Débat interne au CCI : Les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale (IV)

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

Pour la quatrième fois depuis la sortie de la Revue Internationale n° 133, nous publions des éléments du débat interne au CCI concernant l'explication de la période de prospérité ayant succédé à la Seconde Guerre mondiale.

Nous invitons le lecteur désirant connaître l'historique du débat et des articles publiés sur ce sujet à se reporter respectivement aux numéros 133, 135 et 136 de la Revue Internationale. L'article que nous publions aujourd'hui se revendique de la thèse dénommée Le Capitalisme d'État keynésiano-fordiste défendant l'idée que la prospérité des années 1950-60 a reposé sur la mise en œuvre de mécanismes keynésiens par la bourgeoisie. Il répond à deux articles publiés dans la Revue n° 136 qui, eux, défendaient respectivement pour l'un[1], l'idée que cette prospérité a fondamentalement été la conséquence de l'exploitation des derniers marchés extra capitalistes encore importants et d'un début de fuite en avant dans l'endettement (thèse Les marchés extra-capitalistes et l'endettement) et, pour l'autre[2], l'idée qu'elle avait été fondamentalement permise par le poids pris par l'économie de guerre et le capitalisme d'Etat dans la société.

Dans l'introduction à la publication de ces deux articles, nous dressions un panorama de l'évolution des discussions en présence en notant le fait que la thèse Le Capitalisme d'État keynésiano-fordiste "assume à présent ouvertement la remise en cause de différentes positions du CCI". Les camarades qui signent l'article publié ci-après ne sont pas d'accord avec une telle caractérisation et s'en expliquent [3].

Enfin, dans cette même introduction, nous signalions le fait que l'article Origine, dynamique et limites du capitalisme d'État keynésiano-fordiste, de la Revue n° 135 (en défense également de la thèse du Capitalisme d'État keynésiano-fordiste), n'était pas sans poser des problèmes concernant des manques évidents "de rigueur militante et scientifique notamment dans la référence aux textes du mouvement ouvriers, dans leur utilisation en vue de telle ou telle démonstration ou polémique", notamment à travers le l'altération du sens de certaines citations utilisées. Un tel problème ne découlait évidemment en rien de la nature de cette position comme en témoigne ce nouvel article, absolument irréprochable sur ce plan.

En défense de la thèse Le Capitalisme d'État keynésiano-fordiste (Réponse à Silvio et à Jens)

Nous continuons ici le débat entamé dans la Revue internationale nº 133 sur "... l'explication de la période de prospérité pendant les années 1950-60, qui a été une exception dans la vie du capitalisme depuis la Première Guerre mondiale...". Nous voulons répondre aux arguments des contributions des camarades Silvio et Jens, publiées dans le nº 136 de la Revue, ainsi qu'à la présentation de ces mêmes contributions qui nous semble contenir quelques malentendus.

Les divergences qui se discutent actuellement au sein de notre organisation se situent dans le cadre des positions défendues par les révolutionnaires dans la Deuxième et Troisième Internationales et au sein des Gauches communistes. Ce sont les contributions de Luxemburg, Boukharine, Trotski, Pannekoek, Bilan, Mattick entre autres. Nous savons qu'on ne peut concilier ces contributions car elles se contredisent sur divers aspects. Mais aucune de ces contributions n'explique complètement, à elle seule, le développement des Trente Glorieuses, pour la simple raison que leurs auteurs n'ont pas connu cette période (à l'exception de P. Mattick). Nous pensons cependant que tous ont contribué à la discussion que nous poursuivons en ce moment. Il est de la responsabilité des révolutionnaires aujourd'hui de continuer la discussion ouverte au sein du mouvement révolutionnaire afin de mieux comprendre les mécanismes qui facilitent ou freinent le développement du capitalisme, surtout pendant sa décadence.

Les auteurs de cet article défendent la thèse dite du "capitalisme d'État keynesiano-fordiste". Cette thèse a déjà été présentée, avec plus de détails, dans la Revue internationale no 135, par C.Mcl, auteur de la contribution. Celui-ci a décidé d'abandonner le débat et a rompu le contact avec nous. C'est pourquoi nous ne savons pas si la position que nous défendons ici est absolument identique à la sienne.

De quels faits parlons-nous ?

Pour poursuivre ce débat, nous voulons en premier lieu indiquer quelques faits historiques sur lesquels il n'a pas semblé jusqu'à présent y avoir de divergences parmi les trois positions exposées dans ce débat. Ce sont les suivants :

1) Entre les années 1945 et 1975, au moins dans la sphère des pays industrialisés du bloc dominé par les Etats-Unis, non seulement le PIB par habitant a crû comme jamais dans toute l'histoire du capitalisme[4], mais il y a aussi eu une augmentation des salaires réels de la classe ouvrière[5].

2) Dans la même période et dans la même sphère il y eut également une croissance constante de la productivité du travail, "les gains de productivité les plus importants de l'histoire du capitalisme, dus en particulier au perfectionnement du travail à la chaîne (fordisme), à l'automatisation de la production et leur généralisation partout où c'était possible"[6]. Pour le dire simplement : la technique et l'organisation de la production permettaient qu'un travailleur produise beaucoup plus qu'auparavant pendant une heure de travail.

3) Le taux de profit (c'est-à-dire le profit réalisé comparé au capital total investi) fut très élevé au cours de cette période, mais montra une fois de plus une tendance à la baisse à partir de 1969. Tous les camarades impliqués dans ce débat se référent sur ce thème aux mêmes statistiques[7].

