Est ne serait pas de se joindre au combat, suivant ainsi leurs camarades dans les luttes de masse, organisés dans les assemblées ouvrières, et les comités de grèves élus et révocables, pour s'affronter à l'Etat. Il s'agirait plutôt d'attendre et de construire des syndicats libres, chacun dans son propre pays, chaque fraction ouvrière démocratisant "son propre" Etat terroriste: Cette capacité de stopper la grève de masse en Pologne qui menaçait d'extension au-delà des frontières, fut un tournant crucial ; celui de la persuasion des ouvriers qu'il n'y aurait d'autre perspective à la lutte qu'une perspective nationale. Et ceci est le message du Congrès de Solidarité à Gdansk avec son fameux appel à la formation de "syndicats  libres  et  indépendants" dans les autres pays du bloc de l'Est.

Cette internationalisation falsifiée se résume à dire "Pour vous également, il n'y a que des solutions nationales".  La vague de grève de 1980-1981 ne fut pas "nationale", cela nous est montré par le fait que cet événement était la continuation du vaste mouvement de grèves de la fin des années 1970 qui toucha l'Allemagne à l'Est et à l'Ouest, la Grande-Bretagne, la France, le Brésil, l'URSS, la Corée du Sud etc. Elle fut immédiatement précédée par un court mais massif mouvement de grèves en URSS. Au début de mai 1980,

170 000 ouvriers de l'usine automobile de Togliattigrad se mettent en grève en solidarité avec les conducteurs d'autobus ; leurs revendications aboutissent deux jours après. Aussitôt, 200 000 travailleurs de l'usine automobile de Gorki cessent le travail pour protester contre les rationnements. La grève fut précédée par une distribution massive de tracts. C'est le plus grand débrayage de l'histoire de l'URSS. Selon certains rapports, il y aurait eu ensuite, une nouvelle grève dans l'usine de camions de Kama. En août et septembre, alors que le mouvement polonais atteignait son point culminant, une série de protestations et de troubles sont signalés dans les régions minières de Roumanie, puis en Hongrie (Budapest) et en Tchécoslovaquie. Le chef du Parti tchèque, Husak, fut contraint de se précipiter aux mines d'Ostrava, afin de mettre un terme à cette situation. Dans cette région, de nombreuses mines s'étendent au-delà de la frontière avec la Pologne, rendant particulièrement intense le contact avec les mineurs silésiens. Prague réagit en verrouillant pratiquement la frontière avec la Pologne. Pour les européens de l'Est, les frontières séparant Pologne, Allemagne de l'Est et URSS devinrent pratiquement infranchissables. Tous les trains entre l'Allemagne de l'Est et la Pologne furent momentanément annulés. En même temps, les armées du Pacte de Varsovie se massaient aux frontières de la Pologne, et d'interminables manœuvres commencèrent jusqu'à l'intérieur même du pays. On rapporte également qu'au début du mois d'octobre, des manifestations de rue et des affrontements eurent lieu dans la capitale d'Estonie, Tallin, événements qui ont débordé vers d'autres centres importants des républiques baltes de l'URSS. Des grèves éclatèrent à Kaunas, et Vilnius en Lituanie villes où de nombreuses personnes parlent polonais.

Comme la situation se développait, les ouvriers en Pologne, reprenant l'exemple des chantiers navals à Gdansk, commencèrent à démystifier le bluff de la menace d'invasion russe, conscients que jamais les ouvriers des pays voisins ne laisseraient faire une telle chose. Cette conviction fut renforcée par les nombreux discours diffusés par les médias de l'ouest dans lesquels étaient affirmé ceci par exemple : "Les autorités soviétiques craignent  qu'une intervention de l'armée de 1'Allemagne de 1'est en Pologne ne provoque un mouvement généralisé de grèves en RDA. Déjà les mouvements sociaux ont progressé dans  le pays depuis trois mois maintenant, mouvements que les autorités ont réussi à cacher."("Lettre de 1'Expansion" du 22.12.80). Dans ces mouvements, il faut inclure le mouvement de grève autour de Magdebourg en novembre, et les grèves de solidarité dans les villes proches de la frontière polonaise telles que Gorlitz et Francfort sur Oder.

Le second exemple, tiré du "Financial Times" (13/12/81) concerne les tentatives de mobilisation des réservistes d'Ukraine pour envahir la Pologne :

"Selon les rapports, 1'appel aux réservistes des Trans-Carpates en août a donné lieu à des scènes approchant du chaos. Les habitants de la région étaient recrutés  dans les  rues, les voitures réquisitionnées sur les routes et les réservistes désertaient les points de rassemblement en masse. Les désertions des réservistes qui, pour la plupart quittaient régulièrement les points de rassemblement pour aller dormir dans leur famille, furent interprétées comme le reflet du moral très bas qui affectaient  les gens de cette région, bien  informés des événements en Pologne et sympathisant fortement avec les ouvriers polonais."

