Face au “changement”, il n’y a pas d’autre choix que la lutte

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Nous publions, ci-dessous, la “Résolution sur la situation en France” que le XXe Congrès de Révolution internationale, section du CCI en France, a récemment adoptée.

Se trouve déjà confirmée, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, la poursuite de l’austérité. Contrairement aux mensonges de la campagne électorale, il n’existe aucune “sortie du tunnel” et la “croissance” promise n’est que celle du chômage et de la pauvreté  ! Dans ce contexte de faillite généralisée, une cynique guerre des chefs déchire le principal parti de droite. Ce symbole d’une société qui pourrit sur pied illustre à quel point le seul avenir réside définitivement dans les futurs combats de la classe ouvrière.

1. 

Comme l’ensemble des grands pays européens, la France, subit l’impact de la très violente aggravation de la crise que connaît le capitalisme mondial depuis 2008. Cette aggravation est en train de franchir une nouvelle étape depuis la fin 2011 qui provoque une chute de la production dans la plupart des pays européens, notamment en France puisque depuis le quatrième trimestre 2011, les chiffres officiels annoncent que la croissance économique de ce pays est nulle.

Le fait que le taux de croissance en France ait moins baissé que dans les autres pays entre la fin 2009 et la fin 2011 devait déboucher sur une aggravation ultérieure plus importante : les amortisseurs sociaux et la faiblesse des plans d’austérité menés de 2008 à 2012 par l’équipe Sarkozy ont certes permis un plus faible impact immédiat de la crise sur la population, et notamment sur la classe ouvrière, mais ils ont été un facteur de détérioration accrue de la situation pour le capital français. Ainsi, la dette publique sera de 91 % fin 2012 alors qu’elle n’était que de 77,6 % en 2009 et cette évolution a, dès à présent, abouti à la suppression par l’agence Standard and Poor’s de la note AAA de la dette publique française signifiant que la signature de l’Etat français n’était plus tout à fait crédible.

Mais, surtout, cette dégradation de la situation du capital français par rapport à ses concurrents se traduit par un déficit commercial et une diminution des parts du marché mondial de la France qui sont passés de 5 % en l’an 2000 à 3,5 % en 2011 ce qui fait dire à l’économiste P. Artus que “La France détient le record du monde des pertes de parts de marché” 1.

2. 

L’affaiblissement de la compétitivité du capital français est amplifié par l’aggravation de la crise économique, mais elle a des causes plus anciennes. Elles proviennent de certaines caractéristiques propres à la bourgeoisie française : elle craint, depuis l’immense mouvement de mai 68, l’éventualité de luttes massives de la classe ouvrière si elle mène de trop fortes attaques de ses conditions de vie. C’est pour cela que la “politique de rigueur” prévue par la présidence Sarkozy n’étaient que de 29 milliards d’euros en 2012, c’est-à-dire un niveau bien inférieur à ce qu’ont réalisé des pays comme le Royaume-Uni et l’Italie, ou l’Allemagne il y a 10 ans.

Le poids de la petite bourgeoisie est encore important sur les partis de la droite française dont certaines fractions (ce fut le cas en particulier de J. Chirac) ne comprennent pas l’importance de la recherche-développement pour le capital des pays développés. C’est la raison pour laquelle cette dernière a baissé en pourcentage du PIB à partir de 2003.

Même si la bourgeoisie française a rattrapé partiellement ces handicaps en renforçant l’intensité du travail ce qui permet une productivité horaire très forte (dont un des résultats est un taux de suicide au travail en France parmi les plus élevés au monde), ce rattrapage n’est que partiel. Les entreprises, pour rester compétitives sont obligées de rogner sur leur taux de profit ce qui handicape leur possibilité d’investissement et accroît d’autant plus les pertes de compétitivité.

