Au Canada, la classe ouvrière se confronte au sabotage syndical

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Nous publions ci-dessous la traduction de larges extraits d’un article réalisé par Internationalism US, organe de presse du CCI aux Etats-Unis.

En revenant sur différentes grèves qui ont frappé le Canada ces deux dernières années, ce texte révèle l’ampleur de la colère qui gronde aussi dans ce coin de la planète, là où pourtant, nous dit-on, le capitalisme est “incroyablement dynamique et relativement épargné par la crise grâce aux réformes structurelles déjà réalisées et donc aux sacrifices consentis”.

En Europe, de ces luttes, rien n’a filtré médiatiquement, le black-out a été total. Tout au plus avons nous eu, à partir de la fin mai, des bribes d’informations sur le “printemps d’érable”, ce mouvement de contestation des étudiants vivant au Québec et s’inspirant des Indignés et des Occupy, alors même que les jeunes se battaient déjà depuis plusieurs mois.

Le premier élément frappant à la lecture des lignes rédigées par nos camarades est la similitude des racines profondes de la contestation qui se développe progressivement à travers le monde, de part et d’autres des continents : ce mécontentement grandissant face à la dégradation continue de nos conditions de vie et de travail et ce refus d’un avenir toujours plus sombre.

Le second élément est le sabotage permanent et pernicieux de tous ceux qui sont estampillés officiellement “professionnels de la lutte” : les syndicats.

A partir de l’été 2011, avec des tensions à Air Canada, la grève puis le lock-out dans les postes, le Canada a connu une série d’actions sur les lieux de travail qui ont touché nombre d’industries centrales au niveau national, provincial et local. De plus, bien que le mouvement Occupy ait été beaucoup moins spectaculaire au Canada qu’ailleurs, les étudiants au Québec se sont engagés dans une lutte déterminée et prolongée contre les plans du gouvernement provincial, couvert de dettes, d’augmenter les droits d’inscription à l’université, arrêtant la circulation dans Montréal à plusieurs reprises et contraignant l’appareil répressif de l’État du Québec à montrer les dents une fois de plus.

La grève des postes canadiennes et le lock-out (juin 2011)

Juste un mois après que les conservateurs aient acquis la majorité gouvernementale, des tensions ouvrières éclatent à la Poste sous la forme d’une série de grèves tournantes dans tout le pays. En colère à cause de l’intransigeance de la direction dans les négociations contractuelles, préoccupés pour leur retraite, et par la détérioration de leurs conditions de vie et de sécurité, la combativité grandit chez les postiers, obligeant le Syndicat canadien des ouvriers de la poste (CUPW) à déclencher des grèves tournantes début juin 2011. Les postiers canadiens sont traditionnellement un des secteurs les plus combatifs du pays, obligeant régulièrement les syndicats à suivre une ligne apparemment plus radicale.

Après douze jours de grèves tournantes dans différentes villes du pays, la Poste canadienne riposte en “lock-outant” l’ensemble des 48 000 ouvriers syndiqués à la mi-juin, arrêtant complètement la distribution du courrier dans tout le pays. Incapables d’ignorer cet événement, les medias bourgeois initient à toute vitesse une grande discussion sur “l’obsolescence technologique” de la Poste et les medias plus à gauche sur le besoin de “protéger le service public vital”. Les medias versent des larmes de crocodile sur les citoyens âgés qui ne vont pas pouvoir payer leurs factures à temps, alors qu’ils n’expriment que fort peu de sympathie pour les travailleurs de la poste “surpayés” dont les services ne sont plus aussi essentiels qu’avant pour l’économie nationale. “Pourquoi les contribuables devraient-t-ils payer pour les postiers quand le même travail peut être fait par des compagnies privées pour beaucoup moins?” est une question qui revient fréquemment dans les débats et sur les forums Internet.

La direction de la Poste canadienne assure que le lock-out est nécessaire parce que les grèves tournantes affectent le volume de courrier et entraînent déjà une perte de 103 millions de dollars. Comment le lock-out et l’arrêt complet de la distribution de courrier sont-ils supposés y remédier ? Mystère. Dès que le lock-out est annoncé, le gouvernement conservateur commence à faire grand bruit d’une loi à soumettre au parlement sur la reprise du travail – la même tactique qu’il avait adoptée en réponse aux grèves simultanées des agents du service clientèle d’Air Canada (voir plus bas). En fait, la direction de la Poste canadienne a en tête l’intervention du gouvernement fédéral quand elle annonce le lock-out. Sa tactique est claire : lock-outer les travailleurs, créer une “crise nationale” et attendre que le gouvernement fédéral intervienne en faveur de la direction et sorte ainsi le pays de l’impasse.