L'année 1981 se poursuivit avec d'importantes luttes ouvrières dont les plus importantes furent celles de Roumanie en novembre, luttes où les mineurs furent rejoints par les sidérurgistes et d'autres ouvriers dans une série de grèves, d'affrontements avec la police, d'attaques contre des bâtiments de l'Etat, et qui firent plusieurs morts.

"L'hélicoptère qui  devait  transporter sur place le président  Ceausescu pour  un  dialogue avec les mécontents  dans  les  régions minières  fut  lapidé".

Ce même rapport parle d'un accroissement de l'activité des oppositionnels dans les Républiques de la Baltique et dans d'autres parties de l'URSS, de la formation de syndicats "indépendants", et, par exemple, de la distribution de tracts en Estonie, appelant à une grève pour le début décembre en protestation à la montée des prix du 1er août. Des appels similaires ont été rapportés de Lithuanien et de Lettonie. Ce qui est assez significatif pour une région où les mystifications nationalistes et séparatistes sont très persistantes; le rapport explique que c'est la détérioration de la situation économique qui anime les ouvriers.

En même temps que la lutte du prolétariat, on a pu voir d'importantes explosions sociales dans des régions où le séparatisme et le nationalisme jouent un rôle important, mais où, maintenant plus que jamais, l'appauvrissement des ouvriers et des autres secteurs tend à devenir l'aspect dominant de la situation sociale. Ce qui se manifeste, par exemple, dans les violents affrontements qui ont eu lieu en Géorgie et dans le Kosovo(Yougoslavie) pendant le printemps 81.

Aujourd'hui, nous pouvons dire que le potentiel de généralisation de la lutte de classe en Europe de l'Est est de manière évidente plus élevé que jamais depuis les années 20, mais que l'accalmie relative de la lutte sur le front occidental en Europe (qui n'est que le calme avant la tempête !) ainsi que l'enfermement de la grève de masse en Europe de l'Est dans les limites de la frontière nationale par les oppositionnels, ont empêché le baril de poudre d'exploser. La perspective de luttes majeures dans les métropoles occidentales dans la période à venir et l'accélération de la crise qui se produit maintenant également en Allemagne de l'Est, en Tchécoslovaquie et en Hongrie, montrent que le potentiel pour la généralisation des luttes au niveau mondial s'accroit, en dépit de la grande contre-offensive de la bourgeoisie au niveau mondial dans le sillage de la Pologne.

VERS L'UNIFICATION DU PROLETARIAT MONDIAL

Du point de vue marxiste, la réalisation la plus révolutionnaire du capitalisme est d'avoir créé son propre fossoyeur : le prolétariat international, et d'avoir développé les forces productives à une échelle mondiale avec lesquelles le prolétariat pourra abolir la société de classe. Pour ce "service", nous serons éternellement reconnaissant à nos impitoyables exploiteurs et leur système barbare. Le capitalisme a créé les conditions matérielles préalables au communisme, mais seulement à une échelle mondiale. Le capitalisme a conquis le globe, non d'une manière planifiée, mais à travers des siècles de compétition qui ont créé la division du travail, l'interdépendance de chaque partie de l'économie mondiale. VOILA POURQUOI L'UNIFICATION INTERNATIONALE DU PROLETARIAT DANS LE PROCESSUS DE LA REVOLUTION MONDIALE EST LA CONDITION MATERIELLE PREALABLE LA PLUS DECISIVE POUR LE COMMUNISME.

Aujourd'hui, chaque lutte du prolétariat est une lutte contre le capitalisme comme un tout, parce que le système affronte les ouvriers, telle une seule et unique masse réactionnaire dont chaque partie est également pourrie. C'est pour cette raison que les ouvriers ne peuvent plus s'organiser de manière corporative ou nationale. Le secret de l'existence des conseils ouvriers dans les luttes de masse dans le capitalisme décadent est la poussée permanente, souterraine -mais visible à la surface- d'une tendance à l'unification de la classe ouvrière.

"Le prolétariat produit une nouvelle  forme d'organisation qui englobe la classe ouvrière dans sa 'totalité sans  distinction  de profession,  ni de maturité politique, un appareil élastique  qui  est capable de renouvellement, d'extension et  d'intégration  de nouveaux secteurs  de manière  constante".

Manifeste de l'Internationale Communiste.1919.