Dans ces conditions, dans le cadre d’une crise économique qui ne cesse de s’approfondir, le capital français n’a pas d’autre solution que de tenter de mener des attaques économiques de bien plus grande ampleur contre la classe ouvrière. C’est ce qu’est en train de faire le gouvernement Ayrault avec le dernier plan d’austérité de 37 milliards d’euros, soit plus de 1,7 % du PIB. Ce plan va représenter l’attaque la plus violente contre la classe ouvrière depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et comme nous le montre la situation de l’Espagne ou de la Grèce, de tels plans d’austérité ne peuvent que diminuer la demande et aggraver la situation du capital national, ce qui oblige à de nouveaux plans d’austérité. Contrairement à ce que les hommes politiques nous ont répété depuis quarante ans, le “bout du tunnel” n’est pas en vue ; le capitalisme est dans une impasse et la crise précipite la classe ouvrière de tous les pays vers une dégradation sans fin de ses conditions de vie, dégradation qui s’est accélérée de façon considérable ces dernières années.

3. 

En France, un des impacts les plus significatifs de l’aggravation de la crise depuis 2008 est une augmentation massive du chômage. Entre janvier 2008 et septembre 2012, le nombre de chômeurs à temps complet a augmenté d’un million pour dépasser aujourd’hui 3 millions. Et si l’on compte les chômeurs à temps partiel ce sont plus de 5 millions de personnes qui sont touchées.

Cette explosion du chômage n’est qu’une des raisons expliquant l’appauvrissement rapide d’une grande partie de la classe ouvrière ; le développement de la précarité, la baisse des salaires et l’exclusion de tous les régimes sociaux en sont les autres causes. Aujourd’hui, 9 millions de personnes (parmi lesquelles un tiers de familles monoparentales) vivent sous le seuil de pauvreté et 3,7 millions vivent avec moins de 600 euros par mois 2, et ce alors que le prix du logement engouffre une grande partie de leur revenu.

En fait, les mesures fiscales et de réduction des dépenses de santé du plan Ayrault rendent encore plus évident un phénomène partout à l’œuvre ces dernières années : ce sont les conditions de vie de l’ensemble de la classe ouvrière qui sont tirées vers le bas par l’aggravation de la crise et cela met toujours plus clairement en évidence que la situation de la classe ouvrière en Espagne et en Grèce montre l’avenir de la classe ouvrière en France.

4. 

Comme pour beaucoup d’autres pays, les conséquences de l’approfondissement de la crise sur la vie de la très grande majorité de la population ont provoqué en France une alternance politique. A cette tendance générale s’est ajouté le fait qu’une grande partie de la bourgeoisie ne souhaitait pas que N. Sarkozy garde le pouvoir, et ce pour plusieurs raisons :

– les initiatives brouillonnes et contradictoires qu’il a prises pendant son quinquennat ont globalement provoqué une dégradation de la position du capital français tant sur le terrain économique qu’au plan impérialiste ;

– du fait de l’agressivité et du rejet des couches ouvrières les plus déshéritées (chômeurs, immigrés), dont N. Sarkozy a fait un des thèmes majeurs de sa propagande, sa réélection aurait été ressentie par une partie importante de la classe ouvrière comme une provocation inutile ou même dangereuse.

Mais, en même temps, cette agressivité a permis à la bourgeoisie de faire de l’anti-sarkozysme un thème important en vue de mobiliser pour une campagne électorale dans laquelle le candidat socialiste –  sachant la gravité de la situation du capital français  – a tenté de ne promettre que le moins possible.