4) Il y eut, au moins jusqu'en 1971, une concertation particulière, inconnue jusqu'alors dans l'histoire du capitalisme, entre tous les États du bloc dominé par les Etats-Unis (discipline de bloc, système de Bretton Woods[8]).

En ce qui concerne les trois premiers aspects, il faut être cohérent dans l'argumentation. Si nous sommes tous d'accord avec ces faits, nous ne pouvons pas faire un pas en arrière en insistant sur le fait que : "(...) la prospérité réelle des décennies 1950 et 60 n'a pas été aussi importante que veut bien le présenter la bourgeoisie, lorsqu'elle exhibe fièrement les PIB des principaux pays industrialisés de cette époque"[9]. Ce que nous présente la bourgeoisie sur cette période est une chose, mais nous ne pouvons pas résoudre le problème en disant que le problème n'existe pas, parce qu'il n'y a pas eu dans la réalité une telle croissance. Ce qui doit nous guider pour poursuivre ce débat, ce que nous devons clarifier pour nous et pour le reste des prolétaires qui n'ont pas le moindre intérêt à se masquer la réalité, c'est d'expliquer les mécanismes qui ont permis simultanément :

  • une accumulation sans interruption majeure (indépendamment des crises cycliques normales) ;
  • un taux de profit élevé ;
  • une croissance des salaires réels.

Si nous exagérons un aspect, ou si nous sous-estimons certaines difficultés, ce ne sont que des arguments relatifs (plus ou moins de quantité), alors que ce qui préoccupe est une question qualitative : comme est-il possible que le capitalisme décadent passe par une phase de prospérité d'une vingtaine d'années pendant laquelle les salaires augmentent et les profits sont élevés ?

Là est la question à laquelle nous devons répondre. 

Jusqu'à quel point la thèse du capitalisme d'État keynesiano-fordiste reste-t-elle en accord avec Rosa Luxemburg ?

La thèse du "capitalisme d'État keynesiano-fordiste" est surtout critiquée parce qu'elle rejette une partie de l'argumentation de Rosa Luxemburg, comme on peut le lire dans l'article qui présente cette thèse plus en détail dans la Revue internationale no 135. Il semblerait qu'il y ait une confusion sur la question de savoir jusqu'à quel point nous sommes d'accord avec Luxemburg. Ainsi, le camarade Jens, dans son article de la Revue internationale no 136, pense que C. Mcl a changé d'avis depuis l'article qu'il écrivit dans la Revue internationale no 127. Dans cet article, on expliquait déjà (au nom du CCI dans une polémique avec la CWO) que la réduction du marché solvable comparée avec les nécessités du capital "n'est évidemment pas (...) le seul facteur qui participe à l'origine des crises", indiquant en outre qu'il fallait aussi prendre en compte la loi de la tendance à la baisse du taux de profit et le déséquilibre dans le rythme d'accumulation entre les grands secteurs de la production.

Pour nous, la réalisation de la plus-value produite est effectivement un problème fondamental du capitalisme. Il n'y a pas seulement une explication de la crise capitaliste, mais de deux de ses causes essentielles (nous ne parlons pas ici pour l'instant du problème de la proportionnalité). Non seulement il existe le problème de la tendance à la baisse du taux de profit, conséquence de l'augmentation de la composition organique du capital, mais également (après l'acte de production et d'appropriation de la plus-value) il subsiste le problème de vendre le produit en réalisant une plus-value. C'est un des mérites de R. Luxemburg que d'avoir localisé la difficulté de la réalisation du produit par l'insuffisance de marchés solvables.

Le capitalisme est un système qui est contraint de se développer. L'accumulation n'est pas basée sur la reproduction simple mais sur la reproduction élargie. Dans chaque cycle, le capital doit élargir sa base, c'est-à-dire le capital constant et le capital variable. Le capitalisme s'est développé dans un environnement féodal, dans un milieu extra-capitaliste avec lequel s'établirent des relations pour obtenir les moyens matériels de son accumulation : matières premières, force de travail, etc.

Un autre des mérites de R. Luxemburg fut d'analyser les rapports entre la sphère capitaliste et le milieu extra-capitaliste. Nous ne sommes pas d'accord avec tous les arguments économiques de cette analyse (comme nous l'expliquerons dans la partie suivante), mais partageons ses idées centrales : le capitalisme détruit continuellement les autres modes de production se trouvant dans son environnement, la contradiction interne cherche une solution dans l'extension du domaine extérieur, il y a un changement qualitatif dans le développement du capitalisme à partir du moment où toute la planète est conquise par le capitalisme, c'est-à-dire une fois que s'est constitué le marché mondial. Le capitalisme a alors accompli sa fonction progressiste et entre dans sa phase de décadence. Comme le dit C.Mcl. dans la Revue internationale no 127 : Luxemburg précise "plus amplement la raison et le moment de l'entrée en décadence du système capitaliste. En effet, outre son analyse du lien historiquement indissoluble entre les rapports sociaux de production capitalistes et l'impérialisme, qui montre que le système ne peut vivre sans s'étendre, sans être impérialiste par essence, ce que Rosa Luxemburg précise davantage c'est le moment et la manière dont le système capitaliste entre dans sa phase de décadence. (...) L'entrée en décadence du système s'est donc caractérisée non par la disparition des marchés extra capitalistes mais par leur insuffisance eu égard aux besoins de l'accumulation élargie atteinte par le capitalisme."[10].