Et c’est finalement exactement ce que fait le gouvernement fédéral, en imposant aux postiers de reprendre le travail dans des conditions moins favorables que celles proposées précédemment par la direction ! Selon le ministre du travail conservateur, Lisa Raitt, la législation est nécessaire pour “protéger le redressement économique du Canada”. Cela déclenche une véritable campagne à gauche contre la loi sur le retour au travail, plusieurs députés NDP tentant de “toutes leurs forces” d’empêcher la loi de passer au parlement en agitant la menace de… l’obstruction parlementaire dans le style américain. Les experts supposés favorables aux postiers pleurent sur la dégradation de la “démocratie canadienne” et sur le fait que la négociation collective est sapée. Selon eux, à partir de maintenant, les employeurs ne seront plus motivés pour négocier de bonne foi, et attendront que le gouvernement se mette finalement de leur côté. Le futur leader du NDP, Thomas Mulcair, fait part de sa réflexion : “c’est le gouvernement lui-même, à travers une corporation de la Couronne, qui a provoqué le lock-out imposé par les employeurs. Le même gouvernement change maintenant d’avis et critique une situation qu’il a créée lui-même” ([1]).

Finalement, le NDP et le CUPW s’avèrent évidemment impuissants à empêcher la promulgation de la loi sur le retour au travail. Quelles qu’aient été leurs démonstrations théâtrales au parlement, ils ne peuvent pas empêcher le gouvernement conservateur de faire ce qu’il veut. Mobilisés derrière les syndicats et le NDP, les postiers n’ont aucune idée de comment résister à ce que le gouvernement leur impose.

Tensions à Air Canada (printemps 2011-printemps 2012)

Au cours de l’année passée, Air Canada est la seconde grande entreprise nationale frappée par des tensions sociales. Alors que les grèves tournantes à la Poste canadienne entrent dans leur seconde semaine à la mi-juin 2011, les agents du service clientèle de la compagnie aérienne nationale entrent en grève, exaspérés par la politique de la compagnie en matière de retraite qui conduirait à passer d’une pension fixe à un taux variable.

La grève des agents du service clientèle est la première d’une série de luttes qui vont frapper Air Canada tout au long de l’année

Afin de “maintenir en vie la compagnie”, les organisations syndicales acceptent les diminutions de salaires, la modification des règles de travail et un certain nombre de licenciements. La lutte des agents du service clientèle est d’autant plus dure que leurs syndicats acceptent une diminution de 10 % du salaire, l’abandon d’une semaine de congés, du paiement des pauses déjeuners et des congés maladie. En vérité, depuis le début des années 2000, les conditions de travail se dégradent de façon constante au sein de cette compagnie. En 2004 et 2005, le syndicat accepte une diminution supplémentaire de 2,5 % des salaires. Bien qu’on note une modeste amélioration de 2006 à 2008, dès 2009 Air Canada menace déjà d’une nouvelle restructuration qui s’accompagne d’un gel des salaires pour 2009 et 2010. Le projet de la compagnie de lancer une nouvelle ligne “low cost” est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour beaucoup de travailleurs qui voient dans ce projet un moyen de faire chuter leurs salaires.

Le 14 juin 2011, incapables de trouver un accord avec la direction, quelques 3800 agents du service clientèle d’Air Canada arrêtent le travail. En réponse, le gouvernement Harper ne tarde pas à menacer de promulguer une loi sur la reprise du travail. Face à la menace d’une loi sur le retour au travail, la “Canadian Auto Worker’s Union (CAW)”, le syndicat représentant les agents du service clientèle, met rapidement fin à la grève, au bout de trois jours seulement, acceptant un arbitrage exécutoire sur les questions les plus litigieuses.

Cependant, la fin de la grève des agents du service clientèle est loin de ramener la paix sociale à Air Canada. En octobre, les hôtesses de l’air rejettent une tentative d’accord avec la compagnie, pour la seconde fois en trois mois, menaçant de faire une nouvelle grève qui pourrait perturber les vols sur tout le territoire.

Le sentiment en faveur de la grève est fort, obligeant un officiel de la CUPE à concéder que “le rejet de cette seconde tentative d’accord montre à quel point le personnel est mécontent après des années et des années de concessions” ([2]).

Néanmoins, le gouvernement Harper n’est pas enclin à laisser se développer une grève à ce moment là et avertit qu’il va décréter immédiatement la loi sur la reprise du travail. Le ministre du travail Raitt n’attend même pas que le parlement débatte d’une quelconque loi. Il confie l’arbitrage unilatéral du différend au bureau des relations industrielles canadiennes, avec pour conséquence de rendre illégale toute grève des hôtesses de l’air. Tandis que les universitaires déplorent les entraves des conservateurs à la négociation collective – supposée faire partie intégrante du fonctionnement sain d’une “société démocratique” – les responsables du CUPE insistent auprès de leurs membres sur le fait que toute action de grève serait illégale. Dans une note adressée à ses 6800 membres, la CUPE écrit : “notre grève est suspendue pour une durée indéterminée. Donc, le syndicat vous avertit que vous ne pouvez pas faire grève”. Cependant, afin de conserver la confiance des travailleurs, les négociateurs de la CUPE s’en sont pris au gouvernement Harper. Dans une note séparée, ils écrivent : “Appelons un chat un chat. Ce gouvernement n’est pas notre ami. Il essaie de vous enlever le droit de grève. Il utilisera tous les moyens et tous les mensonges à sa disposition” ([3]).