Le thème majeur de la campagne du candidat F. Hollande a été qu’il mènerait une politique de croissance, c’est-à-dire de relance, prenant le contre-pied de la politique de son prédécesseur. A l’encontre de cette promesse, c’est un plan d’austérité qui a été décidé et qui, de plus, n’est qu’une amplification de celui mené par le gouvernement Fillon-Sarkozy. Quant à la promesse d’une renégociation du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en zone Euro (TSCG), elle s’est envolée dès le candidat élu. Seul a été sauvegardée, lors du sommet de l’Euro du 19 juin, l’idée d’une “relance européenne” (permettant que ne soient pas reniées en quelques semaines toutes les promesses du candidat) mais les 100 milliards de dépenses supplémentaires décidées devront être, il va de soi, financées ce qui ne peut qu’ajouter à la montagne de dettes qui menace en permanence la finance et l’économie mondiales. D’autre part, si, à l’occasion de ce sommet, Hollande paraît s’être plus rapproché des pays de la zone euro en difficulté (Italie et Espagne) que ne l’avait fait Sarkozy, c’est d’abord parce que l’Allemagne ne peut plus maintenir, comme elle le faisait, la défense d’une politique d’austérité rigide car il est chaque jour plus évident qu’une telle politique ne peut que provoquer l’éclatement de la zone Euro.

5. 

Si la nouvelle équipe au pouvoir ne retombe pas dans la politique faite d’improvisations et de coups de menton qui était celle de Sarkozy, le contenu de la politique impérialiste des deux équipes est fondamentalement la même.

Tout d’abord, l’arrivée de Sarkozy au pouvoir a impliqué un rapprochement avec les Etats-Unis, et donc une rupture avec la politique d’opposition à cette puissance que la France pratiquait depuis l’effondrement de l’URSS. Le fait le plus marquant de cette politique est le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. La déstabilisation du monde arabe a accru le besoin de ce rapprochement car les deux pays y ont des positions à défendre alors que cette déstabilisation peut être utilisée par l’Iran, la Chine et la Russie pour avancer leurs propres positions. Malgré toutes les proclamations de F. Hollande sur le retrait des troupes françaises d’Afghanistan qui n’est intervenu que quelques mois avant la date prévue par N. Sarkozy, la nouvelle équipe au pouvoir pratique par rapport aux Etats-Unis la même politique ; elle est d’ailleurs célébrée, non sans prétention, par F. Hollande : “Quand les Etats-Unis et la France sont d’accord, le monde avance”. Ainsi, la nouvelle place de la France dans l’OTAN n’a pas été remise en cause et les deux pays sont conjointement en train d’organiser une force d’intervention au Mali et ont la même position par rapport à la Syrie.

En Europe, l’affaiblissement éco­nomique de la France par rapport à l’Allemagne la pousse à défendre toujours plus l’existence de l’Union européenne et de la zone Euro car les institutions européennes sont un tremplin important pour que l’impérialisme français puisse avoir un certain poids dans l’arène mondiale. C’est pour cela que la défense des institutions européennes, malgré les désaccords qui existent entre la France et l’Allemagne sur la gestion économique de la zone euro, ont été et sont un élément important de la politique impérialiste tant de la présidence de N. Sarkozy que de celle de F. Hollande.

Sur le continent africain, F. Hollande, comme N. Sarkozy l’avait fait avant lui, fait tout pour maintenir une influence importante de l’impérialisme français dans les zones qui étaient ses chasses gardées et qui sont aujourd’hui les cibles d’autres grandes puissances comme les Etats-Unis et la Chine. La puissance américaine a déjà pris le dessus dans la région des Grands Lacs alors qu’elle s’implante de plus en plus au Sahel (bases militaires américaines en Mauritanie et au Burkina Faso) et au Maghreb (“facilités militaires” en Algérie) et qu’elle porte une responsabilité dans le présent chaos malien pour être proche tant du responsable du récent coup d’Etat, le capitaine Sanago, que du président destitué Amadou Toumani Touré. En même temps, la Chine a supplanté la France et les Etats-Unis en termes d’échanges commerciaux avec le continent africain et on voit s’accroître son influence diplomatique dans plusieurs pays francophones (Côte d’Ivoire, Gabon, Niger, RDC, etc.). C’est ce qui permet de comprendre que le rapprochement franco-américain s’applique aussi à l’Afrique malgré les croupières que la puissance américaine a taillées dans les intérêts français et c’est dans cette logique que l’on a vu la France et les Etats-Unis coopérer dans les guerres civiles en Côte d’Ivoire et en Lybie. Même si elle n’a plus les moyens de ses ambitions, la bourgeoisie française n’est pas disposée à renoncer de son plein gré à ses positions en Afrique. La politique de la France au Mali, les relations entretenues avec le président F. Ouattara de Côte d’Ivoire, la réunion à Malte du sommet 5+5 qui a créé une force de police commune pour lutter contre l’immigration clandestine dans les pays européens, l’organisation à Kinshasa du sommet de la francophonie montrent l’importance que l’impérialisme français continue d’accorder à sa présence en Afrique et le mensonge que représente la proclamation par le candidat socialiste de la fin de la Françafrique.