Chaque cycle de l'accumulation capitaliste exige-t-il des marchés extra-capitalistes ?

Dans le capitalisme ascendant, il est vrai que les marchés situés en dehors de la sphère capitaliste ont constitué pour celui-ci une issue pour la vente de ses marchandises à une époque de  surproduction. Déjà dans sa phase ascendante, le capitalisme avait souffert de ses contradictions internes et les avait dépassées, momentanément, d'une part à travers les crises périodiques et d'autre part grâce à la vente de produits (invendables dans la sphère capitaliste pure) à des marchés extra-capitalistes. Dans les crises cycliques provoquées par la baisse du taux de profit, plusieurs parties du capital sont dévalorisées permettant que se rétablisse une composition organique suffisamment utilisable pour que s'entame un autre cycle d'accumulation. Et, par ailleurs, dans la phase ascendante, l'environnement extra-capitaliste fournit au capitalisme "un exutoire pour la vente de ses marchandises en surproduction"[11], atténuant ainsi le problème de l'insuffisance de marchés solvables.

L'erreur de R. Luxembourg, c'est qu'elle fait de ces marchés extra-capitalistes et de la plus-value réalisée dans la vente à ceux-ci, l'élément indispensable de la reproduction élargie du capital. Le capitaliste produit pour vendre et non pas simplement pour produire. La marchandise doit trouver un acheteur. Et chaque capitaliste est avant tout un vendeur ; il n'achète que pour investir à nouveau, après avoir vendu son produit avec profit. En somme, le capital doit passer par une phase argent et, tant individuellement que pour être réalisées, les marchandises doivent être converties en argent, mais ni en totalité, ni au moment-même, ni annuellement comme l'envisage Luxemburg : une partie peut se maintenir sous sa forme matérielle, tandis que l'autre évolue à travers de multiples transactions commerciales pendant lesquelles une même quantité d'argent peut servir plusieurs fois pour la conversion de marchandises en argent, et d'argent en marchandises.

S'il n'y avait pas de crédit et s'il était nécessaire de réaliser en argent toute la production annuelle d'un seul coup sur le marché, alors, oui, il devrait exister un acheteur externe à la production capitaliste.

Mais ce n'est pas le cas. Il est évident que des obstacles peuvent survenir dans ce cycle (achat è production/extraction de plus-value è vente è nouvel achat). Il y a plusieurs difficultés. Mais la vente à un acheteur extra-capitaliste n'est pas une condition sine qua non de l'accumulation dans des conditions "normales", c'est seulement une issue possible s'il y a surproduction ou disproportion entre la production de moyens de production et celle des moyens de consommation, problèmes qui ne se manifestent pas à chaque moment.

Ce point faible de l'argumentation de R. Luxemburg a aussi été critiqué par des "luxemburgistes", comme Fritz Sternberg, qui parle à ce sujet "d'erreurs fondamentales, difficilement compréhensibles"[12]. Si ces erreurs de Rosa Luxemburg sont "difficilement compréhensibles" par les partisans du "luxemburgisme pur", c'est justement parce que ceux-ci ne prennent pas en considération ce point de la critique de Sternberg. Depuis le début des débats dans le CCI sur la décadence (années 1970), F. Sternberg est considéré comme une référence très importante, précisément parce qu'il est aussi considéré être luxemburgiste.

Le camarade Jens n'est pas d'accord avec l'idée de la thèse du "capitalisme d'État keynesiano-fordiste" qui affirme, selon lui, que "le marché extra-capitaliste ne constitue rien d'autre qu'une sorte de trop-plein pour le marché capitaliste lorsque celui-ci déborde."[13]. Pour éviter des malentendus : nous pensons que c'est précisément sur ce point que le luxemburgisme de Sternberg se différencie d'avec "le luxemburgisme pur" de Jens (et Silvio). Sur ce point, nous sommes d'accord avec Sternberg.

Pour nous, le mystère des Trente Glorieuses ne peut s'expliquer par des restes de marchés extra-capitalistes, alors que ceux-ci sont insuffisants depuis la Première Guerre mondiale en regard des nécessités de l'accumulation élargie atteinte par le capitalisme.

Comment fonctionne l'accumulation en présence d'une forte augmentation de la productivité ?

Pour la thèse du capitalisme d'État keynesiano-fordiste, la prospérité d'après la Seconde Guerre mondiale est la combinaison d'au moins trois facteurs essentiels :

  • des gains importants de productivité pendant une période de plus de deux décennies ;
  • une élévation importante des salaires réels pendant la même période ;
  • l'existence d'un capitalisme d'État développé (et coordonné au niveau supranational) pratiquant des politiques keynésiennes à d'autres niveaux également (et pas seulement sur le plan salarial).

Dans la Revue internationale no 136, le camarade Silvio se demande, perplexe : "Que signifie faire croître la production de profits ? Produire des marchandises et les vendre, mais alors pour satisfaire quelle demande ? Celle émanant des ouvriers ?"

Nous voulons répondre aux inquiétudes du camarade : si la productivité du travail augmente dans l'ensemble des industries, alors les moyens de consommation du travailleur sont diminués. Le capitaliste paye à ses travailleurs moins d'argent pour un même temps de travail. Le temps non payé au travailleur augmente, c'est-à-dire que la plus-value augmente. C'est-à-dire qu'augmente le taux de plus-value (qui n'est autre que le taux d'exploitation). Ce processus, Marx l'appela production de la plus-value relative. Si les autres facteurs se maintiennent (ou si le capital constant lui-même est en baisse), un accroissement de plus-value signifie aussi un accroissement du taux de profit. Si ce profit est suffisamment élevé, les capitalistes peuvent augmenter les salaires sans perdre tout l'accroissement de la plus-value extraite.