Les conseils ouvriers sont apparus dans le contexte de la grève de masse, de la généralisation autonome du combat prolétarien qui menace toujours de déborder les barrières érigées par le capitalisme. De plus, comme le résultat de l'immaturité des conditions subjectives pour la révolution mondiale, les conseils ouvriers ont également, de manière paradoxale, toujours reflété l'hétérogénéité du prolétariat mondial. Les conseils ouvriers de 1905 en Russie ont annoncé la fin de la période ascendante du capitalisme à une échelle mondiale. Mais ils ont mis aussi en évidence le rôle d'avant-garde du jeune prolétariat russe qui, autour d'un pôle de regroupement, le parti bolchevique, a poussé à la formation en 1919 de l'Internationale Communiste. De la même manière, durant la vague révolutionnaire de 17/23, les conseils ouvriers ont joué un rôle important dans les pays vaincus pendant la guerre. Les conseils ouvriers ont exprimé, pas seulement la lutte pour l'unité de la classe, mais également ses propres divisions dues aux conséquences de la guerre. De même, l'apparition des conseils ouvriers en Hongrie 1956 ne signifiait pas un signe de maturation de la classe ouvrière internationale, mais une continuité avec la vague révolutionnaire de 1917-23 qui touchait à sa fin. Les défaites des années 50 représentent la cassure définitive d'avec cette continuité. Les ouvriers en Hongrie se souviennent encore de l'expérience des conseils en 1919, mais comme cela a été exprimé dans un appel aux conseils :

"Non au  gouvernement  de Nagy ou de Kadar, oui a celui de Bêla Kun".

Aujourd'hui, les ouvriers en Pologne se sont confrontés à la résistance unifiée de la bourgeoisie mondiale, unie autour d'une stratégie de renforcement de ses fractions oppositionnelles de gauche comme Solidarnosc, organe de l'Etat bourgeois implanté parmi la classe ouvrière pour contrôler ses réactions. Du fait de cette unité de la bourgeoisie mondiale, il ne peut y avoir "de maillon faible de l'impérialisme" comme en Russie 1917. C'est pourquoi, il n'y a pas eu de conseils ouvriers en Pologne pendant le mouvement de 1980-81, non pas du fait de la faiblesse du secteur polonais de la classe, mais parce que la grève de masse qui a surgi a été l'expression la plus développée d'UNE MATURATION INTERNATIONALE, D'UNE REELLE HOMO­GENEISATION DU PROLETARIAT MONDIAL. En de telles circonstances, les conseils ouvriers et le parti de classe futur apparaîtront directement au niveau international; ils naîtront comme produit d'une prise de conscience grandissante de la nécessité de combattre et de détruire le capitalisme mondial.

Dans la perspective de la révolution mondiale, l'Europe devient la clef du futur, le centre du prolétariat mondial et des rivalités entre les blocs. Le prolétariat de l'Europe de l'Ouest jouera le rôle le plus crucial,

-du fait de sa concentration, de son niveau d'industrialisation et de culture; -du fait d'une grande expérience de la démocratie bourgeoise et des "syndicats libres", les armes les plus redoutables de la classe ennemie; -parce que les économies nationales de cette région du monde sont si intimement liées qu'une lutte limitée au cadre national devient vite une absurdité;

-parce que les ouvriers en Allemagne de 1'ouest ou en France parlent de cinq à dix langues, non dans différentes régions, mais dans une seule et même partie du pays, et ceci permet d'avoir une vision beaucoup plus globale des tâches de la classe ouvrière mondiale; -parce qu'une grève de masse peut se produire en Pologne et être tranquillement massacrée en Sibérie, tandis que si elle éclatait dans un pays majeur de l'ouest, elle paralyserait une grande partie de l'économie mondiale et ainsi forcerait les ouvriers, partout, à en tenir compte; -enfin, les ouvriers de l'ouest, se sont vus épargnés l'écrasement du double échec de la lutte de classe dans les années 20 et 50. C'est pourquoi, ils devront jouer le premier rôle dans la préparation de la REPUBLIQUE INTERNATIONALE DES CONSEILS et du parti communiste mondial futur.

La dernière vague révolutionnaire des années 20 s'est pratiquement terminée avec la suppression quasi totale du prolétariat révolutionnaire de Russie et d'Allemagne. Demain, la classe ouvrière d'URSS, plus grande, plus concentrée, plus puissante que jamais, prendra sa place au côté du combat révolutionnaire mondial de ses frères de classe. Et le prolétariat en Allemagne devra prendre en charge le rôle clé de charnière entre l'Est et l'Ouest, faisant voler en éclat le mur de Berlin, ce symbole d'un prolétariat mondial déchiré par deux guerres mondiales. L'isolement des ouvriers à l'Est touche à sa fin. Voilà la leçon de la lutte de classe du début des années 80.

Krespel. novembre 1981

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