Comme toujours depuis 1914, le Parti socialiste reste un défenseur déterminé des intérêts impérialistes de la bourgeoisie française.

6. 

Cette défense déterminée des intérêts bourgeois, on la retrouve évidemment dans la politique menée par le gouvernement socialiste pour faire passer les attaques toujours plus violentes contre le niveau de vie de la classe ouvrière imposées par l’impasse dans laquelle se trouve le capitalisme. Plusieurs méthodes sont utilisées à cet effet.

La première méthode est le mensonge pur et simple. Ainsi, on donne l’illusion à chaque travailleur que si, individuellement, son revenu diminue, ce n’est pas vrai pour les autres exploités et qu’il est donc vain d’en attendre une mobilisation. De même, à l’encontre de la propagande sur le soutien de la croissance économique par le gouvernement, ce dernier est en train de retarder ou d’annuler une série de grands travaux prévus dans le ferroviaire et le fluvial. De même aussi, derrière la propagande gouvernementale affirmant que l’augmentation des impôts ne frappera que les riches, il y a la réalité d’une augmentation qui frappera même des revenus inférieurs de 16 % à celui du salarié qui gagne le SMIC à plein temps. Dans le même sens, l’agitation très médiatisée du ministre du Redressement Productif A. Montebourg est faite pour donner l’illusion que le gouvernement agit pour sauver usines et emplois alors que les fermetures d’usines se succèdent et que le chômage augmente à une vitesse record.

Ce règne général du mensonge éhonté a pour but de donner un peu plus d’efficacité à l’utilisation que la bourgeoisie française a faite de la victoire du candidat de “gauche” : gagner du temps par rapport aux probables expressions de combativité du prolétariat en France.

Le PS au pouvoir utilise une arme plus redoutable encore que le mensonge ouvert ; il s’agit, de façon pernicieuse, de renforcer les handicaps que rencontre la classe ouvrière dans le développement de sa conscience. Dans la mesure où les grandes masses ouvrières ne sont pas encore parvenues à comprendre la nécessité et, surtout, la possibilité d’une autre société, toute la propagande gouvernementale martelant que la seule possibilité est dans la mise en œuvre d’une ­“rigueur” de manière juste, c’est-à-dire en favorisant les “pauvres” au détriment des “riches” vise à répandre un rideau de fumée devant la réalité des attaques capitalistes et aussi à renforcer l’idée que vouloir en finir avec le capitalisme et instaurer le communisme est un rêve chimérique.

7. 

Si les expressions de combativité se sont caractérisées, comme dans les autre pays, par un éparpillement des luttes, la violence des attaques contre le niveau de vie de la classe ouvrière que provoque la crise économique va pousser les ouvriers vers des expressions de combativité d’une ampleur croissante. Ceci est vrai pour la classe ouvrière de tous les pays et c’est aussi, et surtout, vrai pour la France, car justement, la classe ouvrière de ce pays a une tradition de mobilisations massives.