Or, la seconde question est celle du marché. Si on augmente le salaire du travailleur, il peut consommer plus. La force de travail, comme Marx l'indique, doit se reproduire. C'est la reproduction du capital variable (v), également nécessaire comme l'est la rénovation du capital constant (c). Par conséquent, le capital variable fait partie du marché capitaliste. Une augmentation générale des salaires signifie également un accroissement de ces marchés.

Il peut être répondu à ceci qu'un tel accroissement du marché est insuffisant pour réaliser toute la partie de la plus-value nécessaire à l'accumulation. Cela est vrai d'un point de vue général et à long terme. Nous, défenseurs de la thèse du capitalisme d'État keynesiano-fordiste, ne pensons pas avoir trouvé une solution aux contradictions inhérentes du capitalisme, une solution qui puisse se répéter à volonté. Notre analyse n'est pas une nouvelle théorie, mais une prolongation de la critique de l'économie capitaliste, une critique qu'a commencée Marx et qu'ont poursuivie d'autres révolutionnaires déjà cités.

Mais on ne peut nier qu'un tel accroissement du marché atténue le problème de l'insuffisance de la demande dans les conditions créées après la Seconde Guerre mondiale. Peut-être le camarade Silvio se demande-t-il encore d'où vient cette demande ? Une demande dans le capitalisme présuppose deux facteurs : une nécessité (désir de consommer) et la solvabilité (possession d'argent). Le premier facteur n'est presque jamais un problème, il y a toujours un manque de moyens de consommation. Le second facteur, au contraire, est un problème permanent pour le capitalisme - un problème qu'il parvient à atténuer précisément par la croissance des salaires pendant les Trente Glorieuses.

Mais l'extension du marché formé par les salariés n'est pas le seul facteur atténuant la pénurie de marchés au cours de cette période, il y a aussi eu l'augmentation des frais de l'État keynésien (par exemple les investissements dans des projets d'infrastructure, l'armement, etc.). Il s'agit d'une tripartition des accroissements du profit, d'une distribution des bénéfices obtenus grâce à l'augmentation de la productivité entre les capitalistes (profit), les ouvriers (salaires) et l'État (impôts). Il semble que le camarade Silvio soit d'accord avec nous là-dessus quand il affirme : "Il est vrai que la consommation ouvrière et les dépenses de l'État permettent d'écouler une production accrue". Il y voit toutefois un autre problème, la "conséquence, comme nous avons vu, une stérilisation de la richesse produite qui ne trouve pas à s'employer utilement pour valoriser le capital". Il se réfère ici à l'idée selon laquelle "augmenter les salaires au-delà de ce qui est nécessaire à la reproduction de la force de travail constitue purement et simplement, du point de vue capitaliste, un gaspillage de plus-value qui n'est en aucune manière capable de participer au processus de l'accumulation".

Ici le camarade confond deux sphères qu'il faut distinguer avant d'analyser la dynamique du processus général qui les unit :

  • un problème (dans la sphère de la circulation, des marchés) est la réalisation du produit obtenu. Il semble à ce niveau que Silvio nous donne raison s'il dit que la consommation ouvrière (comme les frais de l'État) permet de donner un débouché à une production croissante.
  • un autre problème est (dans la sphère de la production) la valorisation du capital de telle sorte que l'accumulation soit possible non seulement avec profit, mais avec toujours plus de profit.

Évidemment, l'objection du camarade sur le "gaspillage de plus-value" se situe au second niveau, celui de la production. Alors suivons-le (après avoir remarqué qu'il nous donne au moins partiellement raison au niveau des marchés), à l'usine, où le travailleur est exploité avec un salaire croissant. Que se passe-t-il si la plus-value augmente grâce à l'accroissement important de la productivité du travail ? (Nous faisons ici abstraction de la tripartition des profits, c'est à dire des impôts qui se transforment en frais de l'État. La bipartition entre capitaliste et travailleur est suffisante pour expliquer le mécanisme fondamental.) Le produit total d'une entité capitaliste (une entreprise, un pays, la sphère capitaliste dans sa totalité) pendant un certain temps, par exemple une année, peut être divisé en trois parties : le capital constant c, le capital variable v, et la plus-value pv. Si nous parlons d'accumulation, la plus-value n'est pas consommée dans sa totalité par le capitaliste, il doit en investir une partie dans l'extension de la production. La plus-value est alors divisée entre la partie consommée par le capitaliste (l'intérêt de son investissement : i) et la partie consacrée à l'accumulation (a) : pv = r + a. Cette seconde partie (a), nous pouvons la diviser à son tour entre la partie qui est investie dans le capital constant (ac) et la partie qui enrichit le capital variable (av) dans le prochain cycle de production : = ac + av. Le produit total de cette entité capitaliste se présente alors ainsi :

c + v + pv, ou :

+ v + (+ a), ou :

+ v + (+ ac + av).