Le cadre est maintenant posé. Les travailleurs déçus par des années de concessions ripostent au gel des négociations contractuelles ou aux tentatives inadaptées d’accord en maintenant une volonté de faire grève ; la direction s’entête, le gouvernement fédéral menace d’intervenir, les syndicats cèdent sur tout, tout en faisant porter la responsabilité au gouvernement des attaques “au droit démocratique à la négociation collective”. L’idée que les travailleurs pourraient faire grève de toute façon – quoique fassent le gouvernement et les syndicats, quelle que soit la légalité de la grève – n’est pas admise par le syndicat, les politiciens de gauche, les universitaires et encore moins par les médias bourgeois.

De plus, ces derniers n’ont jamais toléré l’idée que des travailleurs d’une industrie ou d’un secteur puissent joindre leurs forces à celles de ceux qui subissent les mêmes menaces d’austérité.

Dans le cas des hôtesses de l’air d’Air Canada, cela aurait pu vouloir dire de se joindre aux agents de sécurité qui, pendant qu’elles faisaient grève, avaient déclenché une grève du zèle à l’aéroport Pearson de Toronto, causant des retards importants pendant trois jours au début d’octobre. Personne, au sein de la hiérarchie syndicale, n’aurait-il remarqué la concomitance de ces événements ? Une évidence de plus que le travail des syndicats n’est pas d’étendre la lutte mais d’isoler les travailleurs dans leur propre secteur et dans les barrières du légalisme bourgeois.

Lors de la grève suivante des travailleurs d’Air Canada, les tensions ne peuvent être contenues aussi facilement avec une menace d’intervention gouvernementale. Fin mars 2012, le personnel au sol d’Air Canada déclenche une grève sauvage à l’aéroport Pearson de Toronto. Bien que d’une durée de 12 heures un vendredi matin, la grève sauvage entraîne 84 annulations et le retard de plus de 80 vols. L’agitation gagne rapidement Montréal, Québec, et Vancouver. La grève sauvage des 150 employés au sol à Pearson était une réponse à la décision d’Air Canada de suspendre trois travailleurs qui auraient soi-disant chahuté le ministre Raitt alors qu’elle traversait l’aéroport la veille. L’attachée de presse de Raitt a dit que la ministre avait été suivie dans l’aéroport et “harcelée” par des employés. En réponse à la “grève illégale”, Air Canada licencie 37 employés qui avaient arrêté le travail. Un médiateur indépendant – qui travaillait déjà sur la question du contrat entre Air Canada et ses mécaniciens et pilotes à la demande de Raitt après que le parlement ait adopté la loi interdisant les grèves et lock-out – recommande d’ordonner aux grévistes de reprendre le travail ([4]).

Néanmoins, l’Association internationale des mécaniciens et des travailleurs d’Aerospace (IAMAW) tente de crier victoire en disant qu’ils n’ont accepté d’arrêter le mouvement qu’en recevant l’assurance d’Air Canada que personne ne perdrait son travail et que tous les travailleurs licenciés seraient réintégrés. Le porte parole de l’IAMAW, Bill Trbovich, est cependant obligé d’admettre que son syndicat n’avait pas un contrôle total sur les travailleurs en grève : “nous voudrions que chacun reprenne le travail. Qu’ils veuillent ou non, c’est à voir” ([5]). Pour sa part, Raitt ne manque pas l’occasion de rappeler aux travailleurs qu’ils encourent des amendes allant jusqu’à 1000 dollars par jour pour action illégale.

En réponse à la grève sauvage, les medias déclenchent une véritable attaque, alimentant la colère du public contre Air Canada et ses employés. Les appels à mettre fin aux subventions gouvernementales à Air Canada et faire jouer la concurrence privée envahissent les débats télévisés et les blogs. Il y a une réelle campagne pour s’assurer que le public en ait assez des arrêts de travail sur les lignes nationales. Cependant, la gauche de la bourgeoisie élève aussi la voix, le ministre des affaires intérieures de Terre-Neuve et du Labrador, Gerry Rogers – dont le vol a été retardé sur le tarmac à l’aéroport Pearson – soutient publiquement les travailleurs. Il dit : “nous ne pouvons pas continuer à avoir un gouvernement qui intervienne de cette façon et casse les syndicats. Cela concerne les droits des travailleurs et je soutiens entièrement leur action. Si je dois attendre dans cet aéroport pendant 10 heures pour avoir mes bagages, qu’il en soit ainsi” ([6]).