Cette tradition explique pourquoi, contrairement à des pays comme l’Espagne et le Royaume-Uni, des mouvements analogues à celui des Indignés ou d’Occupy Wall Street n’ont pas réellement eu lieu en France. La cause réside dans le fait que, contrairement aux autres pays, la combativité de la classe ouvrière de ce pays s’était déjà concrétisée par des mobilisations massives comme la lutte contre le CPE en 2006 et, plus récemment, contre la réforme des retraites. De ce fait, le besoin de tels mouvements pour exprimer son mécontentement était moins ressenti au sein de la classe ouvrière ce qui veut dire que l’absence de mouvement analogue à celui des Indignés en France ne signifie pas que la classe ouvrière de ce pays aurait un retard particulier par rapport à celle des autres pays développés tant au plan de sa combativité que de sa prise de conscience. En particulier, les éléments de cette prise de conscience qu’on a pu observer au sein des jeunes générations de la classe ouvrière lors de la lutte contre le CPE en 2006 étaient très similaires à ceux qu’on a pu constater dans le mouvement des Indignés en 2011, par exemple en Espagne, sachant que l’aggravation considérable de la crise entre ces deux dates ne pouvait que renforcer la compréhension de l’impasse politique dans laquelle s’enfonce le capitalisme.

Malgré les gros handicaps qui entravent la classe ouvrière (perte de son identité de classe et absence de perspectives) autant en France que dans les autres pays, la vitesse avec laquelle la dégradation des conditions de vie va se poursuivre va pousser les exploités à tenter d’exprimer leur combativité comme on le voit en ce moment avec les manifestations massives qui ont lieu au Portugal, en Espagne et en Grèce. Même si l’habillage idéologique avec lequel la bourgeoisie tente de faire passer ces attaques va retarder et rendre plus difficiles l’explosion de luttes, il n’est pas suffisant pour l’empêcher.

Par ailleurs, comme nous l’avons vu en France et dans les autres pays, depuis quelques années, l’aggravation de la crise et les difficultés de la classe ouvrière ne peuvent que pousser des minorités à se rassembler soit pour impulser la lutte, soit pour tenter de comprendre les enjeux de la période. Le phénomène d’apparition de ces minorités, même s’il est peu visible est important car il est une manifestation du fait que la classe ouvrière garde toutes ses potentialités ; ces minorités seront un des moteurs pour le déclenchement des luttes à venir et leur développement.

8. 

à l’image de l’ancien ministre A. Madelin qui proclame que “le pays est au bord de la rupture sociale”, les médias spécialisés sur les questions économiques ne laissent pas de doute sur le fait que la bourgeoisie a bien conscience tant de la poursuite de l’aggravation de la crise que de la probabilité de mouvement sociaux importants qu’elle qualifie déjà de “chaos social”.

Pour faire face à ce risque, la bourgeoisie compte principalement sur les syndicats comme elle l’a fait en 2010 lors de la réforme des retraites pour laquelle Sarkozy avait donné la gestion de l’encadrement de la lutte à l’intersyndicale et, au premier chef, à la CGT. C’est d’ailleurs en bonne partie pour tenter de renouveler la crédibilité des syndicats face au questionnement qui existe sur le thème “comment lutter” qu’un changement de leurs dirigeants est en cours.

A l’image de ce qui se passe dans les autres pays européens, les manœuvres syndicales se développent ou vont se développer dans deux directions. D’abord en polarisant l’attention, main dans la main avec le gouvernement, sur des attaques particulières très médiatisées comme la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois ou celle de l’aciérie de Florange. Cela permet de développer au maximum l’idée que le problème n’est pas celui de la classe ouvrière en général mais des ouvriers de telle ou telle usine et, en stigmatisant tel ou tel patron, d’empêcher de comprendre que c’est le capitalisme qui est en cause. Le deuxième axe que les syndicats préparent est celui de journées d’action qui auront, pour le moment, la fonction, de défouler le mécontentement, tout en cherchant à démontrer qu’il est inefficace de vouloir une extension de la lutte au-delà de l’entreprise. Enfin, on ne peut pas avoir de doute qu’à un moment où le mécontentement et l’envie de se battre deviendront plus grands au sein d’une partie de la classe ouvrière, la violence minoritaire et stérile sera aussi utilisée pour renforcer l’idée de l’inutilité de la lutte.