Si le capitaliste obtient grâce à l'augmentation importante de la productivité une plus-value suffisamment grande, la partie ac peut grandir chaque fois davantage, même si la partie av croît "au-delà ce qui est nécessaire". Si, par exemple, les moyens de consommation baissent de 50 % et les heures non payées au travailleur augmentent de 3 à 5 heures (d'une journée de travail de 8 heures) grâce à l'effet de la production de plus-value relative, le taux de plus-value croît de 3/8 à 5/8, par exemple de 375 € à 625 €, bien que le travailleur ait une augmentation de 20 % de son salaire réel (son salaire représente d'abord le produit de 5 heures, ensuite avec une productivité double, le salaire représente le produit de 3 heures = 6 heures auparavant). La même chose survient avec une consommation accrue du capitaliste (parce que ses produits de consommation baissent aussi de 50 %) et la partie de la plus-value consacrée à l'accumulation peut croître. Et la partie ac peut aussi croître année après année même si la partie av croît "au-delà du nécessaire", sous réserve que la productivité du travail continue à augmenter au même rythme. Le seul effet "nuisible" de ce "gaspillage de plus-value" réside dans le fait que l'augmentation de la composition organique du capital est plus lente que le rythme frénétique qu'elle aurait sinon : la croissance de la composition organique implique que la partie ac croisse plus rapidement que la partie av ; si la partie av grandit "au-delà du nécessaire", cette tendance est freinée (elle peut même être annulée ou inversée), mais on ne peut pas affirmer que ce "gaspillage de plus-value" ne prenne en aucune manière part au processus d'accumulation. Au contraire, cette distribution des profits obtenus par l'augmentation de la productivité participe pleinement de l'accumulation. Et non seulement cela, elle atténue précisément le problème identifié par R. Luxemburg dans le chapitre 25 del'Accumulation du capital, où elle fait valoir fermement qu'avec la tendance vers une composition organique du capital toujours plus grande, un échange entre les deux secteurs principaux de la production capitaliste (production de moyens de production d'une part, de moyens de consommation de l'autre) est impossible à long terme[14]. Après peu de cycles, il reste déjà un reliquat invendable dans le second secteur de l'économie capitaliste, celui de la production de moyens de consommation. La combinaison du fordisme (augmentation de la productivité) avec le keynesianisme (augmentation des salaires et augmentation des frais de l'État) aide à freiner cette tendance, atténue le problème de la surproduction dans ce secteur II et le problème des proportionnalités entre les deux branches principales de la production. Les leaders de l'économie occidentale ne pouvaient pas éviter l'arrivée de la crise à la fin des années 60, mais pouvaient ainsi la retarder.

Nous ne pouvons abandonner ce sujet sans mentionner que le camarade Silvio nous a laissés perplexes. Il semblerait qu'il ait compris au niveau théorique ce que nous venons d'expliquer, c'est-à-dire le mécanisme de la production de plus-value relative comme base idéale pour une accumulation la plus interne possible et la moins externe possible, quand il dit : "pourvu qu'il existe des gains de productivité suffisamment élevés permettant que la consommation augmente au rythme de l'augmentation de la productivité du travail, le problème de la surproduction est réglé sans empêcher l'accumulation puisque, par ailleurs, les profits, également en augmentation, sont suffisants pour assurer l'accumulation"[15]. Nous supposons que Silvio sait ce qu'il dit ou, du moins, qu'il comprend ce qu'il vient de dire, car c'est là sa propre formulation, conclusion de la citation de Marx sur les "Théories sur la plus-value", volume 2 (une citation qui bien sûr ne prouve rien par elle-même). Mais Silvio ne répond pas à ce niveau théorique ou, du moins, ne se prête pas à suivre la logique même de l'argument, il préfère changer de sujet et porte l'objection : "Marx, de son vivant, n'avait jamais constaté une augmentation des salaires au rythme de la productivité du travail, et pensait même que cela ne pouvait pas se produire. Cela s'est pourtant produit à certains moments de la vie même du capitalisme, mais ce fait ne saurait en rien autoriser d'en déduire que le problème fondamental de la surproduction, tel que Marx le met en évidence, s'en serait pour autant trouvé résolu, même momentanément". Quelle réponse ! Nous sommes sur le point de tirer la conclusion d'un raisonnement - mais, au lieu de vérifier ou de contredire la conclusion d'une série de faits, nous continuons à parler sur sa probabilité ou son improbabilité empirique. Comme s'il avait senti que cela n'était pas satisfaisant, le camarade riposte par anticipation : "En effet, le marxisme ne réduit pas cette contradiction que constitue la surproduction à une question de proportion entre augmentation des salaires et celle de la productivité" L'autorité de Marx ne suffisant pas, il faut celle du "marxisme". Un appel à l'orthodoxie ! Laquelle ?

Soyons plus conséquents dans le raisonnement, plus ouverts et osés dans les conclusions !

La valeur des schémas de l'accumulation capitaliste

Dans le second volume du Capital, Marx présente le problème de la reproduction élargie (c'est à dire de l'accumulation) en termes de schémas, par exemple :

Secteur I : 4000c + 1000v + 1000pv = 6000

Secteur II : 1500c + 750v + 750pv = 3000.

Nous sollicitons l'indulgence et la patience du lecteur pour la lourdeur que suppose la lecture et la compréhension de ces schémas. Mais nous pensons qu'ils ne doivent pas faire peur.