Un sentiment commence à clairement émerger dans quelques fractions de la classe dominante canadienne : le gouvernement fédéral va peut être trop loin et trop souvent, avec le risque de provoquer une réponse ouvrière que les syndicats ne seront plus capables de contrôler. Bien que n’ayant duré que quelques heures, la grève sauvage des personnels au sol d’Air Canada est une claire expression du développement de la combativité et de la volonté de résister, et de l’émergence d’un sentiment croissant d’éloignement des structures mises en place pour contrôler la lutte de classe.

L’exemple du personnel au sol d’Air Canada est rapidement suivi par les pilotes qui déclenchent ce que les média appellent une “grève illégale” mi-avril. Les négociations autour de leur contrat avec la compagnie étaient déjà soumises à la décision parlementaire d’arbitrage exécutoire, qui empêchait grève et lock-out, mais les pilotes décident d’un vendredi “de congé de maladie” qui conduit à annuler quelques 75 vols dans le pays, entraînant des retards pendant tout le week-end. Air Canada obtient rapidement que l’arbitrage adopte une décision qui oblige les pilotes à reprendre le travail, mais le sentiment, chez les pilotes, de s’être vraiment fait avoir à failli les amener à la confrontation avec leurs syndicats. Le président Paul Strachan de l’Association des Pilotes d’Air Canada (ACPA) est obligé d’admettre que la colère grandit chez ses membres quand il fait la déclaration suivante : “nous avons tous besoin d’être réellement conscients du risque que les pilotes, à un certain moment, se sentent si attaqués et sans aide, se déchaînent et que cette organisation ne puisse même plus contrôler le déroulement des événements” ([7]).

Le mieux que puisse faire l’ACPA est d’assurer à ses membres qu’elle combat la loi qui implique l’arbitrage des tribunaux, mais tant que c’est en cours, comme cela prend beaucoup de temps par les canaux légaux, aucune grève n’est possible. Dans un mémo adressé à ses membres, l’ACPA dit : “c’est notre devoir d’avertir tous les pilotes que le droit de grève de l’ACPA et le droit d’Air Canada de lock-outer ses employés sont suspendus jusqu’à ce qu’à ce qu’un nouvel accord prenne effet (…). Jusqu’à ce que la loi soit annulée, nous devons tous faire avec çà”. Le légalisme bourgeois triomphe encore ! Selon le syndicat, il ne peut y avoir de grève sans la permission de l’État !

Le gouvernement Harper a eu la main lourde avec la classe ouvrière, mais les syndicats ont été de toute évidence ceux qui ont renforcé la loi anti-grève.

Au cours de l’année dernière, Air Canada a été une référence pour les conflits du travail dans tout le pays ([8]). Pour la plupart, ceux-ci sont restés dans le giron syndical, car les travailleurs ont succombé à la pression de leurs syndicats pour qu’ils respectent les différentes lois anti-grèves adoptées par le parlement.

Henk, 23 mai



[1]) City-TV “Ottawa tables bill to end Canada Post lock-out”, http ://www.citytv.com.toronto/citynews/news/article/138095-ottawa-tables-bill-t...

 

[2]) Brent Jang, “Air Canada strike called off after Ottawa intervenes”,

http ://www.theglobeans mail.com/globe-investor/air-canada-strike-called-off_after-ottawa-intervenes/article298544

 

[3]) Idem.

 

[4]) CBC, Air Canada strike effects felt into weekend: Pearson ground crews in Toronto held wildcat strike that disrupted thousands” at http ://www.cbc.ca/news/canada/story/2012/03/23/air-canada-wildcat.html

 

[5]) National Post Staff, “Air Canada ground crew sent back to work after wildcat strike causes flight chaos.” at http ://www.google.com/search ?q=Air+Canada+crews+sent+back+to+work&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla :en-US :unofficial&client=firefox-a

 

[6]) CBC, op.cit.

 

[7]) Thomson-Reuters, “Update 5-Air Canada back to normal Sat. after pilots strike.“ http ://www.reuters.com/article/2012/04/14/aircanada-pilots-idUSL2E8FD36K20120414

 

[8]) Naturellement, une occasion importante de lier les luttes à Air Canada avec celles d’American Airlines a été manquée. Ces dernières faisaient face à de lourdes diminutions de salaires et à des licenciements à cause de la banqueroute de la compagnie. La difficulté d’unir les luttes des ouvriers de ces deux compagnies aériennes est encore plus grande du fait du black-out aux États-Unis sur tout ce qui se passe au Canada.

 

 

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Lutte de classe