9. 

Alors qu’il existe une réelle réflexion chez une minorité significative d’ouvriers sur les perspectives, la bourgeoisie a besoin d’un relais politique à l’action des syndicats. Les élections présidentielles lui ont permis la mise en avant du leader du Front de gauche J.-L. Mélenchon du fait de ses capacités tribunitiennes, et aussi du soutien de l’appareil du PCF. La bourgeoisie a bien compris que, pour garder sa crédibilité, le Front de gauche ne devait pas entrer dans le gouvernement socialiste, même si cela a fait grincer les dents d’un certain nombre de caciques du PCF qui étaient habitués aux bénéfices que permet d’obtenir le fait d’être dans l’équipe dirigeante d’un parti de gouvernement. Le rôle de relais politique des syndicats s’appuie aussi sur l’idéologie nationaliste que la bourgeoisie, de manière unanime, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, développe pour empêcher que la classe ouvrière ne parvienne à réfléchir à la seule perspective possible, c’est-à-dire au renversement du capitalisme à l’échelle mondiale et à la nécessaire solidarité des prolétaires de tous les pays.

Les groupes trotskistes n’ont joué qu’un faible rôle dans un passé récent pour les raisons suivantes :

– ils ont eu une attitude très suiviste à l’égard des grands syndicats lors du mouvement contre les réformes des retraites ;

– la bourgeoisie a mis Mélenchon sous les feux des médias pendant les élections présidentielles, ce qui a mis au second plan les candidats trotskistes qui, d’ailleurs manquaient d’envergure.

Cela ne veut pas dire que ces organisations ne seront pas amenées à jouer un rôle important dans l’avenir. Le slogan de la campagne de la candidate de Lutte ouvrière “Nathalie Arthaud, une candidate communiste à l’élection présidentielle” est significatif à cet égard : il s’agit de prendre date pour le moment où un nombre significatif d’ouvriers comprendront que la seule perspective est le communisme ; à ce moment-là, l’organisation Lutte ouvrière fera ce qu’elle a toujours fait : dévoyer et discréditer le communisme en le faisant passer pour le capitalisme d’Etat.

10. 

Des mobilisations massives de la classe ouvrière sont probables, en France comme dans les autres pays, dans les années à venir. A l’image de ce que le CCI a fait par rapport aux révoltes arabes, et au mouvement des “Indignés” et des “OWS”, les révolutionnaires auront comme responsabilités :

– de comprendre le sens de ces mouvements ;

– de montrer comment ils font partie et annoncent les mouvements par lesquels le prolétariat retrouvera son identité de classe ;

– de dénoncer toutes les manœuvres des forces de la bourgeoisie pour en bloquer ou dévoyer le développement ;

– de défendre au sein de la classe ouvrière les voies par lesquelles ces mouvements pourront se développer.

Enfin, il appartiendra aux révolutionnaires de mettre à profit les interrogations de plus en plus répandues que ces mouvements feront surgir parmi les travailleurs, les chômeurs, les étudiants-futurs chômeurs ou exploités pour mettre clairement en avant la seule perspective “réaliste” face à l’effondrement de l’économie capitaliste et à la barbarie croissante qu’il provoque : le renversement de ce système par la classe exploitée dont les luttes présentes ne constituent que les préparatifs.

RI (9 décembre)

 

(Le Monde, 6 février 2012.

() Martin Hirsch à l’adresse http ://www.expression-publique.com/interview_reaction.php ?type=iv&id=33

 

 

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