Le secteur I est la branche de l'économie qui produit les moyens de production, le secteur II celui où se produisent les moyens de consommation. 4000c est la quantité de valeur produite dans le secteur I pour la reproduction du capital constant (c) ; 1000v est la somme des salaires payés dans le secteur I ; 1000pv est la plus-value extraite des ouvriers dans le secteur I - de même pour l'autre secteur. Pour la reproduction élargie, il est essentiel de respecter la proportionnalité entre les différentes parties des deux secteurs. Les travailleurs du secteur I produisent, par exemple, des machines, mais ont besoin, pour leur propre reproduction, de moyens de consommation qui sont produits dans  l'autre branche. Il y a un échange entre les deux entités, selon certaines règles. Si, par exemple, la moitié de la plus-value du secteur I (1000pv) est utilisée pour l'extension de la production et la composition organique reste inchangée, il est déjà alors défini que des 500pv réinvestis, 400 sont consacrés à l'amplification du capital constant et 100 seulement à l'augmentation de la masse salariale dans ce secteur. Ainsi Marx a donné comme exemple du second cycle :

I : 4400c + 1100v + 1100pv = 6600

II : 1600c + 800v + 800pv = 3200

Et il a poursuivi avec des schémas possibles de divers cycles d'accumulation. Ces schémas ont été élargis, critiqués et affinés par Luxemburg, Bauer, Boukharine, Sternberg, Grossmann et d'autres encore. Ce que nous pouvons en tirer est une certaine loi qui peut se résumer par la formule :

Si nous avons

Un secteur I avec : c1 + v1 + i1 + ac1 + av1

Un secteur II avec : c2 + v2 + i2 + ac2 + av2, la reproduction élargie exige que :

c2 + ac2 = v1 + i1 + av1. [16]

Où : la valeur du capital constant dans le secteur II (c2) plus la partie de plus-value dans ce même secteur consacrée à l'élargissement du capital constant (ac2)[17]  doit être échangé avec la valeur du capital variable du secteur I (la masse salariale, v1) plus la production des capitalistes du même secteur (i1) plus la partie de la plus-value de ce secteur consacrée à l'emploi de nouveaux travailleurs (av1) [18].

Ces schémas ne tiennent pas compte de certains facteurs, par exemple :

1) Le fait que cette économie ait besoin de conditions pour son expansion "permanente" ; elle exige toujours plus de travailleurs et de matières premières.

2) Le fait qui il n'y ait pas d'échange direct entre les diverses entités mais échange de transactions par l'intermédiaire de l'argent, la marchandise universelle. Par exemple, l'entité de produits matérialisés dans la valeur ac1 doit être échangée avec elle-même : ce sont des moyens de production qui sont nécessaires dans le même secteur, il faut les vendre puis les acheter avant de pouvoir les utiliser.

En même temps les schémas ont certaines conséquences relativement gênantes, comme par exemple le fait que le secteur II n'a aucune autonomie face au secteur I. Le rythme de croissance du secteur de la production de moyens de consommation, ainsi que sa composition organique, dépendent totalement des proportions dans l'accumulation du secteur I[19].

Nous ne pouvons pas obliger les partisans de la nécessité des marchés capitalistes à voir un certain problème, c'est-à-dire à voir ce que Marx a recherché avec les schémas de l'accumulation capitaliste. Au lieu de regarder les différents problèmes, en les replaçant chacun dans leur lieu spécifique, ils préfèrent mélanger les différentes contradictions en insistant de façon permanente sur un aspect du problème : qui achète en fin de comptes la marchandise nécessaire à l'extension de la production ? C'est une fixation qui les aveugle. Mais si on veut suivre la logique même des schémas tels que Marx les a présentés, on ne peut alors s'opposer à la conclusion suivante :

Si les conditions sont celles que les schémas présupposent et si nous en acceptons les conséquences (conditions et conséquences qui peuvent être analysées séparément), par exemple un gouvernement qui contrôle toute l'économie peut théoriquement l'organiser de telle sorte que l'accumulation fonctionne selon le schéma : c2 + ac2 = v1 + i1 + av1. À ce niveau, il n'y a aucune nécessité de marchés extra-capitalistes. Si nous acceptons cette conclusion, nous pouvons analyser séparément (c'est-à-dire les distinguer)  les autres problèmes, par exemple :

1) Comment une économie dans un monde nécessairement limité peut-elle croître en permanence ?

2) Quelles sont les conditions de l'utilisation de l'argent ? Comme l'argent peut-il interférer efficacement dans les différents actes de transformation d'un élément du capital global en un autre ?

3) Quels sont les effets d'une composition organique croissante (quand le capital constant croît plus rapidement que le capital variable) ?

4) Quels sont les effets de salaires qui croissent "au-delà du nécessaire" ?

Il est clair, comme l'a dit Rosa Luxemburg, que les schémas mathématiques ne prouvent rien en soi, pas plus la possibilité que l'impossibilité de l'accumulation. Mais si nous savons précisément ce qu'ils disent (et de quoi ils sont l'abstraction), nous pouvons distinguer les différents problèmes. Luxemburg a étudié aussi les trois premiers problèmes énumérés ici. Elle a surtout contribué à analyser les questions 1) et 3). Mais en ce qui concerne le problème 2), elle a confondu différentes contradictions et les a résumées en une seule difficulté, celle de la réalisation de la partie de la plus-value consacrée à l'extension de la reproduction : la transformation en argent non seulement est un problème pour cette partie du produit global (ac1, av1,ac2 et av2), mais pour tous les éléments de la production (aussi c1, v1, c2, v2 et même de la production : le propriétaire de l'usine de chocolat ne peut manger uniquement du chocolat). Cette transformation des marchandises en argent, et ensuite d'argent en nouveaux éléments matériels de la production peuvent échouer. Chaque vendeur doit trouver son acheteur, chaque vente est un défi - ceci est un problème distinct qui peut théoriquement être séparé de l'autre problème (numéro 1) : la nécessité de la croissance de la sphère du mode de production capitaliste, qui contient aussi la nécessité de la croissance du marché. Une telle croissance doit obligatoirement se réaliser au détriment des sphères[20] extra-capitalistes. Mais cette croissance présuppose seulement que le capitalisme dispose de tous les éléments matériels pour sa production élargie (force de travail, matières premières, etc.) ; ce problème n'a rien voir avec la vente d'une partie de la production capitaliste à des producteurs de marchandises non capitalistes. Comme nous l'avons dit précédemment : la vente à des marchés extra-capitalistes peut atténuer les problèmes de la surproduction, mais n'est pas constitutive pour l'accumulation.

 Quelle est notre attitude face à la plate-forme du CCI ?

Dans la présentation de la discussion dans la Revue internationale no 136, la Rédaction a tenté d'opposer certaines positions de la Thèse "capitalisme d'État keynesiano-fordiste" aux positions du CCI, particulièrement avec notre plate-forme. Cette tentative est peut être motivée par certaines notes de C.Mcl dans la version complète de son article pour la Revue internationale no 135, version qui existe seulement sur notre site en français[21]. C.Mcl critique certaines formulations du point 3 de la plate-forme. Il les critique d'un point de vue théorique sans proposer de formulations alternatives. Nous ne connaissons pas l'attitude actuelle de C.Mcl par rapport à la Plate-forme, puisqu'il a abandonné la discussion. Nous ne pouvons pas parler pour lui. Mais nous sommes d'accord avec notre Plate-forme qui a été conçue, dès son origine, pour intégrer tous ceux qui sont d'accord avec l'analyse selon laquelle le capitalisme est entré dans sa phase de décadence avec la Première Guerre mondiale. Le point 3 de la Plate-forme ne prétendait en aucun cas exclure les révolutionnaires qui expliquent la décadence par la baisse tendancielle du taux de profit, bien que la formulation de ce point ait des accents "luxemburgistes". Si le point 3 de notre Plate-forme est quelque chose comme le dénominateur commun entre les marxistes révolutionnaires qui expliquent la décadence par l'insuffisance de marchés extra-capitalistes et ceux qui l'expliquent par la baisse tendancielle du taux de profit, nous ne voyons aucune raison de sortir de ce cadre parce que nous défendons non seulement une mais les deux idées, chacune dans leur dynamique propre. En ce sens nous n'avons aucun intérêt à avoir une Plate-forme qui exclut l'une ou l'autre des positions qui donnent une explication à l'entrée du capitalisme dans sa décadence. Une formulation comme l'actuelle est préférable, bien qu'avec l'avancée de la discussion sur les Trente Glorieuses, on puisse trouver une formulation qui reflète de façon plus consciente les différentes analyses de la décadence du capitalisme.

Dans ce même sens, nous voulons clarifier notre position relative à la présentation dans la Revue internationale no 136 de "la remise en question de différentes positions du CCI" par la thèse du "capitalisme d'État keynesiano-fordiste". Sous le titre "L'évolution des positions en présence" sont signalées trois prétendues contradictions entre les arguments de la plate-forme et la Thèse du "capitalisme d'État keynésiano-fordiste", contradictions que nous voulons clarifier. Nous citons les paragraphes critiques de la présentation :

1) "Ainsi, pour cette thèse : (celle du capitalisme d'État keynésiano-fordiste)

"Le capitalisme produit en permanence la demande sociale qui est la base du développement de son propre  marché", alors que, pour le CCI,"contrairement à ce que prétendent les adorateurs du capital, la production capitaliste ne crée pas automatiquement et à volonté les marchés nécessaires à sa croissance" (Plate-forme du CCI)."

Bien qu'on trouve la citation :" Le capitalisme produit en permanence la demande sociale qui est la base du développement de son marché propre" dans la Revue internationale nº 135, on ne peut isoler cette idée de son contexte. Comme on l'a vu dans la précédente partie du présent texte, le capitalisme (pour nous, mais aussi pour ceux qui expliquent la décadence uniquement par la baisse tendancielle du taux de profit) a une dynamique propre d'extension de son marché. Mais aucun des défenseurs de la thèse du "capitalisme d'État keynésiano-fordiste" n'a affirmé que ces marchés sont suffisants. Ils peuvent offrir une issue momentanée, mais il n'y a pas dépassement de la contradiction élémentaire : le marché croît moins rapidement que la production.

2) "L'apogée du capitalisme correspond à un certain stade de "l'extension du salariat et sa domination par le biais de la constitution du marché mondial". Pour le CCI, par contre, cette apogée intervient lorsque les principales puissances économiques se sont partagé le monde et que le marché atteint "un degré critique de saturation des mêmes débouchés qui lui avaient permis sa formidable expansion du 19ème siècle." (Plate-forme du CCI)"

Le second point des prétendues divergences de notre position avec celles du CCI se réfère à l'entrée du capitalisme dans sa phase décadente. La thèse du "capitalisme d'État keynésiano-fordiste" est totalement d'accord sur le fait que l'apogée est atteinte quand les principales puissances économiques se sont partagé le monde. La seule différence entre le "luxemburgisme" de la plate-forme et nous se trouve dans le rôle des marchés extra-capitalistes. Mais évidemment, cette divergence est bien moindre que celle des défenseurs de l'analyse de la baisse tendancielle du taux de profit comme unique facteur de l'entrée en décadence (Grossmann, Mattick).

3) "L'évolution du taux de profit et la grandeur des marchés sont totalement indépendantes, alors que, pour le CCI, "la difficulté croissante pour le capital de trouver des marchés où réaliser sa plus-value, accentue la pression à la baisse qu'exerce, sur son taux de profit, l'accroissement constant de la proportion entre la valeur des moyens de production et celle de la force de travail qui les met en œuvre." (idem)."

Par rapport à ce dernier point, nous pouvons dire que nous sommes globalement d'accord avec la présentation bien que nous ne parlions pas d'indépendance "totale" mais "théorique". Nous avons toujours dit que le taux de profit influence les marchés et réciproquement, mais ce sont deux facteurs "non liés théoriquement".

Les conséquences des divergences

Quelles sont les conséquences des divergences ? À première vue, aucune.

Nous avons évidemment une interprétation différente de certaines dynamiques dans l'économie capitaliste. Ces différences peuvent aussi nous amener à des divergences sur d'autres aspects, par exemple dans l'analyse de la crise actuelle et des perspectives immédiates du capitalisme. L'appréciation du rôle du crédit dans la crise actuelle, l'explication de l'inflation et le rôle de la lutte de classes nous paraissent être des sujets qui peuvent être analysés différemment selon les positions diverses de ce débat sur les Trente Glorieuses.

Malgré les divergences exposées dans ce débat, tant dans au cours du XVIIe Congrès qu'au cours du XVIIIe,  nous discutons de la crise économique actuelle et votons ensemble pour les mêmes Résolutions sur la Situation internationale. Même si différentes analyses sur les mécanismes fondamentaux de l'économie capitaliste coexistent dans l'organisation, nous pouvons parvenir à des conclusions très semblables quant aux perspectives immédiates et aux tâches des révolutionnaires. Cela ne veut pas dire que le débat n'est pas nécessaire, mais au contraire qu'il exige de nous patience et capacité de nous écouter mutuellement avec un esprit ouvert.

Salome et Ferdinand (04/06/09)


[1] Les bases de l'accumulation capitaliste

[2] Économie de guerre et capitalisme d'État

[3] L'article ci-après (Réponse à Silvio et à Jens, cosigné Salome et Ferdinand) signale le fait que certaines notes à l'article de C. Mcl, Origine, dynamique, et limites du capitalisme d'Etat keynésiano-fordiste, présentes dans sa version française, n'ont pas été transcrites en anglais ni en espagnol. Nous remédierons à ces défauts sur notre site dans ces langues, de manière à rendre le plus limpide possible les termes de ce débat et du fait en particulier que, comme le signalent Salome et Ferdinand, C.Mcl "critique certaines formulations du point 3 de la plate-forme", "d'un point de vue théorique sans proposer de formulations alternatives".

[4] Revue internationale no 133, "Débat interne dans le CCI" (voir note 1).

[5] Revue internationale no 136, "Débat interne au CCI : les causes de la prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale (III) ; les bases de l'accumulation capitaliste" (de Silvio), citant P. Mattick.

[6] Revue internationale  no 133, "Débat...", partie Les marchés extra-capitalistes et l'endettement.

[7] Revue internationale  n°121, Crise économique : la descente aux enfers.

[8] Pour davantage d'informations sur les Accords de Bretton Woods, consulter par exemple la contribution de "papamarx".

[9] Silvio, Revue internationale no 136.

[10] Revue internationale no 127, "Réponse à la CWO - la guerre dans la phase de décadence du capitalisme".

[11] Revue internationale no 135, "Débat interne dans le CCI - les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale" (II).

[12] Fritz Sternberg, El imperialismo; Siglo XXI editores, p. 75.

[13] Revue internationale no 136. "Débat interne dans le CCI - les causes de la période de prospérité consécutive à la Seconde Guerre mondiale" (III), Economie de guerre et capitalisme d'Etat

[14] F. Sternberg considère ce point de réflexion de R. Luxemburg comme le plus important de "tous ceux qui ont soigneusement été évités par ceux qui critiquent Rosa Luxemburg" (Fritz Sternberg, El imperialismo ; Siglo XXI editores, p 70).

[15] Revue internationale n° 136.

[16] Par exemple Nicolas Boukharine, L'Impérialisme et l'accumulation du capital, réponse à Rosa Luxemburg, chapitre III.

[17] Ces deux éléments étaient produits dans le secteur II, c'est à dire se retrouvent sous forme de moyens de consommation.

[18] Ces trois éléments sont trouvés sous forme de moyens de production, et doivent être achetés finalement dans l'une ou l'autre manière par les capitalistes du secteur II ("changé" par c2 + a2c).

[19] Nous pensons que là se trouve la raison économique de la souffrance des travailleurs exploités sous le stalinisme (ou le maoïsme) : ce capitalisme d'État très rigide a forcé au maximum l'industrialisation en privilégiant le secteur I, ce qui a laissé le secteur de la production des moyens de consommation à un niveau réduit au minimum.

[20] Une sphère n'est pas nécessairement un marché : laver et repasser des vêtements à la maison sont des activités dans une sphère extra-capitaliste. Cette sphère peut être conquise par le capitalisme si le salaire est suffisamment haut pour permettre au travailleur de porter le vêtement sale à la blanchisserie. Mais il n'y a aucun marché extra-capitaliste dans cet exemple.

[21] https://fr.internationalism.org/rint133/debat_interne_causes_prosperite_consecutive_seconde_guerre_mondiale_2.html, notes 16, 22, 39, 41.

Questions théoriques: